Jeanne
de Montbaston, née vers 1330, était l’épouse d’un certain Richard, « libraire »
assermenté de son état, installé rue Neuve à Paris et qui publia notamment le Roman
de la Rose à la fin du XIVe siècle.
Ce poème, réflexion allégorique sur l'amour, est également un tantinet misogyne.
Un
court passage pour illustrer cette affirmation : « Ceux qui n'écrivent pas
avec leurs « outils » (…) sur ces belles et précieuses tablettes que la
nature a fabriquées pour eux (…) devraient subir la perte de leur pénis et de
leurs testicules. » On comprend que l’acte masculin d’écrire est comparé à
l’acte de pénétration et que les femmes, telles des pages vierges, sont de
beaux objets dont il convient de tirer parti puisqu’ainsi le veut la
nature.
L’illustration ci-dessous, trouvée au feuillet 137 verso du manuscrit du Roman réalisé de 1351 à 1375, est assez explicite.
C’est donc avec quelques raisons que ce texte fit l’objet d’une attaque en règle par la brillante autrice médiévale Christine de Pizan, même s’il serait anachronique de parler de réponse « féministe ». Encore que, lorsque l’on lit : « Si la coustume estoit de mettre les petites filles a l'escole, et que communément on les fist apprendre les sciences comme on fait aux filz, qu'elles apprendroient aussi parfaitement et entenderoient les subtilités de toutes les arz et sciences comme ils font. » S’il ne s’agit pas de féminisme, c’est assez bien imité…
Mais revenons à Jeanne.
Ayant prêté serment en 1353 en tant que « illuminatrix
et libraria », elle réalisa les illustrations d'un assez
grand nombre de manuscrits, y compris des dizaines d'exemplaires du Roman de
la rose.
On
s’est même interrogé sur le point de savoir si Jeanne n’aurait pas été la seule
illustratrice du couple puisque Richard n’était que « libraire », quoique
propriétaire de l’atelier.
Il paraît établi, en outre, que Jeanne dirigea l’atelier après la mort de son mari. Il fallait donc qu’elle soit assez instruite et lise le latin.
Un des manuscrits du Roman considéré comme ayant été illuminé par Jeanne et conservé à la BNF, comporte la représentation des conditions dans lesquelles travaillaient les copistes : on y voit un homme et une femme à l’œuvre dans le scriptorium et quelques bifeuillets (un bifeuillet plié = deux feuillets de manuscrit) peints, en train de sécher.
Question : si Richard avait été l’illustrateur « en chef », aurait-il dessiné sa compagne sur le même plan que lui, assise sur un siège plus orné que le sien ? Je ne saurais répondre mais, en tout état de cause, les deux copistes sont au moins dans une position équivalente.
Ce manuscrit est un petit bijou documentaire sur la vie quotidienne vers 1301/1325.
On y trouve de nombreuses représentations de la vie paysanne :
Des scènes de la vie quotidienne :
De très nombreuses représentations d’animaux divers :
Des scènes de tournoi et de guerre, visiblement contre l’ennemi « héréditaire », comme on le voit plus bas : fleurs de lys contre lion.
Des scènes religieuses :
Des personnages et animaux chimériques :
Enfin,
on y découvre une description assez originale de la vie monacale
Bref, comme l’indique le titre de l’ouvrage : « Cest le romant de la Rose » …
Jeanne,
vous avez dû vous amuser !
*
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