Les
artistes médiévaux du IXe au XIIe siècle ont conscience de leur valeur et, en
dépit de l’humilité que l’état monastique leur impose, ils sont nombreux à
inscrire leur nom dans l’excipit, à la fin du manuscrit qu’ils ont copié ou
illustré. Dès lors qu’ils se désignent eux-mêmes avec fierté, ils affirment
qu’ils sont, au moins en partie, les créateurs de l’œuvre et non de simples
exécutants.
Pour être plus explicites encore, nombreux sont ceux qui se représentent eux-mêmes sur la page de dédicace, en contrebas du nom du commanditaire. Les femmes ne sont pas absentes de ces travaux car beaucoup de monastères féminins du Moyen Âge possédaient un scriptorium, c’est-à-dire un atelier où étaient conçus ou copiés les manuscrits, par les religieuses.
C’est ainsi que, dans les pages de deux manuscrits, l’un conservé à Francfort, l’autre au Walters Art Muséum de Baltimore, deux femmes ont attesté leur participation à la confection d’un ouvrage, sous forme de lettrines accompagnées de leurs noms et de leurs silhouettes.
- La première, Guda, est religieuse dans un monastère du Rhin moyen où elle exerce ses talents de copiste et d’enlumineuse. Elle illustre en particulier l’homéliaire dit de Saint-Barthélemy, au milieu du XIIe siècle.
Elle
se représente à l’intérieur d’une lettrine introduisant le chapitre sur la fête
de la Pentecôte.
En
habit de religieuse, la main droite levée en signe de témoignage, elle tient fermement
un rinceau dans lequel est écrit : « Guda, peccatrix mulier, scripsit
et pinxit hunc librum » (Guda, pécheresse, a écrit et enluminé ce
livre) et paraît regarder le lecteur. Outre cette image, qui authentifie la
signature, le livre contient sept lettrines ornées de sa main, initiales de
textes dévolus aux fêtes principales.
- La seconde, Claricia, a participé à la réalisation du psautier dit « de Augsbourg », paru vers 1175.
Son corps forme le jambage de l’initiale Q au début du psaume Quid gloriaris in malicia qui potens es in iniquitate (Psaume 52 :3), ses mains soutiennent l'œil de la lettre et son prénom encadre son visage, légèrement penché. Son regard est tourné de côté, peut-être pour inciter le lecteur à déchiffrer sa signature.
Le psautier est l'œuvre de plusieurs religieuses bénédictines mais l’attitude de Claricia, ses longs cheveux tressés et sa robe claire à larges manches laissent supposer qu'elle était élève ou pensionnaire laïque au monastère plutôt que religieuse.
Une
signature et un visage, c’est une affirmation de soi.
En
quelque sorte, les premiers autoportraits féminins de l’histoire de l’art
occidental !
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