Dame
Ende (qui était probablement « sœur Ende ») est considérée par les
spécialistes comme la première miniaturiste dont le nom est connu en
Europe grâce à l’inscription qui apparaît dans le Beatus de Gérone
(970-975) : « En
depintrix et Dei aiutrix. Frater Emeterius et presbiter » (En ou Ende peintre avec l’aide de Dieu.
Frère Emeterius et prêtre). Le Beatus de Gérone est actuellement conservé dans
le trésor de la cathédrale Sainte-Marie de Gérone.
Le texte du Beatus identifie donc Ende, comme peintre des miniatures du manuscrit, en compagnie ou sous la direction du frère Emeterius.
Bien que la documentation sur le contexte de production soit très éparse, il semble que le Beatus ait été élaboré au monastère bénédictin de Tabara, dans le royaume de Leon. A cette époque, l’Espagne était isolée du reste de l’Europe par l’occupation musulmane (depuis 711). Les campagnes de reconquêtes, menées par Alphonse III des Asturies (848-910) lui permirent d'occuper tout le territoire actuel de la province de Leon qui devint la nouvelle capitale du royaume. Ces nouvelles possessions, dépeuplées, firent l'objet d'une reconquête religieuse, notamment confiée à plusieurs monastères. Les scribes et enlumineurs de ces établissements monastiques ont contribué à créer un nouveau style de peinture de manuscrit qui s’est prolongé jusqu'au début du XIIe siècle.
La peinture léonaise privilégie les miniatures en pleine page, voire sur une double page. Elle utilise très fréquemment des couleurs très vives en grands aplats, un usage qui provient des enluminures mérovingiennes et carolingiennes.
La représentation humaine devint un élément central de ces enluminures, sans recherche de réalisme. Le dessin est plat, sans épaisseur ni ombre, tracé au trait et souligné de couleurs vives.
Plusieurs auteurs de ces manuscrits et leur lieu de création sont connus grâce à la présence fréquente d’un colophon, c’est-à-dire une note placée en fin de manuscrit pour donner des indications sur le titre, l’auteur et, parfois, sur le copiste et la date de l’œuvre. Souvent, le scribe est aussi l’auteur des miniatures. Le colophon du Beatus de Gérone indique que le manuscrit a été achevé le 6 juillet 975.
Il est toujours possible qu'un des auteurs soit une femme, issue d’un monastère double, la règle de saint Benoit permettant l’existence de monastères où moines et moniales partageaient le même monastère, dans des enclos séparés mais placés sous l’autorité d’un même abbé ou d’une même abbesse.
Parfois, les auteurs eux-mêmes sont représentés dans l’une des miniatures du manuscrit. C’est le cas du Beatus de Tabara dans lequel est représenté le scriptorium au sein d’une tour : on y voit l’enlumineur et le scribe accompagnés d’un assistant.
L’exemple
de cette miniaturiste atteste que, dès le haut Moyen Âge, des femmes ont exercé
une activité culturelle et artistique, et, en particulier, copièrent des
manuscrits et réalisèrent des enluminures.
Ces femmes, religieuses ou laïques, dont le mode de vie était marqué par la piété et la vie spirituelle connaissaient le latin, selon toute vraisemblance. Grâce aux bibliothèques des couvents, elles s’initièrent aux textes antiques et à la théologie. Elles y trouvèrent aussi l’occasion de développer leurs capacités artistiques.
Même
avec « l’aide de Dieu » dans l’accomplissement de sa tâche, le fait
que le nom d’Ende soit cité souligne la valeur qui s’attachait au travail qu’elle
avait accompli.
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