dimanche 15 janvier 2023

Elisabeth Sonrel (1874-1953)

 

Portrait d’une jeune fille en jaune - sans date
Huile sur toile, 54,5 x 73 cm
Collection particulière (vente 2014)

Elisa Marie Stéphanie Adrienne Sonrel est née à Tours le 18 mai 1874. Elle était la fille ainée d’un médecin également peintre amateur. Son oncle, magistrat, devint conseiller à la Cour de Bordeaux. « M. le conseiller GILLET charmait tous ses amis, autant par son amabilité que par ses goûts artistiques : il était aquarelliste de talent. Une de ses plus grandes joies était de voir son ravissant hôtel de la place Foire-le-Roi abriter nos collections. La distinguée aquarelliste Élisabeth Sonrel, née à Tours, était sa nièce. » nous apprend le Bulletin de la société archéologique de Touraine. (1er janvier 1932, p.114)

C’est probablement sa famille qui a commencé l’instruction artistique de la jeune Elisa, dite Elisabeth, avant qu’elle parte à Paris poursuivre sa formation.  L’Ecole des Beaux-Arts étant alors interdite aux femmes, elle s’inscrit à l’Académie Julian en 1891 et suit les cours de Jules Lefebvre, un peintre académique.

 

Jules Lefebvre (1834-1912)
Graziella – 1878
Huile sur toile, 200 x 112,4 cm


Ses premières aquarelles – son medium de prédilection - datent du début des années 1890. Elles annoncent l’atmosphère de son œuvre : personnages éthérés dans des paysages simples, religiosité. Une sensibilité symboliste qui fait immédiatement penser à Henri Martin…


L’hiver – 1890
Aquarelle
Collection particulière
Reproduite dans Jean-David Jumeau-Lafond, catalogue de l’exposition
« Les Peintres de l’âme, le symbolisme idéaliste en France », musée d’Ixelles, 1999


Henri Martin (1860-1943)
Muse pensive au jardin - 1894
Huile sur toile - 65 x 49 cm
Musée Henri-Martin, Cahors


Le Jardin des Vierges – 1892
Aquarelle, encre et peinture dorée sur papier, 30,5 sur 44,1 cm
Collection particulière (vente 2013)

 

Elisabeth apparaît pour la première fois au Salon des artistes français en 1893. Bien que probablement encore à l’académie Julian, elle donne une adresse à Tours et montre une Vierge au lavoir qui reçoit une mention honorable. Je ne l’ai pas retrouvée mais on peut imaginer une inspiration proche de cette autre aquarelle de la même année :

 

L’Adoration des anges - 1893
Aquarelle, encre noire et rehaut de gouache blanche, 96 x 68 cm
Collection particulière (vente 2011)


En 1894, elle expose au Salon une aquarelle intitulée Âmes errantes. Je montre le dessin ci-dessous dont j'ignore la datation mais qui aurait mérité de porter un titre comme celui-ci !

Paysage crépusculaire aux vestales – sans date
Craie noire, lavis, crayon, aquarelle
et rehauts de blanc sur papier chamois - 31 x 49 cm
Collection particulière (vente 2023)


Le Sommeil de la Vierge est présenté à son troisième Salon, celui de 1895. Cette année-là, elle s’est installée à Sceaux, avec ses parents.  La version ci-dessous est vraisemblablement une version d’étude de l’aquarelle du Salon, de dimensions supérieures. (ne pas hésiter à cliquer sur les images pour les agrandir)

 

Le Sommeil de la Vierge - 1894
Aquarelle et rehauts d’or - 33 x 45 cm
Collection particulière (vente 2022)


Bien qu’elle n’ait pas eu l’honneur d’être reproduite dans le catalogue illustré du Salon (où l'on trouve exclusivement des peintures et gravures), le succès de l’œuvre est immédiat : Elisabeth reçoit le « prix Henri Lehmann de l'Académie des Beaux-Arts », décerné tous les trois ans pour récompenser l'excellence académique d'un artiste de moins de vingt-cinq ans. 

Acquise à titre privé par le président Félix Faure, l’œuvre est montrée à l’Exposition décennale des beaux-arts 1899-1900 dont le catalogue donne une illustration sensiblement différente, même si on ne doit pas écarter la possibilité qu’elle ait été reproduite à l’envers…

 

Catalogue officiel illustré de l’Exposition décennale des beaux-arts 1899-1900, p.131

Le Temps du 9 juin 1895 signale dans ses « Lettres au Salon », « une nouvelle venue, Mlle Sonrel, [qui] peint le Sommeil de l’enfant Jésus [sic] dans le style des anciens vitraux et des maîtres du quinzième siècle ; sur un dessin précis et simplifié, sur des contours arrêtés, elle met une couleur fondue. »

L’année suivante, Gustave Haller indique que « Mlle Sonrel, dans un tableau important, présente Le Christ pleuré par les Saintes femmes. Au fond, des anges mêlent leur douleur à celle des humains. » (Le Salon, « Dix ans de peinture, Salon de 1896 », Tome 1, p.247)

 

On dispose encore des deux œuvres présentées par Elisabeth au Salon de 1897. Elles apparaissent aussi dans une photographie :

 

Photographe anonyme
Élisabeth Sonrel posant devant Les Rameaux et Le Cortège de Flore – vers 1897/1900
Collection particulière

La première est une aquarelle, actuellement conservée au musée de Mulhouse, Le Cortège de Flore. Plus encore que dans ses œuvres précédentes, on décèle l’influence de la Renaissance italienne qu’elle aurait découverte lors d’un voyage à Rome et à Florence, en compagnie de son amie Jeanne Fourcade-Cancellé, elle-même céramiste et qui aurait pu, selon certaines sources contemporaines, avoir régulièrement servi de modèle à Elisabeth. Elles ont aussi exposé ensemble, dans les années 20.

 

Le Cortège de Flore – 1897
Aquarelle, 103 x 188 cm
Musée des Beaux-Arts de Mulhouse
© Photo : Musée des Beaux-Arts de Mulhouse 

« Le Cortège de Flore par Mlle Sonrel est une gracieuse composition, ornée de décors d’une fraîcheur exceptionnelle : tout un charmant cortège aux couleurs vives et brillantes accompagne Flore, richement parée, dans une campagne verdoyante ; cette aquarelle fait honneur à l’imagination de l’artiste et au talent du peintre. » (Eugène Hoffmann, Journal des artistes, 13 juin 1897, p.1899)

 

La seconde œuvre montrée au Salon est une huile, Les Rameaux, qui est reproduite dans le catalogue illustré (p.44).

 

Les Rameaux - 1897
Huile sur toile - 55 x 105 cm
Collection particulière


L’Ashmolean Museum d’Oxford, a récemment acquis une version à l’aquarelle de cette œuvre qui représente probablement une mère et sa fille participant à la procession des Rameaux, dans une tenue évoquant la Renaissance dans les pays d’Europe du nord, comme on peut en voir sur le dessin d’Holbein le Jeune, ci-dessous. Une représentation féminine rassurante et pieuse…

 

Les Rameaux - 1897
Aquarelle et mine de plomb sur papier vergé, 55 x 93,5 cm
Ashmolean Museum, Oxford
© Photo : Ashmolean Museum, University of Oxford

 

Hans Holbein le Jeune (vers 1497-1543)
Figure d’une jeune femme anglaise - 1532/1543
Encre brune avec lavis d'aquarelle sur papier vergé, feuille 16 x 9,2 cm
Asmolean Museum, Oxford
© Photo : Ashmolean Museum, University of Oxford


En 1898, Elisabeth participe à l’Exposition organisée par l’Union des femmes peintres et sculpteurs (UFPS), dont Virginie Demont-Breton est alors présidente (voir sa notice). Elle y présente au moins trois aquarelles qui retiennent l’attention de la critique :

Paul Dupray, dans le Journal des Artistes, évoque « une dame rousse de Mlle Sorel en distinguée posture de buveuse de thé » (13 mars 1898, p.2211).

« Mentionnons d'une façon spéciale les aquarelles de Mlle Elisabeth Sonrel qui paraissent de véritables tableaux. Je ne sais ce qu'il faut préférer de La Vierge consolée, heureux pastiche Botticellien avec une fine expression des têtes et des regards, ou de ce Pensionnat en 1830, cette échappée de fillettes à la promenade, cueillant l'iris et la jonquille dans les prairies vertes, et qui se composent d'une façon si ironiquement attrayante dans leur costume quelque peu démodé. » (Boyer d’Agen, « L’Exposition des femmes peintres et sculpteurs » L’Œuvre d’Art, 15 mars 1898, p.34).

 

La Vierge consolée
L’Œuvre d’Art, 15 mars 1898, p.34



Un pensionnat de jeunes filles
L’Œuvre d’Art, 15 mars 1898, NP après p.40
Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France

« De Mlle Sonrel, nous avons dit déjà, dans cette Revue, les qualités de décorateur ; le motif important qu’elle expose cette fois, la Sainte Vierge consolée, nous permet de mettre en relief ses autres aptitudes, ses dons d’interprète expressive. L’artiste ne réussit pas seulement à créer des harmonies évocatrices au moyen des lignes, elle sait aussi traduire, dans ses multiples nuances, le langage des physionomies et des attitudes. C’est en effet par le naturel de leurs visages et de leurs poses que valent les Anges qui s’empressent, compatissants, auprès de la Sainte Vierge, ou se tiennent en prière, si respectueux, si fervents ; et dans les yeux de la Mère du Sauveur quelle douleur et quelle résignation ! Il n’est pas jusqu’au paysage qui ne soit affectif par son contour et par ses teintes. (Alphonse Germain, « Exposition de l’UFPS », Revue pour jeunes filles, 1er mars 1898, p.164-165)

Une prose un peu trop édifiante ? Mais souvenons-nous à quel point la période est religieuse : les processions, les pèlerinages à Lourdes, les « rangs » de jeunes filles encadrées par des nonnes à cornettes, tout cela a survécu jusque dans les années 1950... 


La même année, Elisabeth présente au Salon L’Offrande à la Vierge, « théorie religieuse aux longs voiles blancs portant le lys mystique d’un grand caractère, très évocatrice et d'une blondeur de ton charmante »,  selon L’Œuvre d’Art du 1er mai 1898 (p.69) ; « une Offrande à la Vierge, prise dans le style du quatorzième siècle et du caractère mystique le plus attrayant, longue procession de nones de tout âge, toutes vêtues de blanc, robes et cornettes, toutes avec une expression de foi d’une rare intensité, œuvre remarquable de tous points », pour Eugène Hoffmann du Journal des Artistes (10 juillet 1898, p.2348)

L’année suivante, elle présente à nouveau deux aquarelles, La petite ramasseuse d’herbes et Les Esprits de l’abîme, reproduite dans L’Œuvre d’Art sans commentaire particulier.

 

Les Esprits de l’Abîme
« Le Salon de peinture chez les artistes français », L’Œuvre d’Art, 1er mai 1899, p.68
Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France

La feuille, ou une autre version, datait probablement d’avant 1895 puisqu’elle figurait, avec une autre intitulée Âmes errantes, dans la vente aux enchères, organisée à la galerie Georges Petit en mars 1896, des collections de feu Alexandre Dumas fils.  La cote d’Elisabeth n’est pas mauvaise puisque Âmes errantes atteint 1.020 F, alors qu’un pastel de Fragonard est vendu à 2000 F et deux pastels de Giuseppe de Nittis, moins de 300 chacun. (Gazette des ventes, 7 mars 1896, p.336)

En 1900, Elisabeth travaille pour la maison Mame, un éditeur de Tours spécialisé dans l’édition religieuse. Elle doit le faire de façon régulière puisque, dans son compte rendu de l’Exposition décennale des beaux-arts 1899-1900, La Revue Mame (revue du même éditeur) l'évoque en ces termes : « Et puis je veux aussi citer les noms sympathiques de nos collaborateurs Alfred Paris, Zier, Élisabeth Sonrel » (Henri Guerlin, « L’exposition de peinture », La Revue Mame, journal hebdomadaire de la famille, 28 octobre 1900, p.67).

Mame était un éditeur connu qui a aussi fait travailler Alfons Mucha. 

C’est probablement au titre de cette « collaboration » qu'Elisabeth illustre le Missel des Saintes femmes de France, dont voici des images trouvées sur un site de vente. Elisabeth apporte, dans ses interprétations, une iconographie médiévale et une sensibilité symboliste assez nouvelles pour l’époque.

 

Missel des Saintes femmes de France


Missel des Saintes femmes de France


Elisabeth participe à des expositions en province, invitée par des Sociétés d’amis des arts, et présente aussi deux œuvres au Salon, dont ces béguines :

 

Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France


Dans les premières années du siècle, Elisabeth présente au moins deux peintures et une aquarelle à chaque Salon. Ils n’ont pas été reproduits mais on voit passer quelques commentaires de la critique : « La Sybille de Mlle Sonrel, dans son accentuation de traits et de colorations, n’est peut-être pas encore assez caractérisée, mais elle reste quand même excellemment fantaisiste. » (Eugène Hoffmann, « Le Salon de 1902 », Journal des Artistes, 1er juin 1902, p.3816)

Et aussi quelques illustrations de magazines qui laissent penser qu'elle travaille plus ou moins régulièrement pour la presse… (son nom figure sous l’illustration).

 

Mlle Sonrel : Mode de jadis
Les Modes, n° 17, mai 1902
Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France


Parfois, la critique des Salons est un peu acide : « Mlle Elisabeth Sonrel, associant l’antique et le moderne, peint avec le même correction sans éclat, une danse de Terpsichore et une « Princesse lointaine » inspirée par le répertoire de M. Rostand. » (Camille Le Senne, « La musique et le théâtre au Salon du Grand Palais », Le Ménestrel, 31 mai 1903, p.173)

Mais la même année, la Société des amis des arts de Seine et Oise fait l’acquisition de quatre aquarelles représentant Les Saisons. Ces deux images, qu’on retrouve en poster sur le net, dans des encadrements art nouveau, en sont peut-être des reproductions (ou des travaux effectués à la même époque, dans un objectif alimentaire).

 

L’Hiver et l’Eté - 1901
Panneaux décoratifs, 49,2 x 70 cm
Collection particulière


Probablement de la même période, cette Jeune femme qui a servi d’illustration à un calendrier :

 

Jeune femme dans un champ de blé
Lithographie, 43 x 19 cm
Bibliothèque Forney, Ville de Paris

On retrouve les mêmes commentaires contrastés lors du Salon de l’année suivante : celui du Ménestrel se laisse finalement séduire « on y rencontre l’Ariel de Mlle Elisa Sonrel, un gracieux dessin pastellisé. » (Camille Le Senne, « La musique et le théâtre au Salon du Grand Palais », Le Ménestrel, 12 juin 1904, p.189) tandis que d’autres résistent : « Mlle Sonrel verse dans l’excessive manie légendaire » (Martial Teneo, « Les Salons de 1904 » Le Monde artistique, 12 juin 1904, p. 374)

On suppose que cet agacement s’adresse à Ligeia, une de ses œuvres les plus emblématiques, un personnage de la nouvelle éponyme d’Edgar Allan Poe, publiée en 1838 et traduite en français par Charles Baudelaire en 1856.

 

Ligeia - 1904
Huile sur toile, 61,8 x 41,5 cm
Collection particulière (vente 2020)


La Ligeia d’Elisabeth n’est pas celle de Poe, aux cheveux et aux yeux « plus noirs que les ailes de minuit, l’heure au plumage de corbeau ». Mais, derrière son regard impénétrable, on imagine tout de même que pourraient se déchirer « les tumultueux vautours de la cruelle passion. »

Elisabeth paraît se détacher de la vision édifiante de la Vierge pour approcher les héroïnes de légende, celles de l’univers féérique médiéval cher aux préraphaélites.

La même année, le Journal des Artistes (24 avril 1904, p.4411) signale que la Société des amis des arts d’Angers a acquis pour le musée de l’Hôtel Pincé, un panneau de quatre sujets décoratifs à l’aquarelle, les Oiseaux symboliques : Les Colombes (tendresse), Le Cygne (innocence), Le Paon (fierté), Les Hirondelles (fidélité) dont voici peut-être une version en affiche :

 

Les Colombes ,Tendresse - Les Hirondelles ,Fidélité
Affiches, 66 x 26,5 cm chacune
Collection particulière (vente 2018)

Du Salon de 1905, il reste deux traces, elles aussi assez contrastées : une peinture de style art nouveau.

Huile sur toile
Catalogue illustré du Salon des artistes français, Paris, Baschet, 1905, p.237
Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France


Le critique du Monde Artistique tombe enfin sous le charme : « la Cordelia de Mlle Sonrel accuse un progrès constant » (Martial Teneo, « Les Salons de 1905 » Le Monde artistique, 21 mai 1905, p.328).

Et le Figaro Mode reproduit en couverture une autre des œuvres présentées au Salon, une aquarelle un peu moins convaincante …

 

Portrait de Mme G.M. – Salon de 1905
Figaro Mode n°33, septembre 1905
Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France


En 1906, Elisabeth ne montre au Salon qu’une seule huile, Le Fil de la Vierge mais sa notoriété se confirme. Elle est l’une des artistes, avec Mary Cassatt, à être sollicitée pour le supplément de Noël de La Vie Heureuse, pour réaliser une estampe originale distribuée en couleur dans le magazine « Ces belles estampes, toutes prêtes à être encadrées, feront la plus originale et la plus gracieuse parure du home » (c’est là qu'on constate que l’anglophilie maniaque de la prose journalistique ne date pas d’hier !)

Pas de chance – ou indice de son succès – l’estampe d’Elisabeth est manquante dans ledit supplément de Noël, sur le site RetroNews de la BNF mais vous pouvez aller voir celle de Mary dans sa notice.

La Beatrix, ci-dessous est peut-être Le Laurier d’Or, présenté au Salon de 1909…

Beatrix – vers 1900
Aquarelle et gouache rehaussée d'or, 53 x 36,5 cm
Collection particulière (vente 2018)

… et ce triptyque pourrait être celui du même Salon, puisque, dans son compte rendu, Eugène Hoffmann signale « un intéressant triptyque de Mlle Sonrel, Dante et Béatrix » (Journal des Artistes du 13 juin 1909, p.6113). Beatrix pourrait donc être, aussi, un personnage de la Vita Nuova de Dante Alighieri qui a inspiré Dante Rossetti trente ans auparavant.


Scènes de La Vita Nuova de Dante Alighieri
Huile sur toile, panneau central, 109 x 81 cm, panneaux latéraux 109 x 52 cm
Collection particulière (vente 2007)


Et on peut supposer que cette Yseut, que je n'ai trouvée dans aucun catalogue, date de la même période.

Yseut – sans date
Aquarelle et mine de plomb rehaussée de blanc sur papier, 29,3 x 24cm
Collection particulière (vente 2022)


On retrouve, dans les œuvres d’Elisabeth, l’inspiration mystique et les références à la Renaissance de plusieurs peintres symbolistes de son époque, comme Edgar Maxence, dans cette Solitude acquise en 2020 par le Petit Palais…

 

Edgar Maxence (1871-1954)
Jeune femme jouant de la mandore ou Solitude - 1910
Huile sur panneau, cadre d'origine exécuté sous la direction de l'artiste, 110 x 145 cm
Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris


Elisabeth Sonrel
Jacqueline - sans date
Aquarelle, gouache et feuilles d’or sur papier, 41,8 x 30,8 cm
Cadre d’origine daté de 1909
Collection particulière (vente 2022)

 

 et parfois même, l’atmosphère mystérieuse des œuvres de Fernand Khnopff :

 

Fernand Khnopff (1858-1921)
Le masque au rideau noir – 1909
Pastel et craie sur papier
Collection particulière
Photographié dans l’exposition « Fernand Khnopff, Le maître de l’énigme » 
au Petit Palais en décembre 2018



Elisabeth Sonrel
Portrait d'une femme à capuchon – sans date
fusain, pastel et gouache, 32,3 x 23,5cm
Collection particulière (vente 2022)


A partir de 1910, Elisabeth passe ses vacances d’été en Bretagne avec son amie Jeanne Fourcade-Cancellé. Elle en rapporte de nombreux paysages et évocations de la vie bretonne, toujours des jeunes filles et des enfants… On les retrouve au Salon de 1910, en voici quelques exemples sur lesquels je passe rapidement car ce n’est pas la partie que je trouve la plus intéressante de son inspiration.

 

La Forêt de Brocéliande – sans date
Aquarelle sur panneau, 46 x 52,5
Collection particulière (vente 1995)



L'anse de la Corderie, Bréhat – sans date
Aquarelle sur trait de crayon, 29 x 45 cm
Collection particulière (vente 2012)

 

Toutefois, elles ont un succès certain en Bretagne où le tableau ci-dessous, peint en 1910, a fait l’affiche de l’exposition « Un siècle de peinture au Faouët » qui s’est tenue de juin à octobre 2003 au musée du Faouët et il était aussi reproduit en couverture d'un guide touristique de 2013.

 

Mère et enfants sur la place des halles du Faouët – vers 1910
Huile sur toile, dimensions non communiquées
Collection du Conseil départemental du Morbihan

Les scènes bretonnes sont accompagnées, au Salon de 1910, d’une Jeanne d’Arc, sur laquelle Camille Le Senne du Ménestrel énonce ce jugement, assez habituel s’agissant d’une femme : « Mlle Sonrel qui a gardé les traditions de l’école de M. Jules Lefebvre en y ajoutant le charme discret d’une émotion très féminine, évoque la bonne Lorraine dans un décor poétique. » (28 mai 1910, p.172)

Dans le catalogue, Elisabeth a changé d’adresse : 53 rue du Chêneaux « le grand pavillon que vient de faire construire la famille, avec deux vastes ateliers de peintre, pour le service de Mlle Elisabeth Sonrel » indique l’album de souvenir de la ville de Sceaux (Sceaux depuis trente ans, 1882-1912, Imprimerie Charaire, p.249)

En 1912, Elisabeth aborde un symbolisme onirique avec cette Fée de la forêt qu’on regrette de ne pas pouvoir admirer en couleurs, surtout si elles s’apparentent à celles des Sirènes en-dessous, dont la palette rappelle celle d’Odilon Redon !

 

Catalogue illustré du Salon des artistes français, Paris, Bib des Annales, 1912, p.131
Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France


Les Sirènes – vers 1910
Aquarelle, gouache, encre de Chine et rehauts d’or 
sur papier marouflé sur carton, 65,3 x 49,5 cm
Collection particulière (vente 2022)

 

Les œuvres d’Elisabeth présentées aux Salons des années suivantes s’attirent des critiques assez négatives. Ainsi, en 1913, son triptyque Princesse florentine ne serait « guère que des prétextes à déballage d’oripeaux versicolores. » (Camille Le Senne, « La musique et le théâtre au Salon du Grand Palais », Le Ménestrel, 24 mai 1913, p.162)

 

Catalogue illustré du Salon des artistes français, Paris, Bib des Annales, 1913, p.168
Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France


Il est vrai que les reproductions qu’on trouve dans les catalogues laissent craindre un pastiche de ses meilleures toiles…

 

Explication des ouvrages de peinture et dessins, sculpture, architecture
et gravure des artistes vivants, Paris, Lapina, 1920, p.330
Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France

Ce qui n'empêche pas le succès…

Annales politiques et littéraires, 9 avril 1922, couverture
Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France

Les titres de ses peintures des Salons (généralement accompagnées d’une ou deux aquarelles), Le Jardin mélancolique (1921), Le roman de chevalerie (1922), Le brûle-parfums (1924), Fleurs de mai (1925) évoquent la même veine répétitive.

Mais certains y trouvent leur compte : « Admirons une bien jolie tête de jeune fille, perdue au milieu des fleurs printanières Fleurs de mai par Mlle Sonrel » (Eugène Hoffmann, « Le Salon de 1925, La Revue des Beaux-Arts, 1er mai 1925, p.5

Elisabeth est membre de la Société des Aquarellistes qui expose régulièrement à la galerie Georges Petit. Elle est rarement citée par la critique, mais de façon plutôt positive : « Elisabeth Sonrel s'avère une portraitiste de valeur il est difficile de mieux exprimer des têtes d'enfants. » (Jean Revers, « Société des Aquarellistes français chez Georges Petit », La revue des Beaux-Arts, 1er février 1925, p.6)

La messe à Loctudy (Finistère) – Salon de 1920
Aquarelle
© Photo : Google art et culture


En 1926, Camille le Senne concède que « Mlle Sonrel expose une Vierge aux orangers d’un style assez délicat. » (Le Ménestrel, 28 mai 1926, p.247).  Il ne s'agit certainement pas de l'aquarelle ci-dessous : Elisabeth n'aurait probablement pas représenté la Vierge en jaune et le motif des oranges est récurrent puisqu'on le voit déjà dans L'Eté de 1901.

En revanche, selon le catalogue que j'ai consulté, aucune Rêverie n'était présentée au Salon de 1924, contrairement à ce que laisse entendre le site de vente…

 

Rêverie  ? - vers 1920
Gouache et pastel sur papier, 59,5 x 48 cm
Collection particulière (vente 2008)


Vue aujourd’hui, sa production paraît de plus en plus anachronique pour l'époque. Toutefois, « pour dissiper quelque peu une mélancolie et un charme peut-être dissolvants, il faut nous arrêter longuement devant les figures presque médiévales d’Elisabeth Sonrel et en détailler les finesses de pinceau. Elle crée ainsi des princesses de légendes qui captivent nos imaginations broyées par le réalisme quotidien. » (Jacques Faneuse, Exposition des aquarellistes, La Volonté nationale, 19 février 1927).  Ceci expliquant peut-être cela…

 

Explication des ouvrages de peinture et dessins, sculpture, architecture
et gravure des artistes vivantsParis, Georges Lang, 1927, p.185
Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France



 

En 1932, pour son Annaïk, « on remarquera avec quelle vérité et quel tact Elisabeth Sonrel peint une femme de Plougastel-Daoulas, où le naturel est rendu sans vulgarité. » (Eugène Soubeyre, « Les Salons de 1932, La Nouvelle Revue, 1er mai 1932, p.229)

Le dernier Salon d’Elisabeth dont j’ai trouvé une trace illustrée est celui de 1936, où elle a présenté ce Soir de mai.

 

Soir de mai - 1936
Huile sur toile, 93 x 73
Collection particulière (vente 2009)


En 1937, elle présentait un « portrait au dessin rehaussé » et, en 1939, une Marienka, « un séduisant portrait aux crayons de couleur qui a toute la distinction et l'élégante finition des travaux sérieux et probes d'Elisabeth Sonrel. » (Eugène Soubeyre, « Les Salons de 1939 », La Nouvelle Revue, 1er mai 1939, p.210)

Ce sera son dernier Salon des artistes français, où elle aura été présente sans discontinuer, pendant quarante-six ans !

Dans ses meilleures années, Elisabeth a connu une célébrité relative, probablement bridée par son état de femme célibataire, peu susceptible de fréquenter les groupes d’artistes, eux-mêmes bien peu attentifs à un art considéré comme « féminin ». Elle avait donc peu d'opportunités pour faire décoller sa carrière et a pourtant vendu quelques toiles aux Etats-Unis.  

Pourtant, bien qu'exclusivement consacré à l’iconographie féminine à travers la figure de la Vierge, comme archétype féminin idéal, l’œuvre d’Elisabeth a approché, par les références successives qu’elle a su renouveler au cours de sa carrière, les influences symbolistes et préraphaélistes de son temps.

Elisabeth Sonrel est morte le 9 février 1953, à Sceaux.

 

Sans titre
Aquarelle et gouache sur papier, 31,7 x 48,9 cm
Collection particulière




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