dimanche 8 janvier 2023

Adèle de Romance - Romany (1769-1846)

 

Autoportrait présumé –  vers 1793 / 1799
Huile sur toile, 176,5 x 130 cm
Musée des Beaux-Arts de Rouen


Marie-Jeanne Mercier est née à Paris le 7 décembre 1769. Elle est la fille naturelle de Hugues-Etienne, marquis de Romance-Mesmon, et de Jeanne-Marie-Bernardine Mercier. Marie-Jeanne est légitimée par son père à l’âge de neuf ans et prend le patronyme de Romance.

A dix-neuf ans, Marie-Jeanne donne naissance à une fille, Aglaé-Edmée dont elle épouse le père, le miniaturiste François-Antoine Romany, deux ans plus tard. Si la ressemblance des noms est un hasard, elle ne simplifie pas le jeu de piste auquel il faut se livrer pour débusquer la jeune artiste qui sera connue ensuite sous les noms de Romany, Romanée ou de Romance.

Un article de 1923 évoque les circonstances de ce mariage : « Le sans-façon avec lequel [François-Antoine] parle de sa fiancée, qui s’appelait encore Marie-Jeanne de Romance au moment du mariage, ne nous édifie pas sur son emballement : on dirait un mariage de raison, ou, mieux encore, un mariage d’intérêt : la dot de 40.000 livres, sans compter d’autres revenus de rentes viagères, qu’apportait le jeune mariée aurait pu, en effet, peser sur les conditions bien aléatoires du miniaturiste sans renommée […] Mais ce mariage, auquel assistaient comme témoins, entre autres, les peintres du roi François Casanova et Jean-Charles-Nicaise Perrin, ne devait pas faire long feu : tout au début, la crise des logements empêcha les nouveaux époux de se mettre en ménage […]. Ce qui se passa à la suite est facile à deviner : un contrat de 1796 définit Mme de Romance comme "femme divorcée d’Antoine François Romany". » (Carlo Jeannerat, « L’auteur du portrait de Vestris II, Adèle de Romance et son mari, le miniaturiste François-Antoine Romany », Bulletin de la Société de l’art français, Paris 1923, p.52-63)

A l’époque de son mariage, Marie-Jeanne rejoint l’atelier de Jean-Baptiste Regnault (1754-1829), probablement un peu avant que Pauline Auzou et Angélique Mongez n’y entrent elles-mêmes car Albertine Clément-Hémery, qui fut leur condisciple, ne l’évoque pas dans ses souvenirs de cet atelier.  

On connaît quelques tableaux que Marie-Jeanne a exécutés avant d’apparaître au Salon, comme le portrait de son père prenant une collation…

 

La collation du marquis de Romance Mesmon – vers 1792
Huile sur toile, 61 x 51,5 cm
Musée national des Châteaux de Versailles et du Trianon


… et celui d’un député où l’on peut constater qu’elle a adopté le style de Regnault et qu’elle excelle dans le rendu des costumes et des matières. Le portrait de son père, dont la manière paraît beaucoup moins habile, est probablement un peu plus ancien.

 

Charles Antoine d'Arthenay, député du baillage de Saint-Lô (1747-1812) – 1792
Huile sur toile
Musée national des Châteaux de Versailles et du Trianon
© Photo : RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot


Son premier Salon est celui de 1793, où elle est inscrite sous le nom de « citoyenne Adel-Romany ». Adèle est donc le prénom d’artiste qu’elle a choisi. Elle ne se déclare pas encore l’élève de Regnault et habite alors au 20, Chaussée d’Antin. Elle présente, sans plus de précision, « des portraits » qui ne sont plus localisés.

Au cours de la même année, le couple Romany divorce. Pourtant, au Salon de 1795, Adèle reste inscrite sous le nom de Romany et présente quatre portraits et des têtes d’études.

Un seul de ces portraits est clairement identifié dans le livret du Salon, celui du « citoyen Vestris ». Il s’agit d’un danseur déjà connu du public contemporain :

 

Portrait d’Auguste Vestris II – Salon de 1795
Huile sur toile, 95,2 x 77,5 cm
Rhode Island School of Design, Museum of Art, Providence, Rhode Island

« Le danseur français Auguste Vestris, sujet de ce portrait, était le fils du maître de danse du roi Louis XVI, gratifié du titre de "Dieu de la danse". Auguste a fait ses débuts dans le ballet à l'âge de 12 ans, usurpant bientôt la réputation de son père. Ce portrait célèbre sa silhouette élancée et ses goûts à la mode. Sa veste près du corps, son chapeau en fourrure de castor, son gilet de soie, ses boucles d'oreilles dorées, sa canne et ses gants complètent l'allure d'un dandy, avant même que Brummel en codifie le style.

Cette représentation démontre un dessin et un modelage habiles, un sens raffiné de la couleur et un talent pour la caractérisation vivante. » (Synthèse de la notice du musée)

Dans l’article précité du Bulletin de la Société de l’art français, ce portrait est qualifié de « chef d’œuvre de Mme Romany de Romance ».

Un autre des portraits du Salon est celui d’une Femme artiste. On pense qu’il s’agit de cette harpiste, en tenue Directoire.

 

Portrait d’une jeune harpiste – vers 1795
Huile sur toile, 92 x 72,5 cm
Palais des Beaux-Arts, Lille


En janvier 1797, Adèle met au monde une autre fille, Louise-Lucie, qui serait la fille naturelle de Charles-Gabriel-François Cosnefroy de Saint-Ange, dont elle portera le nom. Cette Louise-Lucie sera plus tard pensionnaire à la Comédie-Française où elle tiendra l’emploi de soubrette de 1816 à 1822. Ce qui confirme qu’Adèle était proche du milieu du théâtre et explique les nombreux portraits de comédiens qu’elle a réalisé pendant sa carrière.

Cette année-là, c’est « Adèle Romance », habitant 14, rue des Jeûneurs, qui s’inscrit au Salon.

En plus de deux portraits de femmes, elle montre celui de Fleury, un comédien qu’elle peindra au moins quatre fois au cours de sa carrière et dont elle expose un nouveau portrait au Salon suivant, celui de 1798 où, pour la première fois, elle indique avoir été l’élève du « citoyen Regnault ».

Toujours selon le Bulletin précité, Adèle aurait acheté, le 14 Thermidor an III (1796), la maison de Madame Talma, sise au 21, rue du Mont Blanc. C’est l’adresse qu’elle fournit, en effet, au Salon de 1799 où elle présente cinq portraits et deux scènes de genre. Deux de ces portraits étaient ovales, présentés sous le même numéro 279. L’un d’entre eux était peut-être celui de sa mère, peint cette année-là…

 

Portrait de Jeanne-Marie Mercier, mère de l’artiste – 1799
Huile sur toile, ovale, 75 x 57 cm
Musée du Louvre, Paris 
(en dépôt au musée Baron Martin, Gray)

 

Elle aurait également exécuté la même année, ce portrait, préalablement attribué à David alors même que la signature d’Adèle figure sur la toile, ainsi que l’indique le musée où il est conservé …

 

Portrait d’un jeune garçon – 1799
Huile sur toile, 56,8 x 46,8 cm
The Nelson-Atkins Museum of Art, Kansas City, Missouri


En 1800, Adèle expose au Salon un Portrait du citoyen Vigée… 


Louis Jean-Baptiste Etienne Vigée – 1800
Huile sur toile, 60,5 x 50 cm
Collection particulière

…et un autoportrait avec ses deux filles, qui n’est plus localisé aujourd’hui. En revanche, le Portrait d’une jeune personne et de son frère est passé sur le marché de l’art en 2008. Il représente les deux petits-cousins de l'artiste : Amélie-Justine Pontois et son petit frère, Charles-Edouard, les enfants de sa cousine germaine, Charlotte-Marie Mercier.

 

Portrait d’une jeune personne et de son frère – 1800
Huile sur toile, 91,9 x 73 cm
Collection particulière (vente 2008)

Amélie-Justine Pontois (1788-1867) épousera en 1818 Louis-Marie-Amable Laidin de la Bouterie. Quant à Charles-Edouard Pontois (1792-1871), il deviendra ambassadeur de France au Brésil, aux Etats-Unis puis à Constantinople, avant d'être nommé pair de France et d'être anobli en 1839 par Louis-Philippe, devenant ainsi comte de Pontois.

L’autoportrait est salué par la critique qui loue son « expression gracieuse » ; quant au Portrait d’une jeune personne, il fait l’objet d’une chanson drolatique :

« Air : de l'amitié vive et pure.
Qu'il est gentil ce frère !
Arlequin : Qu'elle est gentille sa sœur !
Gilles : J'aime beaucoup ce frère,
Arlequin : Moi j'aime encore mieux sa sœur.
Gilles : Je voudrais bien que ce frère/Devint l'ami de ma sœur.
           Arlequin : Je voudrais que de mon frère/Sa sœur fut la belle-sœur. 
Gilles : Je crois que nous les faisons rire. Restons un peu, ils vont surement nous parler. 
Arlequin : Adieu charmante enfant, c’est à regret que je vous quitte. »

(« n°325, Portrait d’une jeune personne et de son frère », Le nouveau Arlequin et son ami Gilles au Museum ou la vérité dite en plaisantant, Paris, Lacroix, 1800, p.8 et 9)

 

La suite du pamphlet est moins plaisante car elle porte sur le Portrait de Madeleine, présenté par Marie-Guillemine Benoist au même Salon (voir sa notice). Ce superbe portrait y est qualifié « d’horreur » dans des termes que je préfère oublier …

 

Adèle ne paraît pas au Salon de 1801 mais montre à celui de 1802 une scène de genre intitulée Une jeune femme donnant une leçon de lyre à son amant, et deux portraits dont il ne reste qu'une trace :

Portrait d’une jeune personne près d’un piano tenant un cahier de musique – Salon de 1802
Huile sur toile, 98 x 80 cm
Collection particulière (vente 2020)

Il s’agirait de Melle Thevenet de Montgarrel, future épouse d'Amédée Gillet Ducoudray, qui fut premier conseiller de Louis Bonaparte (Roi de Hollande et père de Napoléon III), quelques années plus tard.

 

En 1804 apparaît au Salon la première scène de groupe d’Adèle, connue aujourd’hui comme le Portrait de la famille de l’artiste devant le château de Juilly, une demeure construite par la famille Mercier-Pontois à la fin du XVIIIe siècle. Selon Christie’s qui l’a vendu en 2008, le tableau serait resté dans la famille de l’artiste jusqu’à sa vente. On a vu plusieurs fois sur ce blog que les « traditions familiales » évoquées par les descendants ne sont pas toujours très fondées mais comme le tableau est signé et que le geste du jeune homme paraît inciter la jeune femme à se mettre au piano, on peut supposer, sous toutes réserves, qu’il pourrait s’agir de l’œuvre présentée au Salon sous le titre ci-dessous…

Une jeune personne hésitant à toucher du piano devant sa famille – Salon de 1804 ?
Huile sur toile - 113 x 146 cm
Collection particulière (vente 2008)

Toujours selon la tradition familiale, elle aurait peint aussi à la même époque ce nouveau portrait de sa petite-cousine Amélie-Justine, qui est peut-être aussi la « jeune personne » au piano du tableau précédent ! On reconnaît le goût d’Adèle pour les fonds de verdure et les ciels légèrement orageux.

 

Portrait d'Amélie-Justine Laidin de la Bouterie, née Pontois, 
tenant un chapeau rempli de fleurs – vers 1804
Huile sur toile, 97,2 x 129,8 cm
Collection particulière (vente 2008)

Enfin le musée Marmottan conserve ce portrait signé et également daté de 1804 dont ni le modèle ni le tableau lui-même n’ont l’air en très bonne santé …

 

Portrait de jeune femme – 1804
Huile sur toile, 61 x 50,5 cm
Musée Marmottan-Monet, Paris


Deux des trois portraits qu’Adèle présente au Salon de 1806 rencontrent un beau succès auprès de la critique. Le Portrait de Mlle A.P. (dont la composition est proche de celle du portrait d'Amélie-Justine) fait l’objet d’un commentaire flatteur, sauf en ce qui concerne la perspective du fond… 

 

Portrait de Mlle A.P. – Salon de 1806
Huile sur toile, 138 x 113 cm
Musée de la Chartreuse, Douai

« Mme Romany, élève de M. Regnault. N° 456. Portrait de Mlle Vernet. On aime à reconnaître dans ce portrait une couleur douce et harmonieuse, et un faire soigné et aimable. Mais il le cède d'ailleurs à celui de Mlle A. P., peint par le même artiste et exposé sous le n° 457. Celui-ci est plein d’agrément : la jeune personne est très-jolie, sa gorge, ses bras, et sur tout sa tête, sont d'une couleur charmante ; les teintes en sont fondues avec art. Sa robe, son chapeau de paille sont faits avec un grand soin, et concourent bien à l'effet général ; mais on voit avec peine que les arbres du fond ne fuient pas ; ils paraissent tenir à la figure. » (« Salon de l'an 1806 », La Revue philosophique, littéraire et politique, Octobre 1806, p.362-63).

Lors de cette même année 1806, Adèle met au monde son troisième enfant, Edmond-Jules Feline Romany, né le 31 mars 1806, qui serait le fils naturel d'un certain Ignace-Benjamin Feline. Selon le Bulletin de la Société de l’art français précité, Edmond-Jules serait devenu inspecteur du ministère des ponts et chaussées.

 

Adèle a abandonné la « perspective atmosphérique » pour les deux œuvres qui se trouvent aujourd’hui à Boston : la première a été présentée au Salon de 1808, l’autre pourrait être son pendant. En effet, Fabry-Garat était un ténor, également compositeur, et la jeune femme tient à la main une partition intitulée « Recueil de romances par Garat jeune ».

 

Portrait de Jean-Dominique Fabry-Garat s’accompagnant à la lyre – vers 1808
Huile sur toile – 130,2 x 100,3 cm
Museum of Fine Arts, Boston

Portrait de femme - 1808
Huile sur toile, 129,5 x 94 cm
Museum of Fine Arts, Boston


Elle montre aussi Mlle Emilie L… dans le costume du dernier acte des Trois Sultanes. Il s’agit d’Emilie Leverd, dont le portrait se trouve toujours à la Comédie-Française :

 

Mademoiselle Leverd en Roxelane (Les Trois Sultanes, Favard) – 1808
Huile sur toile, 104 x 81 cm

Sur cette jeune comédienne, j’ai trouvé par hasard une appréciation assez « contrastée » d’un certain Esménard : « Mlle Levert [sic] a dans la prononciation un défaut naturel qu’elle combat avec une constance opiniâtre, et qui n’a pas encore cédé à ses efforts. […] Elle a, dit-on, le goût le plus vif pour le théâtre, une patience que rien n’épuise, un zèle que rien ne décourage ; et si, contre l’autorité de l’exemple, elle répond à la bienveillance du public par de nouveaux efforts, on peut hardiment lui promettre des succès aussi peu communs aujourd’hui, que les moyens qu’elle emploie pour les obtenir. » (Le Mercure de France, août 1808, p.315).

Dans ses Annales, Charles Landon commente, pour la première fois, le travail d’Adèle : « Madame Romani et mademoiselle Capet ont exposé plusieurs [portraits] qui ont été vus avec d'autant plus d'intérêt qu'ils représentent pour la plupart des personnes aimées du public. M. Riessner et madame Romani ont reçu des médailles. » (Charles-Paul Landon, Annales des musées et de l’école moderne des beaux-arts, Salon de 1808, Paris, Bureau des Annales du musée, Tome 2, p.96)

 

Les rédacteurs du livret du Salon de 1810 ont été un peu facétieux : ils ont classé à la lettre « d » : « Adèle de Romance, ci-devant Romany » qui a présenté un nombre important d’œuvres réunies sous six numéros, dont son Portrait en pied dans son atelier, qui n’est sans doute pas celui que j’ai placé en exergue, où elle porte une robe qui évoque plutôt le tournant du siècle. Un seul des portraits est encore localisé, celui d’Antoine Valedau qui fut légué au musée Fabre par le modèle, lui-même collectionneur. On peut déceler une inspiration légèrement romantique dans son regard rêveur et sa position, coude appuyé sur un rocher… 

 

Huile sur toile, 73 x 59,5 cm
Musée Fabre, Montpellier


A partir du Salon suivant, les portraits de sociétaires de la Comédie-Française constituent une part importante des œuvres présentées par Adèle. Selon certains chercheurs, le Portrait de Mlle Dugazon, tenant dans sa main gauche un volume du Zadig de Voltaire, qu’elle présente en 1812, aurait été ensuite donné par erreur à David. C’est en tout cas sous cette attribution qu’il a été reproduit dans le catalogue de vente de la collection de la comtesse de la Béraudière, à New York en 1930.

 

Attribué à Jacques-Louis David (1748-1825)
Portrait de Mlle Dugazon – 1812
Huile sur toile, 93 x 73,6 cm
Reproduit dans : « Important Oil Paintings, Fine French Furniture of the Eighteenth Century,
Carvings, Sculptures and Other Objects of Art »
The Collection of Countess de la Béraudière 
(New York, American Art Association, Anderson Galleries, Inc., 1930, New York, p.59)


Au même Salon, Adèle montre aussi cette Mlle Raucourt dans le rôle d’Agrippine qui se trouve toujours dans les collections de la Comédie-Française. Le livret du Salon précise que la scène est prise « au moment où elle dit à Néron : asseyez-vous Néron » (!!!)

 

Mlle Raucourt dans le rôle d’Agrippine – 1812
Huile sur toile, 138 x 107 cm
Collection de la Comédie Française, Paris
 © Photo : A. Dequier / Comédie-Française

« Par Madame Romany : des portraits à l’huile fort ressemblans, et peints largement. On remarque entre-autres celui de feue mademoiselle Raucourt dans le rôle d’Agrippine, et celui de mademoiselle Emilie Leverd, dans le rôle de Roxelane. (Charles-Paul Landon, Annales des musées et de l’école moderne des beaux-arts, Salon de 1814, Paris, Bureau des Annales du musée 1814, p.104)

Deux historiens de l’art qui ont inventorié les collections de la Comédie-Française à la fin du XIXe siècle :

René Delorme a trouvé six tableaux d’Adèle, deux dans le foyer des artistes, un dans la salle du comité et trois dans l’escalier. « Six tableaux de la même main, cela donne à réfléchir, et la conclusion de nos réflexions est que Mme de Romance-Romany a dû probablement se montrer très généreuse envers le Théâtre-Français. » (Le Musée de la Comédie française, Paris, 1878, p.152). Il porte un jugement assez sévère sur les œuvres, sauf sur la copie qu’elle fit d’un tableau de Nicolas de Largillière : « Ce n’est pas l’œuvre originale mais il y a un reflet magistral dans la toile de Mme de Romance-Romany ». (ibid p.132)


Voltaire à l’âge de vingt-quatre ans, d’après Nicolas de Largillière – Salon de 1836
Huile sur toile, 80 x 65 cm
Collection de la Comédie Française, Paris


Il souligne aussi à propos du Portrait de Dazincourt que, même si cette œuvre n’eût pas suffi à faire la réputation d’Adèle, « le Théâtre-Français doit se féliciter d’avoir une image de l’un des meilleurs valets de comédie qui aient existé » et souligne la valeur de l’œuvre « en tant que document ». (ibid p.67)

Dazincourt en Crispin – sans date
Huile sur toile, 60 x 49 cm
Collection de la Comédie Française

Gérard Monval a établi ensuite un catalogue raisonné plus précis : il a trouvé huit œuvres d’Adèle, toujours répertoriées aujourd’hui. (Les collections de la Comédie française, Paris, 1897) 


Au Salon de 1814, Adèle présente plus d’une dizaine de portraits, dont celui du médecin Souberbielle, dont le passé révolutionnaire n’est pas anodin : ami et médecin de Robespierre, il a combattu à la prise de la Bastille et fait partie du tribunal qui vota la mort de la « veuve Capet » … preuve, s'il en faut, qu'Adèle a accès à une clientèle assez diverse !

 

Portrait de Joseph Souberbielle, en tenue de chirurgien major
de la Gendarmerie impériale - 1814
Huile sur toile, 145 x 112,5 cm
Musée de la Gendarmerie, Melun


Des Salons suivants, entre 1815 et 1836, il reste peu de trace dans les musées.  Adèle présente essentiellement de très nombreux portraits, qui sont revenus au cours du temps sur le marché de l’art mais dont on ne trouve plus d’image en ligne. Conservés sous main privée, ils réapparaissent de temps à autre, comme ce portrait revenu dans la famille de l’artiste à l’occasion du mariage d’une de ses petites cousines.  

 

Portrait d'Aglaé-Constance Boudard en robe de velours rouge – 1815
Huile sur toile, 130,4 x 93,3 cm
Collection particulière (vente 2006)


Ou cette jeune artiste dont on ne sait rien mais dont la robe et la ceinture témoignent du talent d’Adèle à rendre les effets d’un tissu satiné. On comprend qu’elle ait été en concurrence avec Marguerite Gérard, virtuose en ce domaine !

 

Portrait d'une artiste - sans date
Huile sur toile, 128,2 x 96,5 cm
Collection particulière (vente 2006)

Dans la longue liste de ses portraits de comédiens, on peut citer ici l'excellent portrait de Fleury, le dernier qu’elle exécuta pour le Salon de 1818 et qui était présenté dans l’exposition « Peintres femmes, naissance d’un combat (1780-1830) » du musée du Luxembourg en 2021 :

 

Portrait de Fleury (1750-1822) - 1818
Huile sur toile, 131 x 110 cm
Collection de la Comédie Française, Paris


Ce portrait a fait l’objet d’un commentaire très appréciatif : « […] on n'aurait besoin d'aucune indication pour reconnaitre Fleury, dans son portrait frappant de vérité et de naturel, peint par Mme Deromany (Adèle Romany). Tout l'esprit de la physionomie du grand comédien, toute l'aisance de son maintien sont là. C'est sans contredit un des portraits les plus distingués du Salon sous le rapport de l’attitude et de l'expression. Plusieurs autres du même auteur soutiennent honorablement la réputation des dames parmi nos artistes. » (St A…, Lettres à David, sur le Salon de 1819, par quelques élèves de son école, Vingtième lettre, Paris, Pillet aîné, 1819, p.143).

Et celui d’une jeune actrice de l’Opéra-comique, dans le rôle de Léona (Masaniello ou le Pêcheur napolitain), présenté au Salon de 1831 :

 

Portrait de Zoé Prévost, de l’Opéra-comique – 1830
Huile sur toile, 73,5 x 60 cm
Musée Magnin, Dijon


Je ne montre pas ses derniers portraits des pensionnaires du Français, sensiblement moins convaincants… 

 

Après sa mort, survenue brutalement le 7 juin 1846, Adèle n’a plus retenu l’attention des historiens de l'art. Il faut dire qu’elle n’a pas favorisé sa postérité en changeant plusieurs fois de patronyme : au Salon de 1819, elle a même été enregistrée sous le nom de Deromance ! 

Enfin elle avait fondé sa réputation en portraiturant des personnalités populaires dont la plupart est, comme elle, tombée dans l’oubli.  

Pour autant, son dessin précis et solide, servi par une palette lumineuse et un rendu virtuose des matières justifient qu’elle ait été considérée en son temps comme une « portraitiste  distinguée » dont les compositions, surtout dans ses meilleures années du début du XIXe siècle, déployaient avec grâce la qualité de présence de ses modèles.

 


*

 

N.B : Pour voir d’autres notices de ce blog, si elles n’apparaissent pas sur la droite, vous pouvez cliquer sur « Afficher la version Web » en bas de cette page. 

 







 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire