lundi 21 février 2022

Helene Schjerfbeck (1862-1946)

 

Autoportrait sur fond gris – 1915
Huile sur toile, 47 x 37,5 cm
Musée d’Art de Turku, Finlande

Helene Sofia Schjerfbeck est née le 10 juillet 1862 à Helsinki, dans une famille d’origine suédoise qui ne fut pas épargnée par le malheur.

Sa sœur aînée est morte l’année où l’entreprise de son père fut mise en faillite, deux autres de ses frères et sœurs sont décédés en bas âge et elle-même fut victime à quatre ans d’une chute dans les escaliers qui l’obligea à s’aliter plusieurs années. C’est alors que son père lui offrit son premier matériel de dessin.

Helene, qui gardera de cet accident une légère claudication, est donc empêchée de suivre une scolarité normale et doit être instruite à domicile mais son enseignante remarque rapidement son talent artistique.



Dessins au crayon d’Helene vers l’âge de 10 ans
(Carnet de croquis de 1872)
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki


Grâce à Adolf von Becker (1831-1909), un peintre de genre, membre du conseil d’administration de la Société finlandaise des beaux-arts, qui prend en charge ses frais de scolarité, Hélène est admise à en suivre les cours à l’âge de onze ans. Elle s’y lie d’amitié avec Helena Westermarck (1857-1938) et Maria Wiik (1853-1928).

Deux ans plus tard, son père, devenu chef de service à la Compagnie nationale des chemins de fer de Finlande, meurt de la tuberculose.

Helene obtient son diplôme de la Société des beaux-arts à 15 ans. Voici un de ses dessins de l'époque.


Portrait de jeune homme de profil - 1877
Plume et encre noire, lavis gris, 21,5 x 14,5 cm
Collection particulière (vente 2024)


Avec son amie Helena, Helene s'inscrit à l’académie libre de Becker, grâce au soutien financier d’un ami de son père. 

A dix-huit ans, elle vend sa première œuvre, Soldat blessé dans la neige, (inspirée d’un cycle poétique de Johan Ludvig Runeberg, l’auteur de l’hymne national finlandais) et obtient une bourse de l’Etat pour voyager à l’étranger.


Soldat blessé dans la neige – 1880
Huile sur toile, 39 x 59,5 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki


Alors Helene part pour Paris, la ville de ses rêves, à l’automne 1880.

Autoportrait – 1880/84
Crayon, 13 x 12,5 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki

Elle suit pendant quelques mois les cours de l’académie privée féminine de Madame Trélat de Vigny puis s’inscrit à l’académie Colarossi où elle reçoit l’enseignement de Gustave Courtois. Elle y rencontre une élève autrichienne, Marianne Preindelsberger (1855-1927) qui sera connue ensuite sous le nom de Stokes et deviendra son amie.

De leurs séances de travail en commun, il nous reste ces Deux profils, d'une touche libre qui rappelle celle de Manet. Marianne Preindelsberger est au premier plan :

 

Deux profils – 1881
Huile sur bois, 22 x 34 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki

C’est également avec Marianne qu’Helene fait son premier séjour à Concarneau, dans une « colonie d’artistes ». Elle y peint le Garçon faisant manger sa petite sœur (1881) où l’influence de Jules Bastien-Lepage (1848-1884), très admiré par les artistes scandinaves de l’époque, est sensible.

 

Garçon faisant manger sa petite sœur – 1881
Huile sur toile, 115 x 94,5 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki

Helene emporte le tableau en Finlande où elle le présente en 1885 à l’exposition d’art contemporain. Jugé trop naturaliste, il est reçu avec un certain scepticisme

Elle passe l’été 1882 en Finlande, dans la demeure du mari de sa tante maternelle, le château de Sjundby, qu’elle a représenté régulièrement depuis son enfance. Cette fois, elle y peint Le Banc du parc.

 

Le Banc de parc (Petit parc à Sjundby) - 1883
Huile sur toile, 44,5 x 33,5 cm
Malmö Konstmuseum, Malmö

Elle exécute aussi les illustrations de contes populaires finlandais qui sont exposées à Moscou.

Au printemps 1883, Helene repart à Paris, avec Maria Wiik cette fois, avec laquelle elle partage un atelier. Elle passe l’été suivant à Pont-Aven, avec Maria et Marianne et y reste plusieurs mois. 


Rue de Pont-Aven – 1883
Huile sur toile, 32 x 21 cm
Collection d'art de la Fondation Signe et Ane GyllenbergVilla Gyllenberg, Helsinki
© Image : Villa Gyllenberg / Matias Uusikylä CC BY-NC-SA 4.0


Elle se fiance avec un peintre anglais dont on ne connaît pas le nom car elle détruira ensuite toutes les lettres qui l’évoquaient au moment où il rompra son engagement, après avoir appris que le père d'Helene avait succombé à la tuberculose…Helene a dit ensuite à Maria que ce mariage aurait nuit à sa carrière de peintre. 

C'est à Pont Aven qu'elle peint une œuvre probablement naturaliste qui sera acceptée au Salon de 1884, Un enterrement, Finistère, (que je n’ai pas retrouvée) et plusieurs autres, particulièrement intéressantes et pleines d’émotion, notamment Ombre sur un mur qui paraît générer sa propre profondeur et La Porte qui met en scène, avec à peu près rien, l’intérieur de la chapelle de Trémalo…

 

Ombre sur le mur (Paysage breton) – 1883
Huile sur toile contrecollée sur bois, 45 x 38 cm
Collection particulière

La Porte (Entrée d’une vieille chapelle) – 1884
Huile sur toile, 40,5 x 32,5 cm
Finnish National Gallery, Helsinki



Au bord de la piscine – 1884
Huile sur toile, 32,5 x 21,5 cm
Collection d'art de la Fondation Signe et Ane GyllenbergVilla Gyllenberg, Helsinki
© Image : Villa Gyllenberg / Matias Uusikylä CC BY-NC-SA 4.0


Quant à ce poétique Linge à sécher, il fut montré à l’exposition annuelle de la Société des beaux-arts d’Helsinki laquelle, ne sachant trop dans quelle catégorie le placer, le présenta sous le titre incongru de Paysage de dunes

Linge à sécher (Lessive) - 1883
Huile sur toile, 39 x 54,5 cm
Collection particulière

A la même époque, elle exécute aussi le portrait de son amie d'enfance, Helena Westermarck :

Portrait d’Helena Westermarck – 1884
Huile sur toile, 37.5 x 22.5 cm
Gösta Serlachius Fine Arts Foundation, Mänttä, Finlande

En 1885 et 86, Helene alterne séjours à Paris et retours en Finlande. De son passage à Paris en 1885, il reste cette subtile étude au fusain, traitée presque sans ligne où seules la lumière et les ombres dessinent l’espace. 

Ma chambre 22-24 rue Jacob – 1885
Fusain sur papier, 246 x 324 mm
The Magda and Max Ettler Fund
Nationalmuseum, Stockholm

Et, parallèlement, elle expose en Finlande une peinture d’histoire de style naturaliste, La mort de Wilhelm von Schwerin, un jeune militaire, héros de la guerre de Finlande, qui lui vaudra un prix national. Helene cherche son style… 

La mort de Wilhelm von Schwerin – 1886
Huile sur toile, dimensions non communiquées
Musée d’Art de Turku, Finlande

Puis, grâce à une bourse de la Société des beaux-arts, Helene part à St. Ives, en Cornouailles, où elle retrouve Marianne. Depuis son atelier, dans une tour d'où elle peut voir le village et la mer, elle est enthousiasmée par le paysage : « La Cornouaille est un pays merveilleusement visuel… collines et baies et pièges à poissons et forêts … depuis que je suis arrivée, j’ai un énorme désir de travailler et trop peu de temps. … Aujourd’hui, la mer est juste bleue et blanche, le bleu ciel et tout est si doux que la ligne d’horizon n’est pas visible. Les couchers de soleil sont des nuages laineux, ou peut-être juste une lueur rose sur le monde entier. » (lettre non datée à Maria Wiik). 

Marianne et Helene peignent chacune une boulangerie différente. Voici celle d'Helene :

 

La Boulangerie – 1887
Huile sur toile, 61 x 51 cm
Pohjanmaan museo, Vaasa, Finlande

Helene revient au printemps 1888 à Paris, pour participer au Salon des artistes français avec Petite brindille jaune de forsythia qu'on appelle aujourd'hui La Convalescente mais qui fut présentée sous le titre Première verdure…. Un tableau qu'elle a peint pendant son séjour à St. Ives.


La Convalescente - 1888
Huile sur toile, 92 x 107cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki

Le tableau est immédiatement acquis par la Société des beaux-arts de Finlande qui le présentera l’automne suivant lors de son exposition annuelle, puis à l’Exposition universelle de Paris de 1889, dans la section finlandaise. Helene y remporte une médaille de bronze.

Elle part ensuite à Saint Pétersbourg puis en Italie, en compagnie de son frère, et copie des œuvres d’art pour le compte de la Société des beaux-arts. Puis elle retourne à St. Ives s’initier aux techniques de grattage et rayures qu’on appelle aussi le « trait anglais » :

 

Rue, St. Ives, - 1888/1890
Trait anglais, 22,5 × 21 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki

Helene revient en Finlande à l’été 1890 et va traverser une période difficile. Son jeune frère s’est marié et elle doit s’occuper seule de sa mère, tout en enseignant pour subvenir à ses besoins. 

Elle est aussi confrontée à une atmosphère artistique nationale avec laquelle elle a peu d’affinités.

Pour contester l’emprise russe sur la Finlande (qui est à l’époque un grand-duché de l’Empire) les peintres nationalistes -  dont le peintre Akseli Gallen-Kallela est le chef de file - s’inspirent du Kelevala, un poème de plus de vingt mille vers, composé par Elias Lönnrot à partir de chants populaires finlandais qui rapportent les faits et gestes de grands personnages mythiques et exalte la nature en de longues descriptions : le sapin, le bouleau, la fleur, l'ours, l'élan, l'oiseau, l'abeille… 

 

Akseli Gallen-Kallela (1865-1931)
Paysage sauvage – 1892
Huile sur toile, 72 x 61 cm
The Gösta Serlachius Fine Arts Foundation, Mänttä, Finland


Tout cela est loin des préoccupations d’Helene dont les paysages, où elle privilégie la concision et l’intensification de l’atmosphère,  se simplifient à l’extrême :

Plein été (Paysage de Raasepori) – 1890
Huile sur toile, 36 x 31 cm
Collection particulière


Elle s’intéresse aussi à l’intime et à la vie domestique :


Jeune fille sous les bouleaux – 1891
Huile sur toile, 68,5 x 78 cm
Collection d'art de la Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Villa Gylenberg, Helsinki
© Image : Villa Gyllenberg / Matias Uusikylä CC BY-NC-SA 4.0


Devant l’âtre (Près du feu) - 1893
Huile sur toile, 33 x 31,5 cm
Collection particulière

D’un voyage à Florence, où elle était chargée de réaliser des copies de Giorgione, Filippo Lippi et Fra Angelico, elle rapporte des paysages de Fiesole, dans la même veine frémissante et délibérément dépouillée :

 

Paysage de Fiesole – 1894
Huile sur toile, 37 x 54 cm
Collection particulière

Cyprès, Fiesole - 1894
Huile sur toile, 43,3 x 61,5 cm
Collection particulière
 

A la fin des années 90, Helene traverse une période de maladie et de découragement qu’elle ne surmonte qu’en allant passer plusieurs étés dans un sanatorium en compagnie de sa mère. Elle y trouve le réconfort spirituel dont elle avait besoin.

 

Autoportrait  - 1895
Huile sur toile, 38 x 31 cm
Ekenäs Museum, Ekenäs
© Photo : Galerie nationale finlandaise / Hannu Aaltonen.

Bien qu’engagée pour cinq ans dans une école de dessin à Hyvinkää, elle doit être remplacée et passe l’été suivant en convalescence au château de Sjundby.

 

Le vieux manoir (Sjundby) – 1901
Huile sur toile, 34,5 x 47 cm
Musée d’Art de Turku, Finlande 

Elle participe cependant régulièrement aux expositions de la Société des beaux-arts de Turku dont le musée abrite aujourd’hui nombre de ses œuvres, comme ce portrait de sa mère, un des nombreux qu’elle exécute ses années-là.


A la maison – 1903
Huile sur toile, 53 x 40 cm
Musée d’Art de Turku, Finlande

Elle s’est installée dans la petite ville d’Hyvinkää. Un exil solitaire où elle reste une dizaine d’années, choisissant ses proches comme modèles, dans un style de plus en plus épuré.



Fragment – 1904
Huile sur toile, 31,5 x 34 cm
Collection d'art de la Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Villa Gylenberg, Helsinki
© Image : Villa Gyllenberg / Matias Uusikylä CC BY-NC-SA 4.0



La couturière (L'ouvrière) – 1905
Huile sur toile, 95,5 x 84,5 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki

Evidemment, ce portrait rappelle celui de la mère de Whistler ! Mais en l’observant attentivement, on constate qu’Helene apporte des éléments de compréhension qui caractérisent son modèle : les ciseaux qui pendent à sa ceinture et reposent contre le montant du fauteuil, la position peu détendue (elle ne s’appuie pas sur le dossier). L’ouvrière va se relever bien vite…

 

James Abbott McNeill Whistler (1834-1903)
Arrangement en gris et noir n°1 - 1871
Huile sur toile, 162,5 x 144,3 cm
Musée d’Orsay, Paris

Silence – 1907
Tempera et huile sur toile, 45,5 x 36 cm
Merita Art Fondation, Helsinki
Photo : Seppo Hilpo

L’écolière II (Fillette en noir) – 1908
Huile sur toile, 71 x 40,5 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki


Maria - 1909
Huile sur toile, 57 x 73 cm
Collection particulière


Parallèlement à la simplification de son expression, Helene expérimente des stratégies pour travailler la surface de ses toiles, afin d’en effacer « le gras brillant » qu’elle exècre au point d’avoir l’idée « d’enfouir dans la terre » un de ses tableaux, pour l’abandonner à un processus de vieillissement accéléré… Cette évolution est particulièrement sensible dans ses natures mortes depuis la période naturaliste de sa jeunesse (Oignons – 1885), au travail de l’application couche par couche des Pommes rouges (1915), jusqu’à l’effacement de l’image réelle, renforcé par le rétrécissement du champ visuel de La Poire (1925) et de La Pomme du marché (1927).

 

Oignons - 1885
Huile sur toile, 30 x 36 cm
Moderna Museet, Stockholm

Les Pommes rouges - vers 1915
Huile sur toile, 40,2 x 40,2 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki


La Poire – 1925/26
Huile sur toile contrecollée sur bois, 27,5 x 27,5 cm
Collection particulière

La Pomme du marché – 1927
Tempera sur toile, 32 x 24 cm
Collection particulière

Helene commence à connaître la notoriété dans les années 1910, grâce à un marchand de tableaux, Gösta Stenmann, qui contribue à lui trouver des acheteurs. Il présente Jeunes filles lisant à l’Exposition d’automne de 1912 où la toile reçoit une réception critique positive avant d’être acquise par la Société finlandaise des beaux-arts.

 

Jeunes filles lisant - 1907
Aquarelle, pastel et crayon sur papier, 67 x 79 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki


L’année suivante, Helene présente à Turku et à Helsinki Le Garçon aux bûches, qu’elle considère comme un pas décisif vers son objectif stylistique : effectuer une synthèse entre son souhait de pureté formelle et l’expression des sentiments qu’elle éprouve pour le sujet du tableau. Cette nouvelle œuvre est également très bien reçue.

 

Le Garçon aux bûches – 1910/1911
Huile et pastel gras sur toiles, 58 x 41 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki



Essai sur Perhekoru, fille aînée - 1915
Huile sur toile, 39,5 x 38 cm
Collection d'art de la Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Villa Gylenberg, Helsinki
© Image : Villa Gyllenberg / Matias Uusikylä CC BY-NC-SA 4.0


Elle peint aussi des paysages qui expriment, plus que ses portraits, son isolement et sa solitude. Presque des sensations de paysage. 


Paysage à Hyvinkää - vers 1914
Huile et fusain sur carton entoilé, 65 x 60,5 cm
Musée d’Orsay, Paris


Lumière de lanterne, Hyvinkää – sans date
Huile sur toile, 40 x 33 cm
Collection particulière


En 1914, c’est Gösta Stenmann lui-même qui organise la présentation de huit toiles d’Helene à l’exposition d’automne de l’Ateneum où elle est découverte par un large public, notamment grâce à La Couturière (présentée plus haut) et un Autoportrait très remarqué.

 

Autoportrait - 1912
Huile sur toile - 43,5 x 42 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki

Au printemps suivant, elle rencontre Einar Reuter (1881-1968), peintre, écrivain et garde forestier qui avait acquis plusieurs de ses œuvres et avait souhaité en rencontrer l’auteur. Ils deviennent amis et entretiendront une correspondance soutenue jusqu’à la fin de leur vie.


Chanteur vert – vers 1916/1917
Huile sur toile, 36 x 32 cm
Collection d'art de la Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Villa Gylenberg, Helsinki
© Image : Villa Gyllenberg / Matias Uusikylä CC BY-NC-SA 4.0


Cette période de reconnaissance heureuse s’accompagne d’un épanouissement de sa palette : la dominante gris-bleu des portraits du tournant du siècle se teinte d’ocre dans le portrait de Reuter…

 

Le Marin (Einar Reuter) – 1918
Huile sur toile, 70 x 62,5 cm
Collection particulière

… puis de rouge l’année suivante, lorsqu’elle exécute le portrait d’une de ses cousines de San Francisco, Ulla, dont le teint cuivré l’oblige à un intense travail d’interprétation et de transfiguration qui la ravit. Le résultat est effectivement saisissant !

 

Jeune fille de Californie I – 1919
Huile sur toile, 39,5 x 38,5 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki

Mais la fin de l’année lui apporte une désillusion. Elle pensait Reuter amoureux d’elle, il n’était qu’admiratif de sa peinture. Lorsqu'il se marie, Helene sombre dans une mélancolie dont elle ne sortira plus.

 

Tristesse (Fille de la chaleur : La Gitane) – 1919
Huile sur toile, 81 x 100 cm
Collection particulière

Vague de chaleur – 1919
Huile sur toile, 35 x 41 cm
Pohjanmaan museo, Vaasa, Finlande


Après le décès de sa mère, elle s’installe progressivement puis définitivement à Tammisaari (devenue Ekenäs aujourd’hui), en 1925. Loin de tous et libérée des charges familiales, elle peut se consacrer entièrement à son art, peindre, chercher.

 

Maison rouge à Ekenäs (Tammisaari) – vers 1920
Tempera, fusain et gouache sur papier, 30 x 26 cm
Moderna Museet, Stocklholm



Elle peint son amie, Sigrid Nyberg, propriétaire du logement où elle est installée à Tammisaari.


Le châle en dentelle - vers 1920
Huile sur toile - 58 × 36,5 cm
The Metropolitan Museum of Art, New York


Ses portraits sont à présent très demandés, en dépit du fait qu’elle n’envisage pas ses modèles avec une bienveillance particulière. Les soumettant à sa volonté d’expérimentation, elle use d’un langage pictural sans concession. 


Fille de Eydtkuhne II – 1927
Huile sur toile, 70 x 54,5 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki


Dame élégante, Dora – 1928
Huile sur toile, 37,5 x 38,5 cm
Collection d'art de la Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Villa Gylenberg, Helsinki
© Image : Villa Gyllenberg / Matias Uusikylä CC BY-NC-SA 4.0



Femme noire – 1929
Huile sur toile, 53,5 x 41,5 
Collection d'art de la Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Villa Gylenberg, Helsinki
© Image : Villa Gyllenberg / Matias Uusikylä CC BY-NC-SA 4.0

 

Jeune fille au pull-over jaune – 1933
Huile sur toile, 46,5 x 37,5 cm
Collection particulière

L’Automobiliste (Måns Schjerfbeck) – 1933
Huile sur toile, 74 x 59 cm
Collection particulière


Margareta Vind – 1934
Huile sur toile, 47,5 x 47,5 cm
Konstmuseum, Göteborg


Kvinnan på fyrtio år (La femme de quarante ans) – 1939
Huile sur toile, 50 x 42 cm
Collection particulière (vente 2023)


Parfois, elle retrace de mémoire des scènes vues de sa fenêtre comme pour L’Alarme, un des rares tableaux d’Helene à deux personnages (presque) en interaction :


L’Alarme – 1935
Huile sur toile, 75 x 62 cm
Collection particulière

Lorsque la « guerre d’hiver » (invasion de la Finlande par les troupes soviétiques) commence, en novembre 1939, Helene a soixante-dix-sept ans. Elle est évacuée et accueillie dans une maison de retraite puis un sanatorium où on lui fournit de bonnes conditions de travail. Elle peut notamment réaliser des gravures, parfois en reprenant des thèmes anciens comme cette Fille à la clôture dont il existe une petite aquarelle du début du siècle.


Fille à la clôture - 1941
Rotogravure, 60 x 45 cm
Collection d'art de la Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Villa Gylenberg, Helsinki
© Image : Villa Gyllenberg / Matias Uusikylä CC BY-NC-SA 4.0


Fille souriante - 1945
Rotogravure, 32 x 28,5 cm
Collection d'art de la Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Villa Gylenberg, Helsinki
© Image : Villa Gyllenberg / Matias Uusikylä CC BY-NC-SA 4.0


Ses infirmières successives deviennent ses modèles…

 

Infirmière I (Kaija Lahtinen) – 1943
Huile sur toile, 47 x 33,5 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki


Nurse finnoise III (Ester Räihä) - 1943
Huile sur toile, 54,5 × 47 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki



Roses jaunes – 1942
Huile sur toile, 24,5 x 26,5 cm
Collection d'art de la Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Villa Gylenberg, Helsinki
© Image : Villa Gyllenberg / Matias Uusikylä CC BY-NC-SA 4.0



Syskonen (Soeurs) – 1944
Huile sur toile, 34,5 x 43,5 cm
Collection particulière (vente 2024)


J’ai gardé pour la fin le plus émouvant et le plus difficile (mais l’art n’a pas à être confortable), les autoportraits d’Helene, que tous ceux qui ont eu la chance de voir l’exposition de la fin 2007 au Musée d’Art moderne de Paris ne risquent pas d’oublier.

Les autoportraits jalonnent l’œuvre d’Helene, une quarantaine de toiles, d’abord assez conventionnelles jusqu’à ses cinquante ans - la première des œuvres ci-dessous - et d'une neutralité absolue : on ne sait rien des douleurs qui la taraudent et c'est tout juste si elle pose quelques vagues pinceaux derrière elle…


Autoportrait sur fond noir – 1915
Huile sur toile, 45,5 x 36 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki

Puis, il se passe quelque chose quand elle reprend, en 1926, un autoportrait de 1913. Comme si son œil droit s’échappait du visage, comme si la joue se détachait… Et elle continuera ce douloureux travail jusqu’en 1945, l’année de ses quatre-vingt-trois ans.

Plus le temps passe, plus il est clair que l’artiste ne cherche ni la complicité ni l’aisance. La peinture devient masque, reflet déformé puis lambeau, évidée, presque au-delà de la peinture elle-même, inaccessible à celui qui regarde et ne sait plus, littéralement, où se mettre. Helene se regarde disparaître et procède à son propre effacement. Accrochez-vous.


Autoportrait – 1913 puis 1926
Fusain, aquarelle et huile sur toile, 32 x 24 cm
Collection Maire Gullichsen
Porin taidemuseo, Pori

Autoportrait à la robe noire – 1934
Huile sur toile contrecollée sur bois, 37 x 26,5 cm
Collection particulière


Autoportrait  - 1935
Rotogravure, 26,5 x 24 cm
Collection d'art de la Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Villa Gylenberg, Helsinki
© Image : Villa Gyllenberg / Matias Uusikylä CC BY-NC-SA 4.0

 
Autoportrait à la palette – 1935
Huile sur toile, 54,5 x 41 cm
Moderna Museet, Stockholm

Autoportrait à la bouche noire – 1939
Huile sur toile, 39 x 27 cm
Didrichsenin taidemuseo, Helsinki


Autoportrait à la tache rouge – 1944
Huile sur toile, 45 x 37 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki

Autoportrait de face – 1945
Huile sur toile, 39,5 x 31 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki



Autoportrait Lumière et ombre – 1945
Huile sur toile, 36 x 34 cm
Collection d'art de la Fondation Signe et Ane Gyllenberg, Villa Gylenberg, Helsinki
© Image : Villa Gyllenberg / Matias Uusikylä CC BY-NC-SA 4.0


* 

Dès 1915, Einar Reuter, sous le pseudonyme d’H. Ahtela, avait rédigé une première biographie d’Helene. Il fait paraître sa première monographie en 1951, grâce à quoi elle est restée présente sur la scène finlandaise, parmi d’autres talentueuses peintres féminines. 

Car les femmes ont été admises dans les académies d’art d’Helsinki et de Turku dès la fondation de la Société finlandaise des beaux-arts et les bourses publiques leur ont permis de voyager, comme leurs collègues masculins. C'est pourquoi, comme Maria Wiik et Helena Westermarck, Helene a contribué à introduire en Finlande les courants artistiques qu’elle avait découverts à Paris.

Mais, contrairement aux mêmes collègues masculins, les peintres féminines n’ont pas participé au courant nationaliste de la peinture finlandaise et c’est ce qui les a finalement éloignées de la renommée internationale.

Toutefois, Helene avait été découverte en Suède dès 1934, à l’occasion d’une exposition d’artistes finlandais à Stockholm puis l’Ateneum d’Helsinki a organisé une rétrospective fameuse en 1992 qui fut ensuite présentée à la Phillips Collection de New York.

En France, c’est le Musée d’Art moderne de la ville de Paris qui a contribué à la faire connaître, d’abord avec l’exposition « Vision du Nord, Lumière du monde, Lumière du ciel », en 1992 puis avec « Helene Schjerfbeck (1862-1946) », d’octobre 2007 à janvier 2008. C'est grâce à l'excellent catalogue de cette exposition (Sous la direction d'Annabelle Görgen et Hubertus Gaẞner, Helene Schjerfbeck, Paris-Musées, 2007, 223 p.) que j'ai pu rédiger la présente petite notice.

Signe de la reconnaissance dont Helene fait à présent l’objet, deux de ses œuvres ont été acquises, en 2023, par le Metropolitan de New York et le musée d’Orsay, à Paris. Helene a enfin sa place dans les collections nationales françaises !





*

 

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