dimanche 29 décembre 2024

Henriette Lorimier (1775-1854)

 

Autoportrait - 1807
Huile sur toile, 92 x 72,9 cm
Musée Magnin, Dijon

Elisabeth-Henriette-Marthe Lorimier est née à Paris le 7 août 1775. Ses parents, Antoine-Jean Lorimier (1752-1842), probablement officier, et Marie Marguerite, née Gangnat, habitaient le Faubourg du Temple et appartenait à la bourgeoisie : le grand-père d’Antoine-Jean Lorimier était avocat et secrétaire du roi ; son père « maître de chambre aux Deniers », c’est-à-dire l’office chargé de payer les dépenses de la maison du roi.

Selon la généalogie établie par Neil Jeffares (Dictionnaire des pastellistes avant 1800), Henriette est aussi la nièce d’Etienne-François, dit « chevalier de Lorimier » (1759-1813), peintre de paysage et d’architecture, qui exposa au Salon de 1791 à 1812.

 

Etienne dit Chevalier de Lorimier (1759-1813)
Le Temple de la Sybille à Tivoli
Huile sur papier marouflée sur toile, 50,5 x 35,2 cm
Collection particulière

C’est probablement un peu avant le début de la Révolution qu’Henriette rejoint « l’atelier de jeunes filles » du peintre d'histoire Jean-Baptiste Regnault, comme Angélique Mongez, née la même année qu’elle. Une de leurs condisciples raconte que l’atelier réunissait « trente à quarante jeunes personnes de 14 à 25 ans (…) tous les jours, pendant sept à huit heures », sous le regard de Madame Regnault, née Sophie Meyer, peintre elle-même, « femme si bonne, si sensible, sous la protection de laquelle nous étions aussi exactement surveillées que dans le couvent le plus austère ». (Madame Clément-Hémery, Souvenirs de 1793 et 1794, Cambrai, Lesne-Daloin, 1832, p.4)

Albertine Clément-Hémery, ne parle pas d’Henriette – en tout cas pas de notre Henriette – puisque celle qu’elle décrit sous ce prénom était plus jeune et ne ressemble en rien à son autoportrait. Notre Henriette qui a 18 ans quand Albertine arrive à l’atelier, devait faire partie des « inspirées » pour lesquelles les plus jeunes n’étaient, « aux yeux de ces dames, que de petites étourdies, bien fraîches, bien gracieuses, qui fournissaient, au besoin, de charmans [sic] modèles. »

 

 

Jean-Baptiste Regnault (1754-1829)
L’Éducation d'Achille par le Centaure Chiron – 1782
« Morceau de réception » à l’Académie royale de peinture, en 1783
Huile sur toile, 261 x 215 cm
Musée du Louvre, Paris


Henriette expose pour la première fois au Salon en 1800, une Tête d’après nature dont on ne sait rien. En revanche, il reste quelques traces du tableau qu'elle présente l’année suivante, même si je reste un peu circonspecte devant ce Portrait en pied d’une jeune artiste, vendu chez Christie’s il y a près de trente ans et souvent présenté comme son autoportrait.

 

Portrait en pied d’une jeune artiste – 1801
Huile sur toile, 160 x 128 cm
Collection particulière (vente 1997)


En effet, on pense « reconnaître » ce tableau dans la fameuse Vue de Monsaldy (cliquer pour agrandir) mais je trouve la comparaison assez peu convaincante.


Antoine Maxime Monsaldy (1768-1816) et G. Devisme (actif de1800 à1806)
Vue des ouvrages de peinture du Salon de 1801
Eau-forte, 24,8 x 38 cm
Metropolitan Museum of Art, New York



Vue des ouvrages de peinture du Salon de 1801 (détail)

Dans la représentation de Monsaldy, le tabouret est clairement différent, le dessin sur la toile est beaucoup trop visible et la toile de chevalet trop petite par rapport au modèle, l’épinette placée derrière elle semble avoir disparu et l’étole qui couvre l’épaule de la jeune fille n’est pas positionnée de la même façon. Cela fait beaucoup, trop peut-être, pour assurer qu’il s’agit bien du même portrait.


Au Salon 1802, Henriette déclare habiter rue Croix des Petits-Champs, non loin de la place des Victoires, et présente un portrait et une scène de genre intitulée Une jeune fille près d’une fenêtre, pleurant sur un passage d’Atala, le roman de Chateaubriand publié l’année précédente.

 

Jeune fille près d'une fenêtre pleurant sur un passage d'Atala – 1801/1802
Huile sur toile, 152 x 124 cm
Le Domaine, La Jaille-Yvon, Maine-et-Loire (49)
Source : Base Joconde


Au Salon suivant, celui de 1804, Henriette montre Une jeune femme, un titre qui n’évoque pas grand-chose sans son complément : « N'ayant pu continuer d'allaiter son enfant, elle le regarde téter la chèvre qui la supplée, et s'abandonne aux réflexions que sa situation fait naître. »

Il ne reste que deux traces de cette scène étonnante : la première est une gravure dans les Annales de Charles Landon.

 

Planche soixante-douzième
Une jeune femme faisant allaiter son enfant par une chèvre
Publié in : Charles-Paul Landon, Annales du Musée et de l'école moderne des beaux-arts
Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France


Charles Landon accompagne cette planche du commentaire suivant : « Une jeune mère, dans l'impuissance d'allaiter son enfant, le fait nourrir par une chèvre. Le regret qu'elle éprouve donne à ses traits une douce expression de mélancolie. Ce sujet convenait au pinceau d'une dame : mademoiselle Lorimier a senti et exprimé tout ce qu'il a d'intéressant, avec une grâce, une fraîcheur, et une vérité qui sont d'un bon augure pour son talent dont ce tableau est le coup d'essai. Il a été exposé au dernier Salon où il a continuellement attiré les regards des connaisseurs. Les figures sont de grandeur naturelle. » (Charles-Paul Landon, Annales du Musée et de l'école moderne des beaux-arts, Volume IX, Paris, 1805, Imprimerie des Annales, p.147)

La seconde trace de ce tableau se trouve dans l’Autoportrait que j’ai placé en exergue. C’est lui qui figure sur la toile devant la peintre… et c’est même grâce à la présence de cette petite biquette qu’on a compris qui était l’auteur dudit Autoportrait !


Autoportrait – 1807 (détail)

C’est le début de la notoriété pour Henriette, puisque la princesse Caroline Bonaparte, qui vient de donner naissance à sa première fille et doit décorer sa nouvelle résidence, le palais de l’Elysée, acquiert cette charmante scène de genre.

En 1805, pas de salon mais Henriette pratique l’art du portrait avec assiduité, notamment en réalisant celui de la « si bonne et si sensible » Madame Regnault, toile sur laquelle existent des informations éparses. Le tableau est représenté en noir & blanc dans une étude américaine, avec ses dimensions (Christophe Vend, « Un portrait de Jean-Baptiste Regnault », Bulletin de la galerie d’art de l’université de Yale, Vol.35, n° 3, p.20-21), j’ai piqué la photo couleur sur Wiki, puis vérifié que la toile se trouve bien où elle est annoncée.


Portrait de Madame Regnault – 1805
Huile sur toile, 109 x 89,2 cm
Museo Mario Praz, Rome

Comme souvent dans les musées italiens, le musée Mario Praz ne montre pas ses collections en ligne mais les photos de la visite suffisent : Madame Regnault est bien là !


Vue intérieure du musée Mario Praz


La même année, Henriette exécute aussi le portrait d’un célèbre luthier de l’époque, Nicolas Lupot, représenté avec les attributs de son métier posés sur l’établi, une âme, un compas, un diapason.

 

Portrait de Nicolas Lupot – 1805
Huile sur toile, 80 x 65 cm
Musée de la lutherie et de l’archèterie françaises, Mirecourt
 © Musée de Mirecourt, G. Abegg

C’est alors qu’Henriette rencontre celui qui va devenir son compagnon, François Pouqueville. Bien qu’âgé d’une trentaine d’années, il a déjà vécu de rocambolesques aventures. Ordonné prêtre à 21 ans, il a renoncé à ses fonctions sacerdotales pendant la Révolution pour devenir instituteur (1794) puis adjoint au maire de sa commune natale. Il étudie ensuite la médecine et embarque à ce titre avec l’armée de Bonaparte pour l’expédition d’Egypte en 1798. Malade, il est rapatrié en bateau, lequel tombe entre les mains des « barbaresques ». Prisonnier de l’empire ottoman, il devient médecin du sultan avant d’être finalement libéré en 1801, sur intervention de la France.

Résultat de ces péripéties, Pouqueville semble ne s’être jamais résolu à épouser sa compagne. Mais Henriette paraît avoir parfaitement assumé cette situation et restera à ses côtés jusqu'à la fin de sa vie. 

Henriette le représente (à droite) avec son frère Hugues dans ce dessin particulièrement expressif et d’une indiscutable maîtrise…


Portraits d’Hugues et François Pouqueville – vers 1805
Fusain, pastel et craie sur papier bleu, 44 x 58 cm
Collection particulière (vente 2022)

… et exécute aussi son portrait à l’huile (admirons au passage les bouclettes joliment arrangées du jeune homme !)

 

Portrait de François Pouqueville – 1805
Huile sur toile, 52,5 x 46 cm
Collection particulière (vente 2010)


En attendant, elle ne se laisse pas détourner de son objectif et présente au Salon de 1806 deux Portraits, dont un de femme qui pourrait stylistiquement ressembler à celui de cette belle dame dont la tenue évoque la période du Premier Empire.

 

Portrait de Mme Marjolin, née Marie Duval – sans date
Huile sur toile, 56 x 46 cm
Musée de Grenoble


Et surtout, elle expose également l’œuvre qui la fait remarquer par la critique, Jeanne de Navarre, le premier exemple féminin du style dit « troubadour », dont, quatre ans plus tôt, un certain Fleury Richard a inauguré le genre avec Valentine de Milan.


Fleury Richard (1777-1852)
Valentine de Milan pleurant la mort de son mari, le duc d’Orléans -1802
Huile sur toile, 55,1 x 43,2 cm
Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg

On peut le définir en quelques mots : un tableau de petite taille sur un sujet anecdotique ou une scène de genre, tirés de l’histoire du Moyen Âge pris au sens large (jusqu’à la Renaissance), peint dans un style précieux et porcelainé, étant précisé que la taille du tableau n’est pas un critère absolu.

Ainsi la toile présentée par Henriette n’est pas à proprement parler un « petit » tableau mais il correspond, par toutes ses autres caractéristique, à ce style très apprécié depuis l’ouverture du musée des monuments français, créé en 1795 par Alexandre Lenoir pour y présenter des vestiges de monuments et statues sauvés des destructions révolutionnaires.

Il s'agit ici de Jeanne d'Evreux-Navarre, fille de Charles II (roi de Navarre) et veuve de Jean IV, duc de Bretagne dont elle fut la troisième épouse. Elle est accompagnée de son second fils, Arthur, futur duc de Bretagne (1457) auquel elle vient montrer le tombeau de son père, devant lequel elle lui parle de lui.


Jeanne de Navarre – 1806
Huile sur toile, 191 x 168,5 cm
Musée national des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau


Toute la critique, particulièrement nombreuse, paraît s’être donné le mot.

« Cette jeune artiste se complaît dans les sujets où la grace [sic] est unie au sentiment. Je me souviens de ce charmant Tableau, où l’on voyait une jeune Mère s’affliger de ce qu’elle ne pouvait allaiter son Enfant, et de ce qu’une Chèvre remplissait à sa place : aujourd’hui, dans un tableau plus attendrissant et dans un style plus héroïque, mademoiselle Lorimier nous retrace encore une Mère affligée et s’occupant de son fils. Cette Mère sensible déplore la perte d’un époux vertueux et chéri, et déjà l’éduction de son fils fait ses plus chères délices et son unique consolation ; elle lui retrace, avec sensibilité, les malheurs et les vertus de son illustre père, et voit, avec une douce satisfaction, le jeune enfant l’écouter avec intérêt et joindre ses petites mains pour prier le ciel de lui être propice. 

Cette scène mélancolique et sentimentale se passe devant le tombeau de l’époux de Jeanne ; elle est éclairée par un jour doux et tranquille, et l’auteur l’a rendue avec tout le charme, avec toutes les graces que son sexe, et particulièrement les Françaises, savent mettre dans les Ouvrages où elles ne sortent point de leur caractère. »

Après les compliments, teintés de la satisfaction de voir une femme ne point sortir d’un art « qui parle au cœur », Chaussard passe aux critiques : l’architecture du tombeau « n’est pas exacte : il présente la confusion des deux styles grec et gothique » et « une faute plus grave est celle contre le costume : celui des personnages nous a paru postérieur, d’un siècle, à l’action ; il est vrai qu’il est beaucoup plus pittoresque. » Puis vient la menace qu’on n’adresse qu’aux femmes : « tout promet une Artiste du premier rang dans ce Genre que mademoiselle Lorimier a créé, à moins que par un abus auquel cette manière touche de près, la grace de cet aimable talent ne dégénère un jour en affèterie et en mollesse. » ((Pierre Jean Baptiste Chaussard (1766-1823) Le Pausanias français, ou Description du Salon de 1806 : état des arts du dessin en France, à l'ouverture du XIXe siècle, F. Buisson, Paris, 1808), p.261-264)

 

Jeanne de Navarre  (détail)


Confirmation de la tendance dans le Mercure de France : « Mlle Lorimier a moins d’ambition [que Mme Mongès qui a osé « s’élever aux grandes compositions historiques »] : elle ne sort point des sujets gracieux où son sexe a naturellement tant d’avantage. Elle pense avec raison qu’il est toujours glorieux d’exceller, même dans un genre secondaire, et que le public aime mieux être touché des beautés d’un ouvrage, qu’étonné des difficultés qu’il présentait. On ne saurait choisir ses sujets avec plus de goût et de bonheur que Mlle Lorimier : cette année elle a présenté [description du tableau]. Ses traits et son attitude expriment une mélancolie profonde, et non l’égarement de la douleur. La tête de l’enfant est pleine de naïveté et d’attention. L’héroïne n’est point vêtue de noir, comme un peintre ordinaire n’aurait pas manqué de la représenter. Si elle porte une couleur sombre, c’est qu’elle convient à sa tristesse habituelle ; mais le terme de son deuil est expiré depuis long-temps. Cette idée délicate et si touchante suffirait à faire deviner le sexe de l’auteur, et c’est de quoi il faut la féliciter. » (Mercure de France littéraire et politique, Volume 26, 11 octobre 1806, p. 75)

Et un peu de lyrisme ne peut pas nuire… « Lors que j’apperçus [sic] dans un coin un tableau de chevalet représentant une femme et un enfant près d’un tombeau. Je ne sais quel charme puissant fixa mon attention sur cette scène. (…) C’est Jeanne de Naples qui conduit son fils Arthur au tombeau qu’elle a fait élever à la mémoire de son époux Jean quatre et l’entretient des vertus et des malheurs de son père. Est-ce le jolie, l’intéressant enfant qu’elle presse de ses belles mains et qui lui porte une si vive attention ? (…) quoi qu’il en soit je fus entrainé comme le voyageur au milieu d’une forêt de chênes élevés, apperçoit un joli arbrisseau couvert de fleurs odorantes (…) j’oubliai tous les combats, toutes les grandes scènes d’histoire, toutes les grandes machines en un mot, pour ne plus m’occuper que de mon gracieux tableau. Ici, me disais-je, tout est vrai, tout est gracieux, tout est intéressant. C’est ainsi que s’exprime l’amour conjugal joint à l’amour maternel. (…) Jamais on n’a su réunir avec plus d’art dans une même figure les sentiments de l’admiration, de la douleur et de la tendresse. Si l’on excepte les chefs d’œuvres de l’antiquité, jamais dans aucun ouvrage de l’art on n’a vu la beauté encore embellie par l’heureux assemblage d’expressions plus vraies, plus douces et plus touchantes. On n’a jamais joint à une imagination brillante plus de jugement, plus de sagesse, plus de précision que l’auteur de ce tableau. (…) Continués [sic] Mademoiselle Lorimier, écoutés la critique, méprisés la satyre, et vous serés [sic x 3]un jour un grande peintre. » (« Salon de 1806 », Annales des sciences, de la littérature et des arts, n°20, p.64-68)

« Cette composition toute sentimentale n’avait nul besoin pour émouvoir, de se rattacher à l’histoire ; elle est digne de l’auteur de la Chèvre nourrice vue au dernier sallon [sic] et qui a intéressé toutes les mères ! (…) Ce sujet attendrissant est traité avec simplicité et devait l’être par une femme ; (…) Peut-être le costume ne rappelle-t’il point assez le 14e siècle ? Peut être ?... Mais c’est qu’à côté de ce qui est bien, nous exigeons que le même pinceau ne fasse rien de médiocre ! » (Jacques Philippe Voïart (1756-1842), Lettres impartiales sur les expositions de l'an 1806. Par un amateur, Paris, chez M. Aubry, au Palais de Justice. Et chez Petit, libraire, Galerie des Libraires, Palais du Tribunat, n° 16, 1806, p.365-366)

Bref, c’est très bien, pour une peinture de femme. Et c’est une autre femme qui acquiert cette œuvre, l’Impératrice Joséphine qui aime beaucoup les scènes de genre. 

 

A partir de ce salon, les portraits de femmes et d’enfants semblent constituer l’essentiel de la production d’Henriette. Sa clientèle est proche du pouvoir impérial mais elle n’accède à aucune commande officielle. La dame ci-dessous est l’épouse d’un chef de division de la police, sous l’autorité du ministre Joseph Fouché.

 

Portrait de Mme Desmarest, née Louise Lardy – 1807
Huile sur toile, 116 x 88 cm
Collection particulière (vente 2006)


Datant probablement de la même époque, ce portrait de petit jardinier, identifié comme Emile-Alexandre-César Le Fébure de Sancy de Parabère qui est né en 1800 et doit avoir dans les 5 ou 6 ans.

 

Portrait d’un enfant assis tenant un panier de fleurs et un râteau – sans date
Huile sur toile, 101 x 81,5 cm
Collection particulière (vente 2023)

Henriette ne participe pas au Salon de 1808 mais elle est saluée par Joachim Le Breton (1760-1819), décidément bienveillant avec les artistes féminines puisque c’est lui qui a octroyé à Adélaïde Labille-Guiard un atelier au Louvre en 1795 (voir son portrait par Adélaïde dans sa notice).

« Les tableaux de Mlle Henriette Lorimier respirent aussi la grâce, la douceur, le sentiment. Celui où une jeune femme, forcée de renoncer au bonheur d'allaiter son premier enfant, le regarde téter une chèvre, fit un extrême plaisir, à l'exposition de 1802 ; l'expression en est parfaite. La jeune artiste obtint les mêmes suffrages au salon de 1806, pour le tableau où l'on voyait Jeanne de Navarre conduisant le petit Arthur, son fils, au tombeau de son époux (le duc de Bretagne, Jean IV), pour entretenir, le jeune enfant des malheurs et des vertus de son père. » (Rapport sur les beaux-arts, discours prononcé par Joachim Le Breton, secrétaire perpétuel, lors de la séance du Conseil d'Etat, le 5 Mars 1808, p.83)

Henriette revient au Salon en 1810, avec le pendant de son tableau de 1802. L’enfant a grandi.


L’Enfant reconnaissant – 1810
Huile sur toile (dimensions non précisées)
Consulat général de France à New York

Je n’ai pas trouvé comment ce tableau est arrivé au consulat où il se trouve aujourd’hui, après avoir été vendu chez Sotheby’s en 1997. Outre cette scène de genre, Henriette expose trois portraits, de femmes et d’enfants.

Henriette participe encore à deux Salons, en 1812 et 1814, toujours avec des portraits, et expose à nouveau, en 1814, son Enfant reconnaissant qui n’avait peut-être pas trouvé preneur.

 

Portrait d’un homme de qualité - 1814
Mine de plomb et rehauts de craie blanche sur papier brun, 28 x 21 cm
Collection particulière (vente 2011)


Portrait de la marquise de Reinepont au château de Saint Privat – 1817
Huile sur toile, 112 x 92 cm
Collection particulière (vente 1997)


Ce n’est que vers 1817 qu’Henriette s’installe avec François Pouqueville qui vient de rentrer de Patras, après avoir passé une grande partie de sa carrière de diplomate en Grèce. Ayant abandonné la médecine pour se consacrer à l’archéologie et à la littérature, il est nommé à l’Institut des inscriptions et belles lettres en 1819. C’est aussi un proche d’Ingres qui lui offre en 1828 ce portrait d’Henriette.

 

Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867)
Portrait d'Henriette Lorimier – 1828
Dédicacé à François Pouqueville
Musée Pouchkine, Moscou


Henriette peint à nouveau son compagnon en 1830 et, choisissant de mettre en valeur sa carrière diplomatique, elle le représente devant Janina (au nord de la Grèce) où il a passé plusieurs années comme consul général. C’est Henriette qui lèguera au Château de Versailles ce bel exemple de ses talents de portraitiste. 


François-Charles-Hugues-Laurent Pouqueville (1770-1838) – 1830
Huile sur toile, 93,5 x 74,5 cm
Musée national des Châteaux de Versailles et du Trianon


Dernier tableau connu d’Henriette, le portrait de l’épouse de Chateaubriand, qui est un proche du couple.  Ce tableau, qui serait aujourd’hui conservé dans une maison de retraite parisienne, est décrit par l'un des biographes de la dame :

« Dans un petit salon, ou plutôt un cabinet attenant à cette chapelle, se trouve un autre portrait non moins remarquable et par lui-même et parce qu'il n'est que là ; c'est celui de la fondatrice, de la bienfaitrice, c'est celui de Mme de Chateaubriand, peint par Mlle Henriette Lorimier, en 1840.

M. Daniélo le trouve très ressemblant. "L'artiste, dit-il, a parfaitement saisi cette physionomie énergique et rare. C'est bien son air ; ce sont bien ses yeux, son nez, sa bouche, son menton ; ce sont même les boucles de ses cheveux et les barbes de son bonnet."

Mme de Chateaubriand consentit à poser, pour remercier la Supérieure du don d'un reliquaire renfermant une parcelle de la vraie Croix ; elle avait à cette époque soixante-cinq ans. Elle voulut être représentée avec ce reliquaire. On peut voir qu'en effet elle porte au cou une chaînette terminée par une large croix. » (Félix de Bona, Vie de Madame de Chateaubriand, Paris-Lille, Librairie J. Lefort, sans date, p.161)

Il reste plusieurs gravures réalisées d’après ce portrait et reproduites dans la quasi-totalité des ouvrages consacrés à madame de Chateaubriand.

 

Graveur inconnu, d’après Henriette Lorimier
Portrait de Céleste de Chateaubriand
Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France


Henriette Lorimier est morte à Paris le 1er avril 1854.

Probablement moins prolifique que ses contemporaines, comme Angélique Mongez et Pauline Auzou, elle a laissé des portraits de grande qualité, notamment ceux qu'elle a dessinés, à la manière de Proudhon. Lors de son décès, l’inventaire a révélé une bibliothèque remarquable, constituée de plus de sept mille ouvrages, parmi lesquels figuraient de nombreux traités de peinture, comme l’Histoire de l’Art de l’Antiquité de Winckelmann, l’Essai sur l’histoire de la peinture italienne de Grégoire Orloff, les Réflexions sur la beauté et le goût en peinture d’Anton Raphael Mengs.

Instruite et talentueuse, elle n’a cependant pas souhaité s’affranchir des préjugés de son temps…

 

 


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