Louise,
Rose, Julie Duvidal de Montferrier est née à Paris, en 1797. Son père, Jean-Jacques Duvidal, marquis de
Montferrier, était jusqu’en 1789 l’un des trois syndics généraux du Languedoc
et vivait dans le domaine familial de Montferrier-sur-Lez, une commune
proche de Montpellier. Il avait épousé en 1781, la fille d’un administrateur de
la Marine et des Colonies, Charlotte de Chardon, avec laquelle il avait eu une
première fille, Rose.
Etabli à Paris après l’abolition des Etats provinciaux, en 1789, il est brièvement emprisonné en 1794. Sa femme ayant décidé d’émigrer, le couple divorce. L’année suivante, il épouse civilement Jeanne Delon (1762-1831), ancienne nourrice de sa fille Rose.
Grâce à Cambacérès, qui est son cousin germain, Jean-Jacques Duvidal se voit confier ensuite des fonctions importantes, d’abord aux Postes puis comme administrateur du département de la Seine. Il sera finalement nommé maître à la Cour des Comptes, lors de sa création en 1807. La jeune fille, qui se fait appeler Julie, grandit donc dans un milieu relativement aisé, en compagnie de son frère, Jean-Jacques Armand, né en 1799, et de sa sœur Zoé, née en 1800. Selon les registres de la Cour, la famille qui a habité rue de Grenelle puis rue du Dauphin (devenue la rue Saint-Roch), s’établit ensuite rue de Savoie puis au 7 rue Saint Guillaume (7e).
Vers sa dixième année, Julie est pensionnaire dans la fameuse maison d’éducation de la Légion d’honneur, l’école de jeunes filles de Madame Campan, réinstallée au château d’Ecouen par Napoléon. Elle y a accès parce que son père a été nommé chevalier de la Légion d’honneur en novembre 1803. Elle y restera neuf ans, apprenant tout ce qu’une jeune fille doit savoir, y compris le piano et le dessin qui devient son activité favorite.
La peintre Marie-Eléonore Godefroid avait été enseignante chez Mme Campan avant de rejoindre l’atelier du peintre François Gérard, son ami d’enfance. Peut-être est-ce grâce à son intervention que la jeune Julie est admise dans l’atelier du peintre qui est alors professeur à l’école des Beaux-Arts, a été élu à l’Institut en 1812 et est devenu le portraitiste préféré de l’élite impériale.
Il reste plusieurs traces de ces années d’apprentissage. D’abord ce dessin, probablement réalisé au fusain…
…
et ce petit portrait à l’huile où Julie paraît un peu plus âgée.
Comme
tous les élèves de Gérard, Julie exécute des copies d’atelier. On en connait
une, celle du fameux Psyché et l’Amour, présenté par Gérard au
Salon de l’an IV (1798). Le léger défaut de proportion comme le traitement du
visage de Psyché, à l’expression plus égarée qu’impassible, est assez loin du
symbolisme élégant du maître et le traitement des étoffes est encore un peu
maladroit…
Le
premier portrait signé par Julie que j’ai trouvé est celui d’un
militaire, le bras en écharpe, ce qui lui fournit l’occasion d’un joli
traitement du plissé.
Un second tableau a été récemment vendu. Il présente une expression du visage qu’on
retrouve dans des tableaux postérieurs, comme Sainte Clothilde et Eve.
Une des premières tentatives, peut-être, de s’essayer à un tableau d’histoire.
Julie
participe à son premier Salon en 1819 avec deux portraits et un tableau de
style troubadour, Sainte Clotilde, reine de France, présenté
accompagné de ce commentaire : « Elle demande à Dieu la guérison de
son second fils, tombé dangereusement malade après avoir reçu le baptême. Un
rayon céleste indique qu’elle sera exaucée. » Le tableau est acheté au
Salon par Louis XVIII qui l’attribue au Louvre. A une date inconnue, le tableau
est placé en dépôt à l’Assemblée nationale, ce qui fait de Julie l’une des
rares femmes (voire la seule, je n'en ai pas trouvé d'autres) dont une œuvre figure au Palais Bourbon.
Il
existe une autre version de ce tableau de la main de l’artiste, un plus
petit format, étude préparatoire ou copie postérieure.
Quant
aux deux portraits, il s’agit de l’autoportrait de Julie (voir en exergue),
présenté en pendant du portrait de sa sœur Zoé.
A
cette époque, Julie fait la connaissance de la famille de Pierre Foucher
(1772-1845) lequel assure les fonctions de greffier des Conseils de Guerre. La
famille est logée dans l’hôtel des Conseils, rue du Cherche-Midi et Julie y aurait occupé un atelier.
Elle
rencontre la fille de la maison, Adèle, dont elle devient l’amie et la
professeure. Et elle portraiture toute la famille vers 1819. A ma connaissance, ces portraits ne
sont répertoriés nulle part ailleurs que dans la publication où je les ai trouvés. Il est donc probable qu’à la même époque Julie en
ait réalisé d’autres dont il ne reste pas trace.
Selon Raymond Eschollier, « au printemps
1819, quand Adèle pose pour Mlle de Montferrier, elle n’a pas seize ans. Sa
belle chevelure bleuâtre, abondante et bouclée, descend, en accroche-cœur, en
boucles folles, en "suivez-moi, jeune homme", le long du front
bombé et encadré, dirait-on, de grappes de raisins noirs. […] Autour du cou et du montant arrondi, une
soyeuse et neigeuse ruche de blonde d’Espagne, présent, sans doute, de la
comtesse Hugo ou de la générale Lucotte. » (Raymond Escholier, « Les fiançailles d’Adèle et de Victor Hugo », La Revue des Deux
Mondes, p.650 d’un document consultable en ligne mais non daté)
C’est à peu près l’époque où Adèle et Victor Hugo se déclarent mutuellement leur flamme. Du fait de l’opposition de la mère de Victor, la suite sera un peu compliquée. Elle sera délicate aussi pour les relations entre Adèle et Julie, Victor n’ayant pas, à l’époque, une très haute opinion des artistes peintres féminines qu’il assimile aux actrices et aux danseuses. Il demande donc à sa future épouse de cesser de la fréquenter et d’abandonner sa formation artistique, ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas de lui réclamer un autoportrait à cor et à cris !
Adèle finit par s’exécuter et il semble même que Victor ait posé pour elle. Ces deux portraits étaient présentés en pendant à Hauteville House, maison d’exil de la famille Hugo dans l’île anglo-normande de Guernesey. (cliquer pour agrandir)
Mais
revenons à Julie qui, l’année suivante, peint un nouveau portrait d’Adèle,
conservé dans la famille Hugo. Probablement exécuté au moment des fiançailles d’Adèle
et Victor, il a parfois été attribué à François Gérard.
Il est probable que Julie ait peint un peu plus tard un portrait de Victor, cité dans la presse à l’occasion d’une exposition présentée par la Maison de Victor Hugo en 1930.
« "Victor Hugo raconté par l'image" et chez lui, dans sa maison de la place Royale qu'il habita seize ans, de 1832 à 1848 […] c'est l'âme du Romantisme en personne, illustrée par tant de portraits du souverain poète de son siècle et des siens, depuis le Victor Hugo légitimiste et rose, vu par Mlle Julie Duvidal de Montferrier, jusqu'au Victor Hugo démocrate et barbu de Bonnat et de Rodin. » (Raymond Bouyer, Revue de l’art ancien et moderne, 1 juin 1930, p.299). Au sujet de la même exposition, Le Figaro du 11 juin 1930 évoque « le Hugo gracieux, réservé, un peu gourmé, vu par Julie Duvidal de Montferrier et A. Devéria. »
Dans
les années 1820, Julie reçoit plusieurs commandes de l’Etat, dont les archives
portent témoignage. Ainsi, en 1920, lui est commandée la copie de Louis XVIII
en costume de sacre, portrait non officiel peint par François Gérard. Julie l'exécute dans un format beaucoup
plus important (275 x 195 cm) et reçoit la somme de 2.400 F.
Selon le centre national des arts plastiques, il aurait été mis en dépôt dès
1920 à la préfecture du Pas-de-Calais. Renseignement pris, personne ne sait ce
qu’il a pu devenir…
Au
Salon suivant, celui de 1822, Julie expose neuf toiles et plusieurs portraits
sous le même numéro. Son Bacchus enfant est acheté sur-le-champ par le
duc d’Orléans, futur Louis-Philippe, et intégré dans les collections du
Palais-Royal. Un Bacchus au teint porcelainé qui regarde bien sagement le spectateur, sur fond de
ciel rougeoyant qui paraît éclairé par le soleil couchant.
Elle
montre aussi une Eve qui pourrait bien être cette jeune femme effrayée par les conseils d’un serpent qu’on devine juste au-dessus de sa tête, enroulé dans
l’arbre.
Elle présente aussi des portraits de personnalités comme le duc de la Rochefoucauld et le prince de Joinville, alors enfant, portraits qui n’étaient probablement pas des copies (puisqu’on n’en présentait pas au Salon) mais qui ne semblent pas parvenus jusqu’à nous.
Enfin,
elle expose un portrait de Madame Campan, dont elle fera d'autres versions ensuite.
Il semblerait qu’ensuite Julie ait cherché à parfaire sa formation auprès d’autres peintres. On trouve sa trace dans une lettre de Jacques-Louis David, exilé à Bruxelles, au peintre Antoine-Jean Gros, son élève qui lui a recommandé la jeune femme : « Mlle Duvidal a d’abord fait une petite tête de Mlle Vernet ; elle me l’a fait voir, et tout en lui faisant des compliments mérités pour ses heureuses dispositions, je lui ai fait remarquer qu’il n’y avait là que ce qu’elle put voir faire, qu’il n’y avait rien-là qui mène au vrai talent ; que c’était de la crème fouettée ; qu’il fallait tâcher d’acquérir un talent sûr, et que le seul moyen était de voir et suivre la nature, de ne voir qu’elle et de laisser à d’autres ces talents flatteurs qui ne plaisent qu’à la chaussée d’Antin. Elle m’a entendu, et n’a pas fait attendre pour m’en convaincre ; alors je lui proposais de venir peindre chez moi, aussitôt elle développa les dispositions d’un talent réel. Elle fit le portrait de ma femme, ensuite celui de mon domestique, et c’est dans ces bonne dispositions qu’elle nous a quittés. Je ne sais à qui elle va s’attacher actuellement si elle ne va pas en Italie. » (Lettre de David à Gros, 21 octobre 1823, citée in Monique Moulin, « Une élève de Gérard, Julie Duvidal de Montferrier », Bulletin de la société historique de Compiègne, Tome 27, 1980, p.175-176)
Or, justement, Julie part en Italie, en compagnie de sa sœur.
Elle y séjourne plusieurs mois, notamment à Rome où elle a peint ce capucin sur
fond de paysage italien…
…
et une petite pochade, conservée par le musée de Compiègne, qui suppose qu’elle
se soit également rendue à Naples.
En
1824, Julie est cependant de retour au Salon avec une étude de Tête de moine,
peut-être celle du capucin précité, et quelques portraits dont on ne sait rien
mais qui, selon Raymond Escholier (1882-1971), qui fut directeur du musée
Victor Hugo dans les années 1920, lui valurent une médaille de 2de classe.
En revanche, on connaît bien son visage de cette période puisqu’elle est elle-même portraiturée par deux artistes qui ne fréquentaient pas l’atelier de Gérard mais qu’elle a pu rencontrer dans le « salon » où il recevait brillamment, le soir après minuit, dans la maison qu’il avait fait construire rue Bonaparte, presque en face de l’église de Saint-Germain-des-Prés.
Julie
continue à travailler dans l’atelier de Gérard puisque, selon un historien de l’art, elle aurait peint cette copie du
portrait en buste de Charles X, version « réduite » du grand portrait
officiel du souverain en costume de sacre, peint par François Gérard en 1825 et
qui se trouve aujourd’hui à Versailles. L’atelier de Gérard en aurait produit
plusieurs, destinés à être offert par le roi.
La confirmation de cette activité de copiste et de la diversité de ses commanditaires est intervenue en 2015, lorsqu’on retrouve par hasard dans un grenier de l'Hôtel-Dieu de Lons-le-Saunier, une toile de 4,3 sur 3,4 mètres représentant Le Vœu de Louis XIII, tableau commandé à Ingres en 1820 pour le Salon de Montauban. On pense tout d’abord qu’il s’agit d’une copie réalisée par le maître auquel on en avait commandé deux, l’une pour une église parisienne, l’autre pour la cathédrale de Montauban.
Celle
de Montauban est bien à sa place :
Et
c’est alors qu’on réalise que la copie qu’on vient de retrouver a probablement
été exécutée par Julie, laquelle n’a pas manqué d’occasion de rencontrer Ingres
qui fréquentait régulièrement les soirées de son ami François Gérard… Elle
aurait peint sa copie en format horizontal, ce qui laisse supposer une
interprétation assez libre. Hélas, je n’ai pas pu en trouver de photographie et
il paraît peu probable qu’elle soit restaurée…
Les réticences de Victor à l’égard de Julie semblent avoir disparu au cours du temps puisqu’il lui écrit des lettres fort aimables pendant son séjour en Italie. Et, visiblement, Julie n’a pas cessé de fréquenter la famille Hugo et son amie Adèle. Elle peint même un tableau étonnant :
Etonnant parce que, comme le montrent ses œuvres connues de 1824, il paraît pour le moins maladroit, tant au plan de ses qualités techniques qu’à celui de sa composition. Il représente, de gauche à droite, Abel, le frère ainé de Victor puis les trois frères de la génération précédente, le général Louis-Joseph Hugo (1777-1853), le général de division Léopold Sigisbert Hugo (1773-1828), père de Victor Hugo, et le commandant François-Juste Hugo (1780-1831). Visiblement, Julie n’a pas été très inspirée par l’exercice…
En
1827, Julie expose au Salon un portrait de son père et celui d’une jeune femme,
fille de la comtesse de N…, également perdus. Puis, en décembre, elle épouse le
frère ainé de Victor, Abel Hugo, héritier du titre de comte de l’Empire
qu’avait reçu leur père.
Un peu traîtreusement, Raymond Escholier s’interroge : « De quelle nature furent les sentiments du poète des Orientales pour sa belle-sœur qu'épousa, le 20 décembre 1827, Abel Hugo ? Il y a là peut-être un secret qu'il ne nous appartient pas de révéler. Mais ce qu'on ne saurait celer, c'est le vif intérêt que, jusqu'à son mariage, cette très jolie femme, qui fut aussi un peintre de talent, ne cessa d'inspirer à Victor Hugo. » Un catalogue – guide de visite de la Maison de Victor Hugo, daté de 1934, précise que « Victor Hugo qui, dit-on, ne fut pas insensible aux charmes de Mlle de Montferrier, lui a consacré, au moment de son mariage, l'ode XXIII du Livre V des Odes. » (Catalogue 1934, p.87), Ode que voici et sur laquelle je me garderai bien de me prononcer :
A Mme la Comtesse A.H.
Oh ! quel que soit le rêve, ou
paisible, ou joyeux,
Qui dans l’ombre à cette heure illumine tes yeux,
C’est le bonheur qu’il te signale ;
Loin des bras d’un époux qui n’est encor qu’amant,
Dors tranquille, ma sœur ! passe-la doucement,
Ta dernière nuit virginale.
Dors ; nous prîrons pour toi, jusqu’à ce beau matin.
Tu devais être à nous, et c’était ton destin,
Et rien ne pouvait t’y soustraire.
Oui, la voix de l’autel va te nommer ma sœur ;
Mais ce n’est que l’écho d’une voix de mon cœur
Qui déjà me nommait ton frère.
Dors, cette nuit encor, d’un sommeil pur et doux,
Demain, serments, transports, caresses d’un époux,
Festins que la joie environne,
Et soupirs inquiets dans ton sein renaissant,
Quand une main fera de ton front rougissant
Tomber la tremblante couronne.
Ah ! puisse dès demain se lever sur tes jours
Un bonheur qui jamais ne s’éclipse, et toujours
Brille, plus beau qu’un rêve même !
Vers le ciel étoilé laisse monter nos vœux.
Dors en paix cette nuit où nous veillons tous deux,
Moi qui te chante, et lui qui t’aime !
Abel
écrit, lui aussi. Il a fondé avec ses frères, Eugène et Victor, en 1819, la
revue royaliste Le Conservateur littéraire. On y trouve des poèmes de
Victor et d’autres écrivains, des revues littéraires et poétiques, des comptes
rendus de spectacles et même un article sur Charles Landon ! Abel y publie
parfois des récits, souvenirs de la période où il séjournait en Espagne avec
son père, lors du règne de Joseph Bonaparte – « Le Combat de taureaux »,
« El Viejo » – des compositions sur des coutumes étrangères – « Le
Carnaval de Venise » – mais il s’occupe plutôt de l’organisation et de la
diffusion de la revue.
Quant à son œuvre propre, elle sera surtout militaire (Histoire de la campagne d’Espagne (1923), La France militaire, en cinq tomes) et d’économie politique, notamment sur l’Algérie coloniale. Il écrira aussi une singulière description topographique et statistique des départements et colonies de la France, intitulée France pittoresque.
Après son mariage, la carrière de Julie, déjà relativement discrète, paraît avoir marqué une pause, le temps, probablement, de mettre ses enfants au monde.
Elle se limite à quelques productions familiales, comme un portrait de Léopoldine, la fille aînée de Victor et Adèle, qui n’est pas extrêmement convaincant (mais c'est peut-être dû à la qualité de la reproduction)…
…
en revanche, le portrait de son beau-père à la même époque souligne une
évolution de son style, devenu plus libre et spontané.
« Le musée Victor Hugo possède, de Julie Duvidal un portrait du général Hugo, qui donne une haute idée des qualités de cette artiste, de sa touche énergique, modelant en pleine pâte et en pleine lumière le masque du vainqueur de Fra Diavolo, et équilibrant, par de justes rapports, les harmonies des bleus et des ors, des rouges et des roses. » (Raymond Escholier, « L’art de Victor-Hugo », Le Correspondant, 1er janvier 1925, p.845)
Impression
confirmée par le portrait de son époux. La touche, qui paraît rapide et légère, est sans
doute ce qu’il fallait pour rendre la physionomie de cet homme qu'on imagine jovial et bon vivant…
…
et par un autre portrait d’officier qu’on peut supposer avoir été peint à la
même époque.
En
1828, Julie met au monde son fils ainé, Léopold, puis naît en 1830 une fille,
Zoé, qui ne vivra que deux ans et enfin Joseph Napoléon, dit Jules en 1835.
Les assez probables portraits des enfants par leur mère sont sans doute restés dans le cercle familial, à l’exception de celui de Léopold.
La
dernière apparition de Julie au Salon a lieu en 1833, avec cette Jeune fille
grecque, costume d’Athènes, épouse d’un écrivain connu pour ses nombreuses
traductions d’auteurs anglais et qui était rédacteur pour plusieurs publications, dont la Revue de Paris, où Balzac publiait ses
feuilletons très populaires.
On
peut voir dans ce portrait une évocation de la Grèce, nouvellement libérée. Le thème rappelle un tableau de Delacroix, destiné à alerter l’opinion publique sur les
malheur de ce pays en proie à un conflit avec les Turcs.
Huile sur toile, 213 x 142 cm
Dans
la revue publiée par la Société des lettres, sciences et arts « La
Haute-Auvergne » (Tome 37, janvier juin 1960), on apprend que l’oncle
d’Abel, le général Louis Hugo avait acheté en 1828 une belle demeure à
« huit fenêtres de façade », château construit en 1763 par un
notaire, dans la commune de Chameyrat, niché près des gorges de la Corrèze,
entre Tulle et Aurillac. Il s’y marie en 1834 et une fille naît la même année,
Marie.
On apprend également qu’Abel y fit un long séjour incognito, que Julie et ses enfants ne l'ont pas accompagné et que même Victor ne devait pas en être informé : « Une chose que tu ignores - écrit le général à sa sœur, le 2 avril 1832 - et que personne ne sait à Paris, c'est que notre neveu Abel est chez moi depuis dix mois et que je le garderai jusqu'à ce que ses affaires soient arrangées. Je te prie de ne confier cette confidence à personne, pas même à la famille de Victor. Or, tu conçois, ma chère amie, qu'il est essentiel d'observer la plus grande discrétion pour éviter les cancans et les bavardages. » (Revue de la Haute-Auvergne, op.cit. p.81).
On y apprend aussi qu’Abel « appartenait au monde des affaires » et, dans une lettre postérieure adressée à Victor, le général Hugo précise « Je voudrais bien aussi que ce pauvre Abel devienne plus heureux. Il travaille maintenant, Dieu veuille que cela dure et qu'il puisse enfin se tirer d'affaire. » (Revue de la Haute-Auvergne, op.cit. p.83). On ne saura pas ce qui s’est passé mais on comprend cependant entre les lignes qu’Abel est venu se cacher chez son oncle, peut-être pour échapper à des créanciers, laissant sa famille à Paris.
Il semblerait donc que la vie de Julie n’ait pas été si facile et c’est peut-être pour cela qu’elle répondait à des commandes de l’Etat.
Julie viendra cependant à Chameyrat plus tard, puisqu’elle y a exécuté les portraits de Louis et de sa fille, lesquels se trouvent probablement encore dans la famille et que la revue précitée reproduit en illustration :
La même revue évoque également une « tradition familiale » selon laquelle Julie, lorsqu’elle séjournait au château, « se faisait réveiller à quatre heures du matin par les domestiques, et transporter, elle et ses couvertures et matelas, sur la pelouse, devant le château, pour y admirer à son aise le lever du soleil. » (Revue de la Haute Auvergne, janvier 1960, p.75)
En 1847, dans une lettre, Victor estime que : « Abel aussi mérite beaucoup, espérons qu'il finira par obtenir. Il est arrivé en Afrique à très bon port, et ses affaires paraissent bien aller pour l'instant. » (Revue de la Haute-Auvergne, op.cit. p.90).
Abel
meurt en 1855 et l’on comprend que Julie a dû à nouveau répondre à des
commandes.
En
1859, elle exécute la copie d’une Vierge d’après Raphaël qui
se trouverait aujourd’hui à la mairie de Beuxes dans la Vienne, laquelle m'a fort aimablement informée qu'elle n'en avait aucune trace ; en 1860 nouvelle commande, celle de La
Vierge, l’Enfant Jésus, saint Jean et la Madeleine, d’après Cima da
Conegliano, un tableau qui se trouve au Louvre et dont la copie a été attribué à
l’église de Logrian, dans le Gard…
… et enfin, deux toiles représentant des Naïades en 1897, mises en dépôt au musée de Louans, en Saône et Loire, que j’ai interrogé sans obtenir de réponse.
Pour finir,
quelques mots sur l’aîné de ses enfants, Léopold, jeune homme brillant mais un
peu fantasque, mathématicien
qui publia, entre 1866 et 1876, plusieurs ouvrages de géométrie sur les
cristalloïdes. Il invente la théorie « hugodécimale », considéré par
les spécialistes comme une délirante divagation… Je l’évoque pour montrer ce
portrait qu’il fit de sa mère.
Julie Duvidal peignant
Plume, encre et lavis noir
Musée des Arts décoratifs, Paris
Julie Duvidal de Montferrier, épouse Hugo, est morte le 10 avril 1865 à Paris.
En l’absence
d’étude scientifique récente, ces quelques renseignements sur elle ont été
agrégés à partir des quelques informations trouvées dans les collections muséales et
les bases de données habituelles (Joconde, Base Salon).
Et
comme Julie n’a jamais, semble-t-il, peint de nature morte, je termine avec ce petit autoportrait !
*
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