Giovanna Garzoni est née au sein d’une modeste famille d’artistes vénitiens, à Ascoli Piceno, dans la région des Marches, en Italie centrale. Elle a appris la technique de la peinture à l'huile, probablement avec son oncle Pietro Gaia, à Venise, alors qu'elle était encore une jeune fille. Cet oncle était lui-même un apprenti de Palma le Jeune (1550-1628), l’un des peintres les plus remarquables de l’école vénitienne.
Parallèlement, elle se forme aux arts de la calligraphie et de la peinture miniature, apprend le chant et joue d’un ou plusieurs instruments à cordes.
A vingt ans, elle se peint en Apollon (voir ci-dessus), avec sa couronne de lauriers caractéristique. On peut y voir une sorte d'idéal puisque Apollon est l’inventeur des instruments à cordes.
Lors de son premier séjour à Rome, dans les années 1620, Giovanna se lie d’amitié avec l’érudit Cassiano dal Pozzo, dont l’activité de mécène se double d’une passion pour l’histoire naturelle : il a collectionné des fossiles, des échantillons géologiques et de nombreuses illustrations botaniques. C’est lui qui présente Giovanna à l’Académie des Lincei, première académie scientifique italienne qui fut à l’origine du renouveau de l’illustration naturaliste.
Ceci m'amène à évoquer sans plus tarder l'ouvrage de cinquante aquarelles et un frontispice, intitulé Piante varie (Plantes diverses), datant d'environ 1650, qui est conservé à Washington. Chacune de ces planches est consacrée à une plante dont le nom latin est inscrit en haut du feuillet :
La dénomination en italien est en bas, près des racines :
Et la signature de Giovanna se trouve aux planches 6 et 8 dans des emplacements un peu inattendus…N'étant pas botaniste, je vous laisse vous débrouiller avec les intitulés italiens !
Voici également le frontispice, qu'on voit souvent sur Internet, sans précision sur son origine :
Et voici enfin deux planches complètes :
Mais revenons aux années 20. A cette époque, Giovanna illustre un Libro de’ Caratteri Cancellereschi Corsivi,
dont a été récemment exposé un élément, Le Galion en mer, réalisé d’un seul trait !
Son talent lui vaut d’être sollicitée pour réaliser une série de toiles représentant les apôtres, à laquelle ont également contribué des maîtres prestigieux comme Domenico Tintoretto. Elles étaient destinées à l'église de l'Ospedale degli Incurabili (à la fois hospice, orphelinat et conservatoire de musique, fondé entre 1517 et 1522) à Venise. L’église a été démolie en 1831, on ne sait pas ce que ces apôtres sont devenus.
À 22 ans, elle épouse le portraitiste vénitien Tiberio Tinelli, mais leur mariage échoue en raison d'un vœu de chasteté que Giovanna aurait formulé pour déjouer une prophétie prévoyant qu'elle mourrait en couches. Le mariage prend fin en 1624.
L’année suivante, elle effectue son premier séjour à Venise où elle illustre un livre de calligraphie dont elle illumine les lettrines (majuscules) de fruits, de fleurs, d'oiseaux et d'insectes.
En 1630, Giovanna se rend à Naples où elle peint pour le duc d'Alcalá, important collectionneur d'art espagnol, qui est vice-roi à Naples. Elle y rencontre la peintre Artemisia Gentileschi et les deux artistes deviennent amies, même si la jeune Giovanna n’est pas l’égale de son ainée de sept ans.
Quelques
années après, vers 1635, Giovanna se trouve à la cour de la Maison de Savoie, à
Turin, où elle obtient le
titre de « Miniaturiste de Madame Réale ». Elle y peint le portrait de Victor
Amedeo 1er de Savoie.
Elle y peint également le portrait de Zaga Christ, prince éthiopien venu en Europe pour chercher des soutiens afin de reconquérir le trône d’Ethiopie, dont il affirmait être l’héritier après le meurtre de son père.
Zaga
Christ est représenté en costume européen et son portrait est la première miniature européenne connue d’un homme noir. Au dos du
portrait, la signature de Garzoni figure en italien et en amharique, une
ancienne langue éthiopienne.
En 1638, elle aurait accompagné Artemisia Gentileschi à la cour du roi Charles Ier, à Londres mais je n’ai pas trouvé d’indice bien clair de sa présence. En particulier, il n’y a aucune œuvre d’elle dans les collections anglaises. Or les nobles anglais sont réputés pour avoir conservé leurs collections pendant des siècles…
À la fin de 1639, elle aurait été membre de l'entourage du cardinal Richelieu, à Paris mais il n'existe pas d'œuvre d'elle dans les collections françaises, à ma connaissance…
Entre 1642 et 1651, on retrouve Giovanna à la cour grand-ducale de Florence, où elle reçoit de nombreuses commandes du grand-duc Ferdinand II de Medicis et de son épouse Vittoria della Rovere, du prince Laurent et des cardinaux Carlo, Giovancarlo et Leopoldo qui furent ses grands admirateurs, ce qui explique que les musées florentins conservent nombre de ses œuvres, notamment les petites natures mortes qu’elle a exécuté sur commandes de Ferdinand II de Médicis pour la Villa di Poggio Imperiale.
Les
œuvres ci-dessous datent de cette
période.
En
1649, elle peint une miniature de la « Madone de la chaise » d'après Raphaël
(« Madonna della Seggiola », conservée au Palais Pitti) mais alors que
Raphaël avait peint à l'huile sur panneau, Giovanna utilise la détrempe sur
parchemin. Sa palette est plus claire : Marie porte un châle crème, plutôt que vert, et son enfant est habillé de pêche plutôt que d'or.
Elle s'installe finalement à Rome, où, vers 1650 ou 1651, elle est admise à la prestigieuse Accademia di San Luca.
L’Accademia
di San Luca est une association d’artistes fondée à Rome en 1577 et devenue
active vers 1593. Elle est nommée ainsi en référence à Saint Luc
l’Evangéliste, saint patron des peintres et tenu pour être l’auteur du
premier portrait de la vierge Marie. Elle s’appelle également l’Accademia di
belle arti di Roma. Elle est restée l’académie la plus importante d’Italie. |
Elle reçoit cependant encore des commandes des Medicis, et exécute notamment d’extravagants bouquets.
Le coquillage
de gauche est un « Hexaplex ambiguus », un gastéropode qu’on trouve à proximité
des côtes du Mexique, dont les côtes méridionales ont été explorées en 1517 et
1518 par Franscisco Hernandez de Cordoba et Juan de Grijalva.
*
Giovanna s’inscrit donc dans la lignée des artistes de natures mortes italiens ou étrangers comme Jacopo Ligozzi, Otto Marseus ou Willem van Aelst, qui travaillaient pour la cour des Médicis.
Ses
compositions sont dominées par le souci de naturalisme, visible en particulier
à la représentation méticuleuse des détails, sa touche « pointilliste »
et son choix de la technique sur vélin. Son rôle dans l’évolution de
l’illustration scientifique est largement reconnu et il est probable qu’elle a
influencé plusieurs de ses contemporains, notamment Fede Galizia.
On
trouve naturellement de nombreuses œuvres de Giovanna dans les collections du
monde entier, comme ces oiseaux, particulièrement plaisants :
Rapprochons-nous pour bien voir les petits touches de pinceau, caractéristiques de Giovanna (n'hésitez pas à cliquer sur les images pour mieux voir ! )
Enfin, certaines œuvres sont conservées en collections privées. J’en ai choisi quelques-unes mais on peut en voir beaucoup d’autres sur le net. Cette pomme au lézard est également exceptionnelle…
… tout comme cette autre pomme, réapparue en 2024 au TEFAF de Maastricht.
Tempera sur vélin - 33,7 x 22,5 cm
Il n’y a que deux papillons et non quatre, chacun des deux est vu par-dessus et par dessous.
Une exposition à la Galerie des Offices, en mai-juin 2020, intitulée « La grandeur de l’univers dans l’art de Giovanna Garzoni » mettait en valeur ses compositions, rassemblées par les Medicis, dans lesquelles Giovanna a associé des objets exotiques de provenance extrêmement variée comme de la porcelaine chinoise, un nautile, des courges et fleurs mexicaines, des plantes sud-américaines et des chiens de compagnie anglais.
L’exposition
s’ouvrait sur une grande toile florale de plus de 4 mètres de long, oeuvre de Giovanna :
L’exposition aurait comporté aussi un portrait de Richelieu mais je n’en ai trouvé aucune reproduction.
Vers 1665, Carlo Maratti, alors directeur de l’Accademia di San Luca à Rome, peint un portrait de Giovanna Garzoni. Encore un bon indice de sa renommée.
Je n’ai pas pu trouver
d’image de son tombeau mais j’irai le photographier à la première occasion !
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