dimanche 23 juin 2024

Bessie Davidson (1879-1965)

 

Autoportrait – 1909
Huile sur toile, 70 x 50,7 cm
Art Gallery of South Australia, Adelaïde


Bessie Ellen Davidson est née le 22 mai 1879 à North Adelaïde, Australie. Elle est la deuxième des cinq enfants de David et Ellen Davidson, tous deux originaires d’Ecosse. Après ses études secondaires à Adélaïde, elle devient à l’âge de vingt ans l’élève de Rose McPherson (1875-1963), laquelle peint principalement des natures mortes.

Après avoir participé à l’exposition annuelle de la South Australia Society of Art en 1902 et 1903, Bessie part pour l’Europe le 2 juillet 1904, avec Rose, qui ne s’appelle pas encore Margaret Preston, nom sous lequel elle deviendra célèbre dans son pays. Pour l’heure, les deux amies se rendent à Munich où elles s’inscrivent brièvement au Künstlerinner Verein. A la fin de l’année, elles partent pour Paris ; fréquentent l’Académie de la Grande Chaumière qui vient d’ouvrir à Montparnasse.

Bessie y étudie avec les peintres René-Xavier Prinet et Gustave Courtois puis expose pour la première fois au Salon des artistes français en 1905, où, curieusement, elle ne se réclame dans le catalogue que de trois enseignants, Gustave Courtois, Raphaël Collin et Richard Miller, et non de René-Xavier Prinet qui était un ami.


René-Xavier Prinet (1861-1946)
Le Canapé jaune - vers 1904
Huile sur toile, 65 x 54 cm
Musée municipal de Bourbonne-les-Bains

En 1905, donc, Bessie montre deux huiles au Salon, Grand-mère bretonne et La petite Marie. Je suis tombée sur cette dernière, prête à ouvrir une porte, sa poupée à la main, dans Revue universelle :

 

Reproduit dans Revue universelle, 1er janvier 1905, p.323


En revanche, la Grand-mère bretonne reste un mystère, mais on peut imaginer qu’elle pouvait ressembler à celle-ci, peinte la même année.


Paysanne française (Grand-mère bretonne ?) – 1905
Huile sur toile, 92 x 73 cm
Collection particulière (vente 2018)


Autant l’annoncer tout de suite, il sera difficile cette fois de lier avec certitude une image à son titre car non seulement Bessie ne datait que rarement ses œuvres mais elles s’intitulent quasiment toujours « Fleurs » ou « Intérieur » !

Dès l’année suivante, Bessie quitte les artistes français pour la Société nationales des Beaux-Arts, familièrement dénommée « La Nationale », qui l’accepte dans ses rangs. Elle montre au Salon de 1906 des œuvres très parisiennes, Le Luxembourg et Dans la rue, dont cette petite huile évoque le thème.

 

Scène de rue – sans date
Huile sur toile, 46 x 38 cm
Collection particulière (vente 2014)


En décembre de la même année, elle rentre à Adélaïde avec Rose. Elles ouvrent ensemble un atelier et font exposition commune en 1907.

C’est la période où Bessie réalise des portraits, comme celui de son amie Gladys Reynell - une autre élève de Rose - où l’on reconnaît le style de Prinet, au début du siècle.

 

Portrait de Miss G.R. – 1906
Huile sur toile, 125,7 x 88,8 cm
Art Gallery of South Australia, Adelaïde


Grâce à une photographie d’époque, on dispose d’une autre vue de l’une de ses œuvres, Old Servant, qu’elle a exposée à la Royal South Australian Society of Arts d’Adélaïde en 1909 (cliquer sur les photos pour les grandir).


Bessie Davidson peignant Old Servant – vers 1908
Source : Bibliothèque d’Etat d’Australie du Sud


Dès 1910, Bessie retourne à Paris et s’installe au quartier latin, 64 rue Madame. Elle voyage en Europe, continue à se concentrer sur les portraits…

 

Intérieur français – 1911
Huile sur toile, 73 x 60 cm
Art Gallery of South Australia, Adelaïde


… et en présente deux à la « Nationale » de 1911, deux Dames, l’une en blanc, l’autre en bleu, que René Chavance, dans La Vie artistique du 1er avril 1911 qualifie de « gentilles » (p.52). C’est un peu mon avis aussi… mais rien ne prouve qu’il s’agisse bien, en l’espèce, de la Dame en robe bleue du Salon.


La robe bleue – 1911
Huile sur toile, 92,5 x 65 cm
Collection particulière (vente 2022)


De même, je ne prétendrai pas que le tableau ci-dessous soit celui qui fut présenté au Salon de l’année suivante, sous le titre Le livre vert, la boîte à bijoux (intérieur).

 

Jeune fille au livre vert – 1912
Huile sur toile, 92 x 73 cm
Collection particulière (vente 1999)

 

L’année suivante, en 1913, Bessie s’installe dans le logement atelier qu’elle ne quittera plus, sis 18 rue Boissonnade dans le XIVe arrondissement. Elle y peindra – plus tardivement sans doute – son canapé.

 

Le canapé du 18 rue Boissonnade – sans date
Huile sur carton, 38,5 x 53 cm
Collection particulière (vente 2024)


Elle présente à nouveau deux œuvres au Salon, une Femme en robe mauve (saluée par le quotidien La Lanterne du 23 avril 1913) et Fanny et Floc, un titre qui évoque une femme avec un animal, chien ou chat. C’est la seule raison de montrer ici cette Jeune femme au lévrier qui date de 1913 !


Jeune femme et lévrier – 1913
Huile sur toile, 92 x 73 cm
Collection particulière (vente 1998)


Début 1914, Bessie rentre à Adélaïde pour voir sa famille et peint sa sœur et sa nièce dans une jolie scène domestique baignée de lumière.

 

Mother and Child – 1914
Huile sur toile, 91,5 x 73,5 cm
Art Gallery of South Australia, Adelaïde


L’imminence de la Première Guerre mondiale l’aurait conduite à rentrer précipitamment à Paris mais elle est cependant présente dès le mois d’avril pour montrer au Salon de la Nationale deux huiles dont l’une a été peinte l’année précédente, Sur le balcon.

 

Sur le Balcon (Fillette au perroquet) – 1913
Huile sur toile, 92 x 73 cm
Collection particulière (vente 2013)

Et elle peint la même année cette douce scène de Jeune fille au miroir :

 

Girl in the mirror – 1914
Huile sur toile, 73 x 60 cm
National Gallery of Victoria, Malbourne

Pendant le conflit, Bessie devient infirmière pour la Croix Rouge et aurait travaillé dans un hôpital dédié aux malades atteints du choléra mais je n’en sais pas davantage. Il reste quelques témoignages de la période, comme cette aquarelle :

 

Scène de marché – 1915
Aquarelle sur carton, 26,5 x 22 cm
Collection particulière (vente 2021)


C’est au cours de la guerre qu’elle rencontre Marguerite Leroy qui devient son amie et mécène.

Dès 1918, son nom apparaît régulièrement dans la presse : « A la galerie Goupil, rue de la Ville l'Evêque, s'est ouverte le 8 octobre l'exposition d'un groupe d'artistes franco-anglo-américain. Ce groupe s'intitule « l'Arc-en-Ciel », un titre joli et d'un symbolisme délicat. (…) Il y a parmi les exposants beaucoup de femmes dont les œuvres ne sont pas les moins intéressantes. (…) Miss Bessie Davidson et Mme Ethel Carrick Fox ont beaucoup de talent. » (Le Curieux, « A la galerie Goupil », La Renaissance de l’art français et des industries de luxe, 1er mars 1918, p.358)

L’Etat lui achète sa première œuvre, une Nature morte, mise en dépôt quelques années plus tard au ministère de la Défense. Selon ce que j’ai pu lire, elle aurait été destinée à décorer le carré des officiers du cuirassé Bretagne qui fut coulé plus tard à Mers-el-Kébir. Je n’ai donc pas tenté de la retrouver.

L’année suivante, Bessie est de retour au Salon : « J’ai remarqué (…) un très délicat portrait de Madame Blavier par Miss Bessie Davidson » (Jean-Jacques Cancaval, « Le Salon de la Nationale », Le Crapouillot, 1er mai 1919, p.7)

Cette Madame Blavier s’appelle aussi Germaine Desgranges, c’est une amie sculptrice, proche de René Prinet qui est un ami de son père, le peintre Félix Desgranges (1860 - 1942). Il est possible que, cette année-là, elles aient exécuté leurs portraits croisés. Bessie a quarante ans.

 

Germaine Desgranges-Blavier (1892-1974)
Bessie Davidson – sans date
Plâtre, H 41 cm
Collection particulière (vente 2024)

 

A la même époque, René-Xavier Prinet a peint une scène où figurent les deux amies.

 

René-Xavier Prinet (1861-1946)
Au salon à Luxeuil, réunion chez les Desgranges – 1917
Huile sur toile, 134 x 175 cm
Musée de Luxeuil

On y voit à droite, de dos, le peintre Félix Desgranges, à gauche, lisant : un certain Robert Cornille ; au centre du tableau : Bessie Davidson assise et, à côté d'elle l'entourant de son bras, Jeanne Prinet, femme de l'artiste. Au piano, Germaine Desgranges-Blavier. Enfin, la dame en chapeau est la femme de Félix Desgranges. 

Je n’ai pas trouvé ce que Bessie a présenté au Salon de la « Nationale » de 1920 mais L’Excelsior souligne la « distinction américaine [sic] de Mme Bessie Davidson. » (14 avril 1920, p.3) Tandis que Comœdia signale « des portraits excellents, signés par Mmes Cadette-Simon, Béatrice How, Bessie Davidson, Elisabeth Chaplin. » (René-Jean, 14 avril 1920, p.1). Plus intrigant : « la très jeune fille au chat noir de Mlle Bessie Davidson, qui déjà s’interroge avec une simplicité douce, et nous ravit par l'harmonie veloutée de sa robe et de son fauteuil, faite de jaune d'ocre et de gris baigné de mauve. » (Etienne Bricon, « Les Salons de 1920 », Gazette des Beaux-Arts, 1er janvier 1920, p.326)

Intrigant car il se trouve que l’Etat a acquis en 1922 une œuvre de Bessie qui pourrait correspondre à cette description. Il faudrait pouvoir disposer d’une autre photographie pour le vérifier mais, selon la base Palissy, ladite jeune fille se trouve « dans le bureau du maire » d’un petit village du Lot…

 

Jeune fille et son chat – avant 1922
Tempera à l'huile sur carton, 70 x 59 cm
Mairie des Junies, Lot
Source : Base Palissy

La personne qui l’a documentée dans la base a précisé : « Le présent tableau est particulièrement remarquable par la qualité de la représentation d'un intérieur feutré et l'évocation de la personnalité d'une jeune fille perdue dans ses songes que même le mouvement de surprise de son chat ne parvient pas à troubler. » 

Des scènes d’Intérieur et des portraits de ces années-là, il en existe plusieurs. Le premier, où est représentée son amie Marguerite (ou sa mère ?), se trouve à la National Gallery of Australia de Canberra, musée qui conserve quatre œuvres de Bessie dont il publie les notices mais sans les illustrer…

Bref, j’ai donc trouvé les photos en question par mes propres moyens !

 

Madame Leroy assise de dos dans un intérieur – vers 1920
Huile sur fusain sur carton, 72,8 x 60 cm
National Gallery of Australia, Canberra

Signe de leur proximité, Bessie a aussi peint la fille de Marguerite (à moins qu’il ne s’agisse de Marguerite elle-même !)

 

Portrait de Mlle Le Roy – vers 1920
Huile sur carton, 52 x 65 cm
Collection particulière


Et cet autre Intérieur, où l’on constate un éclaircissement très net de sa palette et une transparence des couleurs toute nouvelle… 

 

Un intérieur – vers 1920
Huile sur carton, 73,1 x 59,7 cm
Art Gallery of South Australia, Adelaïde

… peut-être due à l’utilisation de la détrempe, comme le suggère cet article : « L'un des prénoms les plus charmants de la langue anglaise devait accompagner un talent charmant. S’agissant de Mlle Bessie Davidson, qui est australienne, l'optimisme auquel il invite est pleinement justifié. Dans son atelier-appartement du 18 rue Boissonnade, on la retrouve absorbée dans la mise en toile du portrait d'une mystérieuse princesse russe. Étant encore à un stade nécessitant de l'intimité, la toile a prestement été recouverte pour faire place à un travail mieux adapté à l'œil du critique.

Mlle Davidson est une experte dans l'utilisation de la tempera, un médium que les artistes expérimentent en ce moment, parfois combiné avec des huiles sur toile. Mlle Davidson préfère l'appliquer pur, sur du carton, et sa souplesse est adaptée à son toucher vif et habile ; sa transparence sert la lumière qui baigne ses intérieurs bien aérés et garantit la fraîcheur de ses fleurs. Elle offre à la fois les avantages, sans leurs inconvénients respectifs, des huiles et de l'aquarelle, car elle ne brille pas, ne s'enfonce pas, ne se décolore pas et ne s'assombrit pas. Elle permet plus de spontanéité que le pigment, plus lourd. Mlle Davidson l'accommode avec une facilité si heureuse que l’outil paraît être un jouet. Mais ne vous y trompez pas ! Ce n'est pas un raccourci pour ce succès que Mlle Davidson a si constamment rencontré. Elle, voyez-vous, s'appelle « Bessie ». (Anonyme, « Round the studios » The New York Herald, 12 novembre 1922, p.2, en anglais, traduction perso)

 

Pergola à Bormes-les-Mimosas – sans date
Huile sur carton, 41 x 35,5 cm
Collection particulière (vente 2024)


La France libre du 23 décembre 1922, par la plume de René Chavance, vante « les intérieurs aux fines colorations de Mme Bessie Davidson » qui expose à la galerie Devambez avec le groupe La Cimaise qui réunit « des gens de goût ». (p.2)

A partir de 1923, Bessie expose au Salon des Tuileries, né d’une scission d’un groupe d’artistes d’avec le Salon de la « Nationale », notamment Edmond Aman-Jean (1858-1936), Henri Le Sidaner (1862-1939) , Henri Martin (1860-1943) et René-Xavier Prinet (1861-1946), que la presse a tôt fait de désigner comme « intimistes » à la suite du critique Camille Mauclair qui avait inventé le terme au début du siècle : « L'impressionnisme de Monet et de Besnard a apporté un renouvellement de la distribution des lumières, l'écartement définitif de la solennelle erreur du ton local, c'est-à-dire de la croyance que la peinture est faite pour attribuer à chaque objet sa couleur propre, alors qu'au contraire elle est faite pour montrer que toute coloration dépend de l'atmosphère et varie avec elle. Un progrès énorme a été accompli dans les éclairages à contre-jour. Il suffit de comparer aux tableaux récents les toiles de 1850 pour le comprendre. Aux toiles actuelles l'ombre elle-même est riche de vibrations aériennes, variée, transparente, et d'elle à la pleine lumière se déroule, comme dans la nature, une harmonie continue qui est le thème pictural du tableau, et où certains peintres ont atteint à une véritable subtilité symphonique. L'influence de Manet, de Besnard encore, de Renoir et surtout de Degas a apporté une conception libre et neuve de la mise en cadre, un sens nouveau des silhouettes et de leur signification, une liberté d'arrangement, une horreur du conventionnel, le souci constant du geste précis et exempt de pose, aussi bien dans le réalisme, que Bastien-Lepage avait voulu d'une sécheresse photographique exagérée encore par ses élèves Friant, Meunier, etc. (…) Ainsi ces maîtres préparèrent les éléments d'une originalité pour la génération qui grandissait à leur ombre. Elle apparaît aujourd'hui conciliatrice de l'impressionnisme et du style, de la notation vive et de la pensée lente, par la renaissance d'un art que, faute de mieux, on peut appeler « l'intimité ». (Camille Mauclair, « Formation de l’École Française. Les peintres d’Intimité », La Revue, 1901, XXXVI, p. 24- 35 et p.159-170).

De ce Salon des Tuileries, les catalogues encore disponibles sont rares, il reste heureusement la presse : « Combien proche de nous (…) le talent si captivant de l’américaine Romaine Brooks, dont chaque portrait est la révélation d’une personnalité forte. (…) D'un caractère très différent, Bessie Davidson, une autre américaine [re-sic !], avec un égal et sympathique talent, a peint un bon portrait et deux intérieurs charmants. » (Alice Berthet, « Les femmes au Salon des Tuileries », La Française : journal du progrès féminin, 2 juin 1923, p.3)

 

C’est au début des années 20 qu’apparaissent en nombre les natures mortes de Bessie.

 

Roses – sans date
Huile sur panneau, 37 x 32,5 cm
Kirkcaldy Galleries, Kirkcaldy, Ecosse



Nature morte aux fruits et à la carafe – sans date
Huile sur carton, 37 x 46 cm
Collection particulière (vente 2014)


Nature morte aux iris – vers 1920
Huile sur carton, 71 x 48 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Elles permettent de déceler que sa touche devient plus visible et qu’elle ose progressivement des associations de couleurs juxtaposées.

 

Pois de senteur – 1923
Huile sur panneau, 39,7 x 32 cm
Kirkcaldy Galleries, Kirkcaldy, Ecosse

Même la critique la plus intransigeante la remarque : « Cependant, avec un Intérieur de Bessie Davidson (…), il faut clore ici la liste des œuvres peintes qu’anime ici quelque personnalité. » (Maurice Raynal, « Au Salon des Tuileries », L’Intransigeant, 7 juillet 1924, p.4)

Bessie entretient aussi des relations régulières avec les peintres anglais, au point d’être parfois prise pour l’une d’entre eux (alors qu’elle est britannique mais pas Anglaise) : « Aujourd’hui 8 juillet, à la Galerie d'Art de la Grande Maison de Blanc, vernissage d'une exposition qui réunit les œuvres de quelques peintres anglais Mmes Béatrice How, Bessie Davidson, Nina Hamnet, Constance Lloyd, Edith Morgan. (…) » (Le Masque de Fer, Le Figaro, 8 juillet 1925, p.1)

Et, toujours en 1925, je l’ai trouvée dans un catalogue de la Royal Academy of Art de Londres, où elle a exposé un Interior à la 29e exposition de la Société internationale des sculpteurs, peintres et graveurs, du 9 novembre au 19 décembre. Elle vend quelques toiles en Angleterre qu’on peut voir à la galerie de Kirkcaldy, en Ecosse - peut-être la ville d’origine de sa famille à laquelle elle rend régulièrement visite - ainsi qu’au Centre d’art d’Edimbourg.

 

Intérieur au canapé – sans date
Huile sur panneau, 41 x 33 cm
Kirkcaldy Galleries, Kirkcaldy, Ecosse


Deux d’entre-elles (probablement plus tardives car on y reconnaît sa manière des années 30), ont été photographiées par Marc Vaux, ce qui confirme la parfaite intégration de Bessie dans les cercles de peintres de Montparnasse.

 

Marc Vaux était un photographe installé avenue du Maine, à Montparnasse, dans les années 20. Proche de Maria Blanchard et Marie Vassilieff, il a photographié les œuvres de près de 5.000 artistes habitant à Paris, de 1920 à 1970. Ce fonds, aujourd’hui conservé à la bibliothèque Kandinsky du centre Pompidou, est consultable en ligne.

 

Interior – sans date
Huile sur panneau, 73,5 x 92,5 cm
Kirkcaldy Galleries, Kirkcaldy, Ecosse
(Fonds Marc Vaux : MV-3281-014)


Interior – sans date
Huile sur panneau, 98,7 x 104,8 cm
City Art Centre, Edimbourg
(Fonds Marc Vaux : MV-3282-014)


Au Salon de 1927, l’Etat acquiert un de ses Intérieurs que j’ai retrouvé grâce à une reproduction documentaire de la RMN. Mais j’ai privilégié la photo réalisée par Marc Vaux, beaucoup plus lisible.

Intérieur – 1927
Détrempe sur carton, 73,5 x 59,5 cm
La Piscine, Musée d’Art et d’Industrie André Diligent, Roubaix
Source de l'image Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Fonds Marc Vaux, MV-3282-005
© Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou – Dist. RMN-Grand Palais


L’année suivante, Bessie montre cinq huiles aux Tuileries. Le catalogue ne précise le titre que de l’une d’entre elle, Enfant au soleil.

Et en 1929, elle est exposée à la galerie L’Ecalle « Entre tant de femmes-peintres, l'art ne répudie point la palette féminine : témoin les intimités si délicatement colorées par miss Bessie Davidson, disciple originale de M. René Prinet et sociétaire de « la Nationale » depuis 1922. Les salonniers d'ailleurs, ceux du moins que n'attire pas exclusivement l'outrance préméditée des fauves, connaissent bien son goût pour la couleur lumineuse dont ils vont retrouver les meilleurs et les plus récents témoignages à l'exposition que le maître Albert Besnard, qui vient de prêcher d'exemple, doit inaugurer le 31 décembre à la galerie Ecalle. Écossaise, née en Australie, l'artiste est une Celte de Grande-Bretagne et, comme telle, une coloriste qui découvre ce que Delacroix appelait "une fête pour l'œil" aussi bien sur la joue rose d'un enfant que dans l'éclat duveté d'une fleur ou d'un fruit. Son collaborateur et son vrai maître est le rayon de soleil qui l'accompagne en ses voyages ou descend dans son intérieur. Au vrai talent, la surenchère décadente est inutile : avant Bessie Davidson, Mary Cassatt et Louise Breslau l'avaient déjà magistralement prouvé. » (Raymond Bouyer, « Les expositions », Bulletin de l'art ancien et moderne : supplément hebdomadaire de la Revue de l'art ancien et moderne, janvier 1929, p.20)

La revue reproduit, en noir et blanc bien sûr, le tableau ci-dessous :

 

Intérieur à la cheminée rose – 1925
Huile sur bois, 73 x 60 cm
Collection particulière (vente 2003)
Reproduit dans le Bulletin de l’Art ancien et moderne, 1er janvier 1929, p.23


« Les peintures récentes de Bessie Davidson sont exposées jusqu'au 12 janvier à la galerie l'Ecalle, 3 Faubourg St. Honoré et suscitent beaucoup de commentaires favorables de la part des nombreux amis et connaissances de l'artiste qui visitent l'exposition. (Anonyme, « Art and Artists », The Chicago tribune and the Daily news, New York, 6 janvier 1929, p.5, en anglais, traduction perso)

Au début des années 30, en plus de sa présence régulière aux Tuileries, Bessie s’engage dans la Société des femmes artistes modernes (FAM) créée en 1931 par la peintre Marie-Anne Camax-Zoegger (1881-1952). Dès la première année, les FAM exposent au théâtre Pigalle et Bessie est nommée vice-présidente. Elle y présente des Intérieurs « moelleux, imbus d'atmosphère et de clarté diffuse, [qui] laissent aussi apparaître par la fenêtre le paysage estompé. » (M. La Tour, L’esprit français, 6 janvier 1931, p.88)

On sait aussi qu’elle peint la même année cette Robe jaune ruisselante de lumière (la photo n’est pas terrible…)

 

La robe jaune – 1931
Huile sur toile, 38 x 46 cm
Collection particulière (vente 1999)

La même année, selon plusieurs sources, elle reçoit la Légion d’Honneur au titre de sa peinture. J’ai cherché dans la base Léonore et ne l’y ai pas trouvée, ce qui ne veut pas dire que ce soit inexact. Je ne me suis juste pas sentie autorisée à demander une recherche spécifique au service compétent !

Chaque année reviennent les mêmes mentions dans la presse sur « les fleurs et les intérieurs distingués de Bessie Davidson » (Maximilien Gauthier, « Les expositions », L’Art vivant, 1er janvier 1932, p.162)

 

Nature morte aux fleurs et poires - sans date
Huile sur carton, 61 x 46 cm
Collection particulière (vente 2016)

C’est le moment où son style se transforme, elle peint en petites tesselles de couleur, parfois chaud contre froid, un peu comme les divisionnistes mais de façon plus libre.


Intérieur aux cruche et vase de fleurs - sans date
Huile sur panneau, 104 x 124 cm
Collection particulière (vente 2014)
(Fonds Marc Vaux : MV-3283-010)


Et Bessie ne chôme pas. La même année, les articles de L’Art et les artistes signalent sa présence au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts, où elle a montré des natures mortes jugées « très colorées » (p.279) ; elle est aussi au Salon des Tuileries : « la nature morte est brillamment représentée par les envois chauds, ardents, de Bessie Davidson » (p.318) et, dans le même journal, elle est évoquée à propos de l’exposition des FAM : « Bessie Davidson qui s’enrichit chaque jour ». (1er mars 1933, p.354)

 

 

Nature morte - années 1930
Huile sur panneau, 21,5 x 27 cm
Collection particulière (vente 2021)


Nature morte aux fruits et fleurs – années 1930
Huile sur panneau, 73,5 x 50,7 cm
Collection particulière (vente 2008)

« Au clair sous-sol de la Maison de France, la IIIe année des femmes artistes modernes ; ici, la diversité des tendances n'interdit pas un harmonieux ensemble, grâce au choix obtenu par la présidente, Mme Camax-Zoegger, dont l'intelligente activité n'est pas accaparée toute par ses peintures décoratives et ses frais paysages. Jacqueline Marval, Lucie Cousturier, Béatrice How et Jane Poupelet, les mortes, collaborent à ce loyal succès avec les meilleures des vivantes, Mmes Louise Hervieu, Bessie Davidson, Dufau, Delasalle, Adrienne Jouclard et Albe Corbery, l'auteur d'un nu magistralement dessiné. » (Raymond Bouyer, La Revue de l’art ancien et moderne, 1er juin 1933, p.279)

 

Progressivement, ses Intérieurs accueillent des silhouettes de femmes inconnues.

 

Intérieur avec dame – sans date
Huile sur carton, 75 x 75 cm
Kunstmuseum, La Haye
(Fonds Marc Vaux : MV-3283-002)


Cette pianiste est peut-être son amie Marguerite Le Roy ?

 

Titre inconnu
Source Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Fonds Marc Vaux, MV-3281-013
© Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou – Dist. RMN-Grand Palais


Titre inconnu
Source Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Fonds Marc Vaux, MV-3282-013
© Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou – Dist. RMN-Grand Palais

En 1934, elle est présente à la Nationale avec « ses Intérieurs raffinés » (La Dépêche du Midi, 29 mai 1934, p.5) et à l’exposition des FAM : « Peintre d'« Intérieur », Mme Bessie Davidson traite d'une facture large et sincère, tout ce que ces intérieurs contiennent, pas de mièvrerie mais de la réalité et de la beauté. » (L’Est républicain, 9 juin 1934, p.6)

L’année 1935 est celle où j’ai trouvé la première mention de Guétary, près de Biarritz, où elle se rend probablement depuis quelques années, si on en croit La Gazette de Bayonne du 4 avril 1935 qui prévient : « Miss Bessie Davidson est arrivée à Guétary », ce qui constitue aussi un indice de sa notoriété.

Plusieurs photographies du fonds Marc Vaux pourraient témoigner de ce qu’elle y a peint. Ici, peut-être la vue de l’entrée de la maison où elle séjourne…

 

Titre inconnu
Source Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Fonds Marc Vaux, MV-3282-008
© Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou – Dist. RMN-Grand Palais


… et celle de la fenêtre de sa chambre ?

 

Titre inconnu
Source Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Fonds Marc Vaux, MV-3283-009
© Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou – Dist. RMN-Grand Palais


Et des petites pochades :

 

Guétary, côte d’Espagne – vers 1930
Huile sur carton, 22 x 27 cm
Art Gallery of South Australia, Adelaïde



Guétary – vers 1935
Huile sur bois, 26,5 x 34,2 cm
Collection particulière (vente 2009)

Les huiles de cette année-là témoignent de la diversité de ses intérêts. Elle est en pleine possession de son style et les collectionneurs d’aujourd’hui ne s’y trompent pas.

 

Table d’automne ou Villetaneuse – 1935
Huile sur panneau, 44 x 82 cm
Collection particulière (vente 2018)



Tulipe au pot blanc – vers 1935
Huile sur panneau, 31,5 x 98,5 cm
National Gallery of Australia, Camberra
(Fonds Marc Vaux : MV-3280-002)


Intérieur aux coquelicots – 1935
Huile sur panneau, 124,5 x 104,5 cm
Collection particulière (vente 2008)
(Fonds Marc Vaux : MV-3283-005)



Dans le jardin – vers 1935
Huile sur contreplaqué, 94 x 114 cm
Art Gallery of South Australia, Adelaïde


C’est à cette époque aussi qu’apparaissent les premières scènes qui font référence à « Villeneuve », près de Chambéry.

 

Intérieur à Villeneuve – 1935
Huile sur carton, 73 x 92 cm
Collection particulière (vente 1999)
(Fonds Marc Vaux : MV-3283-004)



Maurice Blanc à Villeneuve – sans date
Huile sur panneau, 19 x 24 cm
Collection particulière (vente 2024)


Fenêtre à Villeneuve – sans date
Huile sur carton, 89 x 77 cm
Collection particulière (vente 2024)

 

Et il semblerait bien qu’on voie la même fenêtre ci-dessous, où un paysage montagneux est également suggéré en arrière-plan.


Titre inconnu
Source Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Fonds Marc Vaux, MV-3281-016
© Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou – Dist. RMN-Grand Palais




Le château de Villeneuve – sans date
Huile sur panneau, 19,4 x 24,3 cm
Collection particulière (vente 2007)



Titre inconnu
Source Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Fonds Marc Vaux, MV-3283-001
© Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou – Dist. RMN-Grand Palais


Et pour les sceptiques, voici château de Villeneuve aujourd’hui :

 

Source : site du « leader mondial de l’ardoise naturelle » !


Les commentaires louangeurs ne tarissent pas, qu’il s’agisse du Salon des Tuileries, « Le nombre des exposantes est cette année copieux : il y a, parmi ces dames à palette, des mérites certains, et nous les louerons sans tarder : c'est un plaisir que de nommer Andrée Joubert, Hélène Maire, Adrienne Jouclard, Henriette Deloras, Rolande Dechorain, Jeanne Pelisson-Mallet, Claire Valière, Valentine Prax, Andrée Lévy, Marthe Lebasque, Madeleine Luka, Bessie Davidson, Marie-Anne Camax-Zoegger, Irène Mayer, ou cette raffinée coloriste qu'est Louise Pascalis. » (Louis Vauxcelles, Le Monde illustré, 30 mai 1936, p.458) …

… ou de l’exposition des FAM : « Miss Bessie Davidson est avant tout une intimiste. Ses Intérieurs sont étudiés avec une grande compréhension des douces atmosphères et un sens poétique bien personnel. Son Atelier est une toile charmante et précise. » (Georges Turpin, « La griffe artistique, exposition des FAM », La Griffe, 29 mars 1936, p.16) …

Cet Atelier m’évoque un tableau qui pourrait bien être un autoportrait :

 

Titre inconnu
Source Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Fonds Marc Vaux, MV-3282-015
© Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou – Dist. RMN-Grand Palais


Et, en 1937, Bessie participe à l’exposition « Les femmes artistes de l’Europe » au Jeu de Paume et en 1938, encore à l’exposition des FAM qui se tient à l'hôtel Jean Charpentier, comme l’indique l’article, moult fois cité dans ce blog, de Louis Vauxcelles qui concède que : « La société artistique connue à Paris, sous le nom de F. A. M. — Les Femmes Artistes Modernes groupe sans contredit le dessus du panier des palettes féminines. » (Le Monde illustré, 2 avril 1938, p.16). Peut-être y montre-t-elle ce fauteuil vert (atrocement mal photographié).

 

Le Fauteuil vert – 1937
Huile sur bois, 73 x 92 cm
Collection particulière
(Fonds Marc Vaux : MV-3282-010)


« Voici heureusement réunies en place d'honneur, les plus nobles figures de notre temps : une Valadon, une Louise Hervieu, une Emilie Charmy, une Bessie Davidson, une Mela Muter, qui nous paraissent régner tout-près des plus grands de nos peintres un Derain, un Matisse, un Segonzac sur toute la peinture française. » (René Barotte, « Floraison de peinture féminine », L’Homme libre, 27 mars 1938, p.1).

Toujours en 1938, elle participe à la 28e exposition « Les artistes de notre temps » au Petit Palais : « Pour les peintres, les mieux connus du public sont ici : Van Dongen, Mela Muter et Bessie Davidson (…) Bessie Davidson donnant en des natures mortes, des intérieurs, voire des paysages, la pleine expression de sa riche palette et de ce métier généreux qui résume largement l'essentiel en vue de l'unité harmonieuse. » (Journal des débats politiques et littéraires, 16 mars 1938, p.4)

 

Nature morte aux deux bouquets de fleurs – sans date
Huile sur carton, 73 x 92 cm
Collection particulière (vente 2019)
(Fonds Marc Vaux : MV-3280-004)

« L'Ecossaise Bessie Davidson, avec ses fruits et ses fleurs, prolonge à merveille une tradition qui rassemblait, jadis, à la Nationale, une élite de peintres étrangers, passionnés de Paris et de la France, l'Américain Sargent, le Norvégien Thaulow, le Suédois Zorn, l'Italien Boldini. » (Raymond Escholier, « Salon national indépendant », Le Journal, 25 avril 1938, p.2)

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Bessie est contrainte, en tant que citoyenne britannique, à séjourner à La Tronche, près de Grenoble, d’où proviennent peut-être ces montagnes très alpines, en manteau neigeux.

 

Titre inconnu
Source Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Fonds Marc Vaux, MV-3281-011
© Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou – Dist. RMN-Grand Palais


Titre inconnu
Source Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Fonds Marc Vaux, MV-3282-002
© Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou – Dist. RMN-Grand Palais



Titre inconnu
Source Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Fonds Marc Vaux, MV-3282-001
© Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou – Dist. RMN-Grand Palais

 

A moins qu’il ne s’agisse de la Suisse !

 

Neige au château d’Oex, Suisse – fin des années 1930
Huile sur carton, 81,3 x 99,7 cm
Art Gallery of South Australia, Adelaïde


Un nouveau thème apparaît, qu’elle n’aurait peut-être pas expérimenté si elle était restée Parisienne, les natures mortes de chasse. Un faisan, un canard, une bécasse :

 

Le Faisan – 1939
Huile sur panneau, 138 x 106 cm
Collection particulière (vente 1999)
(Fonds Marc Vaux : MV-3280-003)

 

Titre inconnu
Source Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Fonds Marc Vaux, MV-3281-003
© Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou – Dist. RMN-Grand Palais



Titre inconnu
Source Centre Pompidou/MNAM-CCI/Bibliothèque Kandinsky, Fonds Marc Vaux, MV-3282-007
© Bibliothèque Kandinsky, MNAM/CCI, Centre Pompidou – Dist. RMN-Grand Palais


En 1941, à l’occasion d’une exposition dans une galerie grenobloise, Bessie est saluée par un artiste qui sait de quoi il parle car il est aussi conservateur et directeur du musée de Grenoble : « En ces temps troublés, tel un havre favorable aux Arts de la paix, Grenoble, depuis l'armistice, attire de nombreux artistes français ou de l’Ecole de Paris. C’est ainsi que Bessie Davidson, l’artiste parisienne réputée est venue se fixer en cette banlieue tronchoise où son talent se plie pour elle à de nouvelles et rudes exigences paysagistes de notre région des Alpes, qu’elle adore et admire. Elle expose en ce moment à la Galerie St-Louis.

Cette artiste, toute de charme, est née d’une famille écossaise en Australie. Mais elle vit en France depuis 1904, faisant, à Paris, ses premiers essais - et ses études - et ses premières armes au Salon du Champ de Mars afin de prendre rang dans la cohorte d’avant-garde des peintres français et de s’affirmer ensuite au Salon d'automne et à celui des Tuileries. Cette sensible anglo-saxonne d’une distinction émouvante et subtile appartient à cette phalange sélectionnée de femmes-peintres, si rares à une époque où surabondent les "peintresses" dont, heureusement et avantageusement elles nous consolent. Ainsi donc Mary Cassatt, Louise Breslau. Marie Bashkirtseff, Béatrice Howe reconnaissaient en Bessie Davidson une sœur de leur inquiétude ou de leur douceur : et Berthe Morisot lui eût tendu cette main franche, d’un geste clair comme sa peinture. Aussi est-ce la grande fierté de notre artiste de faire partie de notre école française par les droits que lui donne sa parenté avec notre sensibilité latine et d’être de chez nous par cette chaude cordialité, émancipée de son cœur aimant toutes choses de notre pays, toutes choses quelles qu’elles soient mais de France !

Rien n’est donc plus Français que son art : — bouquets parfumés d’intimité, paysages aux verts reflets d’ailes sauvages et de forêts, fleurs truculentes dont chacune médite son fruit, intérieurs aux fiévreuses ambiances et cependant si patriarcales. Tout est frémissement dans l'œuvre débordante de vie de Bessie Davidson, tout est vivant, même les natures mortes. Pour exprimer cette palpitation du monde à laquelle, perpétuellement, elle est sensible, Bessie Davidson, s’est créé un vocabulaire également trépidant, crépitant même quant à la couleur, par une facture, une matière vraiment bien adaptées à l’expression de son originale conception aussi cérébrale que visuelle. » (Andry-Farcy, Une femme peintre de l’Ecole de Paris, exposition Bessie Davidson », Le Petit Dauphinois, 7 juillet 1941, p.2)

De 1945 à 1948, Bessie participe aux expositions de l'Union des femmes peintres et sculpteurs et, chaque fois, sa présence est soulignée dans la presse : « Au Palais du quai de New-York s’ouvre le 64° salon des femmes peintres et sculpteurs. (…) Mme Bessie Davidson et son paysage de rochers et de mer évoquent les longues baignades encore lointaines. » (Anonyme, « Quai de New-York les femmes peintres et sculpteurs s’exposent elles-mêmes », Point de vue, 22 janvier 1948, p.15)



Guétary – 1948
Huile sur panneau, 19 x 24 cm
Collection particulière


Elle continue à peindre au moins jusqu’à la fin des années 50 et à exposer jusqu’en 1951. Son style se rigidifie un peu, devient plus statique…

 

 

Nature morte au livre avec un bougeoir – 1959
Huile sur panneau, 70 x 60 cm
Collection particulière (vente 2014)


Bessie Ellen Davidson est morte dans son atelier de la rue Boissonnade, le 22 février 1965, à quatre-vingt-six ans.

 

*

 

Relisons Camille Mauclair : « Et, j'y reviens encore, j'entends par intimiste non pas uniquement l'artiste qui peint des intérieurs, mais avant tout celui qui, même sur des figures de plein air, transporte ce mystère de l'expression créé par la révélation de l'âme, et aidé par la concentration de toutes les tonalités. (…) A cette série de visionnaires de la poésie ombreuse et subtile s'opposent quelques admirables et robustes natures, qui ont, elles aussi, profité de l'impressionnisme et gagné en intensité. » (Camille Mauclair, op.cit., p. 164)

« Nous sommes donc en présence d'une série de nouveaux artistes dont quelques-uns vont être des maîtres. Admirons-les, ils ouvrent l'avenir, ils apportent l'âme au moment où nous craignions que l'excès de recherches techniques ne mît fin à toute sincérité dans la peinture. Ils présentent aux cimaises des Salons une collection d'œuvres dont la gravité, la conscience, le profond sentiment et les dons superbes inspirent le respect. Grâce à eux l'Ecole française, la vraie, pas celle des Académies, va prolonger pour longtemps l'évident triomphe de la Décennale. Mais n'oublions pas de rendre hommage à leurs inspirateurs. C'est aux excommuniés, aux pauvres, aux bafoués, aux lapidés par les officiels, que nous devons cette floraison; c'est à Manet, à Renoir, à Monet, à Degas, à Pissarro, à Legros, à Moreau, à Whistler, à Besnard et à Carrière et à Ricard, à tout le groupe héroïque du Salon de 1867, à tous les détestés, à tous les poursuivis par les sarcasmes et la haine rancunière de l'Institut, que cette magnifique revanche, cette consécration équitable est donnée aujourd'hui, de voir languir dans l'afféterie les médaillés d'ateliers Julian, tandis que s'éveille à l'ombre de ces  maîtres toute une jeune France aux yeux clairs, à la main ferme, à l'âme lyrique ou pensive, étendant leur influence, développant leurs idées, imposant leur culte, prouvant au monde entier tout ce que leur génialité contenait de durable, de fort, d'éternellement logique dans la spontanéité elle-même. » (Camille Mauclair, op.cit., p.170)

Andry-Farcy ne dit pas autre chose quand il souligne que « rien n’est donc plus français que son art », et que, bien que passionné d’art moderne, il décèle dans l’œuvre de Bessie le frémissement de la vie.

Mais voilà, l’art « intimiste » de Bessie Davidson est de ceux dont on a souligné très tôt le caractère conservateur et antimoderne : « Il y a là quelques emprunts sans doute à l’art nouveau, les couleurs claires, le choix des sujets, mais c’est le fond même de la tradition et des goûts de la bourgeoisie qu’incarnent ces peintres. Nés dans ce milieu, ils ont grandi dans cette atmosphère familiale, ils ont puisé dans leur entourage leur goût d’intimité. » (Jacques Dupont, « Histoire de l’Art contemporain. La Bande Noire », L’Amour de l’Art, décembre 1933, 10, p. 60-65). 

Avoir plu à ses contemporains sans être d’avant-garde, c’est probablement ce que lui reprochent certains curateurs d’aujourd’hui quand, par exemple, ils l’excluent d’une exposition intitulée « Know my name », regroupant quatre artistes féminines australiennes qui étaient ses contemporaines, à la National Gallery of Australia…

Heureusement, d’autres ont su dépasser cet ostracisme, comme l’ambassade d’Australie, qui a regroupé une soixantaine de ses toiles à Paris, en mai-juillet 1999. En 2017 et 2018, on a vu ses œuvres dans des expositions de groupe sur le paysage, organisées par des galeries australiennes et, enfin, la S.H.Ervin Gallery a présenté « Intrepid Women : Australian Women Artists in Paris 1900-1950 » en février-mars 2018.

Plus attachante encore, l’exposition « Bessie Davidson & Sally Smart » organisée à Victoria par la Bendigo Art Gallery, qui présentait une cinquantaine d’œuvres de Bessie, intérieurs, portraits et paysages, en regard de celles de sa petite nièce, Sally Smart (née en 1960) qui tenait à raconter comment l’héritage culturel de sa tante, qu’elle considère comme une des artistes pionnières d’Australie du Sud, l’a accompagnée dans sa propre démarche d’artiste. L’exposition, prévue en avril 2020, n’a pas pu être montrée en raison du Covid et a fait l’objet d’une présentation sur Internet.

C’était un premier pas pour insérer Bessie Davidson dans l’histoire de l’art australien !

 

Et, pour finir, une petite évocation du climat parisien …

Jour de lessive au bord de la Seine – sans date
Huile sur toile, 22,5 x 33 cm
Collection particulière (vente 2021)

 


 

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