dimanche 7 juillet 2024

Sylvia Gosse (1881-1968)

 

Self Portrait at a Dressing Table – vers 1928
Gravure, 17,8 x 12,1 cm
Collection particulière (vente 2012)


Née le 14 février 1881 à Londres, Laura Sylvia Gosse était la benjamine des trois enfants du poète, critique littéraire et bibliothécaire de la Chambre des lords, Edmund Gosse. Sa mère, Ellen Epps, était peintre avant son mariage et l’une de ses tantes avait épousé le peintre Lawrence Alma-Tadema (1836–1912). La famille baignait dans une atmosphère culturelle à laquelle participaient de nombreux artistes et écrivains. Une famille aisée qui permettra à Sylvia de conserver toute sa vie une autonomie financière.

Dès l’enfance, Sylvia a décidé d’être artiste. Elle accomplit une partie de ses études secondaires en France, puis étudie à la St John's Wood School of Art et, à partir de 1906, effectue trois ans d’étude à la Royal Academy of Art, période pendant laquelle elle exécute le portrait du poète Henry Dobson, un ami de son père.

 

Henry Austin Dobson – 1908
Huile sur toile, 29,2 x 22,2 cm
National Portrait Gallery, Londres


Walter Richard Sickert, qui fréquentait la maison de ses parents, remarque son travail et lui conseille d’étudier la gravure.

Elle s’inscrit donc au cours de gravure de Sickert, d’abord à la Westminster School of Art puis, en 1909, dans la nouvelle école de gravure, dessin et peinture qu’il ouvre au 209 Hamsptead Road. Lorsque l’école déménage au 140 de la même rue, Sickert la baptise Rowlandson House en hommage à l’illustrateur et caricaturiste anglais Thomas Rowlandson (1756-1827).

 

Walter Richard Sickert (1860-1942)
Rowlandson House – Sunset – vers 1910/1911
Huile sur toile, 61 x 50,2 cm
Tate Britain, Londres



Sylvia Gosse (1881-1968)
Walter Sickert Studio, Rowlandson House – sans date
Craies de couleur sur papier, 16,5 x 22,5 cm
Collection particulière (vente 2019)

A cette date, Sylvia est déjà passée du statut d’élève à celui d’enseignante et prend en charge les étudiants que Sickert ne trouve pas dignes de son enseignement ! Dans la nouvelle école, dénommée Sickert and Gosse School of Painting and Etching, elle assure, en plus de ses cours, la direction administrative et, selon certaines sources, apporte un soutien financier. 

C’est l’époque où l’un des élèves de Sickert, le peintre Harold Gilman, réalise deux portraits d’elle (cliquer pour agrandir). Harold Gilman est l’un des membres fondateurs du Fitzroy Street Group et du Camden Town Group, qui réunissaient de jeunes peintres sur lesquels Sickert  exerçait une forte influence. Mais Sylvia ne risquait pas d’en faire partie, car, bien que délibérément « progressiste », le Camden Town Group était interdit aux femmes. Elle ne fut autorisée à le rejoindre qu’au moment de sa transformation en London Group.

 

Harold Gilman (1876-1919)
Sylvia Gosse – 1913
A gauche :
Huile sur toile, 61 x 51 cm
The Cleveland Museum of Art, Ohio
A droite :
Huile sur toile, 69 x 51 cm
Southampton Art Gallery


 


Fitzroy Street Group, Camden Town Group, London Group

Avant la Première Guerre mondiale, l’art britannique était relativement isolé des développements radicaux de l’abstraction cubiste qui avaient eu lieu à Paris. Peu d’œuvres d’art continentales étaient visibles à Londres avant l’exposition « Manet et les postimpressionnistes » organisée par Roger Fry en 1910-1911.

A partir de l'automne 1907, un groupe de jeunes artistes assistaient à des réceptions informelles où ils pouvaient rencontrer At home des critiques et des acheteurs potentiels, dans un studio loué à Bloomsbury au premier étage du 15 Fitzroy Street, près de l’atelier de Walter Sickert, leur référence à tous. Le Fitzroy Street Group est né de ces rencontres.

Le Camden (Town)Group (du nom de la ville, au nord de Londres, où Sickert a installé son atelier) est fondé en 1911, par quelques-uns de ces artistes qui partageaient un intérêt pour les sujets urbains, les rues et les habitants de Londres et de sa banlieue, les scènes du quotidien, les divertissements populaires, thèmes qui constituent l’essentiel de la production de Sickert à l’époque. Ces peintres partagent aussi un style : une peinture sèche, épaisse, appliquée en touches brisées, soit dans les tons sombres et riches des maîtres anciens (comme Sickert), soit dans des combinaisons de couleurs vibrantes, rose, mauve, vert (comme Spencer Gore, Charles Ginner, Harold Gilman et Robert Bevan).

Le Camden Group n’exposera que trois fois, dans l’espace du sous-sol de la Carfax Gallery, en juin et décembre 1911 et décembre 1912. 

Le London Group lui succède, dans l’objectif de faire mieux connaître au public « l’art visuel contemporain », grâce à des expositions annuelles. Il s’agissait aussi de s’opposer au conservatisme de la Royal Academy comme au New English Art Club, devenu conservateur après avoir été avant-gardiste. La première exposition du London Group a eu lieu à la Goupil Gallery de Londres. Le London Group a perdu progressivement sa prééminence à partir des années 1930 mais il existe toujours aujourd’hui.



Sylvia a déjà exposé deux fois, un Intérieur au New English Art Club en 1911 et à la Royal Academy en 1912. Selon le catalogue, il s’agissait d’une gravure représentant son père. Je ne sais pas s’il s’agissait de la scène ci-dessous mais ce n’est pas exclu car le titre indiqué est « Edmund Gosse … », ce qui laisse entendre que « quelque chose » devait suivre.


Sir Edmund Gosse in his Studies – sans date
Gravure, 18 x 15 cm
Collection particulière (vente 2024)


Dès 1913, Sylvia participe à la création du London Group et bénéfice de sa première exposition personnelle à la Carfax Gallery. On reconnaît dans cette Couturière la peinture sèche, la palette tonale et la « touche brisée » des peintres du Camden Group :

 

The Seamstress – vers 1914
Huile sur toile, 51,1 x 40,7 cm
National Museum, Cardiff
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


Et une deuxième version, probablement contemporaine, dans un style plus personnel.

 

Seamstresses – sans date
Huile sur toile, 53,5 x 40,6 cm
Rye Art Gallery, Rye
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


On aborde ici un thème récurrent dans l'œuvre de Sylvia. Comme Sickert, elle est intéressée par les scènes familières mais ce sont souvent des femmes au travail, toujours représentées selon des angles inattendus (un reflet dans une glace pour l'Infirmière), une caractéristique qu'elle partage avec plusieurs peintres du Camden Group.

 

The Printer – vers 1915
Huile sur toile, 100 x 94,8 cm
Museum & Art, Swindon
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


The Nurse – sans date
Huile sur toile, 156,2 x 74,6 cm
The Box, Plymouth
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


La Repasseuse – sans date
Huile sur toile, 50,8 x 39,4 cm
Collection particulière (vente 2019)


Sylvia et Sickert travaillent souvent ensemble. Ainsi, la même année, Sickert peint une série de toiles sur un vieux violoniste nommé Heffel, que Sylvia prend également pour modèle :

 

Walter Richard Sickert (1860-1942)
Old Heffel of Rowton House – vers 1916
Huile sur toile, 55,8 x 40,7 cm
York Art Gallery



Sylvia Gosse (1881-1968)
The Old Violinist – vers 1918
Eau-forte sur papier, 12,1 x 8,4 cm
Archives de la Tate Britain

Il résulte de ce travail en commun une certaine influence de Sickert sur le travail de Sylvia.

La toile ci-dessous, par exemple, présente le même thème que le Mantelpiece de Sickert, un intérieur qui se reflète dans un miroir dont le manteau est encombré d’objets dont le reflet anime la scène.

 

Sylvia Gosse (1881-1968)
The Lustre – vers 1914/1915
Huile sur toile, 38 x 30,5 cm
Collection particulière (vente 2006)


Walter Richard Sickert (1860-1942)
The Mantelpiece - vers 1906
Huile sur toile, 76,2 x 50,8 cm
Southampton City Art Gallery


Mais si l’influence est certaine, cela n’empêche pas Sylvia d’exister par elle-même. Comme l’a souligné un critique du Times, « Il serait facile de qualifier Miss Gosse d'élève de Walter Sickert. Mais ses travaux montrent qu'elle est bien plus que cela ; on peut voir l'influence de l'origine mais M. Sickert ne l'a pas submergée ; il ne lui a communiqué que quelques-unes de ses propres vertus. » et l’on verra que c’était aussi l’avis d’un ami de Sickert, le peintre Jacques-Emile Blanche (1861-1942).

Par ailleurs, Sylvia n’est pas une personnalité charismatique. Elle ne s’est jamais mise en avant, cherchant plutôt à se fondre dans le paysage : « [elle] pouvait apparaître au numéro 15 [Fitzroy Street] les jours At Home, mais rarement ; très timide, elle choisissait toujours le coin le plus discret qu'elle pouvait trouver ; ayant l'air harcelée et traquée, elle parlait à peine » se souvenait Marjorie Lilly, une autre élève de Sickert. (Source : Nicola Moorby, « Sylvia Gosse 1881–1968 », avril 2003, in The Camden Town Group in Context, Tate Research Publication, mai 2012)

Et cette « invisibilité » continue aujourd’hui : j’ai compté, sur la page de Sylvia, une centaine de notices de ses dessins et gravures dans les collections en ligne du British Museum. Aucune n’est illustrée, sauf quatre… qui sont en fait des gravures de Sickert, insérées au milieu du lot !

En 1917, Sylvia est présente à « l’Exposition d’arts graphiques d’hiver » de la Royal Academy avec deux gravures intitulées Napoleonic Eagle et Scandal-Mongers et ce sera fini pour dix ans avec cette institution.

Mais elle expose dans de nombreuses galeries, ses dessins et gravures, le plus souvent.

 

The High French Bed – 1912
Gravure (dimensions non communiquées)
Museum of Modern Art, New York


Stall Street, Bath – 1919
Lithographie sur papier, 30 x 23,1 cm
Archives de la Tate Britain



Kitty - sans date
Gravure, 29,3 x 21,8 cm
Ashmolean Museum, Oxford



Fillette se peignant les cheveux – sans date
Crayon graphite, craie noire et rouge, 27,4 x 20,3 cm
The Cleveland Museum of Art, Ohio


The Mirror (A Patient Model) - 1920
Gravure, 30 x 22,5 cm
Ashmolean Museum, Oxford

 

S’agissant de ses peintures - qui ne sont pas datées non plus – on ne peut se fonder que sur les tenues de protagonistes (et l'évolution de sa palette) pour les situer dans le temps.

 

Lady passing a Shop Window – années 1920
Huile sur toile, 50,8 x 40,6 cm
Collection particulière (vente 2000)


Sylvia peignait aussi en France, visiblement régulièrement, probablement parce qu’elle accompagnait Sickert dans ses déplacements. Et il séjournait fréquemment en Normandie depuis les années 1880. Il y avait rencontré Jacques-Emile Blanche en 1882 et c’est dans la maison du peintre à Dieppe qu’il a fait la connaissance de ses futurs galeristes parisiens, Durand-Ruel et Bernheim-Jeune, et aussi d'artistes, Renoir, Monet, Pissarro.

 

Walter Richard Sickert (1860-1942)
Jacques-Emile Blanche – vers 1910
Huile sur toile, 61 x 50,8 cm
Tate Britain, Londres


Mais c’est à Paris que Sickert a rencontré d’Edgard Degas, dont il se sent proche au plan artistique et avec lequel il partage l’idée de l’importance du dessin dans la composition, « vertu » qu’il a transmise à Sylvia.

Quoi qu’il en soit, cette toile de Sylvia, qui date probablement de la fin des années 1910, porte un titre en français.

 

Les Rentiers – fin des années 1910
Huile sur toile, 44,5 x 34,3 cm
Sheffield Museums
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


Ces Rentiers n’ont pas l’air particulièrement aisés mais ils bénéficient d’une place au soleil tandis qu’une jeune femme les regarde, immobile et dans l’ombre. Il n’en faut pas davantage pour élaborer une théorie que j’ai lue, selon laquelle ce tableau exprime la relation complexe entre l’art, les femmes et la vie moderne. Pourquoi pas…

Mais cette autre toile, peinte plus tardivement en Angleterre, fonctionne un peu selon le même principe. Si c’est elle-même qu’elle représente de dos, observant le marché, quelle est la signification de ce positionnement ? Sylvia est surtout celle qui regarde, sans se montrer. La petite gravure que j'ai placée en exergue est le seul autoportrait que j'ai trouvé. 

 

Market Day at Branstone – sans date
Huile sur toile, 52 x 35 cm
Collection particulière (vente 2019)


Au cours des années 20, elle réalise de nombreuses scènes françaises, souvent à Dieppe ou dans ses environs.

 

Dieppe, France – vers 1919
Huile sur toile, 56 x 45,5 cm
Hastings Museum & Art Gallery
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


Mais si on se fie à sa « touche brisée », il semblerait bien qu’elle soit allée aussi au sud de la France dans les années 10 :


Rochefort du Gard, France – sans date
Huile sur toile, 59 x 43 cm
Hastings Museum & Art Gallery, Hastings
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


Dans les années 20, elle paraît revenir à une palette plus proche de celle de Sickert.

 

Dieppe, Moule-frites – sans date
Huile sur toile, 60 x 47 cm
Bristol Museum & Art Gallery, Bristol
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images



La place Saint-Jacques – vers 1920
Huile sur toile, 46 x 51 cm
Victoria Art Gallery, Bath 
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images



Château de Dieppe – vers 1925
Huile sur toile, 89,5 x 69 cm
The Box, Plymouth
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images

 

On commence à parler de Sylvia dans la presse française… à l’occasion d’un long article sur Sickert : « Miss Sylvia Gosse, la fille d'Edmond Gosse, et la géniale Miss Lesort, deux disciples fameuses de Sickert, mais aussi personnelles que si elles ne l'admiraient pas. » (Jacques-Emile Blanche, « La semaine artistique », Comœdia, 15 décembre 1920, p.2)

Indice de son succès, le gouvernement britannique lui achète plusieurs toiles :

 

Regent's Park - The Endeavour & the Enterprise – vers 1925
Huile sur toile, 51 x 76,5 cm
British Goverment Art Collection, Londres


Regent’s Park : The Jolly Roger in the Home Water – vers 1925
Huile sur toile, 51 x 76,5 cm
British Goverment Art Collection, Londres

A Paris, Sylvia participe à une « Excellente exposition, présentée avec le goût habituel du Musée des Arts décoratifs. (…) Copley, Laura Knight et Sylvia Gosse ne manquent certes pas de talent. Mais les deux maîtres sont Augustus John et Sickert, dont le Théâtre et l’Ennui sont de vrais chefs-d’œuvre. Nous retrouvons, parmi les lithographies, à peu près les même noms : de nouveau Sickert, Copley, Sylvia Gosse. » (François Fosca, « Chronique des expositions – Gravure anglaise moderne », L’Amour de l’art, Janvier 1928, p.34)

 

Envermeu - 1927
Taille-douce, 29,8 x 16,8 cm
Ashmolean Museum, Oxford


Sylvia commence à pratiquer, comme Sickert, la peinture d’après photographie.

C’est ainsi que le portrait de son mentor a été réalisé d’après un cliché pris en 1923, dans le studio d’un photographe professionnel.

 

Walter Richard Sickert -1923/1925
Huile sur toile, 50,8 x 30,5 cm
Tate Britain, Londres

Pour se représenter lui-même dans la rue, Sickert utilisera dix ans plus tard une photographie publiée avec un article de The Star, relatant sa démission de la Royal Academy en 1935.

 

Walter Richard Sickert (1860-1942)
Self-Portrait in Grisaille – 1935
Huile sur toile, 68,6 x 25,4 cm
National Portrait Gallery, Londres


Pour son tableau célèbre, Foule de Madrid, Sylvia travaille en atelier d’après une photographie prise pendant une manifestation. Une peinture-instantané, floue, comme rapidement saisie depuis le centre de la foule, vraiment moderne.

 

Madrid Crowd – 1931
Huile sur toile, 61 x 51 cm
University of Hull Collection
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


Et on dirait bien que cette sortie des arènes de Madrid a bénéficié de la même technique…

 

Outside the Bullring, Madrid – sans date
Huile sur toile, 61,5 x 45,7 cm
Collection particulière (vente 2013)


… et peut-être aussi cette Bretonne…

 

Breton Woman – sans date
Huile sur toile, 61 x 48,5 cm
Wolverhampton Art Gallery, Wolverhampton
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images

 

… et certainement cette Accolade (titre donné en français) au milieu d’un groupe.

 

L’Accolade – vers 1936
Huile sur toile, 43,7 x 46,5 cm
Calderdale Metropolitan Borough Council, Calderdale
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


Comme, enfin, ces chasseurs à courre, devant la porte du manoir d’Hibouville (1635) à Envermeu, qu’elle avait déjà peinte quelques années plus tôt.

 

Huntsmen before the Gates of Hibouville – années 1930
Huile sur toile, 53,5 x 66 cm
Rugby Art Gallery & Museum, Rugby
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images



Gate at Hibouville – 1922
Huile sur toile, 31,5 x 38,5 cm
Collection particulière (vente 2018)


En 1926, Sylvia est élue membre de la « Royal Society of Painter-Etchers and Engravers » et recommence à exposer à la Royal Academy en 1929, avec une huile intitulée Yellow Orchids.

Elle y reviendra presque chaque année, ce qui permet de dater certaines de ses toiles, comme ce Vendeur de trompettes d’Envermeu, qu’elle expose en 1932…

 

The Trempet-vendor of Envermeu – vers 1932
Huile sur toile, 60,2 x 29,7 cm
Leamington Spa Art Gallery & Museum, Leamington Spa
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


… et qu’on dirait peint le même jour que cette échoppe de paniers, balais et filets de pêche…

 

Dieppe, place Nationale – années 30
Huile sur toile, 71,4 x 30,5 cm
Laign Art Gallery, Newcastle Upon Tyne
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images
 

… et cette harpiste :

 

The Harpist – sans date
Huile sur toile, 106,8 x 45 cm
Worthing Museum & Art Gallery, Worthing
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


Toujours ses cadrages inattendus, un peu décalés, peut-être photographiés ou rapidement croqués pour être travaillés ensuite en atelier. Elle-même appelle ses croquis des « instantanés »

 

Grande pâtisserie, place Nationale, Dieppe – 1930
Huile sur toile, 42 x 57,5 cm
The Towner, Eastbourne
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


En 1933, Sylvia expose à la Royal Academy un Danseur noir qu’elle a saisi comme si elle se trouvait au milieu du public.

 

Dancing Negro – 1933
Huile sur toile, 110,9 x 62,2 cm
Sheffield Museums
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


En 1934, elle montre une Rue Pequet, Dieppe, que je n’ai pas retrouvée, vous aurez donc La rue Cousine en lot de consolation…

 

La rue Cousine, Dieppe, France – vers 1930
Huile sur toile, 59 x 49 cm
Brighton & Hove Museums
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


… et cette scène de rue où l'on voit encore une femme active, vêtue d'une blouse. 

 

Street Scene, Dieppe – sans date
Huile sur toile,55,6 x 46 cm
Southampton City Art Gallery
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


Au milieu des années 30, alors que Sylvia a été élue membre de la Royal Society of British Artists, on voit apparaître, dans le catalogue 1936 de la Royal Academy, le portrait du secrétaire d’Etat du Vatican, le cardinal Pacelli, futur Pie XII. A l’époque, il revenait d’un long périple privé aux Etats-Unis, je me demande comment Sylvia a bien pu le rencontrer. Encore une photographie ? Impossible à savoir, je n'ai pas retrouvé le cardinal. 

Ceci m’amène aux portraits exécutés par Sylvia. Je ne sais pas s’ils sont nombreux, je n’en ai trouvé que quatre mais ils soulignent sa capacité à saisir la psychologie de ses modèles. Le petit air bravache de cette jeune femme se peignant…

 

Portrait de femme – sans date
Huile sur toile, 50,5 x 40,5 cm
Collection particulière (vente 2013)


… l’air inquiet et vaguement revêche de cette dame engoncée dans son écharpe bleue…

 

The Blue Muffler – sans date
Huile sur toile, 51 x 40,5 cm
Collection particulière (vente 2018)


… et peut-être la même dame, dérangée dans sa lecture et dont l’activité cérébrale paraît si intense qu'elle illumine le miroir placé derrière son chapeau…

 

Mrs. Alexandra Russel – sans date
Huile sur toile, 60 x 50 cm
Collection particulière (vente 2021)


… l’œil complice et presque affectueux du leader travailliste et militant pour le vote des femmes, Georges Lansbury (1859-1940), au soir de sa vie…

 

Georges Lansbury - 1939
Huile sur toile, 52,1 x 34,3 cm
National Portrait Gallery, Londres


Et enfin ce pêcheur concentré, qui n'est pas tout à fait un portrait, est interprété en deux versions, peinte et gravée.

 

A gauche : The Angler – vers 1933
Gravure, 30,3 x 12,6 cm
Ashmolean Museum, Oxford
A droite : The Fisherman – sans date
Huile sur toile, 76,2 x 44,4 cm
Leeds Museums & Galleries, Leeds
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images

 

Par bribes, on apprend que Sylvia, dans les années 1930, continue à veiller sur Sickert (je ne sais pas d’où sort cette « Tak Gallery »… peut-être la Tate telle que l’entend un Français ?) : « Les milieux artistiques de Londres sont en émoi : Le directeur de la Tak Gallery a refusé dernièrement un tableau du roi George peint par Richard Sickert, membre de l'Académie royale. "Ce tableau, dit le directeur, est certainement le meilleur et le plus vivant des portraits des personnes royales, mais il ne peut figurer dans la Tak Gallery". Le portrait fut alors acheté par miss Sylvia Gosse qui l'offrit à la ville de Glasgow mais le don ne fut pas accepté… Que signifie cette étrange mise à l'index ? Le fait est que le roi est représenté sur cette toile en costume négligé et dans une attitude familière, en train de bavarder avec son palefrenier. Ce n'est plus du tout le souverain qu'on propose à l'admiration du peuple sur les timbres-poste et sur les monnaies : un personnage impassible, majestueux et serein. C'est un brave homme qui a oublié un instant qu'il est roi et qui rit de toutes ses dents. Mais précisément le peuple doit ignorer que son souverain n'est qu'un homme. L'habit ne fait pas le moine, dit le proverbe. Peut-être, mais… l’habit fait le roi ! » (Anonyme, « Un portrait indésirable du roi d'Angleterre », L’Œuvre, 20 janvier 1933, p.3)

Hélas, je n’ai pas retrouvé le portrait scandaleux… mais je sais que dans ces mêmes années, Sylvia a participé à la création du fonds Sickert, destiné à le soutenir dans ses vieux jours. Et elle l’accompagne lorsqu’il s’installe à Bath Hampton en 1938, pour veiller sur lui.

En 1941, Sylvia expose un Château de Dieppe à la Royal Academy. Ce n’est pas l'un des deux ci-dessous, acquis par des musées dans les années 1930. Elle l'a peint si souvent, ce château de Dieppe… 


The Castel, Dieppe, France – avant 1930
Huile sur toile, 76,4 x 64 cm
Atkinson Art Gallery Collection
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images



Dieppe – avant 1933
Huile sur toile, 59,5 x 49,5 cm
Gallery Oldham
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images

 

La  dernière apparition de Sylvia à la Royal Academy aura lieu en 1948, avec la basilique San Simeone.

 

San Simeone, Venise – sans date
Huile sur toile, 71,6 x 56,5 cm
Collection particulière (vente 2013)

Sylvia continue à s’occuper fidèlement de Sickert jusqu’à la mort de celui-ci, en 1942. Ensuite, elle s’installe dans une petite maison près de Hastings, avec son amie, Kathleen Fisher. Elles voyagent un peu et Sylvia peint, en solitaire. 

 

From the Garden, Morning, Dieppe – sans date
Huile sur toile, 55,8 x 45,8 cm
Southampton City Art Gallery, Southampton
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


Fountain, Saule – 1951
Huile sur toile, 65,4 x 51,3 cm
Southampton City Art Gallery, Southampton
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images


Sa carrière se termine au début des années 1960, quand elle est atteinte de semi cécité.

Sylvia Gosse est morte le 6 juin 1968.

 *

Comme on s’en doute, elle est rapidement tombée dans l’oubli et il semble bien qu’elle s’y trouve encore largement, même en Angleterre. 

En 1975, son amie Kathleen Fisher a publié un livre de souvenir intitulé « Conversations with Sylvia », impossible à trouver aujourd'hui sauf dans les bibliothèques anglaises.

En mai-juillet 1978, le Hastings Museum and Art Gallery a présenté « Sylvia Gosse Painter and Etcher 1881-1968 ». 

Et puis plus rien jusqu'à ce que la Tate Britain installe son Infirmière et son Imprimeuse dans une exposition intitulée « Now You See Us, Women Artists in Britain », où elle partage l’affiche avec Artemisia Gentileschi, Angelica Kauffmann, Mary Beale, Elisabeth Butler et Laura Knight, excusez du peu ! (L'exposition se termine en octobre 2024)

Il était quand même plus que temps, s'agissant d'une artiste dont les collections publiques britanniques conservent plus d’une cinquantaine d’œuvres, sans compter ses très nombreuses gravures.

Mais l'attitude du British Museum souligne le problème : aujourd'hui encore, Sylvia reste dans l’ombre de Sickert. Elle n’était pas la seule : il s’était constitué un groupe de disciples fidèles, en particulier des jeunes femmes, qui non seulement suivaient son enseignement mais participaient également au réseau de soutien à cet artiste talentueux mais bizarre, dominateur, souvent exigeant, mais néanmoins charmant. Charmant mais pour le moins désinvolte : il n’a même pas pris la peine de peindre un portrait de son amie !

 

Et voici pour respecter la règle, trois petites natures mortes. Non, ce ne sont pas ses meilleures toiles… 

 

 

Lilies and Fruit – 1925/1935
Huile sur toile, 61,4 x 51 cm
Walker Art Gallery, Liverpool
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images



Kitchen Still Life – sans date
Huile sur toile, 45,8 x 30,6 cm
Collection particulière (vente 2013)


Lilies and Fruits – 1933
Huile sur toile, 61,2 x 51 cm
Manchester Art Gallery, Manchester
© Photo The artist’s astate / Bridgeman images



 

*

 

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