Elin
Kleopatra Danielson est née le 3 septembre 1861 à Noormarku, un petit village
de la région de Satakunta, en Finlande. Son père, Karl et sa mère, Amalia
Gestin étaient d’origine suédoise leurs familles s’étant installées en
Finlande plusieurs générations auparavant. Elin passe son enfance dans la ferme
familiale mais, en 1872, son père se suicide en raison des difficultés
financières de son exploitation. Sa mère, restée seule avec ses deux petites
filles, tient cependant à ce qu’elles poursuivent de bonnes études. C’est le frère
de sa mère, Mauritz Gestin, qui finance celles d’Elin lorsqu’à 15 ans, elle est
admise à l'école de dessin de la Finnish Art Society d'Helsinki, où elle étudie
le dessin classique, le paysage et la perspective ainsi que la peinture sur
porcelaine.
De
1878 à 1780, elle fréquente l’école privée du peintre Adolf von Becker, où Helene
Schjerfbeck avait aussi étudié quelques années auparavant.
Après
l’obtention de son diplôme d’enseignante, Elin travaille quelques temps comme
peintre sur porcelaine puis devient professeur de dessin au séminaire de Jyväskylä en 1882-1883. Mais elle s’ennuie
et prend conscience qu’elle souhaite approfondir sa formation de peintre. C’est
une bourse du Sénat finlandais qui lui permet de se rendre à Paris, à l’automne
1883. Là, elle s’inscrit à l’Académie Colarossi où elle suit l’enseignement des
peintres Gustave Courtois et Raphaël Collin, tout en étudiant la sculpture
auprès d'Auguste Rodin, auquel elle est présentée par son amie sculptrice,
Sigrid af Forselles.
Raphaël Collin est alors l’un des peintres naturalistes préférés des jeunes scandinaves qu’il initie au « pleinairisme », la peinture en plein air. (Cliquer sur les images pour les agrandir)
Pendant
l’été, Elin se rend à Concarneau et à Pont-Aven où elle rencontre Jules
Bastien-Lepage qui l’encourage à alléger sa palette. Elin s’intéresse
particulièrement aux femmes dans leurs activités quotidiennes, comme cette Jeune
Bretonne avec sa coiffe des pays de l’Aven, qui vient de ramasser des
légumes et s’interrompt pour regarder le spectateur.
Elin séjourne en Bretagne jusqu’au printemps 1885 et peint aussi cette Jeune mère, cousant en costume traditionnel devant un bouquet de fleurs posé sur un bahut qu’on distingue à peine derrière elle.
En
1886, Elin rentre en Finlande et, après quelques mois passés à Norrmarku, s’installe à
Önningeby, sur l’île de Mariehamm, où l’artiste
Victor Westerholm a réuni de jeunes artistes finlandais dans une petite colonie
qui commençait à faire l’objet d’articles élogieux dans la presse. C’est
l'époque où Elin noue de solides relations avec les peintres finlandais et
notamment le plus célèbre d’entre eux, Akseli Gallen-Kallela, avec lequel elle
entretiendra une correspondance toute sa vie.
A
partir de 1887, Elin commence à être connue pour ses portraits de femmes,
représentées un peu en marge des convenances, comme cette dame qui fume en
faisant des réussites.
En
1888, grâce à une nouvelle bourse, Elin revient à Paris, élargit son cercle de
connaissances, rencontre Puvis de Chavannes et Alfred Roll. La même année, elle
peint le portrait de son amie Hilma Westerholm (l’épouse de Victor Westerholm),
portrait qui lui vaut une médaille de bronze à l’Exposition universelle de
Paris en 1889. Selon l’historienne de l’art Ritta Konttinen, la pose de la
jeune femme aurait été inspirée de celle du portrait de Victoria Dubourg (voir
sa notice), peint par Edgar Degas au moment de ses fiançailles avec
Fantin-Latour. Je ne sais pas, en
revanche, où Elin a bien pu voir ce tableau. Quoi qu’il en soit, la critique
finlandaise de l’époque a simplement relevé une pose « caractéristique
d’une intimité entre la peintre et son modèle ».
Et, à l'évidence, Elin profite de son séjour pour visiter un peu le pays.
En
1990, Elin retourne en Finlande, continue à enseigner le dessin et travaille
intensément à la production de paysages finlandais…
…
et de portraits qui suscitent une certaine indignation, en raison de l’attitude
jugée trop désinvolte de ses modèles !
Le
fait de fumer une cigarette, seule à table, paraît avoir été une expression
féminine de l’époque pour évoquer le fait de « prendre du temps pour soi ». Quatre ans
plus tard, Amélie Beaury-Saurel réalise au pastel une scène semblable, Dans
le bleu (voir sa notice).
Le
petit tableau ci-dessous a une histoire : il a été retrouvé par hasard
dans une galerie de Livourne, après être resté en possession de l’artiste jusqu’en
1919. La signature d’Elin a été découverte lors de sa restauration, cachée par celle
de son mari…
Peut-être
est-ce pour calmer la critique qu’Elin revient ensuite à des scènes plus
conventionnelles, ici avec l'un de ses modèles préférés, sa jeune sœur Emilia dite
Tytty (qui pose aussi dans Après le déjeuner), représentée sous la douce
lueur d'une lampe. Il souligne l’intérêt d’Elin pour la lumière que l’on
retrouve dans ses œuvres italiennes postérieures.
De
1891 à 1895, Elin voyage, visite les grandes villes européenne Copenhague,
Berlin, Saint Pétersbourg, Venise et, enfin, Florence en 1895. Rentrée en
Finlande, elle peint un retable de l’église de Kimito.
Mais sa passion pour la Toscane la conduit à demander une nouvelle bourse, qu’elle obtient en 1896, afin d’étudier les grands maîtres du Quattrocento.
Durant
l’été, elle fait la connaissance d’un jeune peintre, Raffaello Gambogi, qui
avait remporté l’année précédente le premier prix à l’exposition de la Société pour
la Promotion des Beaux-Arts de Florence, avec Emigranti.
Après avoir obtenu l’autorisation du pape – car Elin est protestante – les deux jeunes gens se marient en février 1898, sans trop prévenir la famille finlandaise dont Elin craint la désapprobation : son jeune mari a treize ans de moins qu’elle. Ils s’installent à Torre del Lago, dans une petite maison avec jardin et potager dont Elin s’occupe elle-même, sans cesser de peindre, bien sûr.
Le
début de leur vie conjugale est marqué par un intense travail en collaboration
et le succès arrive. En 1899, Elin expose L’Eté à la société des
Beaux-Arts de Florence où il sera acheté par le roi Umberto 1er, puis
Soirée d’hiver est acceptée à la Biennale de Venise. Je ne suis pas
parvenue à retrouver ces deux tableaux…
L’année
suivante, elle reçoit à Florence une médaille d’argent pour l’Autoportrait
que j’ai placé en exergue de cette notice puis elle participe à l’Exposition
universelle de Paris. J’ai bien trouvé son nom dans la liste des récompenses où
j’ai eu la surprise de la trouver classée dans les artistes russes… avant de me
souvenir que la Finlande de 1900 était un Grand-Duché de l’empire russe !
Elle
y aurait présenté une Madre et Nella Vigna qui se trouve
aujourd’hui au musée de Turku…
…
lequel conserve aussi une autre œuvre de la même veine naturaliste, où une jeune
italienne étend son linge au soleil, sous les figuiers. La lumière, encore.
On
s’étonne de trouver aussi ce type de représentation à la palette beaucoup plus accusée,
comme si Elin avait développé deux styles, le second peut-être plus adapté au goût finlandais
de l’époque ?
Dans une lettre de 1901 à son ami, le peintre Victor Westerholm, Elin avoue une très grosse déprime. Son mari est tombé amoureux d’une de ses amies, la peintre finlandaise Dora Wahlroos qui séjournait chez eux.
Elin
décide de rentrer en Finlande mais Gambogi refuse de signer les papiers l'autorisant à voyager seule. Elle part donc en sa compagnie. Emportant avec eux des toiles réalisées en Italie, ils exposent
ensemble à Helsinki. Au cours du voyage, Gambogi commence à présenter les
premiers symptômes d’une maladie mentale.
Ils retournent en Italie début 1902.
Mais à la fin de l’année, Elin rentre seule en Finlande, sans papier, en passant par l’Angleterre et la Suède, avec probablement quelques toiles à vendre car elle était confrontée à de sérieuses difficultés financières.
Entre
1903 et 1913, elle fait de fréquents aller-retour entre Volterra, où Raffaello
est interné, et la Finlande où elle retrouve ses amis.
En
1906, au cours d’un de ses voyages, elle peint ce paysage étonnant près de Varsovie. Etonnant
car la touche libre et légère évoque la technique impressionniste qu’elle a
approchée parfois sans jamais s’y attacher vraiment.
Et,
en Finlande, elle continue à peindre des portraits. Ici, celui du mari de sa
sœur Tikki :
Et
celui du directeur de la filature de Pori, d’une facture conforme aux autres
portraits exécutés en Finlande à l’époque et qu'il me parait inutile de montrer. J’imagine qu’elle répondait à des
commandes.
On peut comparer ce portrait à ce qu’elle peignait en Italie au même moment. Des œuvres exposées pour la première fois en 2002 à Livourne, toutes issues de collections particulières et qui n’ont jamais quitté l’Italie. Elin avait bien deux styles, l’un pour gagner sa vie, l’autre pour la lumière d’Italie !
Et
ce sont ses œuvres italiennes qu’Elin expose, à la Biennale de Venise (un Autoportrait),
à Milan, Livourne et au Promotrici à Florence où son tableau Interno (Intérieur)
est acheté par la Galerie d’Art Moderne du Palais Pitti laquelle, hélas, ne le montre pas en ligne…
En 1913, Elin quitte son pays pour la dernière fois. La Grande Guerre l’empêchera d’y retourner.
Elin
Danielson-Gambogi meurt d’une pneumonie le 31 décembre 1919, dans la villa
Benvenutis, sa dernière maison à Antignano.
Décédée
en Italie où elle était peu connue, Elin est tombée rapidement dans l’oubli. Elle
a d’abord été exposée en Finlande, dans le cadre de la « redécouverte »
des œuvres féminines évoquant la condition des femmes au
tournant du XXe siècle, au Musée d'art de Turku et au Musée d'art de
Hämeenlinna en 1995 puis l'exposition « Elin Danielson-Gambogi : À la lumière de l'Italie »
a été présentée au Musée d'art Didrichsen d’Helsinki, en janvier-juin 2017. Elle
intégrait les découvertes de l’exposition
italienne « Elin Danielson Gambogi. Una donna nella pittura », présentée fin 2002 au Museo Cuvico G.Fattori – Villa Mimbelli de Livourne, qui avait donné
à voir ses œuvres italiennes des collections privées.
Elin
a été inhumée au cimetière de Misericordia de Livourne, avec son mari. Leur
tombe, détruite, a été remplacée par un monument érigé par le consulat de
Finlande en 2004. L’année précédente, son pays natal l’avait honorée en éditant
un timbre évoquant l’une de ses œuvres (à découper en quatre !).
*
Et
voici bien sûr, une petite nature morte, la seule que j’ai trouvée…
*
N.B : Pour voir
d’autres notices de ce blog, si elles n’apparaissent pas sur la droite, vous
pouvez cliquer sur « Afficher la version Web » en bas de cette page.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire