Rose-Adélaïde
Ducreux est née le 19 août 1761 à Paris. Elle était la fille aînée du peintre Joseph
Ducreux (1735-1802), portraitiste dont le talent de pastelliste était assez reconnu
pour qu’on décide de l’envoyer à Vienne réaliser le portrait de
Marie-Antoinette avant son arrivée en France. Selon la notice du musée, ce
portrait est celui qui « permis de faire connaître le visage de
Marie-Antoinette à la Cour. »
C’est
probablement Joseph qui enseigna la pratique du pastel à sa fille laquelle expose, en 1785, son autoportrait au pastel au Salon de la Correspondance.
La même année, un membre de la noblesse de robe, le sieur Pahin de La Blancherie (1752-1811) qui se parait du titre « d’agent général de la correspondance pour les sciences et les arts », crée un cercle proposant des conférences littéraires et scientifiques, des lectures publiques, et des expositions hebdomadaires d’artistes morts ou en quête de notoriété. Il rendait compte de ses travaux dans une brochure hebdomadaire, intitulée Nouvelles de la République des Lettres et des Arts, comportant une rubrique intitulée « Salon de la Correspondance » où figuraient des commentaires sur les œuvres exposées et des appréciations sur les artistes. Ce salon a fonctionné jusqu’en 1788, rue de Tournon puis rue Saint-André-des-Arts, à Paris. |
Peu
de temps après, Rose peint à l'huile un autre autoportrait, beaucoup plus ambitieux. Ce tableau, qui n’est plus localisé, a longtemps été attribué à Jacques-Louis David par
« tradition familiale », mais il a été rendu à Rose-Adélaïde par
l’historien d’art Joseph Baillio dans son article, « Une artiste méconnue,
Rose Adélaïde Ducreux » (L’Œil n° 399, 1988)
D’une
façon générale, les historiens de l’art soulignent la proximité du style de
Rose avec celui du peintre Nicolas Vestier. On a suggéré aussi que son choix de
se représenter au piano a pu être influencé par un portrait de Vestier qui valut
à son auteur son agrément à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Il
représente la jeune Marie-Nicole Vestier peignant, assise devant un piano, un
tableau remarqué au Salon de 1785.
Toutefois, Rose-Adélaïde a quelques autres raisons de se représenter en musicienne. Elle est elle-même pianiste et sa famille est proche d’un musicien célèbre, Etienne-Nicolas Méhul (1764-1817), auteur de la musique du Chant du départ et dont elle aurait peut-être exécuté le portrait.
Sa proximité avec Méhul a même conduit la Revue universelle des Arts à publier un article en 1864, dans lequel il est écrit : « Rose Ducreux était très-bonne musicienne et très-liée avec Méhul ; elle composa presque toute la partition de l’Irato, sauf le quatuor, écrit chez elle, par Méhul, sur le coin du premier piano à queue d'Erard, ami de sa famille. » Affirmation aussitôt réfutée par la presse spécialisée mais cela donne une indication sur ses talents de musicienne.
Par ailleurs, de nombreux peintres de l’époque exécutent des portraits de pianistes, à commencer par l'académicien François-André Vincent, dont Vestier a été l'élève.
Et
Vestier lui-même ne s’en prive pas, comme avec ce portrait où on peut noter
son intérêt pour les coiffures extravagantes, intérêt qui paraît partagé par
Rose-Adélaïde, comme on le verra plus loin…
On ne sait pas non plus qui a enseigné à Rose-Adélaïde la technique de la peinture à l’huile. On peut douter que ce soit son père car, de l’avis général, « le pinceau [n’était] pas son ami ». Quoi qu’il en soit, même si Joseph Ducreux a été le seul professeur de sa fille en la matière, il ne fait pas de doute que l’élève a dépassé le maître, comme chacun pu le constater en septembre 1791, à l’occasion du premier Salon « libre » du Louvre, c’est à dire le premier Salon ouvert à tous les artistes.
Cette année-là, Rose-Adélaïde et son père y font leur première apparition. Alors qu’il y montre notamment un autoportrait intitulé Un homme baillant …
… elle expose son Autoportrait
à la harpe, celui dont j’ai placé un détail en exergue.
L’auteur facétieux de La Béquille de Voltaire au Salon (« Et pourquoi une béquille ne parlerait-elle pas alors que tant de cruches le font ? ») lui adresse cette appréciation : « Vous êtes pétrie de grâce, mademoiselle » (p.348), tandis qu’une publication intitulée Affiches, annonces et avis divers, dans son commentaire sur Le Salon du Louvre, précise que « Mlle Ducreux peut occuper une place très distinguée parmi les peintres. »
Au même Salon, elle montre aussi le Portrait d’une jeune demoiselle, qui n’est plus localisé.
Au
Salon suivant, celui de 1793, Rose-Adélaïde expose deux Portraits de femme et, plus inattendu, un Paysage dans lequel on voit une fontaine. L’un des
portraits nous est parvenu :
Il confirme son aisance et son goût pour la représentation virtuose des tissus satinés et des coiffures élaborées, comme sa capacité à affronter des formats « grands comme nature ».
On
lui attribue plusieurs autres portraits de la même époque, dont celui-ci où
figure une harpe qui ne me semble pas être identique à celle de l’Autoportrait,
lui aussi préalablement attribué à David.
Et
cet autre portrait, dont la notice de galerie comparait le tapis qui se trouve
sous l’escarpin rose de la jeune dame avec celui de l’Autoportrait à la
harpe. Ils se ressemblent, effectivement…
En
1795, Rose-Adélaïde qui indique habiter « chez son père, au Louvre »,
expose au Salon La famille du citoyen Bonnet et, en 1798, le Portrait de la
citoyenne Méhul, probablement de la femme du compositeur précité.
Dernier
portrait qui lui est attribué, celui de cette dame en satin vert éclairé par la profusion
de rubans rouges qui soulignent son chapeau flamboyant et dont le geste du bras
droit rappelle celui de la Femme tenant son enfant de 1793.
En 1799, Rose-Adélaïde participe au Salon avec une simple étude et, pour la première fois, se déclare l’élève de son père.
L’année suivante, elle épouse François-Jacques Lequoy de Montgiraud, préfet colonial de Saint Domingue et embarque avec lui à Brest le 16 février 1802, alors qu’il part rejoindre son poste.
Cinq mois après avoir traversé l’Atlantique, Rose-Adélaïde meurt de la fièvre jaune à Saint Domingue, le 26 juillet 1802. Elle n’a sans doute pas su que son père, Joseph Ducreux, avait succombé deux jours plus tôt à une crise d’apoplexie sur la route de Paris à Saint-Denis, le 24 juillet 1802...
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