dimanche 7 avril 2024

Marie-Eléonore Godefroid (1778-1849)

 

Jules Boilly (1796-1874)
Mlle Godefroid, élève et amie de François Gérard – 1872
Mine de plomb sur papier
Source : Gallica - Bibliothèque nationale de France

 

Marie Eléonore Godefroid (ou Godefroy) est née à Paris, le 29 juin 1778. 

Elle est la fille de Joseph-Ferdinand-François Godefroid (ou Godefroy de Veaux) un peintre qui n’a pas laissé un grand souvenir dans l’histoire de l’art. Elève de Charles-Joseph Natoire (1700-1777), il avait été autorisé à accompagner son maître à Rome, sans avoir concouru au Grand Prix. Il ne rentre que sept ans plus tard et, si l’on connaît de lui quelques tableaux d’église, c’est surtout comme restaurateur qu’il fait sa place dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

 

Joseph-Ferdinand-François Godefroy de Veaux (1729-1788)
La flagellation du Christ - sans date
Huile sur toile
Musée des Beaux-Arts de Tours

En cela, Joseph Ferdinand a pris la suite de ses propres parents, rentoileurs devenus restaurateurs des tableaux du roi en 1740. A la mort de son père, l’année suivante, sa mère avait repris la charge de restaurateur et était devenue marchande d’art. L’activité de cette dame, née Marie-Jacob Van Merlen, a déjà fait l’objet d’études qui renseignent sur plusieurs points importants. D’abord, le fait que la restauration des peintures n’était pas organisée en corporation sous l’Ancien Régime, ce qui a permis aux femmes d’y accéder. Ensuite, qu’elle a su, à l’occasion de mises en concurrence, se positionner habilement face aux spécialistes déjà installés (notamment le célèbre restaurateur de l’époque, Robert Picault) et d’emporter la commande, grâce à des prix moins élevés et, surtout, en expliquant précisément sa démarche de restauration quand les autres restaurateurs gardaient leurs procédés jalousement secrets. (Cliquer sur les photos pour les agrandir)

 

Mise en concurrence de Marie-Jacob Godefroid et Robert Picault
pour la transposition d’un tableau attribué à Holbein
Source : Noémie Etienne, « La pensée dans la pratique :
le cas de Marie-Jacob Godefroid, restauratrice de tableaux »
in Plumes et Pinceaux, discours de femmes sur l’art en Europe, INHA, 2012

Enfin, grâce aux nombreux « mémoires d’intervention » - c’est-à-dire des factures décrivant le travail réalisé - qu’elle a rédigés, on peut évaluer le haut niveau de technicité et de connaissances auxquels elle est parvenue au cours de sa carrière de plus de trente ans, pendant laquelle elle a notamment restauré les peintures du cycle de Rubens de la galerie du palais du Luxembourg (aujourd’hui au Louvre), le plafond du château de Vincennes attribué à Simon Vouet et le plafond du salon d’Hercule à Versailles, peint par François Lemoyne en 1733.

Elle-même a été portraiturée :

 

Jean Valade (1709-1787)
Portrait de Madame Godefroid (vers 1705-1775) - 1755
Pastel, 74 x 59 cm
Musée des Beaux-Arts d’Orléans


Cette grand-mère active et reconnue pour sa compétence habitait une maison située au cloître Saint-Germain-l’Auxerrois à Paris, dont le rez-de-chaussée était occupé par sa boutique de tableaux, à deux pas du logement que son fils, Joseph-Ferdinand, avait installé dans la hauteur de la salle jouxtant le grand atelier qu’il avait obtenu au Louvre, à son retour de Rome. C’est là qu’est née Marie-Eléonore.

Celle-ci a raconté plus tard que son père « avait de l'esprit, de la facilité, un parfait naturel et toute cette façon d'être que donne l'habitude des arts » et qu’il était lié à plusieurs artistes de sa génération : Joseph Vernet (1714-1789) et son fils Carle (1758-1836), Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) et Augustin Pajou (1730-1809) fréquentaient le logement familial.

N.B. : toutes les « confidences » de Marie-Eléonore sont tirées de deux articles de Léon Arbaud (pseudonyme d’Amélie Lenormant (1803-1893), journaliste), intitulés « Mademoiselle Godefroid », Gazette des Beaux-Arts, 1er semestre 1869, p.38-52 et p.512 à 522.

 

En tant que restaurateur, Joseph-Ferdinand a lui-même publié une description des tableaux de la cathédrale Notre-Dame, sur lesquels il est intervenu en 1781, attestant ses connaissances historiques et iconographiques en matière de peintures anciennes, ainsi que son approche critique de la qualité des œuvres. 

Mais un soir de l’hiver 1788-1789, rentrant d’une soirée chez l’architecte Charles de Wailly, Joseph-Ferdinand « eut soudain froid, entra au café de la Régence pour se réchauffer en y prenant une bavaroise, et fut frappé d'une apoplexie foudroyante. » La mère de Marie-Eléonore, qui était « de la plus humble bourgeoisie mais jolie, vive, intelligente et fort bonne musicienne » resta seule avec deux enfants.

On imagine que, pour survivre, la jeune veuve Godefroid prit des pensionnaires. C’est ainsi qu’elle héberge en mai 1892, la fille de Mme Roland, alors incarcérée. La jeune fille s’appelle Eudora. « Sa mère écrit à "la personne chargée du soin de [sa] fille" une lettre touchante : "Vous avez un fils, et je n'ose pas vous dire que cette idée m'a troublée ; mais vous avez aussi une fille et je me suis sentie rassurée". Cette fille, Marie-Eléonore Godefroid, qui fut l'élève et l'amie du peintre Gérard et qui a laissé un nom dans les arts, devint en effet et resta toute sa vie une amie intime d'Eudora Roland. Trente ans plus tard, dans la famille, on l'appelait toujours "la tante Godefroid". » (Revue de la Société du XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1914, p.239)

 

Le peintre et graveur Nicolas Brenet (1728-1792), membre de l’Académie, disposait lui aussi d’un atelier au Louvre juste au-dessus du guichet de la colonnade, face à Saint-Germain-l'Auxerrois. Il a été le premier professeur de peinture de François Gérard, auquel il prêta un petit atelier qui dépendait du sien, au milieu des années 1780. François Gérard venait y travailler régulièrement et c’est à cette époque que la petite Marie-Eléonore et son frère Ferdinand-Nicolas, de douze ans son aîné, firent sa connaissance.

Marie-Eléonore a donc vécu sa jeunesse dans une famille dont l’activité était consacrée aux arts, entourée de nombreux artistes, avec un frère qui se destinait aussi à la peinture. Après la mort de leur père, il devint professeur de dessin pour gagner sa vie et, tout en continuant à enseigner son art à sa petite sœur, l’employait à dessiner des modèles pour ses petites classes.

C’est ainsi que la petite famille traverse tant bien que mal la période révolutionnaire, dans des conditions financières de plus en plus précaires. L’une des premières œuvres connue de Marie-Eléonore est ce portrait un peu maladroit de Mlle Mars, entrée à la Comédie Française en 1795. Mais on sait aussi qu’elle était comédienne depuis l’enfance, le tableau pourrait donc être un peu antérieur.


Mademoiselle Mars et un autre comédien – sans date
Huile sur toile, 35 x 23 cm
Comédie Française, Paris
© Photo Angèle Dequier, Comédie Française


C'est aussi vers 1795 que Marie-Eléonore est mise en relation avec Madame Campan, l’ancienne femme de chambre de Marie-Antoinette, qui venait de monter à Saint-Germain-en-Laye un pensionnat de jeunes filles et cherchait une maîtresse de dessin. Elle est prestement engagée pour enseigner le dessin le matin et le piano l’après-midi à des jeunes filles appelées à un avenir distingué : « Mme de Beauharnais, près de devenir Mme Bonaparte, y mettait sa fille Hortense et sa nièce Stéphanie. »

La même année, le peintre portraitiste Jean-Baptiste Isabey (1767-1855) rejoint aussi « l’Institution nationale de Saint-Germain » de Madame Campan. C’est probablement à ce moment qu’il complète la formation de Marie-Eléonore qui se déclarera son élève par la suite.

 

François Gérard (1770-1837)
Isabey et sa fille – 1795
Huile sur toile, 195 x 154,5 cm
Musée du Louvre, Paris


Pour autant, l’éloignement de Marie-Eléonore ne met pas un terme à sa relation amicale avec François Gérard et sa femme. Elle continue à solliciter des conseils qu’il lui accorde volontiers. En 1800, Marie Eléonore expose pour la première fois au Salon, un dessin intitulé Portrait d’une jeune personne à son piano, qu’on peut imaginer avoir été exécuté en prenant une de ses élèves comme modèle. Dans le catalogue du Salon, elle est désignée comme « enseignant le dessin dans l’institut de Mme Campan, à St-Germain-en-Laye » et élève d’Isabey.

Mais la lourdeur de ses fonctions d’enseignante commence à lui peser et elle saisit l’occasion de la transformation de la pension de Saint-Germain en Maison d’éducation de la Légion d’Honneur, décidée par Napoléon en 1805, pour rentrer à Paris. C’est à peu près l’époque (en raison des costumes) où elle peint ce portrait :

 

Portrait en pied de Mme Campan avec une élève – sans date
Huile sur toile, 188 x 129,5 cm
Collection particulière (vente 2000)

 

Dès l’année suivante, Marie-Eléonore revient au Salon, avec un Portrait en pied d’une femme assise. Ce n’est donc pas le portrait qui suit, lequel a pourtant été peint à la même époque, si on se fie à la tenue du modèle.

 

Portrait de femme assise sur un canapé – sans date
Huile sur toile, 102 x 81 cm
Collection particulière (vente 2019)


Marie Eléonore rejoint immédiatement l’atelier de François Gérard où on lui attribue la réalisation de copies et de modèles de haut niveau pour la manufacture de tapisseries des Gobelins. Elle devient rapidement la première assistante du maître.

François Gérard est célèbre depuis le Salon de 1798 où il a exposé Psyché et l’Amour. Puis, il a répondu avec succès à une commande de l’architecte Fontaine pour le salon de la Malmaison, Ossian évoque les fantômes au son de la harpe sur les bords du Lora, (dont une copie se trouve toujours sur place). Il est alors protégé par la famille Bonaparte, reçoit la Légion d’Honneur en 1803 et devient « premier peintre » de l’impératrice Joséphine.

Marie Eléonore bénéficie sans doute de la proximité de Gérard avec les familiers de l’empereur puisqu’elle présente au Salon de 1810, le Portrait en pied des enfans de Mgr le maréchal duc d’Elchingen, (autrement dit, le maréchal Ney), son œuvre aujourd’hui la plus connue et qui a été longtemps attribuée à François Gérard…

 

Les fils du maréchal duc d’Elchingen – 1810
Huile sur toile, 162 x 173 cm
Gemäldegalerie, Berlin

Les trois fils du maréchal, Joseph Napoléon, Michel Louis Félix et Eugène, sont représentés devant une balustrade sur fond de paysage, dans des tenues précieuses. L’aîné porte le sabre de parade de son père, qu’il a reçu en cadeau de mariage de Napoléon. Le fusil d’assaut visible dans le coin gauche pourrait constituer un indice des origines simples du maréchal et de son ascension sociale.

François Gérard a fait construire une maison à Saint-Germain-des-Prés et, sur l’insistance de sa femme, propose à Marie-Eléonore de venir habiter avec eux en 1812.

Dès lors, en plus de son travail dans l’atelier le matin, la jeune femme participe, le soir, au « salon » de Gérard. « Gérard avait fait de sa maison le lieu de réunion, et pour ainsi dire le centre de tous ceux qui aimaient, cultivaient ou protégeaient les arts. Homme d'un esprit supérieur, il attirait naturellement autour de lui, en même temps que les artistes tous les gens de lettres et les hommes d'intelligence. Les étrangers abondèrent chez lui lorsque la chute du premier empire leur eut rouvert les frontières de la France. La physionomie très-particulière de ce salon était de nature à piquer vivement la curiosité. Les célébrités, des genres les plus divers s'y coudoyaient et ne se rencontraient guère que là. » (Léon Arbaud, op. cit. p.512)

Toujours selon d’Amélie Lenormant, alias Arbaud : « Le rôle de Mlle Godefroid, le soir, dans ce salon, était identique à celui qu'elle remplissait le matin dans l'atelier du maître toujours égale, enjouée, laborieuse, attentive à réparer les oublis ou les distractions dont aurait pu souffrir l'amour-propre ou l'affection des hôtes, elle se dévouait aux ennuyeux, et, capable non-seulement de jouir d'une conversation brillante, mais d'y prendre part, elle s'effaçait avec le soin que d'autres mettent à se faire valoir. Elle devinait avec la sagacité d'un tact très-fin la disposition d'âme ou de nerfs du maître de la maison, et lui venait en aide sans même qu'il s'en aperçut. Pour lui épargner la fastidieuse corvée de répondre à mille billets insignifiants, Mlle Godefroid en était arrivée à imiter d'une façon surprenante l'écriture de Gérard. » (Léon Arbaud, op. cit. p.513)

 

Voilà pour l’atmosphère de travail… mais Marie-Eléonore peint, aussi.

Au Salon suivant, celui de 1812, elle présente à nouveau deux portraits de proches de l’empereur, le Portrait de S.M. la reine Hortense avec les princes ses enfants et le Portrait des enfants de S. Exc. Mgr le duc de Rovigo. Dans son compte-rendu du Salon, Charles Landon n’en parle pas, ce qu’aurait pu justifier la qualité des modèles. Même remarque pour le Salon de 1814 où Marie-Eléonore expose deux doubles portraits en pieds, ceux des ducs de Chartres et de Nemours et des princesses Louise et Marie d’Orléans. Mais Charles Landon n’a jamais été très attentif aux portraits qu’il considère comme un genre mineur. 

S'agissant du portrait de la reine Hortense, j'ai trouvé un petit tableau qui paraît d'un format trop réduit, comparé à celui des Fils du maréchal pour avoir été présenté au Salon et surtout c'est une huile sur papier, ce qui évoque plutôt un travail préparatoire. 


La reine Hortense et deux de ses enfants – sans date
Huile sur papier, 32 x 22,5 cm
Collection particulière (vente 2001)

Sur Internet, j'en ai trouvé un autre, sans aucune mention de dimension ni d'auteur. Est-ce le bon, est-ce un tableau de Gérard ? Je ne m'avancerai pas sur ce point. En revanche, il s'agit sûrement de la reine Hortense !


La reine Hortense et deux de ses enfants
Auteur, support, dimensions et lieu de conservation inconnus 


C’est vers 1818 que Marie-Eléonore commence à recevoir ses premières commandes de copies. Elle réalise celle du portrait de Louis XVIII et, parallèlement, un modèle pour la manufacture des Gobelins.

 

Portrait de Louis XVIII,  d'après François Gérard (1770-1837) - 1814/1824
Huile sur toile - 65 x 54 cm
Musée national des Châteaux de Versailles et du Trianon


Manufacture royale des Gobelins, d'après Marie-Eléonore Godefroid (1778-1849)
Portrait de Louis XVIII - entre 1814 et 1824
Tapisserie - 74 x 63 cm
Musée national des Châteaux de Versailles et du Trianon


 

Puis, on lui commande la copie du portrait posthume de Mme de Staël.

 

Anne-Louise-Germaine Necker, baronne de Staël-Holstein,
d’après François Gérard (1770-1837) – vers 1818
Huile sur toile, 117 x 90 cm
Musée national des Châteaux de Versailles et du Trianon


Il est évident que beaucoup de tableaux de Marie-Eléonore ont disparu. J’ai ainsi trouvé par hasard un autre portrait, celui du député Camille Jordan, un ami de Madame Récamier. 

 

Camille Jordan (1771-1821)
Député de l’Ain de 1816 à 1821
Publié dans Historia, 5 avril 1910, p.196
Source : Gallica - Bibliothèque nationale de France


Autre trace, une supposition formulée dans le catalogue de l’exposition organisée pour le centenaire de la mort d’Honoré de Balzac, novembre 1950 à la BNF. Le Portrait d’homme exposé au Salon de 1822 pourrait être celui du père de Balzac. On ne voit pas vraiment pourquoi la peintre aurait caché l’identité de son modèle mais admettons. La chance, c’est que ledit portrait a été publié (mais on n'y voit pas grand-chose…) 

 

Publié dans le catalogue de l’exposition pour le centenaire 
de la mort d’Honoré de Balzac, novembre 1950
Collection Lovenjoul
Source Gallica, Bibliothèque nationale de France

Cette fois, Marie-Eléonore est citée au nombre de « quelques-uns des artistes qui s'adonnent spécialement [aux portraits] depuis plusieurs années, et avec un succès qui ne s'est pas démenti. » (Charles-Paul Landon, Annales des musées et de l’école moderne des beaux-arts, Salon de 1822 Paris, Bureau des Annales du musée, p.107)

La même année, elle peint cette scène pastorale, sur un thème également traité par Gérard à la même époque mais dont la composition est très différente.

 

Daphnis revenant de la chasse devant la porte de Chloé – 1822
Huile sur toile, 61 x 46 cm
Collection particulière (vente 2018)


Et, à nouveau, l’Etat lui commande, pour le musée de l’histoire de France, une copie d’après Gérard.


Jacques-Alexandre-Bernard Law, marquis de Lauriston,
d’après François Gérard (1770-1837) – 1824
Huile sur toile, 217 x 141,5 cm
Musée national des châteaux de Versailles et du Trianon

En 1824, le roi Charles X distribua les récompenses du Salon lors d’une cérémonie qui a été immortalisée (voir la notice d’Hortense Haudebourt-Lescot qui reçut une médaille d’or de première classe) par François-Joseph Heim. Selon le Louvre, Marie-Eléonore était présente mais on n’a pas trace du dessin préparatoire que Heim a réalisé pour chacune des personnes représentées.

Et, illustration de son rôle au sein de l’atelier de Gérard, elle termine en 1824 un portait commencé par Gérard en 1818.

 

François Gérard (1770-1837) et Marie-Eléonore Godefroid (1778-1849)
Portrait d’Emilie Maillocheau – 1818/1824
Huile sur toile, 56 x 46 cm
Musée des Beaux-Arts d’Angers


Du Salon de 1827, il reste un tableau qui pourrait être le Portrait du duc de Guiche. On conviendra qu’il ne laisse pas un souvenir impérissable… mais Marie-Eléonore est à nouveau citée dans les commentaires du catalogue des Annales (p. 176) sans qu’il soit précisé si l’un des cinq portraits qu’elle a présentés a retenu plus particulièrement l’attention de la critique.

 

Portrait de M. le duc de Guiche – vers 1827
Huile sur toile, 81 x 64,9 cm
Collection particulière (vente 2023)

La même année, l’Etat lui commande deux nouvelles copies d’après Gérard, deux portraits de Charles X, dont l’un en pied. Le Centre national des arts plastiques précise qu’ils sont en dépôt dans les mairies de Rennes et de Bordeaux mais n'en montre pas de photographie. 

Et c’est probablement à la même époque qu’elle peint deux portraits de Gérard, dans un style plus intimiste.

 

Portrait de François Gérard – vers 1830
Huile sur toile, dimensions non précisées
Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris

Le second est un dessin, peut-être préparatoire car il a été reproduit en gravure dans une version qui paraît plus élaborée. 


Portrait du baron Gérard – sans date
Crayon sur papier rehaussé de craie blanche, 31,5 x 24 cm
Collection particulière (vente 2011)


Charles Victor Normand (1814-1861), d’après Marie-Eléonore Godefroid
Le baron François Gérard - 1835
Estampe, 28,5 x 21 cm
Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris


Et peut-être un troisième mais ce n’est pas très clair car le château de Versailles, où il est conservé, désigne Marie-Eléonore comme auteur pour écrire ensuite en commentaire qu’il s’agit du seul autoportrait connu… !

 

François Gérard (1770-1837) et/ou Marie-Eléonore Godefroid (1778-1849)
François, Baron Gérard – vers 1830
Huile sur toile, 66 x 55 cm
Musée national des Châteaux de Versailles et du Trianon


Dans le catalogue du Salon de 1831, on peut lire : « Mlle Godefroy, l'un de nos bons peintres de portraits, avait, à l'exposition, deux portraits, dont l'un surtout était fort remarqué. » (Ambroise Tardieu, « Salon de 1831 », Paris, Pillet, 1831, p.214) On ne saura pas lequel fut remarqué, ni les noms des deux femmes représentées…

De la période ne reste qu’un dessin représentant à nouveau Mlle Mars. Le musée précise : « Ce dessin daté de 1830 est à mettre en rapport avec le portrait en pied de Melle Mars peint par Gérard (anciennement conservé au Louvre) probablement avec l'aide de Mlle Godefroy, sa collaboratrice. Le buste de l'actrice y est fidèlement repris, sans les mains et sans le décor. Plusieurs variantes du portrait de Gérard seront également gravées : en buste sans les mains, avec une main, en pied… » 

 

Portrait de Mademoiselle Mars – 1830
Dessin, technique non précisée, 56,4 x 41,2 cm
Musée Carnavalet, Histoire de Paris

Ce dessin pourrait aussi avoir été repris du portrait ci-dessous dont il copie assez fidèlement le mouvement du collier (mais pas le regard).


François Gérard (1770-1837)
Mademoiselle Mars en costume moscovite – 1814
Huile sur toile, 66 x 54 cm
Collection particulière (vente 2012)


Au Salon suivant, celui de 1833 où Marie-Eléonore expose six portraits, elle n’est citée nulle part dans le catalogue. Puis elle disparaît du Salon pendant plusieurs années. On peut imaginer que Gérard l’a sursollicitée puis qu’elle a dû répondre aux derniers engagements du maître au moment de la mort de celui-ci, en 1837.

Intuition confirmée par l’avant-dernier paragraphe du double article de La Gazette : « Partie intégrante de la famille à laquelle elle s'était donnée depuis plus d'un quart de siècle, elle continua de vivre avec la veuve et le neveu de son maître vénéré, et trouvait en eux les sentiments de la plus vive affection. Les aimer, se dévouer à eux, c'était encore pour elle aimer et servir Gérard. Un grand intérêt, un devoir lui restait d'ailleurs à remplir, et elle y consacra les années qui lui restaient. Ne fallait-il pas mettre en ordre les notes, les dessins, les croquis du maître, rassembler les documents qui devaient servir à M. Henri Gérard pour éditer l’Œuvre de son oncle, à Charles Lenormant pour rédiger sa remarquable notice, à M. A. Viollet-Le-Duc pour publier la correspondance de Gérard ? Rien de ce qui se rattachait à cette mémoire, à la gloire de ce nom ne lui était indifférent. » (Léon Arbaud, op. cit., p. 522)


Pourtant, Marie-Eléonore revient au Salon en 1839, avec un Portrait de Mme Viganò qui aura assez de succès pour être gravé. Hélène Viganò était la fille d’un chorégraphe célèbre, Salvatore Viganò. Pianiste et cantatrice renommée, elle tenait salon tous les soirs : « Je passe trois soirées ou plus, chaque semaine, de onze heures à deux après minuit, avec Mme Elena Vigano, fille du grand comp[osit]eur d'Italie. Nous sommes là quinze ou vingt ; on parle ou l'on se tait avec le plus parfait naturel ; vous m'entendez, vous qui connaissez l'Italie, la Nina nous chante sept ou huit airs, quinze ou vingt quand le cœur lui en dit. Les trésors de la lampe merveilleuse ne pourraient payer pour moi les délices de ces soirées. » (Stendhal à son ami Mareste, 14 avril 1818. Corr., I, 642).

 

Portrait de Mme Viganò – vers 1839-1841
Huile sur toile, 77 x 58 cm
Museo Teatrale alla Scala, Milan


Zéphirin Félix Belliard d’après Melle Godefroid – vers 1820/1850
Hélène Viganò - sans date
Estampe, 23,5 x 19,5 cm
Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France


Je n’ai pas trouvé, en revanche, dans quelles circonstances Marie-Eléonore a dessiné ou peint ce portrait de Redouté, déjà âgé.

 

François Férogio (1805-1888) d’après Marie-Eléonore Godefroid
Pierre Joseph Redouté (1759-1840) - sans date
Taille douce
Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris


Visiblement, on n’hésitait pas à faire appel à elle pour des portraits divers, comme celui d’Abdel-Kader, offert à Louis-Philippe en 1845.

 

Portrait d’Abdel-Kader - entre 1830 et 1844
Huile sur toile, 73,2 x 59,6 cm
Musée de l’Armée, Paris


Supposition encore : au Salon de 1842, Marie-Eléonore présente deux portraits et un Sujet tiré des mille et une nuits. Selon la galerie qui a vendu cette toile, titrée Shéhérazade et Chahriar, il pourrait s’agir de ce tableau, signé.

 

Shéhérazade et Chahriar – vers 1842
(Scène tirée des mille et une nuits)
Huile sur toile, 54 x 65 cm
Collection particulière (vente 2020)


En revanche, on a identifié l’un des deux autres portraits du même Salon, Les Enfants de M. David :

 

Portrait des enfant de P.J. David d'Angers – avant 1842
Huile sur toile, 121,4 x 97 cm
Musée des Beaux-Arts d’Angers


Au Salon de 1841, elle expose une composition de style Troubadour, tirée d’une histoire relatée par Christine de Pisan (1364-1430) dans la Cité des Dames. Novella, fille du célèbre professeur de droit de Bologne, Jean d’Andrea, enseignait parfois à la place de son père. Pour que sa beauté ne distraie pas l’auditoire, elle se tenait derrière un rideau. Selon le site de vente, il s’agirait encore d’une composition de Gérard exécutée en 1831… que je n’ai pas retrouvée. 


Novella d'Andrea – sans date
Huile sur toile 119 x 95,5 cm
Collection particulière (vente 2011)


Enfin, nouveau tableau de commande, le Portrait de Jacques Louis David, nécessairement basé sur un portrait antérieur puisque David est mort depuis presque vingt ans. Le musée précise qu’il est peint d’après François-Joseph Navez. La comparaison entre le portrait original et la « copie » montre assez bien que Marie-Eléonore a pris quelque liberté par rapport au modèle.

 

François-Joseph Navez (1787-1869)
Portrait de Jacques Louis David – 1836
Huile sur panneau, 97 x 76 cm
Musée des Beaux-Arts de Montréal


Marie-Eléonore Godefroid (1778-1849)
Portrait de Jacques-Louis David (1748-1825), d’après François-Joseph Navez – 1843
Huile sur toile, 65,5 x 54 cm
Musée national des Châteaux de Versailles et du Trianon

 

Dernier portrait de commande, celui de l’incontournable Mme Campan, qui ne paraît pas avoir beaucoup inspiré Marie-Eléonore.

 

Jeanne Campan, née Genest (1752-1822) – 1847
Huile sur toile, 50,5 x 40,3 cm
Musée national des Châteaux de Versailles et du Trianon


Ultime épisode raconté de la vie de Marie-Eléonore : « On était au mois de juin 1849 ; le choléra sévissait avec fureur à Paris. Mais, établie à Auteuil chez M. Henri Gérard, Mlle Godefroid pouvait se considérer comme à l'abri des atteintes du fléau. Cependant il s'agissait de surveiller l'emballage du tableau de Corinne, que Mme Récamier, enlevée elle-même le mois précédent par le choléra, avait légué au musée de Lyon. Souffrante déjà d'un léger malaise, Mlle Godefroid voulut néanmoins aller à Paris ; elle en revint tard et très-fatiguée. Quelques heures après elle succombait au fléau asiatique. » (Léon Arbaud, op. cit., p. 522)

 

Marie-Eléonore Godefroid est morte à Paris, le 9 juin 1849, dans sa soixante-douzième année.


 *

Certes, Marie-Eléonore n'a pas révolutionné l’histoire de la peinture. Elle a manifestement voué sa vie à un peintre qu’elle considérait, à juste titre, comme plus grand qu’elle et, ce faisant, elle n’a pas démérité. Pour autant, personne n'a encore pris la peine d'examiner ses œuvres et surtout d'évaluer son rôle au sein de l'atelier de Gérard, sujet qu'il serait intéressant d'approfondir… 

 

Enfin, je suis ravie d’avoir trouvé cette petite nature morte, l’une de ses premières œuvres connues, qui montre sa maîtrise du dessin au fusain, peut-être la technique employée pour le portrait de Mlle Mars exécuté dans les années 1830 ?

 

Bouquet de fleurs et raisins sur une table – 1798
Fusain estompé sur papier, 45,3 x 37,5 cm
Musée des Beaux-Arts, Bordeaux



*

 

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