Marie
Eléonore Godefroid (ou Godefroy) est née à Paris, le 29 juin 1778.
Elle est la fille de Joseph-Ferdinand-François Godefroid (ou Godefroy de Veaux) un peintre qui n’a pas laissé un grand souvenir dans l’histoire de l’art. Elève de Charles-Joseph Natoire (1700-1777), il avait été autorisé à accompagner son maître à Rome, sans avoir concouru au Grand Prix. Il ne rentre que sept ans plus tard et, si l’on connaît de lui quelques tableaux d’église, c’est surtout comme restaurateur qu’il fait sa place dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
En
cela, Joseph Ferdinand a pris la suite de ses propres parents, rentoileurs devenus
restaurateurs des tableaux du roi en 1740. A la mort de son père, l’année
suivante, sa mère avait repris la charge de restaurateur et était devenue
marchande d’art. L’activité de cette dame, née Marie-Jacob Van Merlen, a déjà
fait l’objet d’études qui renseignent sur plusieurs points importants. D’abord,
le fait que la restauration des peintures n’était pas organisée en corporation
sous l’Ancien Régime, ce qui a permis aux femmes d’y accéder. Ensuite, qu’elle
a su, à l’occasion de mises en concurrence, se positionner habilement face aux
spécialistes déjà installés (notamment le célèbre restaurateur de l’époque,
Robert Picault) et d’emporter la commande, grâce à des prix moins élevés et, surtout, en
expliquant précisément sa démarche de restauration quand les autres
restaurateurs gardaient leurs procédés jalousement secrets. (Cliquer sur les photos pour les agrandir)
Enfin, grâce aux nombreux « mémoires d’intervention » - c’est-à-dire des factures décrivant le travail réalisé - qu’elle a rédigés, on peut évaluer le haut niveau de technicité et de connaissances auxquels elle est parvenue au cours de sa carrière de plus de trente ans, pendant laquelle elle a notamment restauré les peintures du cycle de Rubens de la galerie du palais du Luxembourg (aujourd’hui au Louvre), le plafond du château de Vincennes attribué à Simon Vouet et le plafond du salon d’Hercule à Versailles, peint par François Lemoyne en 1733.
Elle-même
a été portraiturée :
Portrait de Madame Godefroid (vers 1705-1775) - 1755
Pastel, 74 x 59 cm
Musée des Beaux-Arts d’Orléans
Cette
grand-mère active et reconnue pour sa compétence habitait une maison située au
cloître Saint-Germain-l’Auxerrois à Paris, dont le rez-de-chaussée était occupé
par sa boutique de tableaux, à deux pas du logement que son fils, Joseph-Ferdinand,
avait installé dans la hauteur de la salle jouxtant le grand atelier qu’il
avait obtenu au Louvre, à son retour de Rome. C’est là qu’est née
Marie-Eléonore.
Celle-ci a raconté plus tard que son père « avait de l'esprit, de la facilité, un parfait naturel et toute cette façon d'être que donne l'habitude des arts » et qu’il était lié à plusieurs artistes de sa génération : Joseph Vernet (1714-1789) et son fils Carle (1758-1836), Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) et Augustin Pajou (1730-1809) fréquentaient le logement familial.
N.B. : toutes les « confidences » de Marie-Eléonore sont tirées de deux articles de Léon Arbaud (pseudonyme d’Amélie Lenormant (1803-1893), journaliste), intitulés « Mademoiselle Godefroid », Gazette des Beaux-Arts, 1er semestre 1869, p.38-52 et p.512 à 522.
En tant que restaurateur, Joseph-Ferdinand a lui-même publié une description des tableaux de la cathédrale Notre-Dame, sur lesquels il est intervenu en 1781, attestant ses connaissances historiques et iconographiques en matière de peintures anciennes, ainsi que son approche critique de la qualité des œuvres.
Mais un soir de l’hiver 1788-1789, rentrant d’une soirée chez l’architecte Charles de Wailly, Joseph-Ferdinand « eut soudain froid, entra au café de la Régence pour se réchauffer en y prenant une bavaroise, et fut frappé d'une apoplexie foudroyante. » La mère de Marie-Eléonore, qui était « de la plus humble bourgeoisie mais jolie, vive, intelligente et fort bonne musicienne » resta seule avec deux enfants.
On
imagine que, pour survivre, la jeune veuve Godefroid prit des pensionnaires.
C’est ainsi qu’elle héberge en mai 1892, la fille de Mme Roland, alors
incarcérée. La jeune fille s’appelle Eudora. « Sa mère écrit à "la
personne chargée du soin de [sa] fille" une lettre touchante : "Vous
avez un fils, et je n'ose pas vous dire que cette idée m'a troublée ; mais vous
avez aussi une fille et je me suis sentie rassurée". Cette fille,
Marie-Eléonore Godefroid, qui fut l'élève et l'amie du peintre Gérard et qui a
laissé un nom dans les arts, devint en effet et resta toute sa vie une amie
intime d'Eudora Roland. Trente ans plus tard, dans la famille, on l'appelait
toujours "la tante Godefroid". » (Revue de la Société du XVIIIe
siècle, Paris, Hachette, 1914, p.239)
Le
peintre et graveur Nicolas Brenet (1728-1792), membre de l’Académie, disposait
lui aussi d’un atelier au Louvre juste au-dessus du guichet de la colonnade,
face à Saint-Germain-l'Auxerrois. Il a été le premier professeur de peinture de
François Gérard, auquel il prêta un petit atelier qui dépendait du
sien, au milieu des années 1780. François Gérard venait y travailler
régulièrement et c’est à cette époque que la petite Marie-Eléonore et son frère Ferdinand-Nicolas,
de douze ans son aîné, firent sa connaissance.
Marie-Eléonore a donc vécu sa jeunesse dans une famille dont l’activité était consacrée aux arts, entourée de nombreux artistes, avec un frère qui se destinait aussi à la peinture. Après la mort de leur père, il devint professeur de dessin pour gagner sa vie et, tout en continuant à enseigner son art à sa petite sœur, l’employait à dessiner des modèles pour ses petites classes.
C’est ainsi que la petite famille traverse tant bien que mal la période révolutionnaire, dans des conditions financières de plus en plus précaires. L’une des premières œuvres connue de Marie-Eléonore est ce portrait un peu maladroit de Mlle Mars, entrée à la Comédie Française en 1795. Mais on sait aussi qu’elle était comédienne depuis l’enfance, le tableau pourrait donc être un peu antérieur.
C'est aussi vers 1795 que Marie-Eléonore est mise en relation avec Madame Campan, l’ancienne femme de chambre de Marie-Antoinette, qui venait de monter à Saint-Germain-en-Laye un pensionnat de jeunes filles et cherchait une maîtresse de dessin. Elle est prestement engagée pour enseigner le dessin le matin et le piano l’après-midi à des jeunes filles appelées à un avenir distingué : « Mme de Beauharnais, près de devenir Mme Bonaparte, y mettait sa fille Hortense et sa nièce Stéphanie. »
La même année, le peintre portraitiste Jean-Baptiste Isabey (1767-1855) rejoint aussi « l’Institution nationale de Saint-Germain » de Madame Campan. C’est probablement à ce moment qu’il complète la formation de Marie-Eléonore qui se déclarera son élève par la suite.
Pour
autant, l’éloignement de Marie-Eléonore ne met pas un terme à sa relation
amicale avec François Gérard et sa femme. Elle continue à solliciter des
conseils qu’il lui accorde volontiers. En 1800, Marie Eléonore expose pour la première fois au Salon, un dessin intitulé Portrait d’une jeune
personne à son piano, qu’on peut imaginer avoir été exécuté en prenant une de
ses élèves comme modèle. Dans le catalogue du Salon, elle est désignée comme
« enseignant le dessin dans l’institut de Mme Campan, à St-Germain-en-Laye »
et élève d’Isabey.
Mais la lourdeur de ses fonctions d’enseignante commence à lui peser et elle saisit l’occasion de la transformation de la pension de Saint-Germain en Maison d’éducation de la Légion d’Honneur, décidée par Napoléon en 1805, pour rentrer à Paris. C’est à peu près l’époque (en raison des costumes) où elle peint ce portrait :
Dès
l’année suivante, Marie-Eléonore revient au Salon, avec un Portrait en pied
d’une femme assise. Ce n’est donc pas le portrait qui suit, lequel a
pourtant été peint à la même époque, si on se fie à la tenue du modèle.
Marie
Eléonore rejoint immédiatement l’atelier de François Gérard où on lui
attribue la réalisation de copies et de modèles de haut niveau pour la
manufacture de tapisseries des Gobelins. Elle devient rapidement la première
assistante du maître.
François Gérard est célèbre depuis le Salon de 1798 où il a exposé Psyché et l’Amour. Puis, il a répondu avec succès à une commande de l’architecte Fontaine pour le salon de la Malmaison, Ossian évoque les fantômes au son de la harpe sur les bords du Lora, (dont une copie se trouve toujours sur place). Il est alors protégé par la famille Bonaparte, reçoit la Légion d’Honneur en 1803 et devient « premier peintre » de l’impératrice Joséphine.
Marie Eléonore bénéficie sans doute de la proximité de Gérard avec les familiers de l’empereur puisqu’elle présente au Salon de 1810, le Portrait en pied des enfans de Mgr le maréchal duc d’Elchingen, (autrement dit, le maréchal Ney), son œuvre aujourd’hui la plus connue et qui a été longtemps attribuée à François Gérard…
Les trois fils du maréchal, Joseph Napoléon, Michel Louis Félix et Eugène, sont représentés devant une balustrade sur fond de paysage, dans des tenues précieuses. L’aîné porte le sabre de parade de son père, qu’il a reçu en cadeau de mariage de Napoléon. Le fusil d’assaut visible dans le coin gauche pourrait constituer un indice des origines simples du maréchal et de son ascension sociale.
François
Gérard a fait construire une maison à Saint-Germain-des-Prés et, sur
l’insistance de sa femme, propose à Marie-Eléonore de venir habiter avec eux en
1812.
Dès lors, en plus de son travail dans l’atelier le matin, la jeune femme participe, le soir, au « salon » de Gérard. « Gérard avait fait de sa maison le lieu de réunion, et pour ainsi dire le centre de tous ceux qui aimaient, cultivaient ou protégeaient les arts. Homme d'un esprit supérieur, il attirait naturellement autour de lui, en même temps que les artistes tous les gens de lettres et les hommes d'intelligence. Les étrangers abondèrent chez lui lorsque la chute du premier empire leur eut rouvert les frontières de la France. La physionomie très-particulière de ce salon était de nature à piquer vivement la curiosité. Les célébrités, des genres les plus divers s'y coudoyaient et ne se rencontraient guère que là. » (Léon Arbaud, op. cit. p.512)
Toujours selon d’Amélie Lenormant, alias Arbaud : « Le rôle de Mlle Godefroid, le soir, dans ce salon, était identique à celui qu'elle remplissait le matin dans l'atelier du maître toujours égale, enjouée, laborieuse, attentive à réparer les oublis ou les distractions dont aurait pu souffrir l'amour-propre ou l'affection des hôtes, elle se dévouait aux ennuyeux, et, capable non-seulement de jouir d'une conversation brillante, mais d'y prendre part, elle s'effaçait avec le soin que d'autres mettent à se faire valoir. Elle devinait avec la sagacité d'un tact très-fin la disposition d'âme ou de nerfs du maître de la maison, et lui venait en aide sans même qu'il s'en aperçut. Pour lui épargner la fastidieuse corvée de répondre à mille billets insignifiants, Mlle Godefroid en était arrivée à imiter d'une façon surprenante l'écriture de Gérard. » (Léon Arbaud, op. cit. p.513)
Voilà
pour l’atmosphère de travail… mais Marie-Eléonore peint, aussi.
Au Salon suivant, celui de 1812, elle présente à nouveau deux portraits de proches de l’empereur, le Portrait de S.M. la reine Hortense avec les princes ses enfants et le Portrait des enfants de S. Exc. Mgr le duc de Rovigo. Dans son compte-rendu du Salon, Charles Landon n’en parle pas, ce qu’aurait pu justifier la qualité des modèles. Même remarque pour le Salon de 1814 où Marie-Eléonore expose deux doubles portraits en pieds, ceux des ducs de Chartres et de Nemours et des princesses Louise et Marie d’Orléans. Mais Charles Landon n’a jamais été très attentif aux portraits qu’il considère comme un genre mineur.
S'agissant du portrait de la reine Hortense, j'ai trouvé un petit tableau qui paraît d'un format trop réduit, comparé à celui des Fils du maréchal pour avoir été présenté au Salon et surtout c'est une huile sur papier, ce qui évoque plutôt un travail préparatoire.
Sur Internet, j'en ai trouvé un autre, sans aucune mention de dimension ni d'auteur. Est-ce le bon, est-ce un tableau de Gérard ? Je ne m'avancerai pas sur ce point. En revanche, il s'agit sûrement de la reine Hortense !
C’est vers 1818 que Marie-Eléonore commence à recevoir ses premières commandes de copies. Elle réalise celle du portrait de Louis XVIII et, parallèlement, un modèle pour la manufacture des Gobelins.
Huile sur toile - 65 x 54 cm
Portrait de Louis XVIII - entre 1814 et 1824
Tapisserie - 74 x 63 cm
Puis, on lui commande la copie du portrait posthume de Mme de Staël.
Il
est évident que beaucoup de tableaux de Marie-Eléonore ont disparu. J’ai ainsi
trouvé par hasard un autre portrait, celui du député Camille Jordan, un ami de Madame Récamier.
Autre
trace, une supposition formulée dans le catalogue de l’exposition organisée pour
le centenaire de la mort d’Honoré de Balzac, novembre 1950 à la BNF. Le Portrait
d’homme exposé au Salon de 1822 pourrait être celui du père de Balzac. On
ne voit pas vraiment pourquoi la peintre aurait caché l’identité de son modèle
mais admettons. La chance, c’est que ledit portrait a été publié (mais on n'y voit pas grand-chose…)
Cette fois, Marie-Eléonore est citée au nombre de « quelques-uns des artistes qui s'adonnent spécialement [aux portraits] depuis plusieurs années, et avec un succès qui ne s'est pas démenti. » (Charles-Paul Landon, Annales des musées et de l’école moderne des beaux-arts, Salon de 1822 Paris, Bureau des Annales du musée, p.107)
Et, à nouveau, l’Etat lui commande, pour le musée de l’histoire de France, une copie d’après Gérard.
En 1824, le roi Charles X distribua les récompenses du Salon lors d’une cérémonie qui a été immortalisée (voir la notice d’Hortense Haudebourt-Lescot qui reçut une médaille d’or de première classe) par François-Joseph Heim. Selon le Louvre, Marie-Eléonore était présente mais on n’a pas trace du dessin préparatoire que Heim a réalisé pour chacune des personnes représentées.
Et, illustration de son rôle au sein de l’atelier
de Gérard, elle termine en 1824 un portait commencé par Gérard en 1818.
Du Salon de 1827, il reste un
tableau qui pourrait être le Portrait du duc de Guiche. On conviendra qu’il
ne laisse pas un souvenir impérissable… mais Marie-Eléonore est à nouveau citée
dans les commentaires du catalogue des Annales (p. 176) sans qu’il soit
précisé si l’un des cinq portraits qu’elle a présentés a retenu plus
particulièrement l’attention de la critique.
La même année, l’Etat lui commande deux nouvelles copies d’après Gérard, deux portraits de Charles X, dont l’un en pied. Le Centre national des arts plastiques précise qu’ils sont en dépôt dans les mairies de Rennes et de Bordeaux mais n'en montre pas de photographie.
Et c’est probablement à la même époque qu’elle peint deux portraits de Gérard, dans un style plus intimiste.
Le second est un dessin, peut-être préparatoire car il a été reproduit en gravure dans une version qui paraît plus élaborée.
Et peut-être un troisième mais ce n’est pas très clair car le château de Versailles, où il est conservé, désigne Marie-Eléonore comme auteur pour écrire ensuite en commentaire qu’il s’agit du seul autoportrait connu… !
Dans le catalogue du Salon de 1831, on peut lire : « Mlle Godefroy, l'un de nos bons peintres de portraits, avait, à l'exposition, deux portraits, dont l'un surtout était fort remarqué. » (Ambroise Tardieu, « Salon de 1831 », Paris, Pillet, 1831, p.214) On ne saura pas lequel fut remarqué, ni les noms des deux femmes représentées…
De
la période ne reste qu’un dessin représentant à nouveau Mlle Mars. Le musée
précise : « Ce dessin daté de 1830 est à mettre en rapport avec le
portrait en pied de Melle Mars peint par Gérard (anciennement conservé au
Louvre) probablement avec l'aide de Mlle Godefroy, sa collaboratrice. Le buste
de l'actrice y est fidèlement repris, sans les mains et sans le décor.
Plusieurs variantes du portrait de Gérard seront également gravées : en buste sans
les mains, avec une main, en pied… »
Ce dessin pourrait aussi avoir été repris du portrait ci-dessous dont il copie assez fidèlement le mouvement du collier (mais pas le regard).
Au Salon suivant, celui de 1833 où Marie-Eléonore expose six portraits, elle n’est citée nulle part dans le catalogue. Puis elle disparaît du Salon pendant plusieurs années. On peut imaginer que Gérard l’a sursollicitée puis qu’elle a dû répondre aux derniers engagements du maître au moment de la mort de celui-ci, en 1837.
Intuition confirmée par l’avant-dernier paragraphe du double article de La Gazette : « Partie intégrante de la famille à laquelle elle s'était donnée depuis plus d'un quart de siècle, elle continua de vivre avec la veuve et le neveu de son maître vénéré, et trouvait en eux les sentiments de la plus vive affection. Les aimer, se dévouer à eux, c'était encore pour elle aimer et servir Gérard. Un grand intérêt, un devoir lui restait d'ailleurs à remplir, et elle y consacra les années qui lui restaient. Ne fallait-il pas mettre en ordre les notes, les dessins, les croquis du maître, rassembler les documents qui devaient servir à M. Henri Gérard pour éditer l’Œuvre de son oncle, à Charles Lenormant pour rédiger sa remarquable notice, à M. A. Viollet-Le-Duc pour publier la correspondance de Gérard ? Rien de ce qui se rattachait à cette mémoire, à la gloire de ce nom ne lui était indifférent. » (Léon Arbaud, op. cit., p. 522)
Pourtant,
Marie-Eléonore revient au Salon en 1839, avec un Portrait de Mme Viganò qui
aura assez de succès pour être gravé. Hélène Viganò était la fille d’un
chorégraphe célèbre, Salvatore Viganò. Pianiste et cantatrice renommée, elle tenait salon tous les soirs :
Je
n’ai pas trouvé, en revanche, dans quelles circonstances Marie-Eléonore a dessiné
ou peint ce portrait de Redouté, déjà âgé.
Visiblement, on n’hésitait pas à faire appel à elle pour des portraits
divers, comme celui d’Abdel-Kader, offert à Louis-Philippe en 1845.
Supposition encore : au Salon de 1842, Marie-Eléonore présente deux portraits
et un Sujet tiré des mille et une nuits. Selon la galerie qui a vendu cette
toile, titrée Shéhérazade et Chahriar, il
pourrait s’agir de ce tableau, signé.
En
revanche, on a identifié l’un des deux autres portraits du même Salon, Les
Enfants de M. David :
Au
Salon de 1841, elle expose une composition de style Troubadour, tirée d’une
histoire relatée par Christine de Pisan (1364-1430) dans la Cité des Dames.
Novella, fille du célèbre professeur de droit de Bologne, Jean d’Andrea,
enseignait parfois à la place de son père. Pour que sa beauté ne distraie pas l’auditoire,
elle se tenait derrière un rideau. Selon le site de vente, il s’agirait encore
d’une composition de Gérard exécutée en 1831… que je n’ai pas retrouvée.
Huile sur toile 119 x 95,5 cm
Enfin,
nouveau tableau de commande, le Portrait de Jacques Louis David, nécessairement
basé sur un portrait antérieur puisque David est mort depuis presque vingt ans.
Le musée précise qu’il est peint d’après François-Joseph Navez. La comparaison
entre le portrait original et la « copie » montre assez bien que
Marie-Eléonore a pris quelque liberté par rapport au modèle.
Portrait de Jacques Louis David – 1836
Huile sur panneau, 97 x 76 cm
Musée des Beaux-Arts de Montréal
Dernier
portrait de commande, celui de l’incontournable Mme Campan, qui ne paraît pas
avoir beaucoup inspiré Marie-Eléonore.
Ultime épisode raconté de la vie de Marie-Eléonore : « On était au mois de
juin 1849 ; le choléra sévissait avec fureur à Paris. Mais, établie à Auteuil
chez M. Henri Gérard, Mlle Godefroid pouvait se considérer comme à l'abri des
atteintes du fléau. Cependant il s'agissait de surveiller l'emballage du
tableau de Corinne, que Mme Récamier, enlevée elle-même le mois précédent par
le choléra, avait légué au musée de Lyon. Souffrante déjà d'un léger malaise,
Mlle Godefroid voulut néanmoins aller à Paris ; elle en revint tard et
très-fatiguée. Quelques heures après elle succombait au fléau asiatique. »
(Léon Arbaud, op. cit., p. 522)
Marie-Eléonore
Godefroid est morte à Paris, le 9 juin 1849, dans sa soixante-douzième
année.
Certes, Marie-Eléonore n'a pas révolutionné l’histoire de la peinture. Elle a manifestement voué sa vie à un peintre
qu’elle considérait, à juste titre, comme plus grand qu’elle et, ce faisant,
elle n’a pas démérité. Pour autant, personne n'a encore pris la peine d'examiner ses œuvres et surtout d'évaluer son rôle au sein de l'atelier de Gérard, sujet qu'il serait intéressant d'approfondir…
Enfin,
je suis ravie d’avoir trouvé cette petite nature morte, l’une de ses premières œuvres
connues, qui montre sa maîtrise du dessin au fusain, peut-être la technique employée pour le portrait de Mlle Mars exécuté dans les
années 1830 ?
*
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