Marie Juliette Lucy Roche est née à Paris, le 29 août 1884, dans une famille parisienne en vue : au moment de sa naissance, son père, Jules Roche, riche avocat d’affaire spécialisé en droit maritime et journaliste longtemps proche de Clemenceau, est député radical du Var. L’année suivante, il est élu député de Savoie, dans un parti plus modéré et n’occupe que brièvement la fonction de ministre du Commerce du cabinet Feycinet (1890-1892). Il est resté maire de Serrières, petite ville de son Ardèche natale, pendant la majeure partie de sa vie politique.
La marraine de Juliette (parfois présentée comme sa tante), Élisabeth de Riquet de Caraman-Chimay, comtesse Greffulhe, a été l’incarnation de l’élégance parisienne de la Belle Epoque et aurait inspiré à Proust le personnage de la duchesse de Guermantes. Elle est aussi peintre amateur et a réalisé son autoportrait en 1899, en le signant d’un nom de fantaisie, « Leibovsky ». Elle est très proche de Juliette qu’elle a baptisée « Diogène » et veille à l'introduire dans la bonne société.
Juliette
passe son enfance à Serrières, dans une maison qui surplombe le Rhône et reste
très attachée à la région et à ses paysages.
Après la mort de sa mère, Juliette aide son père à recevoir et racontera souvent, plus tard, un dîner où elle était assise entre Churchill et Briand.
Ses
ambitions artistiques ne rencontrent pas d’opposition dans sa famille et, vers
l’âge de quatorze ans, elle commence sa formation dans divers cours privés.
Dès 1906, elle participe au Salon des Indépendants, sous le pseudonyme de Juliette Herco, en montrant six « études » et un Tournant du Rhône. Peut-être celui-ci, qui n’est pas daté et dont on peut déjà admirer l’originalité du cadrage. On peut y voir aussi l’influence des peintres nabis.
L’année suivante, elle fait paraître un recueil de poèmes dont on trouve une trace dans Le Figaro. Ce n’est sans doute pas faire injure à Juliette que d’envisager qu’elle n’aurait peut-être pas eu cette chance si elle n’avait pas été la fille de son père : « D'un charmant recueil de vers qui, sous ce titre, parait aujourd'hui chez Lemerre, nous détachons ces courts poèmes, d'une sensibilité délicate et d'une ferme facture. Le très jeune auteur qui les a signés du pseudonyme d'Herco est la fille de notre éminent collaborateur Jules Roche. » (Le Figaro, Supplément littéraire, 16 novembre 1907, p.3)
Retour
Et simple éclosion, tous les matins, autour
Des murs de la maison ; la route indifférente
Devant la porte se traînera tous les jours.
D'anciens mots retrouvés, d'anciens livres relus,
Nous referont une âme ancienne et familière.
Nous revivrons les jours profonds, nous n'aurons plus
Alors autour de nous la même attente claire,
Mais nous en garderons la forme au fond des yeux.
Le triste et délicat parfum de notre enfance
Remontera vers nous, nous en comprendrons mieux
Peut-être le recul, l'attente et le silence.
Ce sera comme une humble et très chère présence,
Sur nos fronts rassurés un geste de doigts frais,
Attente au bord des jours, lente convalescence,
Après avoir vécu, temps d'immobile arrêt
Ou plus rien ne s'avive et plus rien ne commence,
Où tout le passé se décolore et s'éteint…
Nous qui avons aimé des noms et des paroles,
La chaleur des regards et la chaleur des mains,
Nous reviendrons vers ce silence qui console,
Vers cet effacement si pâle et si lointain,
Avec un cœur vieilli, avec des mains calmées,
Avec un rêve enfin moins trouble et moins brûlant,
Sans attendre plus rien des jours et des années,
Qu'un mal plus recueilli, qu'un lent égouttement
Du temps toujours pareil sur l'âme résignée
Et la douceur aiguë des recommencements.
« Des
mots ! des mots ! des mots ! s’écrit Hamlet. Des mots…
répète au titre de son premier livre, un poète qui signe Herco, une poétesse
plutôt, car sous ce pseudonyme, anagramme d’un déchiffrement facile, se cache
le nom véritable de l’auteur, la fille d’un de nos hommes politiques les plus
éminents, d’un des membres du Parlement les plus estimés pour leur savoir, leur
esprit et leur éloquence. » (La Liberté, 15 décembre 1907, p.3)
Elle est aussi au catalogue des Indépendants en 1908 mais, là encore, avec des études, Paysage et Nature morte que je n'ai pas réussi à identifier…
En 1911, elle intègre l’académie Ranson, fondée trois ans plus tôt par le peintre nabi Paul-Elie Ranson (1864-1909). A la mort prématurée du fondateur, d’autres Nabis viennent y enseigner : Maurice Denis et Paul Sérusier régulièrement, Felix Vallotton et Ker-Xavier Roussel plus épisodiquement.
Juliette évoque l’atmosphère de l’académie Ranson dans une toile à la perspective un peu bizarre.
A
cette époque, Juliette est une belle jeune femme à l’existence brillante :
« Avant-hier soir, le prince de Monaco a offert dans son palais un dîner
en l'honneur du président du conseil, de l'ambassadeur d’Angleterre et des
ministres de la guerre et de la marine.
Le prince, qui avait son fils le prince héréditaire à ses côtés, était
entouré de sa maison militaire et civile. Le dîner était servi dans la salle du
Trône et a été des plus brillants. Albert 1er avait à sa droite Mme Poincaré et
à sa gauche Mme de Jolly […] Parmi les invités, on remarquait, outre les ministres,
l'ambassadeur d'Angleterre, la comtesse Gastaldi, M. Jules Roche et Mlle
Juliette Roche, M. Flach, M.Reinach, M. Lewald, conseiller privé de l’empereur
d’Allemagne, [etc.] » (« Les fêtes franco-anglaises », La
Petite Presse, 15 avril 1912, p.2)
Juliette ne manque donc pas d’occasions pour rencontrer les Nabis les plus en vue, comme Vallotton ou Bonnard, dans les salons qu’elle fréquente.
Elle
n’apparaît plus dans les catalogues des Indépendants entre 1909 et 1912, ce qui
ne veut pas dire qu’elle ne peint pas, au contraire. Elle paraît avoir trois
centres d’intérêt : les scènes de la vie locale en Ardèche où, là encore,
elle manifeste un sens du cadrage presque photographique. L’influence des Nabis
se décèle dans les strates de formes arrondies qu’on retrouve dans nombre de
ses œuvres.
… les espaces publics et jardins, exclusivement peuplés de femmes et d'enfants …
… et, de façon générale, les gens, souvent immobiles mais dont les tenues et attitudes trahissent le rang social, tout cela dans une gamme chromatique assez personnelle.
Les années 1911 et 1912 sont celles où les premiers cubistes apparaissent au Salon d'automne et à l'exposition des Artistes indépendants. Juliette est très intéressée et rencontre en 1913 un certain Ricciotto Canudo, écrivain franco-italien qui vient de publier dans son journal Montjoie ! un essai, Le Cubisme et la Tradition, dans lequel un certain Albert Gleizes attaque la Renaissance italienne et son influence sur l’art français. C’est Canudo qui présente à Juliette l’auteur en question dont elle fait la connaissance dans son atelier en pleine campagne, près de Courbevoie, ville où il a grandi et dont il a peint le port de très nombreuses fois.
Un regard très noir,
d’une exceptionnelle intensité, et des explications claires : « « Je me donne le droit de tourner autour de
l’objet. Je l’analyse sous tous ses aspects et ensuite je le recompose… En
regardant ce que je vois, je pense aussi à ce que je ne vois pas. » Gleizes
vient de publier, avec Metzinger, « Du Cubisme » chez l’éditeur
Figuière dont il fera le portrait quelques années plus tard.
Juliette le revoit à quelques rares occasions puis : « J’avais eu l’imprudence de commencer un portrait de Cocteau [qui est le filleul de son père]. Pendant les vacances de Pâques dans mon atelier je fais le portrait ou j’essaye de le faire. Son agitation continuelle et ses propos trop amusants m’empêchent de travailler… Un coup de sonnette imprévu m’inquiète. C’était Albert Gleizes que je n’attendais pas. C’est une catastrophe… Depuis un an Cocteau se moque agréablement de "mes" cubistes et aussi de ceux de Roger de la Fresnaye et nous lui répondons gentiment qu’il est mûr pour l’Académie. Il va se passer des choses atroces. Je prononce les deux noms aussi mal que possible et d’une voix étranglée, avec le faible espoir qu’ils ne les comprendront pas, et pour ne pas assister à ce qui est probable, je disparais dans mes coulisses pour faire le thé. Lorsque je reviens avec ma théière, ils sont assis tout près l’un de l’autre, l’air ravi, échangeant des cartes, des numéros de téléphone et prenant un rendez-vous. Huit jours plus tard Cocteau ne parlait plus que de Jacques Villon, de Duchamp-Villon, d’Albert Gleizes. » (cité in Pierre Alibert, Gleizes, biographie, Galerie Michèle Heyraud, p.29)
En
1913, revoilà Juliette aux Indépendants, sous son vrai nom cette fois (mais dans
le supplément en fin de volume !) avec un Portrait de JLP, une Nature
morte et L’Etalage, qui pourrait être cette toile, achetée par
l’Etat l’année suivante :
Je
n’ai trouvé qu’une seule mention sur Juliette dans la presse, signée d’Apollinaire, dans la
publication de Ricciotto Canudo : « Envoi
de Juliette Roché [sic] : maniérisme mais non pas manque de talent. »
(« A travers le salon des Indépendants », Montjoie ! n°
spécial du 18 mars 1913, p.3).
Et Juliette continue sa vie parisienne… « Une toute petite mais ingénieuse et charmante exposition d'art décoratif français contemporain a été inaugurée hier, au Havre, à bord du paquebot France, où elle se tient. Le mérite de l'initiative en revient à la comtesse Greffulhe. […] L'idée séduisit les autorités de la Compagnie Transatlantique, qui accordèrent aussitôt à l'art nouveau l'hospitalité sollicitée. Quatre vitrines furent installées à l'entrée du magnifique grand salon du paquebot France et on y plaça cent merveilles de l'art appliqué des céramiques, des bronzes, des cuivres, des statuettes, des bijoux, des verreries, des soieries d'ameublement, des orfèvreries, des cuirs, etc. Cette inauguration fut l'occasion d'un déjeuner à bord de la France. Les invités de M. Jules Charles-Roux, président de la Compagnie, et de M. del Piaz, directeur, venus spécialement de Paris, étaient nombreux. Citons comtesse Greffulhe, M. Herrick, ambassadeur des Etats-Unis à Paris ; duc et duchesse de Noailles, princesse de Mésagne, marquise de Talleyrand, comtesse de Clermont-Tonnerre et Mlle de Clermont-Tonnerre, […], M. et Mme Paul Clemenceau, M. Jules Roche et Mlle Juliette Roche, Mlle Mason, [etc.] » (« Une exposition d’art décoratif à bord de la France », Le Gaulois, 24 mai 1913.)
Juliette se distingue aussi
par son intérêt pour les pratiques sportives, notamment celles qui sont à la mode, patinage…
Huile sur toile, 70 x 129,50 cm
… et piscine, probablement Deligny dont on reconnaît les grandes structures verticales.
En 1914, première exposition à la galerie Bernheim-jeune, premier article élogieux dans la presse : « Trois jeunes filles exposent à la galerie Bernheim jeune des essais et des travaux qui plairont précisément par cette jolie intrépidité juvénile qui fait une si enviable compensation à l'expérience que l'on acquiert toujours assez tôt et toujours trop cher. […] La troisième aura, si vous jugez comme moi, vos préférences. C'est Mlle Juliette Roche, que sa curiosité porte avec ardeur à explorer les divers domaines du portrait, de la fleur, de la scène populaire, du paysage, Mlle Roche, à cette fougue et à cette conviction, a le bonheur de joindre une rare distinction dans le coloris. Depuis deux ou trois années déjà, une peinture d'elle aux Indépendants, se reconnaissait entre maintes autres, par ces tonalités où les harmonies sourdes enveloppent heureusement des rehauts vibrants. C'est beaucoup, c'est essentiel, de posséder ainsi dès les débuts une personnalité qui ne doit rien à la mode ni à un système. Chez Mlle Juliette Roche, outre ces dons matériels de peintre, il y a une vision des plus originales aussi, elle sait saisir le caractère d'un paysage ou d'une figure, et l'arrêter vigoureusement. Enfin, tantôt mélancolique, tantôt d'une très piquante ironie féminine, chacun de ses tableaux possède une signification, chacun peut, dans un milieu raffiné, ambitionner une place choisie. » (Arsène Alexandre, « Petites expositions féminines », Le Figaro, 3 mars 1914, p.4).
La Chronique des arts et de la curiosité, Gil Blas et La
Lanterne, évoquent aussi l’exposition qui ne dure que quelques jours, du 2
au 7 mars.
Juliette, qui partage l'affiche avec Janine Aghion et Madeleine Bunoust, y expose vingt toiles parmi lesquelles l’Etalage de fruits précité et un Match de Boxe, où elle ose la représentation, peu fréquente à l’époque, d’un boxeur noir.
Et
aussi le Débarcadère d’Evian, récemment offert au musée du Chablais de
Thonon-les-Bains par la Fondation Gleizes.
Pour
Juliette, dans l’immédiat, il y a une autre urgence : la guerre de 14.
Antimilitariste
déterminé depuis son service militaire en 1905, Albert Gleizes a été incorporé
à Toul. Alors qu’il annonce son nom au sergent recruteur, au capitaine lui
demande s’il est parent avec le peintre cubiste, il répond :
« Je suis le peintre cubiste ». Il sera affecté à l’infirmerie et ne vivra l’horreur de la guerre qu'à travers les corps mutilés des soldats dont Toul assurait la
répartition entre les hôpitaux de l’arrière.
Et, grâce à la compréhension du médecin-chef, il peut continuer à travailler. Il peint notamment cette toile aux plans superposés qui incarne brillamment les harmonies rythmiques du cubisme dit synthétique.
Juliette écrit à Albert et, s’ils se découvrent aussi différents qu’on peut l’être, Juliette est séduite par ses qualités intellectuelles. Et leur pacifisme les rapproche. Grâce à l’entregent de son père, Juliette parvient à se rendre plusieurs fois à Toul. C’est là que Gleizes réalise ces deux portraits :
Lorsque
Gleizes, malade, est démobilisé à la fin de l’été (peut-être grâce à un petit
coup de pouce de Briand), Juliette qui s’était juré de ne jamais se marier,
l’épouse le 8 septembre 1915. Jean Cocteau est son témoin.
Trois jours après, le 11 septembre, ils embarquent à Bordeaux sur « Le Touraine », destination New-York où ils arrivent à la fin du mois. Ils y retrouvent Marcel Duchamp, qui y est installé depuis le début de l’été, après avoir été réformé pour inaptitude physique.
Dès le 9 octobre, les Gleizes sont interviewés dans le New York Tribune, dans un article intitulé : « New York est plus vivante et stimulante que la France ne l’a jamais été, selon deux peintres français. »
Dans l’article, Juliette est présentée comme « une mince et sombre beauté d’un mélange aristocratique à la fois français, anglais et japonais ».
Seule anglophone du couple, c'est elle qui parle : « "Votre ville est superbe ! Les lumières, les enseignes électriques, sont très inspirantes pour les artistes, Regardez !" Et elle montre d’un bras élégant un immense dessin au milieu d’autres tableaux de cubes et de blocs. "Voyez, mon mari a déjà commencé une évocation de Broadway. Travailler ici est très enrichissant pour nous. […] Je ne sais pas trop quels sont les fondements de cette guerre. C’est un grand mélange d’émotions et tout peut en sortir. Cela ressemblait aussi à une force fatidique et inévitable, comme la gravité, nous tirant vers le bas, vers le bas, chaque fois que nous nous élevions trop haut. Voyez-vous, nous savions il y a deux ou trois ans ce qui allait arriver. Les Français sentaient que le point culminant était atteint, que le point de rupture était arrivé.
Et quelle guerre vaine ! Quelques hommes s’agrippant les poches les uns des autres pour des histoires d’argent, cela n’a aucune grandeur. Je peux parfaitement envisager qu’une révolution interne pourrait être positive, le soulèvement du peuple pour une cause, pour une conviction, pourrait être un mouvement des plus salutaires, même si des vies sont perdues. Mais, ça, ah ! c’est stupide. Et même la discipline qu’apporte la guerre, les dégrisements, ne compensent pas cette terrible dévastation. Cette récurrence régulière d’une énorme et horrible calamité n’a pas d’utilité. J’en suis sûre et je ne peux pas le supporter, je ne peux pas." »
Elle ajoute ensuite qu’elle et son mari sont féministes mais ne sont pas prêts à s’engager pour le vote des femmes car ils ne croient pas à la politique. Pour terminer, la journaliste souligne que « Mme Gleizes fait preuve d’une indépendance intellectuelle surprenante vis-à-vis de l’expression artistique de son mari. "Je ne suis pas cubiste, vous savez. Je vois de cette façon, mais je ne pense pas que l’art cubiste soit un reflet définitif de la vie que nous menons en ce temps-ci. L’art cubiste tente de voir tous les aspects d’un objet et d’en obtenir l’essence, concentrée. Dans notre vie, nous nous efforçons d’obtenir tous les points de vue et toutes les visions, et peut-être que nos vies sont inintelligibles comme une image cubiste pour certaines personnes. Moi ? Oh, je fais des choses un peu japonaises. Je ne serai jamais cubiste même si, bien sûr, cet art m’intéresse beaucoup. Non, même mon mari ne peut m’influencer là-dessus" et elle sourit à son célèbre mari cubiste qui sourit en retour à sa très charmante épouse. » (Sarah Addington, « New York is more alive and simulating than France ever was, say two French painters », New York Tribune, 9 octobre 1915, p.7)
Quinze
jours plus tard, ils apparaissent à nouveau, aux côtés de Frederick Macmonnies,
Jean et Yvonne Crotti, Francis Picabia et Marcel Duchamp dans un nouvel article
du même journal qui titre : « Les artistes français stimulent l’art
américain. Pour la première fois, l’Europe cherche l’inspiration sur nos
rivages en les personnes d’un groupe d’artistes français modernistes qui
trouvent l’Europe impossible à cause de son atmosphère imprégnée de guerre. Macmonnies
prédit que l’effet de cette migration sera considérable sur l’art de l’Amérique
et du vieux continent. »
Gleizes est effectivement un « célèbre cubiste » à New York, depuis qu’il a participé à la fameuse exposition de l’Armory Show de 1913, avec Braque, Picasso, Picabia, Duchamp et Marie Laurencin.
Nombre
de New-Yorkais ont découvert l’art moderne européen à cette occasion. Parmi
eux, Louise et Walter Arensberg. Issus de familles d’entrepreneurs aisés
d’origine allemande, ils habitent à Manhattan et sont devenus des collectionneurs acharnés
qui se plaisent à fréquenter tout ce qui compte sur la scène artistique. Comme
l’a souligné Francis Naumann dans son livre sur le mouvement Dada, « Les
Arensberg collectionnaient non seulement l’art, mais […] ils ont également
collectionné les artistes. ». Une scène, reconstituée en 1984, les
représente dans leur salon, en compagnie de leurs invités réguliers.
Les Arensberg sont au centre, avec Marcel Duchamp assis juste derrière eux. Les autres invités sont, de gauche à droite, la peintre Beatrice Wood (de profil au premier plan), le peintre Joseph Stella (à la guitare), le compositeur Edgard Varèse assis au fond, le poète Arthur Craven, l’autrice Mina Loy, le neuropsychiatre Elmer Ernst Southard, debout derrière elle puis Albert Gleizes et Juliette Roche. De l’autre côté du trio central, assis autour de l’échiquier, Francis Picabia, la musicienne Gabrielle Buffet Picabia et Man Ray ; puis le peintre John Covert et l’auteur Henri-Pierre Roché, debout derrière eux, et enfin, à droite, la célèbre « Dada Baroness », égérie du mouvement dada new-yorkais, Elsa von Freytag-Loringhoven.
Voilà pour la note
d’ambiance qui fait évidemment penser à un certain Rendez-vous des amis d'un certain Max Ernst…
Des amis, les Gleizes n’en manquent pas et ils baignent dans une atmosphère dada probablement assez éloignée des préoccupations quotidiennes de leurs compatriotes.
En mai 1916, ils se rendent à Barcelone où ils sont rejoints par Francis Picabia et sa femme, Gabrielle Buffet-Picabia, sans doute pour rencontrer Josep Dalmau dont la galerie édite la confidentielle revue dadaïste 391, dans laquelle Picabia et sa femme sont particulièrement impliqués.
Ensuite, ils finissent l’été dans la station balnéaire de Tossa del Mar. Juliette est inspirée par le spectacle des Ramblas dont elle peint plusieurs versions. La vision cubiste de Gleizes apparaît parfois, comme dans sa Nature morte au Porron (pichet à vin traditionnel de Catalogne).
De
retour à New York, en 1917, elle se remet au travail, notamment avec cette
nature morte qui évoque, dans un esprit dada, la brutalité de la guerre avec
une référence à l’Allemagne (le ticket). C’est probablement sa réaction à
l’entrée en guerre des Etats-Unis.
Mais
il pourrait s’agir aussi d’une réponse à un portrait que Picabia a fait d'elle, Juliette
Roche au manomètre que j’ai n’ai pas retrouvé mais dont on peut se faire
une idée avec le Portrait de Marie Laurencin, que Picabia a sûrement
rencontrée à Barcelone. Elle y était alors exilée avec son mari allemand, une
précision qui souligne la délicatesse de la mention « à l’ombre d’un
boche » qui figure sur le portrait…
Autre
regard sur Juliette, celui de Gleizes, la même année…
Tandis
qu’elle se voit comme cela : deux Autoportrait, hélas non localisés aujourd'hui, qui
intègrent les éléments de son nouveau style.
Car, en effet, son style évolue…elle s’est complètement délivrée de toute perspective
et de l’anatomie des corps
Elle
réalise aussi une belle œuvre textile, Couples de danseurs à New York, qui
se trouve au Musée national d’Art moderne, lequel ne paraît pas juger utile de
la montrer en ligne…
Une
œuvre dont voici probablement un dessin préparatoire, vendu récemment par la fondation Gleizes :
Le regard de Juliette sur la société américaine devient un peu moins amène que ce que ses
déclarations d’arrivée pouvaient le laisser supposer.
C’est
alors qu’elle crée ce que chacun s’accorde à considérer comme son chef d’œuvre,
une tableau qui dégage une étonnante force d’attraction. J’ai eu la chance de
le voir dans une exposition. Heureusement car, à nouveau, Beaubourg ne le
montre pas en ligne…
Un
monde utopique sur près de quatre mètres de long, où dansent et se courtisent des êtres nus aux
corps androgynes, au milieu d’animaux tout aussi
dégingandés et de plantes aux feuilles et couleurs improbables. Avec, en toile
de fond, un village de champignons que les Nabis n’auraient pas reniés, ce
jardin d’Eden est considéré aujourd’hui comme une version joyeuse (et
passablement déjantée) de La Danse de Matisse. J’y vois surtout la
rêverie de la dame en bleu qui nous regarde à la droite du tableau :
« n’y croyez pas, tout est faux mais un jour, peut-être… » Sa
compagne n’a pas l’air enthousiasmé…
Les Gleizes reviennent à Paris en avril 1919 et emménagent au 15 boulevard Lannes, près du Bois de Boulogne. Ils retrouvent une scène artistique restée active : les cubistes comme Metzinger, Juan Gris et Maria Blanchard n'ont pas cessé de travailler.
La
Révolution d’Octobre a fortement interpellé Gleizes qui s’engage dans la revue Clarté,
éditée par Henri Barbusse, auteur du roman anti-guerre à succès, Le Feu,
qui lui a valu le prix Goncourt en 1916. Et il travaille à un projet de
peinture murale pour la gare de Moscou.
Juliette,
elle, retourne au Salon des Indépendants avec trois Natures mortes, deux
Figures et Espagnoles. A nouveau, il est bien difficile de savoir
desquelles il s’agit.
Une
seule mention dans la presse : « Mme Juliette Roche exagère vraiment
la fantaisie. Elle n’est d’ailleurs pas seule dans ce cas. » (Genold,
« Le Salon des Indépendants », Le Journal du Peuple, 28
janvier 1920, p.1)
Juliette écrit le récit fictif des aventures d'Arthur Cravan et d'autres exilés à New York, La Mineralization de Dudley Craving Mac Adam. L’ouvrage est publié en 1922 et La Vie des Lettres de mai 1922 en publie des extraits.
Le personnage principal, Dudley Craving, individu léthargique, voyage en imagination à travers l'espace et le temps, puis se noie dans l’alcool et se couche pour lécher une poutre de cuivre nommée « l'archiduchesse Ottilie ». Intervient alors un processus chimique : le cuivre qu’il absorbe se mélange à ses fluides alcoolisés et son corps se transforme en minéral. Au cours de cette évolution, pendant laquelle il reste conscient bien qu’un brin désorienté, ses tissus se durcissent progressivement, entraînant sa paralysie, son asphyxie puis sa mort : métamorphose physique qui accompagne son évolution mentale et spirituelle.
Il se trouve en outre que « craving » désigne, dans le domaine de l’addiction, une envie irrépressible de consommer une substance. Peut-être faut-il y voir un jeu de mots. Bref, c’est un roman à clef !
Cette histoire baroque est traversée de personnages bizarres dont un « gros philosophe, un peu guatémaltèque, les doigts raidis de bagues » (dans lequel on n’a pas grand mal à reconnaître Picabia) qui se demande s’il est vraiment un « médium psychique du monde » et une « Juliette Granite » qui pourrait bien être qui vous savez.
Des croquis obscurs, des dialogues non identifiés, un héros peu glorieux « déserteur de France, d'Angleterre, des États-Unis, et du Canada, escroc, faussaire et bigame multiple » et une syntaxe qui dégénère à mesure de la désintégration du héros, tandis que le monde s’effondre « l'eau, l'air et la terre ont disparu ; la pierre et la suie sont les nouveaux éléments ».
Je reproduis ci-dessous une page, pour en donner une idée :
« Dans le ciel, autour d’un golfe sombre, des zigzags électriques griffonnent des mots. / Un disque s’allume et s’éteint. Une main désigne le vide. / Mercure. Prisme. Cristaux. Jets d’eau. Signaux. Naufrages. / Un chat vert dévide une pelote. Une roue tourne, rouge et violet ; plus vite. Un peu trop vite. Elle éclate. / Les débris fusent pulvérisés. Ils se fuient, se cherchent, se rejoignent, explosent. Querelles d’astres. / Au-dessus des toits fantômes avec une adresse surprenante, quatre clowns jaunes se poursuivent. / Une nappe de lumière blanche submerge le cerveau. »
En
1921, on retrouve Juliette dans une exposition à la galerie Montaigne :
« un groupe exclusivement féminin. On y rencontre des nature-mortes
tracées avec un viril talent par Mme Halicka, de cette dernière aussi une jeune
femme au piano figure dans l'exécution de laquelle entrent diverses matières et
qui est une charmante fantaisie, de vibrants paysages par Mme Reno-Hassenberg,
des figures d'un charme pervers évoquées par Mme Perdriat, et d'autres
agréables notations de Mmes Valentine Prax, Yvonne Crotti, Alice Bailly, Juliette Roche. » (René-Jean, « Les petites
expositions », Comœdia, 26 février 1921, p.2).
La
même année, elle publie un recueil de poèmes, Demi Cercle, qui ne
paraît plus être édité aujourd'hui. J’ai simplement lu dans un article qu’elle
s’y décrit comme « la dame qui boit du whisky et parle d’art ».
La
critique n’est pas très amène : « Mlle Roche est moderne à l’extrême,
est moderne à l’excès ; peut-être est-elle dadaïste. Mais le dadaïsme aboutira-t-il à quelque chose ? Si on devait le décrire d’après les poèmes
de Mlle Roche, si on pouvait le décrire, il semble qu’on noterait trois thèmes
autour desquels la vie entière s’enroule et se déroule : le thème des sleeping
cars, le thème des pianos mécaniques, le thème des transatlantiques. Au vrai,
tout cela est train de luxe. […] Les sens sont pourtant touchés par ces fragments
de musique, par ces fragments d’images, et l’on tombe parfois sur une note
juste, par exemple :
Une de lune cinéma / sur un ennui pour milliardaire. »
(Claude Barjac, « A travers tout l’imprimé », La Grande Revue, 1er juin 1921, p. 694 – 695.)
Et, presque en même temps, à Genève : « … de Juliette Roche, un portrait de jeune femme et une nature-morte aux tons atténués d’un grand charme » (René Arcos, « L’Exposition internationale de Genève », L’Amour de l’Art, 1er février 1921, p.85)
Au cours des années qui suivent, les Gleizes font des séjours de plus en plus fréquents à Serrières où le père de Juliette s’est retiré. Gleizes, que la vie trépidante des années folles ennuie, veut se retirer pour travailler et réfléchir. Il commence à être attiré par le monde paysan et profite largement de la bibliothèque exceptionnelle de son beau-père.
Je me demande de qu’en pensait Juliette, la mondaine habituée à la vie brillante de la capitale… mais de 1922 à 1925, elle continue à exposer aux Indépendants, exclusivement des portraits et des natures mortes sur lesquelles trouve quelques mentions brèves dans la presse : « notons aussi les natures mortes de Mlle Juliette Roche » (« Le salon des Indépendants », La Liberté, 8 février 1924, p.4)
Elle a réduit la gamme de couleurs de sa palette, des dégradés de gris, toujours du bleu, du vert, dans une figuration stylisée et un cadrage particulièrement resserré.
En 1923, à la mort de Jules Roche, les Gleizes s’installent de façon permanente à Serrières. Juliette est alors dotée d’une jolie fortune, ce qui met Gleizes très mal à l’aise mais ne l’empêchera pas d’avoir recours à cette facilité pour réaliser ses propres projets…
Dans un bel Autoportrait, Juliette se présente à quarante ans, sur un balcon surplombant le Rhône, dans une tenue et une posture qui symbolisent la nouvelle femme des années vingt. Un regard un peu lointain, légèrement ironique, un personnage présent et détaché à la fois. Elégante et un peu froide.
A
la même époque, le couple passe régulièrement l’été à Cavalaire, alors un petit
village de pêcheurs. Ils logent d’abord à l’hôtel puis, sur un terrain qu’ils achètent,
le peintre cubiste Emmanuel Gondouin (1883-1934), très désargenté, construit de ses mains
une double maison. Il habite l’une d’elles, les Gleizes viendront passer l’été
dans l’autre.
Pour se conformer à leurs convictions anticapitalistes, les Gleizes décident de liquider le portefeuille d'actions de Jules Roche afin d'acheter des terres. Ils entendent parler de la mise en vente d’un grand domaine de quatre-vingt hectares, avec des bâtiments agricoles et deux grands mas, Les Méjades et Archaimbaud, près de Saint-Rémy-de-Provence. Toutefois, en dépit de l’intervention de plusieurs régisseurs, la gestion du domaine s’avère rapidement catastrophique. Dans les années 30, ils revendront Archaimbaud, ne gardant que les Méjades.
Entre-temps est né un nouveau projet, lorsqu’une congrégation vend, juste en face de la maison de Serrières mais de l’autre côté du Rhône, dans le village des Sablons, le domaine de Moly-Sabata, ancien relais de batellerie du XVIIIe siècle.
Moly-Sabata,
une appellation vaguement exotique qui cache une réalité plus prosaïque :
« le village de Sablons, installé le long de la rive dauphinoise du Rhône […] est aisément inondé à la
fonte des neiges. Alors en langage local Moly Sabata, « savate mouillée », rappellerait les inconvénients pour les piétons à longer au printemps les rives
d'un fleuve impétueux. » (Mémoire de l’Académie des sciences de Lyon, 1er
janvier 1975, p.49)
« Propriétaires d'un genre peu commun, ce n'est pas un profit matériel qu'ils ont voulu tirer de leur petit domaine, mais des satisfactions morales et des plaisirs intellectuels. Gleizes, comme vous le savez, fut, bien avant la guerre, avec Duhamel, Vildrac et quelques autres, l'un des fondateurs de la fameuse Abbaye de Créteil, où des intellectuels et des artistes avaient tenté déjà de sauvegarder leur indépendance par l'exercice d'un métier manuel. Cela échoua, pour des raisons diverses. Vingt ans après, Juliette Roche aidant et le système ayant été perfectionné, cela a réussi à Moly-Sabata. » (Maximilien Gauthier, « Moly-Sabata », Art et décoration, sept-oct. 1938, p. 293/300)
Il s’agissait donc de permettre à une colonie d’artistes d’assurer sa subsistance grâce à une production maraîchère, un poulailler, un clapier, un rucher et d’exercer un métier artisanal, au sens noble du terme.
La naissance de ce lieu de vie repose d’abord sur un élève de Gleizes, le peintre et sculpteur Robert Pouyaud (1901-1970), qui s’y installe avec sa femme début 1928, pour mettre en pratique les préceptes de son maître : refus de la ville commerciale, exaltation du travail agricole et des métiers manuels.
On élabore la « Règle de
Moly-Sabata » qui s’apparente à une règle monastique et organise l’équilibre
entre le temps de jardinage et celui de la création à l’atelier. Pour financer
le lancement de l’exploitation, Gleizes confie à Pouyaud la responsabilité de
réaliser de pochoirs reproduisant ses œuvres principales, pour lesquelles il
a trouvé un éditeur.
D’autres artistes viennent rejoindre le couple, François Manevy, fondateur de la Section lyonnaise des Fêtes du Peuples, puis le musicien César Geoffray et enfin Anne G. Dangar, peintre australienne qui, après avoir dirigé l’Ecole d’art de Sydney, avait fait plusieurs voyage à Paris où elle avait suivi l’enseignement d’André Lhote, les cours de poterie de Henri Bernier et découvert les écrits de Gleizes. Eprise d’absolu, elle s’engagea dans la vie de Moly-Sabata avec passion, apprit les savoir-faire de la poterie locale et, après le départ de Pouyaud en 1930, resta l’âme de la communauté pendant plus de vingt ans, avec la tisserande Lucie Deveyle.
Sa production conjugue des motifs géométriques d'inspiration celtique et, plus tard, l'art aborigène australien et des arabesques. Un style dit « cubisme rustique ».
Et
Juliette, dans tout cela ? J’aurais envie de répondre « elle se ruine
doucement, tout en continuant à peindre. » Les spécialistes de Gleizes
dénoncent son snobisme, notamment en ce qui concerne le choix des artistes
admis en résidence à Moly-Sabata. Mais on peut aussi souligner sa générosité ou, pour le moins, le peu d'importance qu'elle attachait à sa fortune personnelle.
Dans les années 30, alors que Gleizes se rapproche de Delaunay et écrit de nombreux textes sur le cubisme, Juliette cesse d’exposer aux Indépendants mais participe au Salon d’Automne en 1931 puisque Louis Vauxcelles, dans L’Excelsior du 4 novembre 1931, précise que ses œuvres « doivent être regardées » (p.4). Elle participe aussi à l’exposition du cinquantenaire du même salon avec deux Natures mortes dont les éléments envahissent tout l’espace de la toile.
Huile sur toile, 65,50 x 45 cm
Et,
si elle n’expose plus, elle écrit de nombreux articles sur des thèmes artistiques
et littéraires, notamment dans Sud magazine et continue à
peindre, ici un Eden habité par une faune aux courbes voluptueuses…
… là une terrasse parisienne huppée, saisie par un pinceau aigu.
Pendant
la guerre, les Gleizes s’installent aux Méjades dont elle retranscrit la nature exubérante, animée d'une foule de chiens et chats joyeux.
C’est
la période où, peut-être sous l’influence de la production de Moly-Sabata,
Juliette s’intéresse aussi à la peinture purement décorative et se lance dans le décor de carreaux
de faïence :
Collection particulière (vente 2023)
Collection particulière (vente 2023)
Sans
se départir de son style, elle travaille aussi le portrait dont on trouve de
nombreux exemples à partir de la guerre :
Et elle renoue avec l’évocation
de son environnement de vie, autour de Saint-Rémy :
Il semble que
Juliette ait cessé de peindre à la mort d’Albert Gleizes, en 1953.
Elle a assuré la
postérité de l’œuvre de son mari en décidant par testament, en 1980, la vente
de ses maisons des Méjades et de Cavalaire au profit d’une fondation à sa mémoire également dotée de Moly-Sabata et des très nombreuses toiles qu’elle
lègue à la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques, avant de
mourir, le 23 novembre 1980.
La naissance de la Fondation Albert Gleizes a été entérinée quatre ans après la mort de Juliette, par décret du Premier ministre, le 23 mars 1984.
Et puis… , il ne s’est plus passé grand-chose, à part une exposition rétrospective organisée en 1962 à la Galerie Miroir de Montpellier, accompagnée d’un plaquette (Henri Gineste, « Rétrospective Juliette Roche », Vision des arts n° 25, Béziers 1962).
Ce n’est que très récemment que j’ai rencontré Juliette, à l’occasion d’une vente massive de ses œuvres par la Fondation Gleizes. Certes, celle-ci a pris le soin d’organiser préalablement une exposition qui a été montrée successivement au musée d'art et d'archéologie de Besançon, puis au musée d'art moderne et contemporain des Sables d'Olonne, puis au musée Estrine de Saint-Rémy-de-Provence, en 2021-2022.
Certes, ces expositions se sont accompagnées de donations au musée national d’art moderne et au musée du Chablais de Thonon-les-Bains et, peut-être, à d’autres musées. Il reste qu’actuellement, aucune de ces institutions ne montre en ligne ces œuvres nouvellement acquises et, s’agissant du MNAM, je doute un peu qu’elles soient présentées un jour dans les collections permanentes.
On
peut donc s’interroger sur la méthode : quand on possède la quasi-totalité
de l’œuvre d’une artiste, est-ce bien en dispersant ses toiles qu’on assure sa
visibilité à long terme ?
Je
préfère ne pas répondre à cette question mais je n’en pense pas moins.
*
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