dimanche 11 juin 2023

Marie-Adélaïde Duvieux (1761-1799)

 

Autoportrait – 1798
Huile sur toile, 64 x 53,5 cm


Marie Eléonore Adélaïde Landragin est née le 22 avril 1761. Ses parents habitaient rue du Faubourg Saint-Laurent, c’est-à-dire dans la partie nord de l’actuelle rue du Faubourg Saint-Martin (10e). On sait que son père Jean-Louis Landragin, était « maitre de pension », titre répertorié à partir du XVIIIe siècle et qui supposait que les titulaires aient obtenu une maîtrise ès arts et soient homologués par l’Université.

Cette information positionne donc sa famille dans une relative aisance et procure un indice sur la formation de Marie-Adélaïde : elle apprit probablement la peinture auprès de son père ou d’un proche de celui-ci. Mais lorsque son père meurt en 1776, elle n’a que quinze ans et se tourne probablement, pour gagner sa vie, vers la formation la plus « adaptée » à une jeune femme de l’époque, la peinture en miniature, « petit art décent, propret, dans lequel tout de même on peut montrer un grand talent si on l'a, et si l'on en manque, s'en tirer par le charme et l'esprit. », comme l’indique, à propos des femmes miniaturistes, le sieur Henri Bouchot (1849-1906).

Lorsqu’en 1791, Marie-Adélaïde montre ses miniatures dans les expositions de la Société des amis des Arts, fondée l’année précédente par Charles de Wailly - où expose aussi sa contemporaine Marguerite Gérard (voir sa notice) -, elle habite Faubourg Saint-Martin, soit probablement toujours au même endroit car la rue a changé de nom pendant la Révolution.

En 1793, elle participe au deuxième Salon accessible à tous les « artistes vivants ». Elle ne se réclame d’aucun maître, indique habiter 133, Faubourg Saint-Martin et expose un « cadre contenant plusieurs miniatures ». On ne sait évidemment rien de ces miniatures qui sont très probablement des portraits.

Elle pourrait y avoir montré celui-ci, signé de son nom de jeune fille.

 

Portrait d’un gentilhomme en chasseur – vers 1790

La notice du musée Bomann souligne que l’on remarque que « le portrait a été créé dans l'atelier. La lumière n'est pas celle d’un espace extérieur, mais l'éclairage latéral habituel de la plupart des portraits miniatures qui permet une représentation plus vivante. La transition vers les profondeurs de l'horizon lointain est habilement absorbée par les rochers et les buissons. La paroi rocheuse sombre met en valeur et souligne la lumière du visage, des raffinements techniques d'une personnalité artistique habile et empathique qui témoigne d’un talent pictural exceptionnel. A gauche, sur le rocher, la signature est reconnaissable, celle de Mlle Landragin, plus tard Mme Duvieux, miniaturiste malheureusement encore largement méconnue. »

En 1795, Marie-Adélaïde apparaît dans le livret du Salon avec la mention « femme Durieux » et expose à nouveau plusieurs portraits en miniature. Elle a épousé le 27 février 1794, Julien Louis Duvieux, tabletier de son état.

Evoquons sans tarder la controverse sur son nom d’épouse. Elle fut enregistrée deux fois au Salon sous le patronyme de « Durieux », en 1795 et en 1796, « Citoyenne Durieux » qui loge 145 rue Saint Martin. Toutefois, l’examen de sa signature permet de vérifier qu’elle signait bien « Duvieux ».

En dépit de cette évidence, le musée national des Châteaux de Versailles et du Trianon, comme la base Joconde, continuent à diffuser cette erreur, pourtant corrigée dès 1798 dans le livret du Salon… où elle présente encore « un cadre contenant des miniatures ».

Ses miniatures, on n’en connaît bien peu et, à l’exception du Gentilhomme en chasseur susmentionné, elles ne font pas preuve d’une grande originalité de composition… 

 

Portrait d’homme assis – sans date
Technique non précisée, diamètre 7 cm
Musée du Louvre, Paris



Le père de l'artiste en redingote à rayures grises et gilet rouge – sans date
Aquarelle sur ivoire, diamètre 5,9 cm
Albertina Museum, Vienne

Comment sait-on qu’il s’agit du portrait de son père ? L’œuvre, signée « Landragin fm Duvieux » porte au dos une inscription : « S'il fut le meilleur / des pères, il en fut / aussi le plus adoré / Sa fille Marie / Amelie (sic !) 1816 » (re-sic !). Ces deux erreurs de prénom et de datation laissent donc planer un doute sur l’auteur de l’inscription, puisqu'en 1816, la peintre comme le modèle étaient décédés. 

 

Portrait d’une femme tenant une lettre – sans date
Aquarelle et gouache sur ivoire, diamètre 7,6 cm
Collection particulière



Femme tenant une lettre – sans date
Aquarelle et gouache sur ivoire, diamètre 6,6 cm
Collection particulière


Une simple miniaturiste ?

Pourtant, en 1798, Marie-Adélaïde peint un autoportrait qui apparaît aujourd’hui comme son unique œuvre à l’huile. Je pense qu’on peut dire qu’elle en maîtrisait la technique. 

 


C’est un portrait assez austère qu'elle n’a visiblement pas cherché à embellir. Tout juste a-t-elle fait un effort de toilette qui se remarque à la mèche de cheveux enroulée comme un diadème au pan noué de sa charlotte, à la dentelle blanche qui orne son corsage, au petit liseré brodé de son châle et au ruban bleu qui souligne son poignet droit, peut-être pour attirer l’attention sur le porte-crayon qu’elle tient à la main, appuyée sur un carton à dessin, allusion discrète à son art.

Son regard franc cherche le contact avec celui du spectateur mais paraît légèrement désabusé. Certains auteurs voient dans la main gauche posée sur son ventre l'indice d'une grossesse.

 

Marie-Adélaïde est morte à Paris, le 14 janvier 1799. Elle n’avait que trente-huit ans et la possibilité d'une carrière devant elle. 

Le précité sieur Bouchot pourtant peu amène à l’égard des miniaturistes, la cite dans la courte liste de celles qui retiennent l’attention, même s’il ne lui accorde pas la première place de Marie-Gabrielle Capet et Marie-Thérèse de Noireterre, « plus en vue ». (Henri Bouchot, La miniature française 1750-1825, Paris, Emile Paul 1910, p.155)

 

C’est l'arrière-petite-fille de Marie-Adélaïde qui a légué son portrait aux musées nationaux, en 1937. Si j’avais reçu en héritage un tel autoportrait d’aïeule, j’en aurais sûrement fait autant !

 




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