dimanche 2 avril 2023

Laura Knight (1877-1970)

 

Autoportrait – 1921
Huile sur toile, 59,5 x 59,5 cm


Laura Johnson est née le 4 août 1877, benjamine des quatre filles d’une famille modeste. Elle n’a que 6 ans à la mort de son père qu’elle n’a jamais vraiment connu car ses parents se sont séparés peu après sa naissance. Sa mère, qui est peintre amateur, lui donne probablement ses premiers cours de dessin. Sans ressource, elle doit prendre un emploi et devient professeur à la Nottingham School of Art, ce qui permet à Laura d’en suivre gratuitement les cours à l’âge de treize ans.

 

Elle y étudie avec succès, son premier tableau connu date de l’année de ses quatorze ans :

 

Lady in yellow - Portrait de Lily Poyser – 1891
Huile sur toile, 76 x 61 cm
Collection particulière (vente 1998)


Elle rencontre le jeune peintre Harold Knight qui peint son portrait la même année. Le portrait sera exposé à l’exposition annuelle de la Royal Academy en 1962, juste après le décès du peintre, élu académicien en 1937. 

 

Harold Knight (1874-1961)
Laura Johnson – 1891
Huile sur toile, 61 x 50,5 cm
Royal Academy of Arts, Londres


Après le décès de sa mère en 1895, Laura s’installe avec l’une de ses sœurs à Staithes, un village de pêcheurs du nord-est de l’Angleterre. Elle y pratique la peinture dans une petite colonie d’artistes ; les pêcheurs et leurs enfants sont les sujets de ses premières toiles, signées Laura Johnson.

 

Pêcheurs appâtant leurs lignes sur les galets– Staithes – vers 1895/1900 
Huile sur toile, 46,5 x 55,8 cm
Collection particulière (vente 2022)


La flotte de pêche – vers 1900
Huile sur toile, 123 x 84 cm


Je n’ai pas trouvé dans quelles circonstances Laura a réalisé le décor Idylls of the King, un ensemble de 6 peintures inspiré d’un recueil de poèmes d'Alfred Lord Tennyson, exposé aujourd’hui dans le Arkwright Building de l’université de Nottingham :

 

Idylls of the King (Balin and Balan) – vers 1901
Huile sur toile
Nottingham City Museums & Galleries



Idylls of the King – Trees – vers 1901
Panneaux de droite et de gauche, 76 x 46 cm chacun


Laura et Harold Knight se marient en 1903 et partent en voyage de noce aux Pays-Bas où ils rejoignent une colonie d’artistes à Laren. Mais avant, sous le nom de Laura Johnson, la jeune femme participe pour la première fois à l’exposition d’été de la Royal Academy en 1903, avec un seul tableau, Mother and Child.

Quelle que soit l’origine de son intérêt pour les sujets humbles, sa propre jeunesse ou ses premières expériences de peintre à Staithes, celui-ci l’accompagnera toute sa carrière, en dépit de ses relations futures avec la haute société britannique.

A partir de 1904, Laura expose tous les ans à la Royal Academy, d’abord un seul tableau, comme en 1906 où elle montre Dressing the Children, probablement une scène de Staithes.


Dressing the Children [Habiller les enfants] – vers 1906
Huile sur toile, 102,2 x 139,7 cm
Collection particulière

En 1908, les Knight s’installent en Cornouailles, dans une communauté d’artistes qui s’était développée autour de la Newlyn Art School, sorte d’école de Barbizon à l’anglaise où, dans les années 1880, des peintres avaient commencé à peindre en plein air, bénéficiant d’une lumière particulière et des commodités d’une vie simple et peu onéreuse. Laura et Harold s’y font des amis, comme les peintres Alfred Munnings (1878-1959) et Samuel John « Lamorna » Birch (1869-1955), tous deux futurs membres de la Royal Academy (RA).

C’est une expérience déterminante pour Laura qui s’épanouit, développe sa technique et trouve un nouveau style. La toile qu’elle présente à la RA en 1909, The Beach, est une œuvre de transition, à la palette délicate et éclaircie :

 

The Beach [La Plage] – exposé à la RA en 1909
Huile sur toile, 127,6 x 153,2 cm
Laing Art Gallery, Newcastle Upon Tyne


Le travail de Laura commence à être reconnu : elle est élue membre de la Royal British Colonial Society of Artists, puis élue associée à la Old Water Color Society.

C’est l’époque où elle commence à approcher le théâtre, un de ses thèmes récurrents, avec cette scène intitulée Hétéroclite. Nous sommes assis dans une salle sombre, regardant des comédiens violemment éclairés, dans une atmosphère un peu irréelle.

 

Motley, [Hétéroclite] – 1910/1912 (exposé à la RA en 1929)
Huile sur toile, 62,2 x 75,6 cm
National Museum Wales, Cardiff


En 1910, nouvelle scène d’enfants avec vue plongeante sur la petite ville de Newlyn en Cornouaille. Le tableau est acheté par Sir George Clausen pour la National Gallery of South Africa (dénommée Iziko aujourd’hui) où il se trouve encore.

 

Flying a kite [Faire voler un cerf-volant] – exposé à la RA en 1910
Huile sur toile, 149,8 x 179,8 cm
Iziko, Museums of South Africa, Le Cap


En 1911, Laura présente à la RA Daughters of the Sun (Filles du soleil), une huile représentant plusieurs baigneuses nues au bord d’une plage. Plus tard, elle aurait détruit la toile qui n’est plus connue qu’en photographie.

Deux ans plus tard, elle peint l’étonnant autoportrait ci-dessous, peut-être une façon d’affirmer la nécessité, pour les femmes, de peindre d’après modèle vivant et de s’approprier le thème masculin du nu.

Les couleurs intenses, le choix de représenter un double nu de femme en soulignant sa propre présence au premier plan, le choix de sa tenue qui évoque plutôt celle une spectatrice (on ne voit pas ses pinceaux et on ne comprend pas immédiatement qu’elle est en train de peindre), sont particulièrement intéressants et inattendus.

Le tableau n’est pas accepté à l’exposition de la RA et il est violemment dénigré par la critique lors de sa première exposition. Il sera tout de même acheté plus tard par la prestigieuse National Portrait Gallery – et c’est heureux car c’est l’un des meilleurs tableaux de Laura (à mon humble avis). S’il existe un « ego-document » dans la peinture de Laura, il semble bien que ce soit celui-là : j’impose ma vision par une ligne puissante, en couleurs chaudes. Ma force, c’est de savoir que je serai jugée comme femme autant que comme artiste. Je l’assume.


Autoportrait ou Le modèle – 1913
Huile sur toile, 152,4 x 127,6 cm
National Portrait Gallery, Londres

Son modèle est l’artiste Ella Naper, avec laquelle Laura s’initie à la technique des plaques émaillées et crée des bijoux.

 

Deux danseurs – vers 1913
Huile sur émail, 45 x 45 cm
Penlee House Gallery & Museum, Penzance


D’autres portraits de l’époque de Cornouailles montrent qu’elle affronte bravement une nouvelle palette. Le modèle ci-dessous est une belle Irlandaise nommée Dorothy Eileen Henry, la compagne d’un peintre de la colonie d’artistes. Laura a évoqué ce moment dans ses mémoires : « L'audace grandissait, je ne travaillerais qu'à ma manière. Une liberté encore plus grande est venue - sensation glorieuse, promesse d'un avenir où tout pourrait être tenté… une vitalité bouillonnante m'a donné envie de peindre le monde entier et de dire à quel point c'était glorieux d'être jeune et fort et capable de s'éclabousser de peinture. » (Laura Knight, Oil Paint and Grease Paint, Londres, 1936, p. 169-86).


Marsh Mallows [Guimauve] – vers 1914
Huile sur toile, 76,8 x 64 cm
Collection particulière (vente 2018)


Elle a aussi régulièrement recours à l’aquarelle…

Campanules – sans date
Aquarelle et gouache sur papier, 29,3 x 24,1 cm
Collection particulière (vente 2012)


 … comme en 1915 où elle expose à la RA ces Enfants nageant :

Children swimming [Enfants nageant] – 1915
Aquarelle sur papier, 69,2 x 64,7 cm
Walker Art Gallery, Liverpool


Et l’année suivante, elle expose ce Printemps, une image riante de Cornouaille où elle représente à nouveau son amie Ella Naper en compagnie de son mari. Le tableau aurait été retravaillé dans les années 20.

 

Spring [Printemps] – 1916
Huile sur toile, 152,4 x 182,9 cm
Tate Britain, Londres


Plus nouveau pour l’époque, la série de scènes où elle peint des femmes en vigies solitaires surplombant la mer, qu’elle commence pendant la guerre. Un style qui reste traditionnel mais avec une contextualisation nouvelle, un peu imposée par les évènements car on est en pleine guerre et il ne faut pas représenter trop largement les côtes britanniques… mais cela correspond aussi au style de Laura qui affectionne visiblement les points de vue surplombant.


La côte de Cornouailles – 1917
Huile sur toile, 64,8 x 76,3 cm
National Museum Wales, Cardiff


Le bassin sombre – vers 1916/1917
Huile sur toile, 46 x 45,8 cm
Laing Art Gallery, Newcastle



En haut de la falaise – vers 1917
Huile sur toile, 58,4 x 71 cm
Collection particulière (vente 2022)


Soleil d’automne à Sennan Cove – 1922
Huile sur toile, 59,7 x 74,9
Birmingham Museum


Parallèlement, Laura s’est rapprochée d’artistes circassiens. On commence à voir apparaître des scènes évoquant le cirque dans sa peinture.

 

The Fair [Le Juste] – vers 1919
Huile sur toile, 61,7 x 92 cm
Laing Art Gallery, Newcastle Upon Tyne


En 1919, les Knight s’installent à Londres. Laura s’achète une presse à imprimer et s’initie à la gravure.

 

Aux Folies Bergères – 1920
Eau-forte sur papier, 12,7 x 17,6 cm
Victoria & Albert Museum, Londres



Jour férié – 1923
Aquatinte sur papier, 26,7 x 21 cm
Victoria & Albert Museum, Londres



La loge au cirque – 1926
Eau-forte sur papier, 59,6 x 47,3 cm
Collection particulière (vente 2023)


Le soir, elle découvre les ballets russes de Sergei Diaghilev à l’Alhambra et se lie avec les grandes danseuses de la troupe, Karsavina, Lopokova, Pavlova, Spessitseva et Tchernicheva, dont elle fait les portraits.

 

Lopokova dans sa loge – vers 1919
Huile sur toile, 50,5 x 61 cm
Iziko, Museums of South Africa, Le Cap

 

Lubov Tchernicheva – 1921
Huile sur toile
Collection particulière


Au début des années 20, Laura obtient de Diaghilev l’autorisation de travailler en coulisse. Elle doit travailler vite, ce qui contribue à simplifier son dessin.

 

In the Coulisses – exposé en 1921
Huile sur panneau, 63 x 57 cm
Falmouth Art Gallery


Les Sylphides – 1922
Huile sur toile, 76,2 x 101,6 cm
Birmingham Museums


Portrait de Vanda Evina dans sa loge au Coliseum Theatre – 1924
Plume et encre, 35,8 x 25 cm
Victoria & Albert Museum, Londres


A l’exposition annuelle de la RA, Laura continue à exposer, trois ou quatre toiles tous les ans, souvent des portraits de célébrités, comme cette pianiste britannique…

 

Ethel Bartlett (1896–1978) – exposé à la RA en 1926
Huile sur toile, 76,7 x 64 cm
Atkinson Art Gallery Collection, Southport


… ou des scènes plus intimistes :

 

Susie et la bassine à toilette – 1926 (exposé à la RA en 1929)
Huile sur toile, 61 x 61 cm
Harris Museum & Art Gallery, Preston, Lancashire

En 1926, Harold reçoit une commande de décor pour l’hôpital Johns Hopkins de Baltimore et doit s’y rendre pour un an. Laura l’accompagne et découvre la ségrégation raciale qui sévit même dans les hôpitaux.

Laura fait la connaissance d’une secrétaire de l’hôpital, Pearl Johnson, qui l’emmène dans une conférence sur les droits civiques, à la suite de quoi Laura demande l’autorisation de travailler dans les services accueillant les patients noirs et y réalise plusieurs œuvres. 

 

Une enfant à l’hôpital pour enfant de Baltimore – 1926/1927
Huile sur toile, 30,5 x 40,7 cm
Collection particulière (vente 2021)



Juanita – 1927
Pointe sèche sur papier, 57 x 41,7 cm
Penlee House Gallery & Museum, Penzance


Etude de jeune femme – 1926
Aquarelle, pastel et fusain sur papier ivoire, 47,6 x 40 cm


Et elle fait poser cette femme et son enfant pour une Madone plutôt inhabituelle pour l’époque…

 

Madonna of the Cotton Field [Madone des champs de coton] – 1927
Huile sur toile, 90,2 x 69,7 cm
Queensland Art Gallery, Brisbane

En 1928, un A apparaît à côté de son nom sur le catalogue annuel de la Royal Academy : Laura a été élue « associée ». Elles étaient deux femmes à l’être, l’autre s’appelait Annie Louisa Swynnerton, une peintre symboliste dont je n’avais jamais entendu parler…

 

Portrait de Heather Ealand – exposé à la RA en 1928
Huile sur toile, 56 x 48 cm
Collection particulière (vente 2014)


Puis, l’année suivante, Laura devient « Dame », version féminine du « chevalier » de l’ordre de l’empire britannique et expose à la RA Charivari, l’une de ses nombreuses évocations du monde du cirque :


Charivari, le grand défilé – 1928
Huile sur toile, 99 x 125 cm
Newport Museum and Art Gallery, Newport


Cet été là, elle rejoint la Mills & Carmo Company en tournée pour la saison estivale et dessine des scènes de la vie quotidienne sous le chapiteau. Les Trois Clowns qu’elle expose en 1930 à la RA, étaient ses amis Randy, Marba et Joe Bert.

 

Trois Clowns – 1929
Huile sur toile, 77 x 65,3 cm
Leicester Museum & Art Gallery, Leicester



Laugh, clown, laugh – exposé à la RA en 1929
Huile sur toile, 50,8 x 61 cm
Collection particulière (vente 2008)


A l’exposition annuelle de la RA, Laura continue à exposer ses portraits de célébrités diverses (qui lui assurent des revenus réguliers) et des scènes urbaines, souvent prises depuis un fenêtre.

 

George Bernard Shaw (1856–1950) - exposé à la RA en 1933
Huile sur toile, 76 x 66 cm
Hereford Museum and Art Gallery


Patricia, daughter of J.Todd Thompson – exposé à la RA en 1933
Huile sur panneau, 76,2 x 63,5 cm
Castel Museum, Nottingham



Spring in St. John’s Wood – exposé à la RA en1933
Huile sur toile, 130,2 x 115,6 cm
Walker Art Gallery, Liverpool


Et de temps à autre, elle y montre des œuvres un peu moins classiques, comme cette Aube de 1933, la toile qu’elle a « déposé » à la Royal Academy lors de son élection comme membre à part entière, en 1936.


Dawn – 1933
Huile sur toile, 75 x 59 cm
Royal Academy of Arts, Londres
© Photo : Royal Academy of Art, London / The Artist Estate

Pour Laura, issue de la classe moyenne, cette élection est une consécration. En effet, elle est la première femme à obtenir ce titre. Ses deux prédécesseures (oui, je leur donne le « e » qu’elles méritent) faisaient partie des fondateurs de la Royal Academy, en 1768 (voir la notice d’Angela Kauffmann) mais aucune autre femme n’y avait été élue depuis.

Ceci explique sans doute, alors que les artistes d'avant-garde n’exposaient plus dans une institution qu'ils percevaient comme démodée, que Laura ait embrassé fièrement le statut d’académicienne pour lequel elle s’était battue et qu’elle ait privilégié l’exposition annuelle de l’Académie pour valoriser sa carrière, même si, bien sûr, elle était aussi exposée dans d'autres lieux, y compris aux Etats Unis, dès 1914.

 

Dans ce portrait de son ami « Larmona », il y a un beau travail sur la lumière…

 

Lamorna Birch (1869–1955) et ses filles – exposé en 1934
Huile sur toile, 215 x 261 cm
The University of Nottingham


Laura devant Lamorna Birch et ses filles à l’exposition RA de 1934
(une bonne illustration du format du tableau !)


En 1935, elle participe à l’Exposition d’art industriel britannique où elle expose divers objets (verres, décanteurs, shakers) qu’elle a dessiné pour l’entreprise Stuart & Son. Mais elle a aussi créé de la vaisselle, dont on trouve encore des éléments, toujours sur la thématique du cirque :

 

Soupière Circus Bizarre
Faïence émaillée, réhaussée de dorure, 18 x 29 cm
Collection particulière (vente 2023)


Assiette – 1933
Faïence vernissée, 27,3 cm
Poterie royale du Staffordshire (fabricant)
Victoria & Albert Museum, Londres


Saucière – 1934
Faïence, 18,6 x 9,1 cm
Arthur J. Wilkinson & Co (fabricant)
Victoria & Albert Museum, Londres


Et, en 1937, Laura est l’auteur de l’affiche de l’exposition annuelle de la Royal Academy.

 

Royal Academy, exposition 1937


Mais l’académicienne continue à courir les campagnes et finit par rencontrer la communauté itinérante des tziganes, troisième thème de prédilection qui va l’occuper à la fin des années 30.

A Iver dans le Buckinghamshire, à Ascot dans le Berkshire comme à Epsom dans le Surrey, des communautés roms sont présentes depuis le XVIe siècle.

 

Gitanes à Ascot – sans date
Huile sur toile, 79 x 65 cm
Hereford Museum and Art Gallery, Hereford


Parures d’Ascot – 1936/1938
Huile sur toile, 76,2 x 63,5 cm
Dundee Art Galleries and Museums, Dundee


Romany Belles – exposé à la RA en1938
Huile sur toile, 76,5 x 63,9 cm
Aberdeen Art Gallery & Museums




The Gypsy – vers 1939
Huile sur toile, 61 x 40,6 cm
Tate Britain, Londres

Laura a précisé à propos de ce portrait : « Un jour de pluie, à Iver, dans le camp là-bas près de la voie ferrée, cet homme qu’on appelle M. Smith a posé pour moi sous une petite tente, juste un abri, encombré d’un grand lit double où dormaient aussi un vieux bohémien et sa femme. Je l’ai peint en 3 ou 4 heures. … Je n’ai rien de plus à dire au sujet de M. Smith, sauf qu’il figure dans plusieurs autres toiles que j’ai peintes à Iver – une en particulier, avec toute sa famille qui se trouve maintenant quelque part en Écosse – sa femme, ses trois enfants et sa mère, une belle vieille Romani, qui était la reine du camp. » (15 novembre 1957)

 

Gipsy Splendour – exposé à la RA en 1939
Huile sur toile, 101,6 x 76,2 cm
Nottingham City Museums & Galleries


Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, Laura répond à des commandes du War Artists Advisory Committee, notamment pour représenter des combattantes citées pour leurs actes de bravoure.

 

Caporal Elspeth Henderson et sergent Helen Turner – 1941
Auxiliaires féminines des Forces aériennes
Huile sur toile, 114 x 81 cm
The Royal United Services Institute for
Defence and Security Studies, Westminster



Corporal J. M. Robins - 1941
Auxiliaire féminine des Forces aériennes
Imperial War Museums (IWM), Londres

« La caporal Robins se trouvait dans un abri qui a reçu un coup direct lors d'un intense bombardement ennemi. Plusieurs hommes ont été tués et deux grièvement blessés. Alors que la poussière et les fumées remplissaient l'abri, la caporal Robins s’est portée immédiatement au secours des blessés et leur a prodigué les premiers soins. Pendant qu'ils étaient retirés de l'abri démoli, elle est allée chercher une civière et est restée avec les blessés jusqu'à leur évacuation. Elle a fait preuve d'un courage et d'un sang-froid d'un très haut niveau dans une position d'extrême danger. » (London Gazette, 20 décembre 1940, source : notice du musée)

 

Laura choisit aussi de représenter des scènes qui mettent en valeur la participation des femmes à l’effort de guerre. 


Ruby Loftus screwing a Breech-ring – 1943
[Ruby Loftus en train de visser un anneau de culasse]
Huile sur toile, 86,3 x 101,9 cm
Imperial War Museums (IWM), Londres

Ruby Loftus était une ouvrière exceptionnelle qui avait maîtrisé des compétences d'ingénierie complexes en très peu de temps et Laura Knight a été chargé de la peindre au travail dans l'usine. Comme avec les artistes de cirque ou les danseurs, Laura met l'accent sur la posture de son sujet au travail. La machinerie industrielle était un élément entièrement nouveau pour elle mais sa précision technique a été saluée dans les rapports contemporains : Laura, comme Ruby, faisait ses preuves dans un environnement traditionnellement masculin.


Réparations – 1942
Huile sur toile, 101,5 x 127 cm


Et parfois elle les expose à la Royal Academy :

 

A Balloon Site, Coventry – exposé à la RA en 1943
Huile sur toile, 101,6 x 127 cm
Imperial War Museums (IWM), Londres


Laura aime adopter un point de vue inhabituel, comme pour cet intérieur de bombardier Stirling Mk3 avec quatre hommes (deux pilotes, un navigateur et un opérateur radio) se préparant au décollage :

 

Décollage, intérieur d’un bombardier – vers 1943
Huile sur toile, 182,8 x 152,4 cm
Imperial War Museums (IWM), Londres

« Dame Laura était là pour peindre un tableau de guerre – quelque chose comme l'atterrissage d'un Stirling pendant une opération de nuit. Elle a dit que Bert lui avait donné une inspiration en lui montrant l'intérieur de "The Mighty F" juste avant qu'ils ne décollent une nuit. Elle lui a demandé de sortir de l'avion et de rentrer à nouveau, et a vu que son idée était irréalisable. Puis elle a décidé de peindre l'équipage de l'avion se préparant au départ. Elle a dit que c'était la tâche la plus difficile qu'elle se soit jamais imposée. » (Officier d'aviation Menna Walden-Jones, RAF Mildenhall, octobre 1943)

En 1946, Laura est nommée correspondante de guerre au procès de Nuremberg et participe à une émission spéciale de la BBC. Ayant eu accès au studio de diffusion situé juste au-dessus des prisonniers, elle exécute des études au fusain des principaux protagonistes. Sa peinture reproduit fidèlement la scène : le groupe des accusés portant les écouteurs de traduction des débats, la rangée de casques blancs qui les surveillent et les avocats en robes noires. Profondément troublée par ce qu'elle entend pendant le procès, Laura l’exprime par le paysage de désolation qui flotte comme un cauchemar au-dessus de la salle d'audience.

 

Le procès de Nuremberg – 1946
Huile sur toile, 182,8 x 152,4 cm
Imperial War Museums (IWM), Londres


La suite de sa carrière est ponctuée de quelques morceaux de bravoure, comme cette inauguration…

 

La princesse Elisabeth inaugurant le New Broadgate à Coventry – 1948
Huile sur toile, 183,5 x 230 cm
Herbert Art Gallery & Museum, Coventry


… par de nouvelles scènes sur le thème du théâtre…


N°1 Dressing Room [Vestiaire n°1] – exposé à la RA en 1947
Huile sur toile, 151 x 126 cm
Grundy Art Gallery, Blackpool


Theatre Wardrobe (The yellow Dress) – exposé à la RA en 1948
Huile sur toile, 77 x 63,7 cm
Museums Worcestershire, Worcester

 

… par d’autres scènes urbaines…

Studio Window – exposé à la RA en 1967
Huile sur toile, 101,5 x 127 cm
Collection particulière (vente 2016)


… et aussi par des portraits qui disent l’empathie de Laura pour les femmes d’exception, surtout d’origine modeste comme la lutteuse et cascadeuse Joan Rhodes (1921-2010) qu’elle représente dans toute sa féminité :

 

Joan Rhodes – 1955
Huile sur toile, 51 x 51 cm
Royal Academy of Arts, Londres
© Photo : Royal Academy of Art, London / The Artist Estate


Laura est élue Académicienne senior en 1961 et a bénéficié d’une exposition rétrospective à la Royal Academy en 1965 mais je n’en ai trouvé aucune trace sur le site internet, pourtant très complet, de cette vénérable institution. Elle a cependant eu lieu et c’est à cette occasion que Laura a fait paraître sa seconde biographie, intitulée The Magic of a Line, dans laquelle elle écrit :

« Encore aujourd'hui, une artiste féminine est considérée plus ou moins comme un monstre, elle peut être sous-évaluée ou surévaluée et, par la seule vertu de sa rareté et de son sexe, avoir une meilleure valeur médiatique… Maintenant que les femmes ne sont plus nées pour tenir une aiguille dans une main et une brosse à récurer dans l'autre, combien de grandes choses pourraient arriver ? »

Bien qu’elle ait, sauf en 1918 et 1922, exposé chaque année à la Royal Academy, de 1903 à 1970, Laura n’aura pas révolutionné la peinture, au contraire : ses portraits de « bon goût académiques » faisaient sa fierté et ne l’ont empêchée ni de connaître un succès populaire ni d’être reconnue et honorée pour son travail autant que pour le symbole qu’elle représentait en tant que femme artiste.

Et si les femmes sont restées ses sujets privilégiés, elle les a allègrement sorties des cuisines et des salons pour les camper en danseuses, acrobates, ouvrières, militaires : réelles, précises, travailleuses. Elle a aimé et montré ceux dont personne ne connaissait l’intimité, les artistes de cirque, les Roms, tous gens du voyage. Elle a donc fait sa part, en restant fidèle à l'objectif qu'elle s'était donné : montrer le monde comme il est.

Dame Laura Knight est morte le 7 juillet 1970, trois jours avant une rétrospective qui lui était consacrée au château de Nottingham. Ses peintures sont, depuis sa mort, régulièrement exposées en Angleterre. 

Sa dernière exposition a eu lieu en 2021, à la National Portrait Gallery de Londres.

 

A Misty Sunrise [Lever de soleil brumeux]  vers 1956
Huile sur toile, 76 x 96 cm
Royal Academy of Art, Londres
© Photo : Royal Academy of Art, London / The Artist Estate

 




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