Née
le 28 avril 1701 à Paris, Madeleine Françoise Basseporte était la quatrième
enfant d’un marchand de vin en gros, installé rue Saint-Louis-en-L’Isle.
Selon le Nécrologe des hommes célèbres de France, par une société de gens de lettres (1780) qui lui consacra un article de plusieurs pages (réimprimé dans la Revue universelle des arts, tome 13e, Paris, Renouard, 1861, p. 139 à 147), Madeleine était « fille d'un honnête commerçant enlevé par une mort prématurée, après avoir été ruiné par des malheurs imprévus, elle se trouva orpheline, pauvre, et, ce qui devenait plus embarrassant, jeune et jolie. Mais sa sagesse, son amour pour sa mère, et son goût pour les arts, la sauvèrent de ces écueils. »
Madeleine se forme auprès de Paul Ponce Antoine Robert de Seri (1686-1733), peintre du cardinal de Rohan.
« C'était
un peintre habile à qui M. le cardinal de Rohan avait permis d'avoir un atelier
dans son palais, d'y travailler, et d'introduire ses élèves dans ses vastes et
riches appartements. Agée de dix à douze ans, [Madeleine] engagea sa mère à se
loger dans le voisinage de l'hôtel de Soubise et obtint du suisse qu'il lui
ouvrît la porte au point du jour ; elle ne quittait son ouvrage que lorsque la
nuit l'y forçait, ne prenant pour son dîner qu'un peu de pain et quelques
fruits qu'elle emportait avec elle. Les travaux domestiques ne souffraient
point de cette ambition d’apprendre ; de retour auprès de sa mère, elle soupait
légèrement, s'occupait jusqu'à minuit des soins du ménage, et dormait jusqu'à
ce que le jour la rappelât à ses études.
Après avoir épuisé tout ce que l'hôtel de Soubise renferme de précieux en peinture, mademoiselle Basseporte obtint l'entrée de la galerie et des appartements du Palais-Royal et s'y rendit avec la même assiduité. Dans l'hiver le plus rigoureux, elle passait les journées entières sans feu. » (Nécrologe, op.cit., p.139)
Voilà pour le contexte, … si j’ose dire !
Mettons à présent en perspective ce que nous savons déjà. Vers le mois d’avril 1720, Rosalba Carriera arrive à Paris. (voir sa notice). Elle est logée dans l’hôtel du financier Pierre Crozat, lequel est un ami du comte de Caylus, protecteur des arts, dont on sait qu’il a soutenu la candidature de Robert de Seri à l’Académie royale, candidature qui ne sera d’ailleurs jamais acceptée…
C’est donc probablement grâce aux liens entre Caylus et Robert de Seri que Madeleine est admise à copier les pastels de Rosalba. Elle ne l’a jamais rencontrée puisque Crozat parle d’elle dans une lettre qu’il envoie à Rosalba après son retour en Italie : « Il y a une demoiselle, élève de M. Robert, qui commence à y faire quelques progrès. » (Cité par Neil Jeffares dans son Dictionnaire des pastellistes avant 1800, consultable en ligne).
Et Madeleine fait tellement de progrès qu’elle finit par remporter « les succès les plus flatteurs ; elle peignait le pastel et fut bientôt connue par des portraits qu'on mit à côté de ceux de la Rosalba », nous dit le Nécrologe. C’est d’ailleurs parce qu’il était attribué à Rosalba que le Rijksmuseum d’Amsterdam acheta le Portrait d’une jeune femme en 1900. Le portrait fut rendu à Madeleine après la découverte de sa signature au dos de la feuille.
Elle a aussi exécuté le portrait du « professeur de botanique au Jardin du Roi », Bernard de Jussieu (1699-1777). Il n’en reste aujourd’hui qu’une copie gravée. Avec le Portrait d'une jeune femme, c'est la seule trace de l'activité de portraitiste de Madeleine…
Le
Nécrologe raconte que c’est « la crainte de manquer d'occupation,
l'embarras d'avoir sans cesse de nouvelles connaissances à faire, et d'autres inconvénients
encore [qui] l'engagèrent à prendre le parti de dessiner et de peindre les plantes,
genre qu'il ne faut pas confondre avec la peinture des fleurs. »
A ce stade, un doute m’assaille : je me souviens de l’histoire de Marie-Thérèse Reboul (voir sa notice). Elle aussi avait initialement espéré se consacrer au portrait mais elle fut contrainte de se spécialiser dans le dessin de coquillages par « crainte d’irriter M. de Caylus, qui vouloit absolument qu’elle ne fit que de l’histoire naturelle. »
Sous l’Ancien Régime - et encore longtemps après la Révolution - quand on était une « jeune et jolie » demoiselle talentueuse mais sans fortune ni protection, on choisissait surtout de faire ce que les autres décidaient pour vous… Je ne serais donc pas autrement étonnée que la soudaine reconversion de Madeleine dans le dessin botanique ait quelque chose à voir avec ce que vouloit absolument M. de Caylus ou un autre de ses « bienfaiteurs ». On serait donc bien loin de la version édifiante du Nécrologe…
Quoi qu’il en soit, Madeleine se consacrera désormais au dessin botanique « un genre qui, sans être moins agréable, est plus utile, plus vrai, et qui ne se contente pas des formes extérieures ; dans lequel la plante avec sa fleur doit plaire comme tableau et se présenter comme un objet d'étude, de manière que l'illusion, faite pour séduire l'artiste même, ne cache ni ne déguise aux regards perçants du naturaliste aucun des détails anatomiques les plus secrets de la plante. » (Nécrologe, op.cit., p.140)
Elle participe ainsi, avec plus d’une dizaine de planches gravées d’après ses dessins, à la publication du célèbre Spectacle de la nature (1732) de l’abbé Noël Antoine Pluche dont j’ai trouvé une réédition plus tardive :
Il faut cliquer sur les images pour voir les détails !
A
peu près à la même époque - puisque le Nécrologe précise que « depuis
1732 inclusivement, elle a fourni douze morceaux chaque année entre les mains
de l'intendant du Jardin du roi. » - elle commence à travailler auprès du
peintre Claude Aubriet (1665-1742) qui l’initie à la production des vélins du
Museum d’histoire naturelle.
Voyons
ce qu’en dit, deux siècles plus tard, le bibliothécaire en chef
du même Museum, Léon Bultingaire, dans la préface de son ouvrage intitulé Les Vélins du Muséum
d’histoire naturelle de Paris (Paris,
A. Calavas, 1926).
« La collection, justement célèbre, dite des "vélins du Muséum", se compose de plus de 6.500 aquarelles représentant des plantes et des animaux et date, dans sa partie la plus ancienne, de la première moitié du XVIIe siècle.
C'est Gaston d'Orléans, fils de Marie de Médicis et de Henri IV, frère de Louis XIII, qui en conçut l'idée, séduit par un projet qui flattait à la fois son goût pour la miniature et sa passion pour la botanique. Fixer l'instant si court où une fleur atteint tout son éclat, conserver l'image fidèle des plantes qu'on ne voit prospérer qu'exceptionnellement sous nos climats, afin de permettre aux amateurs d'en jouir en toutes saisons et aux botanistes d'en examiner à loisir les plus infimes détails, telle fut la tâche que Gaston d'Orléans assigna aux peintres qu'il avait pris à son service. »
Le premier qui reçut la
charge de « peintre du roi pour la miniature » fut Nicolas Robert (1614 à 1685).
Vinrent ensuite Jean Joubert (1686 à 1706), puis Claude Aubriet (1706 à 1735) et
enfin Madeleine Basseporte (1735 à 1780).
Pour se faire une idée de la taille et de l’intérêt artistique des vélins en question, il fallait aller voir l’exposition « Précieux vélins. Trois siècles d’illustration naturaliste » présentée au Museum d’histoire naturelle, en 2016-2017 :
Le vélin le plus à droite a été exécuté par Madeleine Basseporte :
Madeleine devait donc fournir une planche de ce type par mois. Le Nécrologe ne dit rien de sa rémunération d’origine mais il précise que lorsqu’Aubriet prit sa retraite, elle obtient la survivance de la charge et « fût pourvue de la place, moyennant un abandon du revenu pendant huit ans. Pendant ce long intervalle, son zèle infructueux n'en fut pas moins actif. M. le comte de Maurepas était alors ministre. Mademoiselle Basseporte connaissait son amour pour les arts, sa justice et sa bienfaisance ; il n'eût pas été sourd à la demande qu'elle eût pu lui faire d'une gratification : mais n'ayant plus à partager le fruit de ses talents avec sa mère, qu'elle avait eu le malheur de perdre, elle se trouvait assez riche pour ne pas implorer du gouvernement des secours qui pouvaient être utiles à d'autres. ; car elle regardait comme des larcins faits aux infortunés les bienfaits qu'obtiennent ceux qui peuvent s'en passer. » (Nécrologe, p.140)
Quant au bibliothécaire en chef susmentionné, il observe benoîtement que « Claude Aubriet, compagnon de Tournefort dans son voyage en Orient, montra ce que pouvait faire le talent du peintre allié à de sérieuses connaissances en botanique. Madeleine Basseporte, qui lui succéda, guidée par les Jussieu, appliqua une grâce aimable à toutes les tâches qui lui furent confiées. »
Une
« grâce aimable » pour un tâche effectuée gracieusement (ah, qu’en termes galants
ces choses-là sont mises !)
On suppose donc que Madeleine, qui travaillait pour la gloire du roi une majeure partie de son temps, devait trouver des activités supplémentaires pour se passer de ses émoluments. C’est probablement ainsi qu’elle collabore à l’Histoire naturelle du comte de Buffon (1707-1788) - qui règne sur le petit monde du Jardin du roi - pour lequel elle produit des planches qui paraissent bien loin de ses activités habituelles… (j’aime beaucoup le regard désabusé de l’écorché de gauche…!)
Elle
dessine aussi pour le Traité des arbres fruitiers d’Henri-Louis Duhamel
de Monceau :
Ainsi
que pour ce Recueil de fleurs sur lequel le site de la BNF ne donne pas
de précisions. On en garde l’impression que Madeleine s’y est sentie un
peu libre de déborder du cadre habituel …
A
la mort d’Aubriet, en 1742, Madeleine lui succède officiellement. Elle est dès
lors logée au Jardin du roi et on espère qu’elle reçoit enfin quelque émolument. Pour
autant, Madeleine reste une sujette de Sa Majesté, ce qui suppose
quelques travaux supplémentaires :
« M. le comte d'Argenson lui écrivait souvent de sa propre main. Voici une de ses lettres, écrite de Compiègne, le 20 juin 1750 : "Le roi m'ordonne, mademoiselle, de vous mander de sa part que S. M. désire qu'aussitôt ma lettre reçue, vous vous rendiez à Compiègne avec tout ce qui vous est nécessaire pour peindre un fruit singulier des Indes, qui vient d'être donné à S. M. et qui a encore toute sa fraîcheur : c'est une espèce d'ananas, qui a une couronne d'une forme extraordinaire, et plusieurs autres accidents qui ne se trouvent pas communément dans ces sortes de fruits. Je compte que vous ne différerez pas un instant à vous rendre aux ordres de S. M. et que si vous ne partez pas dès ce soir même, vous partirez demain d'assez grand matin pour être ici avant le lever de S. M. Je vous logerai chez moi, où vous trouverez tout ce qui est nécessaire, excepté ce qui concerne votre art, que vous apporterez avec vous. Je suis très-parfaitement Mademoiselle, etc. M. D'ARGENSON."
Les ordres étaient précis ; mademoiselle Basseporte prit la poste sur-le-champ, se trouva au lever du roi, qui lui sut gré de sa diligence, mais le voyage fut à ses frais comme les autres. »
« En
1774, Louis XV avait reçu des oiseaux et des singes de différentes espèces, qui
offraient des singularités, remarquables. Ce monarque, qui aimait l'histoire
naturelle, désira de les faire peindre, et sur les ordres de M. le comte de
Maurepas, mademoiselle Basseporte se transporta à Versailles : elle y fit
plusieurs voyages, qui continuèrent sous le ministère de M. le comte
d'Argenson, à Compiègne et à Fontainebleau.
Les personnes que ce ministre chargeait de ces ordres, n'ignoraient pas que mademoiselle Basseporte n'était comprise dans les états des appointements et des pensions de gens de lettres que pour 1,200 livres, et qu'elle était hors d'état de supporter les frais de voyages d'autant plus dispendieux qu'ils étaient fort multipliés ; cependant on n'avait pas l'attention d'en prévenir le ministre qui n'eût pas manqué d'en parler au roi. Mademoiselle Basseporte n'en était pas moins zélée : on la demandait, elle partait et ne murmurait point. » (Nécrologe, p.141)
Il
est probable que c’est lors d’une telle convocation que Madeleine a saisi cette
Espèce de héron :
« Madame la marquise de Pompadour, qui savait apprécier ses talents, et qui lui rendait justice, contribuait encore à multiplier ces voyages, répétés pendant treize ans. Mademoiselle Basseporte était souvent obligée de travailler à l'ardeur du soleil, dans les jardins de Bellevue, pour saisir l'instant le plus favorable à certaines fleurs. Enfin pressée par des ouvriers pour des avances considérables en bordures très-riches qu'elle avait commandées pour madame de Pompadour, épuisée de dettes et de fatigues, elle eut recours à la justice de M. le comte de Saint-Florentin, alors ministre, qui lui fit accorder une gratification annuelle de 500 livres. » (Nécrologe, p.141)
Pour
se faire une idée de l’étendue desdits jardins…
C’est ce qu’on traduit aujourd’hui, dans sa biographie, par « elle s’attira les bonnes grâces de madame de Pompadour » … !
Et
les vélins dans tout cela ?
Elle a signé trois cent treize planches, dont deux cent quatre-vingt-quinze de botanique et d’autres de coquillages. Sur le site du Museum, j’en ai choisi quelques-uns dans des styles différents mais il en a plus de 300 à découvrir.
Et
aussi un charmant petit canard…
Madeleine trouve cependant le temps de veiller à la formation de multiples élèves. Certains d’entre eux lui étaient… chaudement recommandés !
« Lettre
de M. le duc D*** qui lui recommandait un jeune artiste, écrite de
Saint-Germain, le 5 juillet 1753: "Je me flatte, mademoiselle, que vous ne désapprouverez pas que je recommande
à la supériorité de vos talents le jeune homme qui aura l'honneur de vous
remettre ma lettre ; il doit passer dans peu de temps à la Guadeloupe ; il a
des dispositions pour dessiner les plantes, et il désirerait puiser dans la
source des instructions plus particulières, pour nous communiquer la
connaissance des productions de cette partie du nouveau monde. Personne ne
peut, mieux que vous, lui donner les connaissances nécessaires pour nous
devenir utile dans un genre que vous possédez aussi éminemment, dont tout
l'honneur vous sera dû. Trouvez donc bon, mademoiselle, que je vous prie de
vouloir bien, non-seulement lui permettre d'être l'admirateur de vos ouvrages,
mais même de daigner lui donner quelque instruction qui fera passer votre
réputation dans les pays les plus éloignés et qui tournera à votre gloire dans celui que nous habitons !" »
(Nécrologue, p.142)
Mais
Madeleine en prend d’autres sous son aile de son propre chef. Elle introduit
ainsi le jeune Pierre-Hubert L’Archevêque auprès de son ami, le sculpteur Edmé Bouchardon, qui, bien que l’ayant accepté de mauvaise grâce, en fut si content
que lorsque la cour de Suède lui demanda de lui recommander un sculpteur, il proposa
L’Archevêque qui devint premier sculpteur du roi de Suède et directeur de son
Académie de peinture.
Elle
soutient aussi le chimiste Guillaume-François Rouelle (1703-1770) et forme
elle-même plusieurs jeunes femmes, notamment Anne Vallayer-Coster,
Marie-Thérèse Reboul (voir leurs notices) et Marie Catherine Bihéron
(1719-1795) qui devient créatrice de cires anatomiques.
« Le Public est averti que l’on fera voir une Anatomie artificielle
sur un Corps tronqué aux extrémités, avec le développement des Viscères
contenus dans les trois Ventres. […] Les proportions naturelles de toutes les
parties, leur rapport entr’elles, leurs couleurs, leurs positions exactes, tout
y est observé au point, que la Nature est copiée dans la plus grande précision
& avec une vérité qui étonne. On espère que l’Ouvrage qui la représente si
bien, méritera les suffrages du Public. Il a déjà obtenu ceux de l’Académie
Royale des Sciences, de la Faculté de Médecine & de l’Académie Royale de
Chirurgie. […] L’on verra cette Anatomie tous les jours, hors les Fêtes &
Dimanches, depuis onze heures du matin jusqu’à une heure après midi &
depuis quatre heures du soir jusqu’à six, chez la Demoiselle BIHERON, qui l’a
exécutée & qui demeure sur la Vieille Estrapade, au coin de la rue des
Poules. » (Source :
Gallica – Bibliothèque nationale de France)
Et Madeleine donne aussi des leçons particulières de dessin botanique aux filles du roi, à une époque où il en restait quatre : Adélaïde, Victoire, Sophie et Louise (les autres étaient déjà mortes…).
Il
fallut attendre 1774 et l’accession au trône de Louis XVI pour que la situation
financière de Madeleine devienne un peu plus confortable : « mademoiselle
Basseporte fut un des premiers objets de la bienfaisance de notre jeune
monarque. Il se fit rendre compte de sa situation ; il en fut touché, et en
considération de ses services pendant 47 ans, dont huit sans appointements, de
ses travaux, de ses talents, et de l'estime que le feu roi faisait de sa
personne, Sa Majesté ajouta 400 livres à sa pension, qui se trouva de deux
mille, malgré les retenues. » (Nécrologe, p.142)
Peut-être est-ce la raison pour laquelle Madeleine a travaillé jusqu’à un âge très avancé - en fait jusqu’à sa mort - comme Madame de Genlis en porte témoignage : « Nous avons vu jadis au Jardin du Roi, mademoiselle Basseporte, pensionnée par le gouvernement pour peindre à la gouache des plantes et des reptiles, s’amuser de temps en temps (à plus de quatre-vingts ans) à faire de petits tableaux au pastel, et qui étaient charmans [sic] de fraîcheur et de vérité ; elle nous dit qu’elle avait eu ce talent dès sa première jeunesse ; mais que depuis plus de trente ans elle le cultivait très-rarement ; néanmoins elle l’avait parfaitement conservé. » (Cité par Neil Jeffares dans son Dictionnaire des pastellistes avant 1800, consultable en ligne).
Madeleine n’avait sans doute pas « plus de quatre-vingts ans », puisqu’elle est morte dans sa quatre-vingtième année, mais même à cet âge avancé, il semble bien qu’elle aimait retrouver le temps du pastel !
Elle a peint, aussi, en dehors de ses obligations officielles, puisqu’on trouve parfois des œuvres d’elle dans des ventes. On remarquera le travail du verre et les petites gouttes d’eau qui montrent que Madeleine aurait pu être une peintre de nature morte accomplie.
Gouache rehaussée de gomme arabique, 31,6 x 24,5 cm.
Collection particulière (vente 2011)
Madeleine
eut aussi de nombreux amis. Elle était visiblement très proche de Bernard de
Jussieu qui validait scientifiquement son travail. Par son intermédiaire, elle
rencontra l’un des grands naturalistes de l’époque, Carl von Linné (1707-1778),
lors de son unique voyage à Paris. Elle lui a visiblement fait grande impression puisqu’il lui fit savoir qu’il serait heureux de la prendre pour épouse… quand il
serait veuf !
Enfin, parmi les artistes qui cultivèrent son amitié, « Parrocel, Vanloo, Boucher, Massé, Bouchardon, L'Archevêque, Falconet, Morand, Dubourg furent les plus assidus auprès d'elle. M. le comte de Buffon, qui n'a cessé de lui donner des marques de l'estime qu'il avait pour ses talents et pour sa personne, lui écrivait de Montbard, le 12 janvier 1780 :
"J'ai été enchanté, mademoiselle, de recevoir une assez longue lettre, toute
de votre main et aussi bien écrite que bien pensée ; j'espère-que dans dix ans
nous nous en écrirons encore de semblables, et que vous me conserverez toujours
les mêmes sentiments que vous avez la bonté de m'accorder aujourd'hui." » (Nécrologue,
p.146)
Mais
Madeleine est morte le 5 septembre 1780 à Paris et fut inhumée le lendemain
dans la paroisse du Jardin du roi. Sans le lui dire, Buffon avait déjà transmis
sa charge à Gérard Van Spaendonck, talentueux peintre de fleurs.
Nature morte de fleurs dans un vase d’albâtre - 1783
Huile sur toile, 80,5 x 64 cm
Rijksmuseum, Amsterdam
Si son talent a été loué par ses contemporains – selon le Mercure de France, Jean-Jacques Rousseau disait d’elle : « la nature donnait l’existence aux plantes, mais Mademoiselle Basseporte la leur conservait » (Mercure de France, 30 juin 1781, p.226) - les commentateurs plus tardifs n’ont pas été tendres.
Ainsi, Auguste Jal
(1795-1873), dans son Dictionnaire critique de biographie et d’histoire (2de
édition, Paris, Henri Plon, 1872, p.124) : « Les morceaux sortis du
pinceau de mademoiselle Basseporte, pour estimables qu’on puisse les tenir,
sont très-inférieurs à ceux que produisirent avant elle Nicolas Robert, Jean
Joubert et Claude Aubriet ; ils n’égalent pas ceux de G. Van Spandonck [sic]
et de Redouté. »
Bien sûr, Van Spaendonck et Redouté ont été des peintres de fleurs de grand talent. Mais si l’on regarde les productions strictement botaniques des uns et des autres, comme celles auxquelles Madeleine a été assignée toute sa vie, la différence ne saute pas aux yeux, même si on sent quand même la patte de Van Spaendonck :
Finalement, le destin de Madeleine Basseporte apparait à la fois exceptionnel
par la charge prestigieuse qui lui a été confiée et tristement banal quant à la
maîtrise de sa destinée.
Son état de jeune femme sans fortune lui a probablement imposé de se réaliser dans un « genre hérissé de difficultés », comme le qualifie le Nécrologe, sans avoir pu accéder préalablement au savoir scientifique indispensable, contrairement à son prédécesseur. En dépit de son engagement, elle se trouvait donc, « par la force des choses », sous l’autorité de ceux qui avaient pu y avoir accès…
En revanche, elle a rayonné par la volonté dont elle a fait preuve pour se former, par les effets de son enseignement et par ses amitiés, comme cela se comprend dans les louanges du Nécrologe que je laisse conclure :
« Sa modestie ne lui a jamais permis
de solliciter une place à l'Académie royale de peinture, ce qui ne justifie pas
l'Académie de ne lui en avoir point donné. »
*
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