Clémentine-Hélène
Dufau est née le 18 août 1869, dans le domaine viticole de son grand-père, à
Qinsac (Gironde).
A
la suite d’une chute lorsqu’elle était enfant, elle doit rester souvent allongée
pendant son adolescence. Alors elle lit et elle dessine.
Lorsque ses parents s’installent à Paris, en 1888, elle s’inscrit à l’Académie Julian et suit les cours de William Bouguereau (1825-1905) et Tony Robert-Fleury (1837-1911). Elle expose pour la première fois au Salon des artistes français en 1889, un portrait de son père, probablement au pastel.
En 1895, elle reçoit le prix Marie Bashkirtseff, qui récompense les jeunes talents. Elle a présenté deux huiles cette année-là, L’amour de l’art et Ricochets. Le catalogue du Salon ne précise pas les dimensions des œuvres. Je ne peux donc pas assurer que le tableau que j’ai trouvé est bien celui qui lui a valu cette distinction mais Camille Mauclair, dans un article célèbre, parle du « garçonnet nu qui, au premier plan des Ricochets, lance sa pierre, s’enlève hardiment sur l’eau lumineuse » […] Entre les angles aigus de ce corps et ceux du corps d’un autre enfant assis, jambes pendantes, au rebord d’un bachot à droite, s’établissent d’amusants rapports de lignes brisées qui créent la vie. […] C’est du réalisme à la Degas, strict dans le pittoresque, avec une grande préoccupation de l’atmosphère, une gamme blonde, une facture alerte, et le charme suburbain, pauvre, joli, des premiers Raffaëlli. »
L’article en question, d’abord paru dans Art et Décoration a été republié la même année, avec quelques modifications sous le titre « Une pensive, Mademoiselle C-H Dufau » (Camille Mauclair, De Watteau à Whistler, Paris, E. Fasquelle, 1905, p.257 à 269. Les références données ici sont relevées dans cette deuxième version)
S’il ne s’agit pas du tableau du Salon, c’est donc une copie assez fidèle…
Repérée
par la critique, Clémentine-Hélène commence à recevoir des commandes
d’affiches, notamment du Casino de Paris.
En
1897, le jury du Salon des artistes français lui octroie une médaille de
troisième classe pour Fils de mariniers et l’Etat acquiert la toile. Et,
pour la première fois, une de ses œuvres est publiée dans le catalogue illustré
du Salon (Ludovic Baschet, Paris,1897, p.107).
« Une arabesque toute décorative de nudités grêles, aux grâces de jeunes animaux heureux de l’ébat en pleine eaux, avec un emploi des obliques montantes tout à fait ingénieux » dit Mauclair… (ibid., p.258)
L’année
suivante, Marguerite Durand, la créatrice du quotidien féministe, La Fronde,
lui demande une affiche pour son journal.
Elle représente des femmes de tous âges et de toutes classes sociales qui, d’un point élevé d’une ville encore dans la pénombre et alors que le soleil se lève au loin, regardent dans la direction montrée par une grande femme en vert - peut-être Marguerite Durand elle-même - qui tient l’une des femmes par la main, tandis qu’une jeune artiste, reconnaissable à son carton à dessin, interpelle le spectateur du regard.
Des
personnages féminins d’un « si juste caractère. Un femme guide la veuve,
lui faisant apercevoir des horizons nouveaux. » (MP. Verneuil,
« Quelques affiches », Art et Décoration, juillet-décembre
1906 p.169)
Cette année-là, Clémentine-Hélène reçoit aussi une « bourse de voyage » décernée par le Conseil supérieur des beaux-arts et visite l’Espagne. Elle en rapporte un panneau décoratif intitulé Tolède, qu’elle présente au Salon de 1899. C’est peut-être ce paysage :
On
connaît deux autres œuvres de Clémentine-Hélène sur ce thème espagnol, dont un
panneau plus tardif. Le pastel que le Petit Palais intitule curieusement aujourd’hui
Dans les montagnes basques, s’appelait encore Le soir à Grenade, à
la p. 110 de l’article de Mauclair dans la revue Art et Décoration du
premier semestre 1905…
« Au
retour d’Espagne, Mlle Dufau quittait la peinture de genre, le réalisme simple,
et tentait, directe et hardie, une peinture toute nouvelle, décorative par la
ligne, symphonique par le coloris, symbolique dans les intentions, et… on
pourrait dire païenne, ou panthéiste par le caractère et la psychologie. »
(Maucler, ibid., p.261)
Si Clémentine-Hélène n’apparaît pas au Salon de 1900, c’est peut-être parce qu’elle a illustré le roman de Paul Adam, Basile et Sophia, dont voici quatre exemples parmi une quarantaine d’illustrations :
« Des illustrations de Basile et Sophia, j’imagine n’avoir rien d’autre à dire que leur parfaite identité à l’esprit du texte […] L’iconographie d’un semblable livre ne pouvait se comprendre que de deux façons : ou une reconstitution archéologique minutieuse […], ou un commentaire ornemental, imaginatif et symbolique renonçant à reconstituer l’époque byzantine et traduisant les état d’âme des héros. Mlle Dufau, en choisissant modestement le second parti, a satisfait à la fois à sa tendance synthétique et à sa curiosité littéraire, et il en est résulté un des ensembles les plus homogènes que l’illustration contemporaine puisse présenter, un modèle de grâce nerveuse et de compréhension. » (Mauclair, ibid., p.268)
Son
absence au Salon est peut-être due aussi à une commande de l’Etat, cette même année 1900,
à destination des écoles. On en retrouve trace à l’occasion d’une exposition organisée
par la Presse de l’Enseignement en juin 1904, « Art à l’école ». On y voyait quatre tableaux de
Clémentine-Hélène, commenté par Paul Vitry : « [Ils] comptent
évidemment parmi les meilleurs que nous ait présentés l’Exposition, non
seulement à cause de leurs qualités purement esthétiques, répondant à l’idéal
[de vie honnête, de bonté ou même d’héroïsme] que nous formulions tout à
l’heure mais à cause de je ne sais quelle intimité d’expression pénétrante et
douce qui révèle un sentiment d’artiste très personnel et montre en même temps
les ressources possibles d’un art aussi simple dans ses moyens et dans ses
visées ». (« Art à l’école », Art
et Décoration, juillet-décembre 1904, p. 56)
L’illustration
qui accompagne l’article peut être rapprochée d’autres illustrations destinées
à l’enfance, qu’on trouve en vente aujourd’hui :
Elle rappelle également l’affiche commandée à Clémentine-Hélène pour une exposition organisée trois ans plus tôt au Petit Palais.
Clémentine-Hélène
est présente au Salon de 1901 avec Rythme. Il est à peine évoqué dans les
articles : « le tableau de Mlle Dufau, simplement
intitulé Rythme, où les parties de nus et de nature sont très pleinement
peintes, dans une tonalité chaude. » (Gustave Soulier, « La peinture
au Salons », Art et décoration, juillet-décembre 1901, p.6)
En revanche, Mauclair l’a apprécié : « L’artiste touche au fond des destins de la peinture : l’évocation tangible d’une idée se formule vraiment par la réciprocité immédiate ou lointaine des corps, leur balancement, le jeu souple de leurs volumes de chair irradiée flottant dans un air dense, chaleureux et attendri. La guirlande décorative des trois corps […] le redressement exquis de la jeune fille mince et nue qui s’éloigne, hésitante, et se retourne et se voile de soleil. » (Mauclair, ibid. p.263).
Je n’en ai retrouvé qu’une reproduction :
En
1902, son tableau Automne est très remarqué au Salon et Clémentine-Hélène
reçoit une médaille de 2e classe Elle devient « hors
concours », ce qui signifie que ses œuvres n’ont plus à passer sous les
fourches caudines de la commission de sélection. Le tableau est acheté par
l’Etat pour le musée du Luxembourg et figure dans le catalogue illustré du
Salon (p.198).
« Poète et peintre, Mlle Dufau chante l’automne et les belles nudités. C’est du Salon un des tableaux dont la composition est des plus heureuses, une peinture claire et riche, savoureuse et puissante. » (Arman-Jean, « La peinture au Salon, Art et décoration, juillet-décembre 1902, p.52). Quant à Mauclair, il cite à propos de cette œuvre les deux derniers vers de la cinquième strophe du poème Fenêtres de Mallarmé, qui en seraient « l’épigraphe parfaite » (Mauclair, ibid., p.262) :
(Voit des galères
d’or, belles comme des cygnes,
Sur un
fleuve de pourpre et de parfums dormir)
« En
berçant l’éclair fauve et riche de leurs lignes
Dans un
grand nonchaloir chargé de souvenir ! »
Clémentine-Hélène
participe aussi à « l’Exposition des Prix du Salon et des Boursiers du
voyage », organisé pour célébrer les vingt-cinq ans de la création initiale
du « Prix du Salon » par le marquis de Chennevières. Un petit salon
d’hiver installé au Grand Palais. Elle y présente Femme et Fleurs qui
lui vaut une appréciation élogieuse : « Mlle Clémentine Dufau, un des
plus beaux peintres du temps, et dans l’art duquel, art cependant si personnel,
les influences du Corrège et de Renoir semblent s’être rencontrées, à la
musique des fontaines, sous les bosquets de rhododendrons. » (Armand
Dayot, « Le Salon des Boursiers du voyage », Art et Décoration,
janvier-juin, p.119)
La
reproduction qui figure dans le journal étant illisible, je la remplace par une
œuvre d’inspiration très proche.
Elle
crée aussi l’affiche de l’exposition Hanoï, pour le ministère des Colonies,
« fantaisie bariolée et d’une synthèse capricieuse », selon Mauclair.
Et l’année
suivante, c'est la Pelote basque, avec son grand joueur en blanc, svelte et
nerveux, qui sera saluée par la critique.
C’est
peut-être de cette commande que naît l’idée de l’immense panneau, Partie de
pelote au pays basque, que le musée de Bayonne situe aujourd’hui à Urrugne.
Cette composition enlevée et bien équilibrée est montée au Salon de 1903 sans
être commentée sur l’instant par la critique.
Mais elle figure en exergue de l’article de Mauclair dans le magazine Art et Décoration de janvier-juin 1905. Lequel Mauclair est inspiré : « La partie de pelote au pays basque rappelle Manet mais encore plus Goya que Manet rappelait, par la crudité simplifiée de l’atmosphère, la synthèse des collines et des nuages, l’animation expressive des groupes, l’impressionnisme de la foule massée au fond, la caractérisation sérieuse des types […] L’arabesque de cette foule sur la longue horizontalité du tableau et du décor s’arrange ici avec un subtil sens de la vie crispée. Les notes blanches des joueurs strapassés sont des chiffres ornementaux… »
Devinez
la suite ? Le tableau est acheté par l’Etat pour le musée du Luxembourg,
grâce à quoi il participe au plaisir de la visite du Musée Basque aujourd’hui.
Clémentine-Hélène participe aussi au Salon d’Automne où elle montre notamment une Nymphe au repos « nacrée et comme imbibée de reflets, un des plus sérieux morceaux de l’art actuel. » (Mauclair, ibid. p.265). Et elle illustre Les femmes de Setné de J.H Rosny, de dessins « saisissants » selon son éditeur, Ollendorff.
Mauclair trouve son travail « moins inventif et plus préoccupé de mettre en relief certains
traits d’érudition égyptienne » mais « retrouve ces corps minces, ces
pâles figures aux yeux étranges, ces expressions aigües et fantasques, cette
volonté lente et ce paganisme qui mettent un peu de mystère et d’inquiétude
dans toute l’œuvre de Mlle Dufau, sans en altérer l’harmonie. » (Ibid.
p.268)
L’année suivante, Clémentine-Hélène retourne au Salon des artistes français avec une Baigneuse qui séduit la critique : « Le rêve est chose rare chez nos contemporains. Maltraitée par d’académiques allégories, la fiction semble avoir fui l’imagination du grand nombre. Elle s’est réfugiée chez Mlle Dufau, qui demande aux jeux de lumière de renouveler pour elle la vision des allégories accoutumées. » (André Chaumeix, « Les Salon de 1904 », Gazette des Beaux-Arts, Paris, juillet 1904, pp.36-38)
Et elle enchante même le conservateur du musée du Luxembourg, Léonce Bénédite, qui la trouve « si exquise dans ses nudités aux chairs nacrées, aux formes si pures et si distinguées qu’on en rêverait des statues. » (« La peinture au Salon », Art et décoration, 2e semestre 1904, p. 15 et 17). La ville de Bordeaux l’achète l’année suivante.
Avec
de tel soutien, il était assez probable que l’Etat lui passerait des commandes
prestigieuses… comme on le verra un peu plus loin ! En attendant, elle
montre plusieurs tableaux au Salon d’Automne, dont un paysage intitulé Les
pentes de l’Alhambra à Grenade. L’illustration qui suit est le seul paysage
de Clémentine-Hélène détenu par un musée et il a été peint la même année :
je n’allais pas laisser passer cette occasion de le montrer, bien que rien n'indique qu'il puisse s'agir de l'Alhambra… !
Vient
ensuite, au Salon de 1905, une toile intitulée Jeunesse que je n’ai pas
retrouvée non plus. Selon la même logique abusive, je montre ici un Jeu de
Paume de la même année, qui évoque plutôt bien le thème…
Ceci étant, il ne serait pas impossible qu’il s’agisse du tableau en question puisqu’on peut lire : « … son panneau Jeunesse montre toujours de belles qualités. Mlle Dufau sait composer un ensemble décoratif avec agrément ; elle en ordonnance les détails avec goût ; elle sait aussi peindre savoureusement un morceau ; le malheur est, qu’à force de se l’entendre dire, elle sait maintenant qu’elle sait ces choses et, devant la nature, subit plutôt l’influence de ce qu’elle a appris que de ce qu’elle voit. Pour savoureuse qu’elle soit, sa peinture est mince ; le sens de l’aquarelle, un art essentiellement féminin, y prédomine. On peut s’en rendre compte ici, où la masse des cheveux de la femme du premier plan est lavée des mêmes « jus » transparents que la nature morte adjacente. » (Eugène Morand, « Les Salon de 1905 », Gazette des Beaux-Arts, juin 1905, pp.67/68)
Plutôt bien vu en ce qui concerne les jus des cheveux et de la nature morte, même si on n’aurait pas détesté être privé de la référence à « l’essence féminine » !
Elle
présente aussi Femme et bibelot qui fut vendu en 2006 sous le titre Jeune femme admirant un vase, dans une salle de vente qui n’avait pas (bien) fait son
travail, puisque sa reproduction figure dans le fameux article de Mauclair…
C’est
d’abord d’un de ses proches que vient la première commande de prestige adressée
à Clémentine-Hélène : Edmond Rostand, qui avait été séduit par son Automne
de 1902, lui en commande une seconde version pour la bibliothèque de sa maison
de Cambo-les-Bains, la villa Arnaga, dont il lui confie la décoration.
Elle
réalise aussi un étonnant Cygnes noirs qui sera présenté au Salon de
1906 sous le titre Fragment de décoration
pour la maison du poète Rostand.
« Le poète E. Rostand a eu la main heureuse en
s’adressant à cette brosse souple, insinuante, caressante, qui, dans le fond
léger d’un parc sous la lumière transparente de l’automne, a réuni ce groupe de
jeunes nymphes baignant paresseusement leurs corps nacrés au milieu des cygnes
noirs, tandis qu’une jeune faune amoureux, le front couronnée de pampres, berce
leur rêve nonchalant sur ses pipeaux. » (Léonce Bénédite « les Salons
de 1906 », Art et Décoration, p.15)
Et voici les cygnes installés…
Elle
exécute aussi plusieurs portraits à la villa Arnaga, dont cette jeune femme
qui pourrait être un autoportrait :
Huile sur toile, 100 x 87 cm
Musée Edmond Rostand, Cambo-les-Bains
En
1905, arrive la seconde grande commande : Clémentine-Hélène est sollicitée
pour réaliser quatre panneaux décoratifs pour la salle des autorités de la
Sorbonne. On peut voir dans ce choix une coïncidence curieuse avec la
conclusion de l’article précité de Mauclair : « Il y a une tâche
admirable à remplir pour un peintre ornemental. C’est d’inscrire dans une
synthèse décorative toute une série de symboles nouveaux, toute la
représentation poétique de la science […] cette mythologie de l’évolution qui
serait le style de notre âge. » (Ibid. p.269)
Clémentine-Hélène montre les deux premiers panneaux au Salon de 1908 et réalise les deux autres l’année suivante.
Astronomie – Mathématiques figure dans le catalogue
du Salon (p.182) et l’ensemble suscite un commentaire élogieux : « Mlle
Clémentine-Hélène Dufau montre une aptitude surprenante que seul Albert Besnard
nous paraît dépasser, à traduire plastiquement des idées, à les réaliser
plutôt, selon une entente au plus haut point décorative de l’équilibre et du
rythme, de la signification à l’arabesque, à laquelle collabore intimement
l’accent de la couleur. […] Avec les ressources d’une intelligence moderne et
d’une sensibilité éduquée par l’exemple de la beauté antique, Mlle C.H. Dufau a
su, en se bornant aux moyens de son art, exprimer une émotion
intellectuelle. » (Pierre Norberg, « La peinture aux Salons », Art
et décoration, juillet-décembre 1908, pp.33, 34)
Tout
le monde ne fut pas convaincu : « Mlle Dufau, dont j’admire
profondément le grand talent, m’a causé cette année une désillusion
profonde : je suis navré de la voir se lancer dans des erreurs modernes
et, sous prétexte de décorations, négliger ses qualités de dessinateur et se
jeter à corps perdu dans une débauche de couleurs hurlantes et
injustifiées. » (Jean-José Frappat, Le Monde Illustré, Paris, 9 mai
1908, p.311)
Chez Edmond Rostand, Clémentine-Hélène réalise d’autres panneaux après 1906 qui font l’objet d’un article en 1909.
« La
décoration ne doit-elle pas avant toute chose, nous montrer des lignes
harmonieuses, des spectacles reposants sur lesquels l’œil aime à s’attacher,
sans avoir envie d’en extraire péniblement une idée philosophique ? C’est
pourquoi, malgré tout le talent qu’elle y avait déployé, plus que les panneaux
de la Sorbonne, […] je préfère les trois œuvres nouvelles de Mlle Dufau. Des
formes pures, d’heureuses harmonies suffisent à en faire de la beauté. » (M.P.
Verneuil, « Une décoration nouvelle », Art et Décoration, juillet-décembre
1909, p.127 à 130)
Mais les œuvres qu'elle montre au Salon de la même année seront beaucoup moins bien reçues…
« Mlle
C.H. Dufau a toujours une conception très épurée de l’agencement décoratif […]
Son Chant pour la Beauté ne comptera cependant pas parmi ses œuvres les
plus décisives. On y remarque des crudités. Les bleus et les verts ne jouent
pas bien ensemble, et la grande figure nue, à droite, s’isole dans un blanc
trop uniforme. Il y a une joliesse peu nerveuse et peu spirituelle dans le Portrait
de M. Maurice Rostand. » (Jacques Copeau, « La peinture aux
Salons », Art et Décoration, juillet-décembre 1909, p.16 et 17)
Clémentine-Hélène reçoit cependant la Légion d’honneur cette année-là et bénéficie d’une grande
exposition à la galerie Brunner à Paris en 1911, l’année où elle peint son
grand autoportrait en pied.
On la voit à présent moins régulièrement au Salon. En 1913, elle montre Vision
intime sur lequel je n’ai trouvé aucune critique mais qui figurait dans le catalogue illustré (p.108).
Faute de documentation
disponible, je n’ai pas pu trouver non plus si elle avait présenté au Salon de
1914 ce portrait d’Anna de Noailles ou plus tard, celui de Jeanne Lanvin.
En 1926, elle
s’installe à Antibes et adopte un nouveau style, plus réaliste, plus
« moderne ».
En 1930, elle
participe, à la demande de la peintre Marie-Anne Camax-Zoegger (1881-1952), à
l’identification de cinquante femmes peintres, sculptrices, graveuses et décoratrices, influencées par le modernisme, pour participer à la
première Exposition des Femmes Artistes Modernes (FAM).
La plupart de ces artistes, comme Suzanne Valadon et Clémentine-Hélène elle-même, avaient préalablement choisi de ne pas participer à ce type de manifestations. Mais toutes deux participeront finalement aux expositions des FAM qui eurent lieu de 1931 à 1938. Dans Le Monde illustré du 12 mai 1934 (p.391), à propos de la rétrospective Camille Claudel organisée à l’Exposition de la FAM qui ouvre quelques jours après à la « Maison de France », Louis Vauxelle affirme : « on sait que ce groupement, présidé par une femme de grand cœur et de fin talent, comprends les talents féminins les plus distingués de notre époque. » Suit une longue liste… dans laquelle Clémentine-Hélène Dufau n’apparaît pas ; pas plus que dans le compte rendu du même auteur, la semaine suivante, du Salon des Tuileries « ainsi nommé, je pense, parce qu’il est hospitalisé dans un immense hangar du boulevard Raspail, appelé le Néo-Parnasse… ».
Je ne suis pas parvenue à trouver si son dernier tableau conservé dans un musée français, le Nu au bord de la Méditerranée, qui illustre bien son style de fin de carrière, avait été exposé.
Elle
n’est pas citée non plus au moment de l’Exposition sur « Les femmes
artistes d’Europe » de 1937 et, contrairement à ce que j’ai pu lire, c’est
probablement parce qu’elle n'y figurait pas car son nom n'est pas cité dans le catalogue. En revanche, sont
abondamment (et à juste titre) mises en lumière Berthe Morisot, Marie Bracquemond,
Mary Cassatt et Maria Blanchard dont un panneau est exposé.
Dans ces années-là, Clémentine-Hélène écrit. En 1932, paraît Les Trois Couleurs de la lumière, un manifeste assez obscur, tentant de conjuguer « les assertions fondamentales de la métaphysique pure (Vétânta) et certains exposés et hypothèses de la science actuelle, afin de susciter, peut-être, par l’éclair de leur rencontre, dans la pensée d’un nouveau physicien, cette intégration des deux pôles de la connaissance (l’Immuable et le Changeant), qui s’appellera de nouveau la ‘’Science Sacrée’’. » (Introduction de l'ouvrage)
J’ai aussi retrouvé d’elle un roman, (re)publié plus de
dix ans après sa mort, La belle âge (Denoël, 1949, 262 p.), une fantaisie
contant les frasques scolaires d’adolescentes qui m’a rappelé à la fois les
romans de la Semaine de Suzette que mes tantes collectionnaient et l'atmosphère des pensionnats de jeunes filles du siècle dernier…
Clémentine-Hélène Dufau est morte à Paris, le 18 mars 1937 et paraît avoir rapidement disparu de l’histoire de l’art.
J’ai cependant noté qu’une jeune femme avait commencé un mémoire de
master sur son travail, à l'université de Bordeaux…
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