mardi 14 septembre 2021

Maria van Oosterwyck (1630-1693)

 

Wallerant Vaillant (1663-1677)
Portrait de Maria van Oosterwijck - 1671
Huile sur toile, 96 x 78 cm
Rijksmuseum, Amsterdam


Maria van Oosterwyck est née en Hollande, le 27 août 1630, fille d'un pasteur protestant aisé, dont les deux épouses successives ont été pour elle des soutiens au cours de sa carrière.

On sait qu’elle séjourné à Leyde puis à Utrecht en 1660, où elle aurait été l’élève de Jan Davidszoon de Heem, un célèbre peintre de natures mortes, dont voici une des œuvres les plus étonnantes :

Jan Davidszoon de Heem (1606-1684)
Nature morte avec raisins, abricots, cerises, un citron et un verre à pied sur une table
Collection particulière

Elle s’établit ensuite à Amsterdam en 1666 où elle aurait travaillé avec un célèbre peintre de fleurs, Willem van Aest, lequel l’aurait courtisée avant d’abandonner son projet « parce qu'elle était trop dévouée à sa carrière. » (Notice du musée de Denver)

En résumé, elle ne s’est pas mariée !

Elle a été rapidement célèbre puisqu’elle avait, dès la trentaine, vendu deux tableaux au futur Cosme III de Médicis, en visite au Pays Bas (introuvable sur le site, très peu « partageur », de la Galerie des Offices), puis Léopold Ier de Habsbourg acquit l’une de ses vanités, toujours conservée au Kunsthistorisches Museum de Vienne.


Vanité

Une « vanité » est une nature morte qui intègre, à côté d’éléments qui évoquent la richesse de la nature, des représentations symboliques de la mort. On l’appelle aussi un Memento mori (Souviens-toi que tu vas mourir).

Une vanité évoque trois idées principales : le caractère inéluctable de la mort (représenté par un crâne, la présence de mouches ou de fruits « avancés » et/ou d’insectes évoquant la brièveté de la vie, comme les papillons), la fragilité des biens terrestres (évoquée par l’image du temps qui passe, comme un sablier ou une bougie qui se consume), la futilité des plaisirs terrestres.

Les vanités existent depuis l’Antiquité, notamment en fresques à Pompéi, mais ce genre pictural devient particulièrement récurrent aux Pays-Bas, au début du XVIIe siècle, dans une période particulièrement troublée politiquement.

 

Vanité – 1668
Huile sur toile, 77 x 88,5 cm
Kunsthistorisches Museum, Vienne

Le caractère transitoire des choses terrestres est illustré par des références symboliques et littéraires : les deux papillons, symbole de la consomption de toute chose, le sablier à droite, la souris qui grignote l’épis de blé après avoir sans doute fait de même avec l’épi de maïs, le crâne, bien sûr, et enfin le livre sur la couverture duquel il est écrit : « Calcul – nous vivons jusqu’à la mort et mourons jusqu’à la vie. » : Il est illusoire de vouloir tout connaître (la mappemonde) nous allons mourir avant…

Regardez la bouteille, sur la gauche : tout l’atelier s’y reflète, y compris l’autoportrait de Maria qu’on entrevoit au centre (ci-dessous). L’autoportrait dans le reflet, déjà présent dans les œuvres de Clara Peeters, à Anvers, cinquante ans auparavant : l’art est illusion !

Vanité (détail)


La couronne d’Angleterre fait également l’acquisition de deux de ses toiles. Elles se trouvent aujourd’hui au palais de Kensington, après être entrées dans les collections sous le règne de la reine Anne (1665-1714).

 

Nature morte avec des fleurs, des insectes et un coquillage - 1689
Huile sur panneau, 47,5 x 36,9 cm
Salle à manger de la reine, palais de Kensington (Royal Collection Trust)

 

Nature morte aux fleurs et aux papillons - 1686
Huile sur panneau, 47,4 x 36,95 cm
Salle à manger de la reine, palais de Kensington (Royal Collection Trust)


On retrouve aussi les œuvres de Maria dans les collections royales danoises mais, en revanche, les œuvres que le roi de France aurait acquises, selon le premier biographe de Maria, ne sont plus connues dans nos musées…

Bouquet de fleurs dans un vase en verre 1685
Huile sur toile, 101 x 77,5 cm
Statens Museum for Kunst, Copenhague

 

On peine parfois à comprendre la signification de la mise en scène, comme celle de ce bouquet installé dans un « vase décoratif » dont le couvercle présente une petite statue de femme nue, submergée par le volume de la composition florale qu’elle paraît contempler avec désespoir !

Fleur dans un vase décoratif – vers 1670/75
Huile sur toile, 47,5 x 62 cm
Mauritshuis, La Hague

Vous l’avez compris, au-delà des bouquets exubérants de fleurs diverses, il y a un message caché. On peut voir, dans les fleurs exotiques et les coquillages rapportés par la Compagnie des Indes, une critique sous-jacente de la société hollandaise du XVIIe siècle mais j’en doute un peu : il aurait fallu une sensibilité géopolitique qui paraît un peu anachronique.

J’ai tendance à penser que ces évocations exotiques répondaient surtout à l’attente du plaisir rencontré dans les cabinets de curiosité, réservés à une élite éclairée mais fière de sa propre puissance. En revanche, il n’est pas exclu que le choix d’assembler certaines essences florales ait pu répondre à un savoir qui ne nous est plus guère accessible aujourd’hui.

 

Nature morte de fleurs et de coquillages
Huile sur toile - 101,5 x 78 cm
Toledo Museum of Art, Toledo

Une nature morte agrémentée de neuf coquillages et d’un bouquet de fleurs et feuillages dont la diversité est impressionnante (ancolie blanche, rose de Provins, tulipe de Gesner, jacinthe des bois, pivoines rouges, blanches, éléagnus ebbingei, viorne blanc, iris bleu, iris jaune et pivoine jaune) dans un vase en grès du Rhin orné d’une scène de combat.

 

Devant la virtuosité de certaines compositions, on ne peut s’empêcher de penser à Davidszoon de Heem dont certaines œuvres sont très proches formellement de celles de Maria.

 

Jan Davidszoon de Heem (1606-1684)
Vase de Fleurs - vers 1660.
Huile sur toile, 69,9 x 56,5 cm
The National Gallery, Washington D.C.


Ce qui est évident, dans tous les cas, c’est que ces compositions exigeaient un excellent savoir-faire, soutenu par un travail préparatoire très élaboré. En effet, comme le souligne la notice du musée de Denver à propos du tableau ci-dessous, ce bouquet est impossible à peindre sur le motif puisque les tulipes et les tournesols ne fleurissent pas à la même saison. Il faut donc que la peintre ait réalisé des croquis très précis de ces différentes plantes au cours d’une année, pour les assembler ensuite dans un unique bouquet.

 

Bouquet de fleurs dans un vase – vers 1670
Huile sur toile, dimensions non précisées
Denver Art Museum

On s’en persuade en comparant certains tableaux comme les deux ci-dessous, conservés à Cincinnati et Omaha :  la tulipe centrale du bouquet de Cincinnati (1669) ressemble furieusement à celle du musée d’Omaha (1685), ce qui confirme l’utilisation des mêmes croquis dans des compositions différentes, même éloignées dans le temps…

 

Nature morte avec roses, tulipes et autres fleurs avec insectes – 1669
Huile sur toile, 46 x 37,1 cm
Cincinnati Art Museum

Voyez la libellule, les papillons et les insectes divers sur l’entablement.

Et un gros plan sur le vase en verre qui reflète les fenêtres de l’atelier.


 

Nature morte, fleurs dans un vase – vers 1685
Huile sur toile, 80,6 x 66,4 cm
The Joslyn Art Museum, Omaha


C’est peut-être ce qui explique le nombre relativement faible de ses œuvres : un travail d’une extrême précision - et probablement fort lent - pour atteindre un tel degré d’exactitude dans l’expression des matières, soutenue par une luminosité qui paraît émaner des fleurs elles-mêmes, au point d’éclairer les coques qui luisent doucement, dans la pénombre de l’atelier.

 


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