Maria
van Oosterwyck est née en Hollande, le 27 août 1630, fille d'un pasteur
protestant aisé, dont les deux épouses successives ont été pour elle des
soutiens au cours de sa carrière.
On sait qu’elle séjourné à Leyde puis à Utrecht en 1660, où elle aurait été l’élève de Jan Davidszoon de Heem, un célèbre peintre de natures mortes, dont voici une des œuvres les plus étonnantes :
Nature morte avec raisins, abricots, cerises, un citron et un verre à pied sur une table
Collection particulière
Elle
s’établit ensuite à Amsterdam en 1666 où elle aurait travaillé avec un célèbre
peintre de fleurs, Willem van Aest, lequel l’aurait courtisée avant d’abandonner
son projet « parce qu'elle était trop dévouée à sa carrière. »
(Notice du musée de Denver)
En résumé, elle ne s’est pas mariée !
Elle a été rapidement célèbre puisqu’elle avait, dès la trentaine, vendu deux tableaux au futur Cosme III de Médicis, en visite au Pays Bas (introuvable sur le site, très peu « partageur », de la Galerie des Offices), puis Léopold Ier de Habsbourg acquit l’une de ses vanités, toujours conservée au Kunsthistorisches Museum de Vienne.
Vanité Une « vanité » est une nature morte qui intègre, à côté
d’éléments qui évoquent la richesse de la nature, des représentations
symboliques de la mort. On l’appelle aussi un Memento mori
(Souviens-toi que tu vas mourir). Une vanité évoque trois idées principales : le caractère
inéluctable de la mort (représenté par un crâne, la présence de mouches ou de
fruits « avancés » et/ou d’insectes évoquant la brièveté de la vie,
comme les papillons), la fragilité des biens terrestres (évoquée par l’image
du temps qui passe, comme un sablier ou une bougie qui se consume), la
futilité des plaisirs terrestres. Les vanités existent depuis l’Antiquité, notamment en fresques à Pompéi, mais ce genre pictural devient particulièrement récurrent aux Pays-Bas, au début du XVIIe siècle, dans une période particulièrement troublée politiquement. |
Le caractère transitoire
des choses terrestres est illustré par des références symboliques et
littéraires : les deux papillons, symbole de la consomption de toute
chose, le sablier à droite, la souris qui grignote l’épis de blé après avoir sans
doute fait de même avec l’épi de maïs, le crâne, bien sûr, et enfin le livre
sur la couverture duquel il est écrit : « Calcul – nous vivons jusqu’à la
mort et mourons jusqu’à la vie. » : Il est illusoire de vouloir tout
connaître (la mappemonde) nous allons mourir avant…
Regardez la bouteille, sur la gauche : tout l’atelier s’y reflète, y compris l’autoportrait de Maria qu’on entrevoit au centre (ci-dessous). L’autoportrait dans le reflet, déjà présent dans les œuvres de Clara Peeters, à Anvers, cinquante ans auparavant : l’art est illusion !
La
couronne d’Angleterre fait également l’acquisition de deux de ses toiles. Elles
se trouvent aujourd’hui au palais de Kensington, après être entrées dans les
collections sous le règne de la reine Anne (1665-1714).
On
retrouve aussi les œuvres de Maria dans les collections royales danoises mais,
en revanche, les œuvres que le roi de France aurait acquises, selon le premier
biographe de Maria, ne sont plus connues dans nos musées…
On
peine parfois à comprendre la signification de la mise en scène, comme celle de
ce bouquet installé dans un « vase décoratif » dont le couvercle présente
une petite statue de femme nue, submergée par le volume de la composition florale
qu’elle paraît contempler avec désespoir !
Vous l’avez compris, au-delà des bouquets exubérants de fleurs diverses, il y a un message caché. On peut voir, dans les fleurs exotiques et les coquillages rapportés par la Compagnie des Indes, une critique sous-jacente de la société hollandaise du XVIIe siècle mais j’en doute un peu : il aurait fallu une sensibilité géopolitique qui paraît un peu anachronique.
J’ai tendance à penser que ces évocations exotiques répondaient surtout à l’attente du plaisir rencontré dans les cabinets de curiosité, réservés à une élite éclairée mais fière de sa propre puissance. En revanche, il n’est pas exclu que le choix d’assembler certaines essences florales ait pu répondre à un savoir qui ne nous est plus guère accessible aujourd’hui.
Huile sur toile - 101,5 x 78 cm
Une
nature morte agrémentée de neuf coquillages et d’un bouquet de fleurs et
feuillages dont la diversité est impressionnante (ancolie blanche, rose de
Provins, tulipe de Gesner, jacinthe des bois, pivoines rouges, blanches,
éléagnus ebbingei, viorne
blanc, iris bleu, iris jaune et pivoine jaune) dans un vase en grès du Rhin
orné d’une scène de combat.
Devant
la virtuosité de certaines compositions, on ne peut s’empêcher de penser à Davidszoon
de Heem dont certaines œuvres sont très proches formellement de celles de Maria.
Vase de Fleurs - vers 1660.
Huile sur toile, 69,9 x 56,5 cm
The National Gallery, Washington D.C.
Ce
qui est évident, dans tous les cas, c’est que ces compositions exigeaient un excellent savoir-faire, soutenu par un travail préparatoire très élaboré.
En effet, comme le souligne la notice du musée de Denver à propos du tableau ci-dessous,
ce bouquet est impossible à peindre sur le motif puisque les tulipes et les
tournesols ne fleurissent pas à la même saison. Il faut donc que la peintre ait
réalisé des croquis très précis de ces différentes plantes au cours d’une
année, pour les assembler ensuite dans un unique bouquet.
On
s’en persuade en comparant certains tableaux comme les deux ci-dessous, conservés à Cincinnati et Omaha : la tulipe
centrale du bouquet de Cincinnati (1669) ressemble furieusement à celle du musée d’Omaha
(1685), ce qui confirme l’utilisation des mêmes croquis dans des compositions
différentes, même éloignées dans le temps…
C’est
peut-être ce qui explique le nombre relativement faible de ses œuvres : un
travail d’une extrême précision - et probablement fort lent - pour atteindre un tel degré d’exactitude dans l’expression
des matières, soutenue par une luminosité qui paraît émaner des fleurs
elles-mêmes, au point d’éclairer les coques qui luisent doucement, dans la
pénombre de l’atelier.
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