On
sait très peu de choses sur la vie de Margherita Caffi mais on dispose de quelques lumières sur sa famille, grâce à l’étude de Gianluca Bocchi, Recherche
généalogique et investigations historiques et artistiques autour d’une famille
de peintres milanais du XVIIe siècle : les Vicenzini - 2015 (consultable en
ligne, en italien) d’où provient une grande partie des éléments de la présente
synthèse.
Margherita était la fille d’un français, Vincent Voulot, né en Franche-Comté, dans le fief des seigneurs de Neuchâtel, baptisé le 5 juillet 1620 et second fils du notaire de Damberlin, Pierre Voulot. Vincent avait une jeune sœur, nommé Marguerite, prénom qu’il a transmis ensuite à sa première fille. La Guerre de Dix Ans (1635-1644) qui commence à dévaster la Franche-Comté pousse Vincent à s’enfuir en Suisse dès le début du conflit, alors qu’il n’avait que quinze ans. On ne sait pas exactement comment il est arrivé à Milan mais on sait qu’il épouse, en 1647, Veronica Masoli, native de la ville.
(Teresa) Margherita, nait l’année qui suit le mariage de ses parents. Elle sera l’ainée de treize enfants.
On ne sait pas non plus à quelle occasion Vincent italianisa son nom de famille en « Volò », ni quelle a été sa formation artistique. En tout état de cause, certaines de ses peintures de fleurs sont présentes dans la collection madrilène du marquis del Carpio en 1651, ce qui montre que l’artiste avait déjà à cette date une clientèle milanaise de haut rang et que ses réalisations étaient assez estimées pour être données en hommage aux personnages importants de la cour espagnole.
A partir des années 1660, Vincent Volò engage ses trois filles ainées, Margherita, Francesca et Giovanna, dans un atelier dont la qualité des productions lui vaudra le surnom de « Vincenzino des fleurs ».
L’apprentissage de ses trois filles a eu des résultats excellents mais différents : Margherita est devenue une artiste épanouie qui a développé un style personnel, tandis que Francesca et Giovanna, que les anciens inventaires milanais définissent ensemble comme « les Vicenzina », se sont conformées au modèle paternel, en se spécialisant dans des représentations mixtes de fruits et de légumes.
Ce sont surtout les aléas de la vie et du mariage qui vont imposer aux trois sœurs des chemins différents.
Le 15 octobre 1667, Margherita épouse le peintre de Crémone, Ludovico Caffi, et s’installe, quelques jours après, dans la ville de son mari dont les parents attestent avoir reçu 4 000 lires impériales pour la dot de leur belle-fille. Ses sœurs ne seront pas, et de loin, aussi bien dotées et la raison en est probablement qu’après le mariage de l’aînée, trois nouveaux enfants sont nés dans la famille Volò.
Margherita vit à Cremone jusqu’en 1670, date à laquelle elle doit s’enfuir avec son mari et son beau-frère, accusés du meurtre d’un cordonnier, commis en novembre 1669.
Elle s’installe alors provisoirement à Piacenza (1670), puis à Bologne (1672), pour finalement revenir à Piacenza (1676), afin de se rapprocher de sa famille, et se réinstalle à Milan de façon définitive en 1683. Ces déménagements successifs auront pour effet de la faire connaître dans plusieurs villes et de favoriser sa notoriété.
Francesca
et Giovanna, mariées à Milan, restent dans l’atelier de leur père dont elles
héritent à sa mort, en 1671, ce qui leur permet d’assurer l’entretien de leur
nombreuse fratrie. Elles forment leur petit frère, Giuseppe (né en 1662), et
l’intègrent dans l’atelier.
L’atelier des Vincenzina est prospère et les deux sœurs développent des liens professionnels avec des artistes connus localement, comme Federico Maccagni - qui épousera Giovanna en 1679 -, Giovanni Saglier (actif de 1671 à 1733) ou le Perugino (1616-1680).
Elles travaillent pour l’aristocratie de la ville mais surtout pour le comte Vitaliano VI Borromée, créateur du Palazzo Borromeo d’Isola Bella, une île du Lac Majeur.
Leur
travail collectif ne permet pas d’identifier ce qui relève de l’une ou de
l’autre.
Deux des quatre carrés d’albâtre de Varèse, peints en « fleurs » par les Vicenzina, Francesca et Giovanna dont la description se trouve dans l’inventaire des marchandises conservées dans le Palazzo dell’Isola Bella, établi en 1690 à la mort de Vitaliano VI Borromeo
Palazzo dell’Isola Bella
En 1680, un an après son mariage Federico Maccagni, la mort prématurée de Giovanna laisse sur les épaules de Francesca et Giuseppe, 18 ans, le lourd fardeau de la gestion de l’entreprise familiale, source de subsistance de leur mère et de leur cinq frères et sœurs encore enfants.
Trois ans plus tard, Ludovico Caffi obtient l’absolution de l’accusation (ou plus probablement la prescription de la peine) pour meurtre. Margherita peut ainsi revenir à Milan avec conjoint et enfants.
Margherita, qui
avait acquis une bonne réputation lors de sa résidence émilienne entre Piacenza
et Bologne et avait élargi sa sphère d’influence artistique à Venise grâce aux relations de son beau-frère Francesco Caffi, soutient professionnellement
sa famille en contribuant au succès commercial de l’atelier Volò à partir de
1683, notamment en combinant sa signature avec celle des Vincencina.
On remarque aussi,
dans certaines de ses œuvres, la collaboration de sa sœur Francesca, comme dans
la reproduction ci-dessous où, posée sur le sol, sous un vase fleuri de Margherita,
apparaît une brassée florale typique de Francesca :
Le format est caractéristique des tableaux destinés à être disposés entre des fenêtres
D’autres œuvres
plus tardives de l’atelier sont clairement des compositions à quatre mains mais
cette fois, Francesca est aux fleurs et Giuseppe aux raisins !
On peut supposer que Margherita a suivi des stratégies différenciées selon les clients : l’apposition du patronyme Volò pouvait être utile à Milan, afin d'assurer la publicité de l’atelier familial alors qu’il n’était pas utile aux œuvres destinées à franchir les frontières du duché de Milan.
En effet, contrairement à ses sœurs, Margherita avait déjà conquis une clientèle importante au-delà de la Lombardie, comme les grands-ducs de Toscane et la cour des Médicis. On retrouve aussi des traces de ses œuvres dans les inventaires des Habsbourg de Madrid et d’Innsbruck. Le musée du Prado conserve quatre œuvres de Margherita.
Le 2 février 1697, Margherita
Caffi et Francesca Vicenzina ont été admises ensemble à la prestigieuse
Accademia di San Luca de Milan avec une troisième femme qui reste inconnue,
Lucrezia Ferraria. L’honneur accordé à ces artistes était un événement
exceptionnel, rendu possible par l’approbation, à la fin de 1696, d’une
ordonnance par laquelle l’admission des femmes peintres a été accordée et
réglementée, à la fois en tant qu’universitaires et en tant qu’artistes.
Elles doivent probablement cette décision au soutien de leur beau-frère, veuf de leur sœur Giovanna, qui fut l’un des fondateurs, en 1688, de l’institution milanaise. Elles étaient également bien connues d’Andréa Lanzani, « prince » de l’Académie, qui avait travaillé avec Vincenzo Volò et fait appel au talent de Margherita à deux reprises
Le soutien de Lanzani pour l’atelier des Vicenzina ne s’est peut-être pas limité à favoriser l’entrée des sœurs aînées à l’Accademia di San Luca. En raison du prestige et de l’introduction dont il jouissait à la cour autrichienne, il est concevable qu’il ait joué un rôle actif dans l’arrivée à Vienne des natures mortes de Margherita et Francesca, aujourd’hui conservées dans les collections du Kunsthistorisches Museum de Vienne.
Aujourd’hui, Margherita est aussi présente avec deux œuvres dans les collections de la Galerie de Offices de Florence mais il semble que les œuvres en question aient été détériorées dans un attentat à la bombe, perpétré par la maffia en mai 1993…
Margherita a
passé ses dernières années à Milan où elle aurait fondé une école de natures
mortes, d’après certains textes.
Francesca est morte en 1700, Margherita le 20 septembre 1710, toutes deux à Milan.
Les œuvres de Margherita sont élégantes, exubérantes et très décoratives. Elles sont aujourd’hui principalement conservées en collections privées comme, probablement, celles de Francesca et Giovanna.
On en a recensé une trentaine d’œuvres de Margherita, entre 1662 et 1700.
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