Judith Leyster est née à Haarlem et y a été baptisée le 28 juillet 1609. Son père, Jan Willemsz, possédait une brasserie appelée le « Leyster », dont la famille a pris le nom.
On sait peu de choses de la formation de Judith, mais elle s’est fait un nom très jeune : elle est mentionnée comme une artiste active dans la description de la ville de Haarlem de Samuel Ampzing, qui a été publiée en 1628, alors qu’elle n’avait que dix-neuf ans. Dans ce même ouvrage, Ampzing suggère que Judith aurait été formée dans l’atelier du peintre d’histoire Pieter Fransz de Grebber (v. 1600-1652/1654).
Peu de temps après, la famille Leyster s’installe à Vreeland près d’Utrecht et certains auteurs pensent qu’elle a été influencée par les Caravagesques d'Utrecht, à cause de son traitement très contrasté de la lumière. Mais ce style peut aussi lui venir de sa proximité avec Frans Hals (1580-1666) avec lequel elle entretenait des liens assez étroits comme l’indique le fait qu’elle était présente, en 1631, au baptême d’un des enfants du maître.
Dès 1629, elle s’affirme comme portraitiste et peintre de genre (notamment des scènes de tavernes, de joueurs, de buveurs joyeux et de musiciens). Elle peint aussi des natures mortes et des fleurs.
Dans son autoportrait de 1630 (ci-dessus), elle se montre à la fois avec ses atours féminin – dont un spectaculaire col de toile empesée bordé de dentelle et sa coiffe de jeune hollandaise – et dans sa condition de peintre avec une palette et un nombre impressionnant de pinceaux. Son regard enjoué se tourne vers le spectateur avec naturel, comme pour le prendre à témoin.
La majorité de son œuvre est produite entre 1629 et 1635.
En 1633, elle est la première femme admise à la guilde de Saint-Luc d'Haarlem. En 1636, elle reçoit le titre de maître, ce qui l’autorise à avoir des élèves et confirme la reconnaissance dont son art faisait l’objet.
Une Guilde (ou gilde) de Saint-Luc est une organisation corporative de peintres, graveurs, sculpteurs et imprimeurs. Celle de Florence a été créée au XIVe siècle puis d’autres à Bruges, Delft, Anvers, Haarlem et Utrecht au Pays-Bas, en Allemagne et en France (Académie Saint-Luc). Les conditions d’admission étaient strictes : il fallait être citoyen et propriétaire dans la ville et, pour accéder au rang de maître, être marié. Lors de son admission, le nouveau membre bénéficiait généralement d’une commande octroyée par le doyen de la confrérie. Le choix du nom de Saint Luc est une référence à Saint Luc l’Evangéliste, saint patron des peintres et tenu pour être l’auteur du premier portrait de la vierge Marie. |
Huile sur panneau, 25,4 x 21 cm
Currier Museum of Art, Manchester, New Hampshire
La
présence de ce squelette m’interpelle : est-ce déjà une alerte sur les
méfaits de l’alcool ?
« Dans cette petite
peinture sur panneau, le jeune garçon strictement de profil regarde pensivement
en dehors du cadre. Les courbes douces de ses joues et de son nez tout rond
suggèrent qu’il n’a pas plus de 10 ans, en dépit de son air sérieux.
Malgré son air tranquille, le jeune garçon possède une vivacité et une immédiateté extraordinaires, qui sont dues en grande partie à la brosse énergique de Leyster et à sa palette vive. Elle a modelé ses joues rondes et ses lèvres dodues dans des balayages fluides de rose. Des touches de brun au-dessus de sa tête créent l’impression que ses douces mèches d’enfance n’ont pas encore disparu. Des traits délicats sur ses paupières et ses cils transmettent un sens du mouvement vacillant qui donne vie au visage juvénile du garçon. Enfin, Leyster a utilisé une sorte d’outil ferme pour gratter de fines mèches de cheveux dans la peinture humide.
La tresse de cheveux portée à gauche du visage, aurait été introduite à la cour de Paris au début du XVIIe siècle par Honoré d’Albert (1581-1649), maréchal de France, seigneur de Cadanet et duc de Chaulnes. Le style est devenu particulièrement à la mode parmi la noblesse en France, en Angleterre et en Allemagne, bien qu’il n’ait jamais atteint la popularité dans les Pays-Bas nordiques. Mis à part quelques Hollandais et officiers étrangers à La Haye dans le cercle du prince d’Orange et du roi exilé de Bohême, Frédéric V, électeur palatin du Rhin (1596-1632), peu d’exemples d’hommes (ou d’enfants) arborant cette coiffure sont connus.
La tenue du garçon est également remarquable : le galon or et noir sur son justaucorps prune ressemble à une caractéristique décorative de la livrée de pages, portés à la cour à La Haye. Le petit col blanc diffère des volants ou des cols plats rectangulaires à la mode pour les enfants de l’époque et reflète un style vestimentaire plus formel de la fin du XVIe siècle. » (Synthèse de la notice du musée)
Comment
être joyeux : avec de la musique et du vin… Là, la petite dame a
clairement une idée derrière la tête, ce qui laisse penser qu’elle n’est
pas une très digne commère !
« Le backgammon, ou tric-trac, comme le jeu était communément appelé, était un passe-temps populaire à l'époque de Leyster. Ici, l'artiste engage le spectateur à travers la pose de la figure de gauche. La joueuse, qui pourrait bien être une courtisane, tient un verre de vin et offre à son partenaire une pipe en argile. Boire, fumer et jouer au tric-trac étaient considérés comme des activités vaines dans la Hollande du XVIIe siècle.
La lumière artificielle, qui permet de focaliser notre attention sur ces 'vices', met également l'accent sur l'élément de séduction. » (Traduction de la notice du musée)
« Outre
des scènes de taverne et des pièces de genre domestiques intimes, Judith
Leyster a souvent peint des scènes de performances musicales. Dans Le
Concert, Leyster représente avec précision des éléments tels que le violon
baroque (fabriqué sans mentonnière et généralement appuyé contre la poitrine),
ainsi que le recueil de chansons de la femme.
Les personnages présentés ici sont probablement des portraits. Sur la base d'individus similaires dans d'autres images de Leyster, les chercheurs ont provisoirement identifié la chanteuse comme l'artiste elle-même, le violoniste comme son mari et le joueur de luth comme un ami de la famille. Les membres du trio, comme tous les musiciens, doivent travailler ensemble comme une unité, 'en concert , ce qui a conduit certains auteurs à théoriser que cette scène symbolise la vertu de l'harmonie.
Leyster plaçait fréquemment ses sujets sur un fond uni et monochrome. Ainsi, rien ne distrait des personnages, qui sont tous représentés au milieu d'actions diverses. L'angle accentué avec lequel le luth est tenu ajoute de la profondeur à la composition. Les directions variées des regards des musiciens offrent au spectateur différents points focaux. » (Traduction de la notice du musée)
J’ai
d’abord cru qu’il s’agissait de flirt … mais à y regarder de plus près, l’homme
tient de l’argent dans sa main : il s’agit évidemment d’une proposition
beaucoup moins courtoise et qu’avec une grande sagesse, le jeune femme fait
semblant de ne pas comprendre, toute concentrée qu’elle est sur son ouvrage !
Ce petit joueur de flûte et son regard perdu à
l’extérieur du cadre, vers la lumière, comme pour y trouver l’inspiration est de loin l'œuvre de Judith que je préfère.
Son visage, encadré par la fraise et le chapeau rouge paraît éclairer la scène, dont l’équilibre est assuré par la présence des deux autres instruments dont le violon baroque, déjà représenté dans Le Concert. Il est élégant, dans sa veste en velours taupe, en dépit d’un petit visage fatigué, qui rappelle qu’à l’époque, peu d’enfants arrivaient à l’âge adulte…
*
Le
1er juin 1636, Judith épouse Jan Miense Molenaer (v. 1610-1668) à Heemstede,
une petite ville non loin de Haarlem, aux Pays-Bas. Jan Miense Molenaer est
très influencé par la peinture de Frans Hals (1581/1585-1666), dont il a été
peut-être l’apprenti dans les années 1620. Il fait partie des jeunes artistes
les plus prometteurs de Haarlem.
Ce mariage va avoir une conséquence immédiate sur la carrière de Judith : elle ne peindra presque plus, et son travail se borne à des peintures à l’aquarelle, probablement dans un cadre privé. On ne sait pas si elle continue à enseigner.
Ce portrait touchant est peut-être celui d'un de ses proches :
Pourtant, la situation des femmes dans la société hollandaise est relativement bonne, comparée à celles des autres pays européens : jouissant d’une certaine indépendance financière - notamment parce que le droit de succession les place pratiquement à l’égal des hommes - elles bénéficient sans doute d’une plus grande marge de liberté.
Mais Judith doit probablement se consacrer à ses cinq grossesses successives, entre 1637 et 1650, puis à l’éducation de ses enfants, dont deux seulement survivront. Par ailleurs, le couple paraît avoir connu d’importantes difficultés financières, dont la confiscation de leurs biens pour dette. Leur situation paraît toutefois s’améliorer en 1655 puisqu’ils achètent deux maisons, l’une à Amsterdam, l’autre à Haarlem.
Elle est citée, vers 1647, par Theodoor Schrevelius (1572-1649) dans son Harlemias (histoire de Haarlem) sans qu'il soit précisé qu’elle est une femme.
Judith Leyster est décédée en 1660 et fut inhumée à Heemstede, le 10 février.
A la fin de sa vie, elle est oubliée et ses tableaux seront attribués à d’autres peintres, notamment à Frans Hals lui-même. C'est en 1893, lors de l'acquisition par le musée du Louvre de La Joyeuse compagnie, que Judith est redécouverte, son monogramme ayant été identifié sous une fausse signature de Frans Hals.
Le
Bénézit (1939) la connaît fort bien (p.121), cite six de ses œuvres et précise en
effet que ses tableaux « sont quelquefois vendus comme étant de Franz Hals »...
Je
termine par cette nature morte, élégante et harmonieuse… les fruits dans la
corbeille penchée, sont curieusement allongés, ce qui contribue à l’impression
de légèreté. On remarquera aussi, la texture plucheuse de la nappe qui
contraste avec l’aspect lisse de la corbeille et le reflet dans le pichet en
étain : on y voit tout l’atelier au fond et, au premier plan, les deux
pommes qui brillent comme des petits soleils.
*
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