Cet autoportrait n’est pas le plus fameux d’Angela mais elle a 27 ans, elle est déjà célèbre et ressemble déjà à l’Autoportrait au buste de Minerve que j’aime particulièrement mais que je voulais montrer plus loin… c’est parfois difficile de faire un choix !
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Angelica
est née le 30 octobre 1741 à Coire, dans le canton suisse des Grisons, mais a grandi
à Morbegno, en Italie du Nord.
C’est son père, le peintre autrichien Johann Joseph Kauffmann (1707-1782), qui se chargea de son éducation artistique tandis que sa mère, Cleofa Luz, lui enseigna le chant, l'allemand, l'italien et, plus tard, le français.
Elle peignit à douze ans son premier autoportrait, dans lequel elle exprime sa deuxième passion, la musique :
De
1754 à 1757, sa famille voyage en Italie pour honorer les commandes adressées à
son père, qu’Angelica assiste dans son atelier : à Milan, alors sous
domination autrichienne, puis à Este, au palais du duc de Modène.
Lorsque sa mère meurt, Angelica a 16 ans. La famille s’installe alors dans la forêt de Brégence, près de Schwartzenberg en Autriche, où son père décore l'intérieur de l'église, endommagée après un incendie. Auprès de lui, elle exécute sa première et unique fresque, une représentation des apôtres, d'après Piazzetta.
Son talent est déjà reconnu et, de 1757 à 1759, elle est demandée en Bade-Wurtemberg pour différents portraits, en particulier celui du cardinal von Rodt, prince-évêque de Constance. Pour se faire une idée de son style de l’époque, voici le portrait de son père, qu’elle a peint à 22 ans :
En 1760, elle retourne en Italie avec son père pour étudier les antiques et l'art de la Renaissance. Ils séjournent à Milan, Modène, Bologne et Parme où elle exécute de nombreuses copies d’œuvres puis arrivent à Florence en juin 1762. La même année, elle est nommée membre d'honneur de l’Académie des Beaux-Arts de Bologne et obtient son diplôme de l'Accademia delle Arti Disegno.
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Angelica,
qui avait une fort belle voix et jouait de plusieurs instruments de musique, aurait
pu embrasser une carrière musicale. En 1760, elle doit cependant faire un choix
qu’elle ne semble pas avoir regretté, même si l’une de ses œuvres, réalisée
beaucoup plus tard, évoque la difficulté de cette décision, à laquelle la mort
de sa mère n’est sans doute pas étrangère :
Dans cet autoportrait, Angelica se représente, hésitante, entre la Musique et la Peinture. Cette dernière s’étant avérée la plus persuasive et déterminée, il lui reste à consoler la Musique, d’un geste tendre de la main. Ce tableau est aujourd’hui considéré comme l’une des œuvres majeures d’Angelica. Elle en a peut-être peint deux versions puisque celui qui se trouve actuellement au musée Pouchkine (Moscou), n'est pas considéré comme une copie et que ses mesures sont quasiment identiques (152 x 201,3 cm).
De
janvier 1763 à 1766, le père et sa fille se fixent à Rome. Angelica y admire les
œuvres d'Anton Raphaël Mengs, le peintre romain alors considéré comme le
meilleur d’Europe et qui prône le retour à la manière de l’Antique.
Angelica exécute déjà de nombreux portraits dont celui de l’archéologue et historien
d’art, Johan Joachim Winckelmann, alors surintendant des Antiquités. Sous son
égide, elle aurait pris des cours de perspective et de dessin d’architecture, ce
qui va lui permettre de développer, plus tard, un style décoratif dont elle
usera aussi dans certains de ses portraits.
Johann Joachim Winckelmann, né à Stendhal (coucou, Henri Beyle…), est le fondateur de l’archéologie moderne (Goethe appelait le XVIIIe siècle le « siècle de Winckelmann »).
Angelica le portraiture alors qu’il vient de publier son œuvre maîtresse, Histoire de l’Art de l’Antiquité où il décrit notamment les célèbres statues du Belvédère du Vatican, après avoir écrit, dix ans plus tôt, Réflexions sur l'imitation des œuvres grecques dans la sculpture et la peinture. Les deux ouvrages traitent de la perception esthétique et de l’expérience de la beauté comme fondement de l’histoire de l’art.
Ce portrait lance la carrière d’Angelica : elle est, dès lors, recherchée par la haute société et devient membre de l’Accademia di San Luca, en 1765.
L’ Accademia di San Luca est une association d’artistes fondée à Rome en 1577 et devenue active vers 1593. Elle est nommée ainsi en référence à Saint Luc l’Evangéliste, saint patron des peintres et tenu pour être l’auteur du premier portrait de la vierge Marie. Elle s’appelle également l’Accademia di belle arti di Roma. Elle est restée l’académie la plus importante d’Italie. |
Lors d’un voyage à Naples, Angela exécute le portrait de l'acteur David Garrick, lequel est si satisfait de son travail qu’il en autorise la présentation à l’exposition de la Société des Artistes, à Londres.
C’est le début de sa notoriété en Angleterre où elle se rend en juin 1766 avec son père, à l'invitation de Lady Wenthworth, la femme de l’ambassadeur d'Angleterre à Rome.
Dès
son arrivée à Londres, Angelica rend visite à Reynolds à son atelier, se lie
d’amitié avec lui et fera son portrait l’année suivante, dans une position
détendue qui marque leur complicité.
Joshua Reynolds (1723-1792) est un peintre, graveur et essayiste, spécialisé dans l’art du portrait, il en réalisa plus de deux mille, notamment des portraits en pied qui vont le rendre célèbre.
Lorsque Reynolds devient président de la Royal Academy of Arts, créée en 1768, Angelica est une des deux seules femmes, avec Mary Moser, peintre de fleurs, à être invitées à en devenir membres fondateurs.
A
ce propos, examinons deux toiles. La première est peinte peu de temps après la
création de l’Académie. On y voit les académiciens se préparant à assister à
une séance de dessin de modèle vivant, donc de nu. Naturellement, les deux académiciennes ne
peuvent y assister. Elles sont donc simplement représentées en… tableaux sur le
mur à droite !
Sur la seconde toile,
peinte vingt ans plus tard, miracle : les deux académiciennes sont placées
juste au-dessus du président Benjamin West. Elles ont l’air un peu reléguées
mais c’est déjà beaucoup qu’elles soient là puisque, en tant que femmes, elles
n’ont jamais assisté aux réunions de l’Assemblée générale !
Mais ne les plaignons pas trop : il faudra en effet attendre l’année 1929 pour voir à nouveau une femme, Dame Laura Knight (1877-1970), être élue à la Royal Academy…
La relation d’Angelica avec Reynolds fera un peu jaser, comme son mariage malheureux avec un soi-disant comte von Horn qui s’avère être un imposteur. Mais Angelica a de l’influence et parvient à empêcher, en 1775, l’exposition d’un dessin satirique de Nathaniel Horne, The Conjurer, qu’elle juge offensant pour elle.
En 1778, Angelica est chargée par l’Académie de peindre un ensemble de quatre « éléments d’art », destinés au plafond de la nouvelle salle du Conseil. Elle crée, pour répondre à cette commande, quatre figures allégoriques de femmes Invention, Composition, Conception et Couleur, représentation des théories de Reynolds, développées dans son Discours on Art, prononcé lors des conférences de l’Académie.
Ces figures, qui semblent être les seules de ce type qui restent de sa main, constituent un retour au « quadro riportato » (image reportée) classique : le plafond doit donner l’impression d’avoir simplement accueilli une image encadrée, sans aucun raccourci illusionniste, caractéristique du style baroque, jusque-là à la mode.
Pour
ses commandes officielles, Angela est engagée dans le renouveau de l’art et
adopte le style néo-classique.
La figure allégorique se trouve dans un paysage naturel avec
un globe céleste à ses côtés. Les ailes sur sa tête et son bras levé suggèrent
l'élévation de l'intelligence. Le paysage rocheux avec des montagnes en
arrière-plan représente la nature, considérée comme la première invention.
Assise entre la nature et l’architecture, la figure est
plongée dans ses pensées, le coude appuyé sur une colonne qui supporte un
échiquier, symbole de la stratégie. Sur la gauche du tableau, les dessins
préparatoires de la composition.
Assise devant deux colonnes, symboles de la culture,
l’artiste copie une célèbre sculpture classique, le Torse de Belvédère (référence
à Winckelmann : « Le seul moyen que nous ayons d'être grands, voire
inimitables si c'est possible, est d'imiter les Anciens »). L’imitation
n’est pas ici entendue comme une simple copie mais comme une observation
intense et vigilante qui permet de former son œil.
En pleine nature, presque dévêtue et les cheveux relâchés, l’artiste saisit les couleurs naturelles de l’arc-en-ciel pour les porter à sa palette où ne figure qu’une seule touche de blanc. Le (tout petit) caméléon à ses pieds représente probablement la capacité de la nature à adopter toutes les couleurs.
Angelica
réalise, pendant son séjour londonien, des nombreux portraits de la haute
société britannique, portraits parfois historiés ou insérés dans des paysages.
Les portraits les plus officiels sont agrémentés de décors architecturés : Angelica adapte son style au contexte britannique.
Cela saute aux yeux : ce n’est pas le tableau le plus réussi d’Angelica. Les personnages n’ont pas l’air à leur aise dans une attitude déséquilibrée, et ni l’un ni l’autre ne paraît véritablement concerné par l’enfant, pourtant joliment séducteur… J’ai choisi de montrer ce tableau parce qu’il évoque, en arrière-plan, les intérieurs conçus par l’architecte Robert Adam pour lequel Angelica a travaillé à plusieurs reprises.
D’autres
portraits sont beaucoup moins formels !
Lady Hervey porte une tenue « turque », veste et corsage à galons dorés, coiffure en forme de turban et étole transparente ornée de motifs floraux en fil d'or, costume qui correspond à l’engouement de l’époque pour un certain « exotisme ».
La comtesse d'Harcourt était une des dames d'honneur de la reine Charlotte (1744-1818)
Grâce
à ses portraits, Angelica devient une peintre à la mode. Elle élabore une
stratégie que ne renieraient pas les réseaux sociaux d’aujourd’hui : entourée
de personnalités connues, elle invite les gens qui comptent dans son atelier pour la regarder
peindre et devient une arbitre du style.
Huile sur toile, 64 x 52,4 cm
Le
chevalier a probablement été présenté à Angelica par le roi Georges III qui
avait une véritable passion pour cet espion de Louis XV, travesti en femme. On
est bien loin des représentations postérieures du chevalier…
Detroit Institute of Art
Huile sur toile, 144,4 × 176,5 cm
Detroit Institute of Art
Elle
peint également de multiples autoportraits, à leur tour copiés et recopiés en
gravure et illustrations diverses, y compris en céramique, vingt ans plus
tard
The Metropolitan Museum of Art, New York
Un bel exemple de produit dérivé !
Angelica peint aussi des thèmes religieux (la palette est celle de ses débuts londoniens) :
Elle compose également des sujets mythologiques et allégoriques :
Là, on voit la nymphe Calypso faire signe à ses sœurs de cesser de chanter les louanges du père de Télémaque, Ulysse, afin de ne pas raviver sa douleur.
Dans la plupart des scènes, on retrouve son goût pour l’expressivité chaleureuse des figures féminines.
Ces grandes compositions sont acquises par les familles aristocratiques de toute l'Europe et certaines seront ensuite reproduites sur des pièces de mobilier, dans les intérieurs conçus par Robert Adam. Icône de la mode, vous dis-je !
Enfin,
elle produit également de nombreux projets pour des hôtels particuliers
construits par l’architecte Robert Adam. Il reste peu d’éléments visibles du
travail d’Angelica, je n’ai trouvé que ce dessin préparatoire….
Pour
se faire une idée du style Robert Adam :
Dans
l’équipe de décorateurs de Robert Adam, elle rencontre le peintre vénitien
Antonio Zucchi. Elle devra patienter un peu : en dépit de
l’humiliation qu’elle a subi lors de son mariage, elle doit attendre la mort de
l’imposteur avant de pouvoir convoler à nouveau.
Elle
épouse Antonio Zucchi (1726-1795) en juillet 1781 et quitte Londres pour
entreprendre un voyage itinérant, en Autriche et dans le nord de l’Italie, afin de répondre à ses nombreuses commandes. Ses
clients sont l’empereur Joseph II d’Autriche, l’impératrice Catherine II, le
roi Stanisław August Poniatowski de Pologne et toute la noblesse d’Europe.
En novembre 1782, le couple achète, à Rome, l’ancienne maison du peintre d'Anton Raphaël Mengs, la référence de sa jeunesse italienne. La maison devient le lieu d’accueil de leurs commanditaires et du cercle brillant des esprits éclairés du temps.
Angelica continue à peindre et Zucchi abandonne sa carrière artistique afin d'aider sa femme. Il enregistre son travail dans son « Memorandum of Paintings of Maria Angelica Kauffmann ».
L’autoportrait
ci-dessous lui est commandé en 1784 par le comte Franz Laktanz Firmian (1712-1786)
de Salzbourg pour sa collection de portraits d'artistes.
Sans doute à la même époque, elle réalise ce superbe autoportrait, mon préféré :
Angelica a capturé le moment où elle range son dessin du buste de Minerve dans son portfolio. Le choix de Minerve, déesse protectrice des arts et des artistes, rappelle les thèmes des peintures de plafond de la Royal Academy.
Toutefois, ce tableau est plus tardif : selon l’historienne d’art Bettina Baumgärtel, ce marbre romain du IVe siècle, qui se trouve à présent au British Museum, à Londres, n’a été découvert à Rome qu’en 1784. Le tableau date donc forcément de la dernière période italienne d’Angelica.
Consécration ultime, le grand-duc de Toscane commande à Angelica son autoportrait pour le Corridor Vasari.
La collection des ducs de Toscane et le corridor de Vasari La
collection de plus de 1 600 autoportraits amassée pendant des siècles
par les ducs de Toscane, visait à conserver les images des peintres les plus
célèbres de leur temps. Être inclus dans cette collection était donc une
forme de consécration. On y trouve ceux de Raphaël et de Rubens mais aussi ceux de Sofonisba Anguissola, Lavinia Fontana, Marietta Robusti, Rosalba Carriera et Elisabeth Vigée Le Brun, qui offrit elle-même son autoportrait au duc de Toscane en 1790. La collection était exposée dans le Corridoio Vasariano. Construit en 1565 par l’architecte Giogio Vasari à la demande de Côme 1er de Medicis, il lui permettait de passer de sa résidence, le Palazzo Pitti, au Palazzo Vecchio, siège du gouvernement. Fréquenté essentiellement par les visiteurs fortunés ou les voyageurs pendant leur « Grand Tour », le Corridoio a été partiellement ouvert au public en 1866 mais, devenu dangereux en raison de l’affluence, il a été fermé en 1930. A partir de 1973, la Galerie des Offices y a exposé ponctuellement des sélections d’autoportraits. Endommagé par un attentat meurtrier de la mafia en 1993 (qui a touché près d’un quart de la collection exposée), il est en cours de restauration et devrait rouvrir le 27 mai 2022, date anniversaire de l’attentat. A sa réouverture, il ne devrait plus présenter les autoportraits mais une trentaine de sculptures et des fresques du XVIe siècle. |
Une
étude publiée en 1991 a démontré qu’Angelica avait choisi de se représenter avec une
ceinture ornée du célèbre camée attribué à Pyrgotèle, représentant la
controverse entre Poséidon et Athéna luttant pour la domination de l'Attique.
La présence de ce camée pourrait faire allusion à la rivalité entre les sexes
et à la réussite d’Angela dans une profession dominée par les hommes. Je ne saurais me prononcer sur ce point mais
de quoi s’agit-il ?
Les
deux protagonistes sont armés de leurs attributs respectifs : Athéna, sa
lance appuyée sur l’olivier, son bouclier derrière le dos, tient par une
branche l'olivier sacré et Poséidon s'appuie sur son trident.
Cela
raconte une histoire : du temps du roi Cécrops, un olivier sortit tout à
coup de terre et une source jaillit au même endroit. Le roi demanda à l’Apollon
de Delphes de lui expliquer ce prodige et ce qu’il convenait de faire. L’oracle
répondit que l’olivier symbolisait Athéna (Minerve) et la source Poséidon
(Neptune) mais que le différend entre eux était si grave qu’on ne pouvait le
trancher sans faire appel au peuple.
Le
roi rassembla donc le peuple, hommes et femmes.
Tous
les hommes votèrent pour Poséidon et toutes les femmes pour Athéna. Mais il y
avait une femme de plus et ce fut donc Athéna qui gagna.
Pour apaiser le courroux de Poséidon, les femmes reçurent trois peines : on leur enleva le droit de vote, les enfants ne purent plus porter le nom de leur mère ni porter celui d’Athéna.
(J’ai juste une question : quid du courroux d’Athéna après une telle décision ?)
Mais
revenons à Angelica !
Elle continue à peindre les Britanniques de passage à Rome…
Huile sur toile, 218 x 142 cm
… et la fine fleur des intellectuels européens. Elle reçoit nombre d’admirateurs dont les portraits sont aujourd'hui disséminés dans tous les musées d'Europe :
Le docteur Auguste Tissot (1728-1797), très célèbre de son vivant, il a été le médecin du roi de Pologne et du prince électeur de Hanovre. Il est aussi celui de Voltaire et correspond avec Jean-Jacques Rousseau. Titulaire de la chaire de médecine clinique de l’université de Pavie, c’est à l’occasion de l’enseignement qu’il y dispense en 1783 qu’il se fait portraiturer par Angelica, sa compatriote.
« Comparé à celui de Johann Joachim Winckelmann que Kauffmann a exécuté en 1764 (voir supra), ce Portrait du docteur Auguste Tissot, qui en reprend les principaux éléments de la pose et du décor, manifeste dans son langage un adoucissement et un caractère onctueux caractéristiques des années 1780. La composition évacue le langage des attributs en faveur d’une approche intimiste : le regard fixe du médecin – perdu dans ses pensées – et le rai de lumière qui passe de son front à la page sur laquelle s’est arrêtée sa plume suffisent à signifier sa qualité d’homme des Lumières. » (Extrait de la notice du musée)
Le géologue James Hall de Dunglass (1761–1832), fondateur de la géologie expérimentale :
Le pharmacien et chimiste Karl Samuel Leberecht (1765-1846), découvreur du cadmium de l'oxyde de zinc.
L’ambassadeur de Russie auprès du roi de Naples, le comte Pavel Martynovich Skavronsky (1757-1793)
Le général et sénateur polonais, Wojciech Męciński (1760-1839) :
Et même Johann Wolfgang von Goethe (1747-1832), dont elle exécute le portrait lorsqu’il lui rend visite en 1787…
… avec son ami, le poète et philosophe Johann Gottfried von Herder (1744-1803) qui la
qualifie de « femme la plus cultivée d'Europe. »
Elisabeth
Vigée-Lebrun viendra aussi lui rendre visite en 1792, au cours de son périple
italien, et sera frappée par « sa prodigieuse instruction » (mais, visiblement, la trouva aussi un peu trop instruite à son goût…)
La princesse Baryatinskaya, épouse séparée de l’ambassadeur russe à Paris, arrive à Rome en janvier 1791. Elle écrit dans son Journal de voyage : « Avant de quitter Rome, je suis encore allée voir Angelica Kaufman et admirer son travail. Je l’ai déjà vue plusieurs fois, mais je ne m'ennuie jamais à la regarder. Cette femme, malgré son grand talent, est pleine de pudeur. Elle a un caractère doux, ce qui la rend aimée et respectée de tous. » Elle commande à Angelica un grand portrait d'elle-même entourée de membres de sa famille, grandeur nature. La princesse Baryatinskaya est représentée assise dans un fauteuil à la table sur laquelle se trouve un buste en marbre de son père, œuvre du sculpteur allemand Alexander Trippel. Dans ses mains, elle tient un médaillon avec un portrait de son mari ; ses enfants et son gendre se tiennent à proximité.
Angelica ne dédaigne pas non plus les portraits historiés, comme pour cette belle dame :
C’est
probablement le même type de posture qui a été choisie pour le portrait de la
belle Emma Hamilton dont je n’ai retrouvé qu’un dessin préparatoire :
L’année suivante, Elisabeth Vigée-Le Brun fera d’Emma un Portrait en Sibylle qu’elle jugea si réussi qu’elle le promena dans toute l’Europe !
Et des artistes, aussi :
Ici, Angelica capture son modèle en pleine récitation, c’est une « image vivante », qui constitue une évolution marquante dans l’art du portrait.
Son
mari Antonio Zucchi meurt en 1795. Angelica écrit à un ami que la mort lui a volé
son plus cher compagnon et que sa perte est irréparable.
Par
la suite, Angelica vit retirée, peignant de plus en plus de sujets
religieux.
Gravement malade depuis 1802, Angelica Kauffmann meurt le 5 novembre 1807.
Elle fut enterrée à Rome, lors de funérailles impressionnantes organisées par le sculpteur Antonio Canova, grand admirateur de son style à mi-chemin entre néo-classisme et Empfindsamkeit (« sentimentalisme » allemand).
L’Académie
Saint-Luc, au grand complet, la conduisit à son tombeau dans l’église San
Andrea delle Fratte, comme le méritait l’une des peintres et portraitistes les
plus célèbres du XVIIIe siècle.
*
On
est donc un peu surpris de constater qu’Angelica paraît avoir
disparu des souvenirs du public et que cette disparition est survenue très rapidement.
Elle avait, vers 1799, peint pour un mécène britannique son plus grand tableau, La Religion assistée par les vertus dont les figures étaient grandeur nature. Une sorte de couronnement dans la carrière d’un artiste de l’époque.
Le
destin de ce tableau est assez révélateur :
Le propriétaire d'origine, James Forbes, l'avait légué au British Museum en 1835 en prévision de la création de la National Gallery, qui a ouvert ses portes à Trafalgar Square en 1838. L'œuvre, cependant, a reçu peu d'attention et a été rapidement transférée au National Gallery of British Art (qui a ouvert ses portes en 1897 et deviendra la Tate Gallery). Clairement considéré comme d'intérêt secondaire, le tableau a été envoyé à Plymouth pour y être exposé, en 1913. Il était accroché dans le Guildhall de Plymouth lors du terrible incendie de mars 1941, qui a détruit ce bâtiment et ses archives. Lors d'un audit d'après-guerre, il a fallu des mois aux conservateurs de la Tate pour retracer ce qui était arrivé à cette toile…
Artiste et « influenceuse » célèbre en son temps, Angelica avait été oubliée.
Une première rétrospective de l’œuvre d’Angelica a été organisée en 1999 dans plusieurs villes d’Allemagne puis Angelica est réapparue dans une exposition sur les « Chefs d’œuvres de la peinture européenne » au MET en 2006 et, enfin, le Kunstpalast de Düsseldorf lui a consacré une grande exposition en 2020. Elle aurait dû être montrée ensuite à la Royal Academy de Londres mais le Covid ne l’a pas permis.
Elle
s’intitulait « Fou d’Angelica Kauffmann » !
*
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