Je fais une petite pause, on se retrouve mi-janvier
Sigrid
Hjertén est née le 27 octobre 1885 à Sundsvall, Suède. Sa mère, Maria
Rahm, est issue d'une famille de bourgeois aisés et d'armateurs ; son père,
Svante, d’origine plus modeste, est avocat. Ils ont ensemble deux enfants,
Sigrid et Gustaf.
Le 25 juin 1888, un terrible incendie détruit entièrement la ville de Sundsvall et la maison des Hjertén. La famille doit déménager alors que la mère de Sigrid est déjà malade, atteinte de tuberculose. Elle mourra quelques semaines plus tard. Görel Cavalli-Björkman, l’un des biographes de Sigrid, indique que celle-ci ne parlait jamais de son enfance mais qu’on peut penser que cette succession de catastrophes était à l’origine de son caractère inquiet voire anxieux.
En 1897, Svante Hjertén se remarie avec Tora Östberg, sœur de l'architecte Ragnar Östberg maître d’œuvre de l’Hôtel de ville de Stockholm. Lorsque la famille Hjertén déménage à Stockholm, Ragnar Östberg s’intéresse au talent précoce de Sigrid qu’il encourage à postuler à l'École technique pour une formation artistique préparatoire.
Elle est ensuite acceptée à l'École supérieure d'art et de design, et choisit le textile comme filière principale. Après avoir obtenu son diplôme, elle travaille pour la créatrice de textile Selma Giöbel (1843-1925) chez AB Svensk Konstslöjd, un organisme de promotion de l’art domestique. Sigrid envisage alors de se rendre à Londres pour étudier la tapisserie d’art.
Le 4 juin 1909, est inaugurée l’Exposition des Arts Décoratifs de Stockholm où Sigrid montre ses premières créations textiles.
Ce qu’elle produit dès cette époque porte déjà la marque d’une originalité remarquable. (cliquer sur les images pour les agrandir)
Parmi
les 750.000 visiteurs de l’exposition, elle rencontre un jeune peintre, Isaac
Grünewald.
La
même année, Isaac avait participé à l’exposition De unga (Les Jeunes) à
la galerie Hallin de Stockholm où il avait exposé le portrait de trois de ses
amis peintres, Sigfrid Ullman, Knut Jansson et Birger Simonsson, un tableau
resté célèbre en Suède.
Finalement,
Sigrid n’ira pas à Londres ; elle décide de partir à Paris, avec Isaac.
Ils s’inscrivent tous deux à l’Académie Matisse, ouverte depuis l’année précédente. C’est un des rares lieux où hommes et femmes travaillent ensemble, ce qui est en soi une petite révolution. Et puis il y a la couleur.
Même pour la critique française, l’art de Matisse est révolutionnaire, quatre ans après le fameux Salon d’Automne de 1905, celui où Louis Vauxcelles a écrit son fameux « c’est Donatello parmi les fauves ». C’est aussi l’année où Matisse peint, par exemple, La plage rouge, dont il dira plus tard au peintre Pierre Girieud (1876-1948) : « Vous vous étonnez sans doute de voir une plage de cette couleur, en réalité elle était de sable jaune. Je me rendis compte que je l’avais peinte avec du rouge et, le lendemain, j’essayais avec du jaune. Ça n’allait pas du tout, c’est pourquoi j’ai remis du rouge. »
En
1910-1911, Matisse peint La Danse, La Musique et ses premiers Intérieurs,
comme l’Intérieur aux aubergines, une conjugaisons d’espaces multiples
qui s’interpénètrent avec un souverain mépris des règles de la perspective.
Détrempe à la colle sur toile, 212 × 246 cm
Musée de Grenoble
Photo © Ville de Grenoble/Musée de Grenoble- J.-L. Lacroix
On
imagine l’impact de cette découverte sur de jeunes artistes confrontés à l’enseignement
strict de l'Académie des Beaux-Arts de Suède. Comme Isaac l’a plus tard
raconté : « Soudain, je me suis retrouvé devant un mur qui chantait, non,
rugissait de couleur et rayonnait de lumière (…) toutes les lois que je
pensais inviolables ont été abrogées. » (Folke Lalander, La percée du
modernisme : la peinture nordique 1910-1920, Nordiska Ministerrådet,
Uddevalla, 1989, p.63)
A l’Académie Matisse, Sigrid pratique aussi l’étude du nu, inimaginable en Suède pour les artistes féminines.
Voici
ce que Sigrid peint en 1910, probablement peu de temps après son arrivée :
Les
étudiants suédois de l’Académie ont plus tard témoigné de l’intérêt de Matisse
pour le travail de Sigrid, notamment pour son « remarquable sens de la
couleur ». Avec lui, elle travaille principalement la simplification des
formes. Voici un autre nu dont je ne connais pas la date, où l’influence de
Matisse, notamment par sa composition et un certain mépris de la perspective,
est sensible.
A
l’issue de cette année parisienne, les deux peintres rentrent en Suède et se
marient à l’automne 1911, juste avant la naissance de leur fils, Iván
(1911-1996). Sigrid publie deux articles remarqués dans le quotidien Svenska
Dagbladet, le premier (février 1911) à l’occasion d’une exposition d’art
chinois ; le second (septembre 1911) constitue la première biographie de
Cézanne publiée en Suède. Pour autant, elle ne participe pas aux expositions
collectives du groupe De unga (Les Jeunes) auquel Isaac appartient,
car les femmes n’y sont pas admises.
L’année
1912 marque l’entrée de Sigrid sur la scène artistique stockholmoise. Elle
expose au sein du nouveau groupe dirigé par Isaac, De Åtta (Les Huit),
également appelé « Les Expressionnistes », un terme inventé par le critique
anglais Roger Fry (voir la notice de Dora Carrington), inspiré des « Notes d’un
peintre » de Matisse dans lesquelles il proclame : « Ce que je poursuis
pardessus tout, c’est l’expression ». Lors de cette première exposition, une
caricature des membres du groupe paraît dans la presse mais Sigrid n’y figure pas…
Dès
cette époque, Sigrid commence à travailler les scènes urbaines en perspective
plongeante, un motif récurrent.
Son
autre thème favori, ce sont les portraits, comme celui de ces deux jeunes femmes…
…
et celui d’Isaac en uniforme d’artillerie, alors qu’il effectue son service
militaire.
L’année suivante, ce portrait figure dans la première exposition commune du couple, à la galerie d’art Hallin de Stockholm. Bien que le travail de Sigrid ait été globalement bien accueilli, un critique demanda tout de même, sur le ton de la plaisanterie, s’il était « convenable pour une jeune épouse de caricaturer ainsi son mari. »
Pourtant,
ledit mari se « caricaturait » assez bien tout seul !
À l’automne 1913, le couple s’installe dans un atelier spacieux, au huitième étage d’un immeuble situé dans la rue Katarinavägen, au centre de Stockholm. Il offre une vue imprenable sur le port de Stadsgårdskajen qui ouvre sur la mer baltique.
Sigrid
fait son miel de l’agitation continue du port.
Lors
de « l’Exposition baltique » qui s’est tenue à Malmö en 1914, un
critique remarque : « C’est depuis leurs ateliers au-dessus de Stadsgården
que ces peintres contemplent la belle Stockholm. Les lignes obliques jouent
apparemment un rôle majeur dans la doctrine de ces peintres, elles servent
probablement un grand rôle. » (Notice du Modena Museet)
Bien
vu ! Les obliques et les diagonales constituent effectivement une
constante des compositions de Sigrid, ainsi que le rose qui contraste
avec les rouges, les bleus, les verts …
…
ou la clôture rouge ci-dessous, traversant des champs jaunes et verts.
Sigrid
transcrit également ses visions du port sur d’autres supports, comme cette
table à carreaux peints.
Et elle travaille aussi la gravure sur bois.
Ceci
étant, Sigrid ronge son frein et si son fils constitue l’un de ses thèmes
favoris de l’époque, ce n’est certainement pas un hasard. Elle passe seule, avec lui, la majeure partie de son temps.
Cette
frustration s’exprime dans l’une de ses toiles emblématiques, son Autoportrait
de 1914, le seul que j'ai trouvé de sa main, ce pourquoi vous le voyez pour la seconde fois !
Sigrid
se représente en peintre, pinceau à la main, dans une tenue élaborée, comme si
elle allait sortir, chapeau orné de plumes sur la tête. Sa longue robe rouge - traitée comme un pantalon - accentue la finesse de sa ligne. Sa tête se détache sur un fond demi-circulaire
qui évoque une danse rituelle « à la Matisse » mais où l’on peut
reconnaître l'une des esquisses préparatoires d'Isaac Grünewald pour la
décoration de la salle des mariages du tribunal de Stockholm, concours qu'il
venait de remporter et auquel Sigrid, bien que sélectionnée, n’a finalement pas
participé afin de ne pas entrer en concurrence avec son mari. Le reste de
l’espace est occupé par les jouets du petit Iván, assis sur le canapé. Le visage désabusé de Sigrid traduit le conflit
entre son rôle de mère et ses aspirations d’artiste.
Certaines
de ses toiles de l’époque évoquent les compositions de Matisse, comme cette scène où les
détails s’accumulent et où l’intérieur et l’extérieur – le port – paraissent
appartenir au même espace.
Cette
autre, au contraire, m'a fait immédiatement penser à… Marie Laurencin !
Mais
ses toiles les plus célèbres aujourd’hui sont, à juste titre, celles où elle
exprime sa personnalité propre : grandes diagonales, puissance chromatique
des contrastes entre couleurs franches, composition audacieuse des plans
rapprochés et éloignés, comme celle-ci où l’on voit Isaac assis dans une loge,
au théâtre.
Sigrid a réinterprété
le même thème un peu plus tard, en gravure.
Au
printemps 1915, Sigrid et Isaac sont invités à exposer à la galerie Sturm de
Berlin, dans la fameuse exposition Schwädische Expressionisten (Expressionnistes
suédois).
Grâce
au directeur de la galerie, ils entrent en contact avec Kandinsky et Gabriele
Münter (voir sa notice) qui séjournent à Stockholm l’hiver suivant. On peut
imaginer que Sigrid et Gabriele aient échangé sur la place des femmes dans les
couples d’artistes…
Cette difficulté à exister en tant qu’artiste est le thème d’un autre tableau célèbre de Sigrid, l’Intérieur d’atelier.
Au
fond de l’atelier, deux hommes discutent. Il s’agit probablement d’Isaac et
d’un membre du groupe De Åtta, le peintre Einar Jolin. Entre eux, Sigrid
s’est représentée dans une attitude réservée, les mains sur les genoux,
regardant devant elle, silencieuse.
Au premier plan, figure une autre femme habillée de noir, légèrement appuyée sur l’épaule d’un homme assis près d’elle, le peintre Nils von Dardel : l’image de la femme joyeuse et décontractée que Sigrid voudrait être. Dans le coin à droite, le petit Iván paraît tenter de participer à la scène, sans y parvenir.
La
tension mentale de Sigrid se manifeste également dans une autre œuvre, Le
store rouge.
Une femme est représentée allongée nue dans une pièce. Son regard est vide et l’on ne sait trop s’il exprime le plaisir ou l’absence. Est-ce une expression de sensualité, de plaisir solitaire ? La seule chose qu’on puisse en dire c’est que Sigrid, jugeant probablement cette œuvre trop personnelle, voire compromettante, ne l’a jamais exposée.
Même
impression d’étrangeté dans une autre scène, intitulée L’Invité invisible.
La chaise vide semble destinée à quelqu’un qu’on ne verra pas. Peut-être est-ce
le futur spectateur du tableau.
Il
y a encore un peu d’influence de Matisse dans l’espace sans profondeur mais
beaucoup de Sigrid dans les contrastes entre les couleurs chaudes et froides et
la confrontation entre les objets très raides et les lignes courbes.
La
même année, Isaac peint ce portrait de Sigrid.
Sigrid
est encore considérée comme moins importante que son mari, quand elle n’est pas
systématiquement dénigrée. Ainsi, en 1918, lorsqu’elle expose avec Isaac et un ami,
Leander Engström, au Liljevalchs Konsthall – un centre d’art de Stockholm – les
critiques sont assez négatives à son égard et fustigent le style jugé trop
naïf de « Mme Grünewald ».
« Figures
sur la plage a été peint durant l'été 1917, lors de vacances à Gilleleje, à
l'extrémité nord de la Zélande, au Danemark. Le tableau représente quelques
femmes en maillots de bain blancs couvrants, typiques de l'époque. Au premier
plan, un petit garçon joue avec une balle bleue, près de longues touffes
d'herbes bleu-vert. À l'arrière-plan, deux hommes sont allongés sur leurs
serviettes de plage. Le travail de la couleur, caractéristique de l'artiste à
cette période, est clairement influencé par le fauvisme français. Les couleurs
complémentaires sont juxtaposées pour intensifier l'ensemble. Le tableau dégage
une impression lumineuse et chaleureuse, tout en présentant des zones plus
fraîches. On perçoit une brise estivale rafraîchissante, malgré la chaleur du
soleil. » (Notice du musée)
A
la fin des années 10, Sigrid dispose d’un nouvel atelier, à Slussen, dont elle
exploite la vue sur la vieille ville de Stockholm et l’animation de la rue en
contrebas, depuis son balcon. Ici encore, elle joue des contrastes entre les
tons chauds des rideaux et les couleurs froides du paysage, le noir des
silhouettes.
La
peinture de Sigrid prend un nouvel essor à partir de 1920 lorsqu’elle
s’installe à nouveau à Paris, en famille. Elle continue à exposer
ponctuellement en Suède mais ne fait plus partie d’un groupe constitué. Le
couple est accompagné de Berthe, la sœur d’Isaac qui s’occupe régulièrement d’Iván,
ce qui permet à Sigrid de se consacrer davantage à la peinture.
Le prix des loyers a flambé à Paris qui se remet à peine de la Grande Guerre.
Les deux peintres s’installent à Fontenay-aux-Roses, une banlieue paisible où ils
disposent d’une maison avec jardin.
Sigrid se met à peindre des scènes plus intimistes. On voit ici, probablement, Berthe en train de coudre et Iván, le nez dans un bouquin.
Mais
elle ne vit pas dans l’isolement et participe à la vie parisienne, comme le
confirme le fait qu’elle rencontre Marie Vassilieff (voir sa notice) qui
exécute à cette période des « poupées » qui représentent le couple.
Ne
perdez pas de vue la poupée Isaac, on la retrouvera à la fin de l’histoire, dans
le chapitre des natures mortes…
L’été,
la famille se rend en Normandie où Sigrid travaille le thème de la falaise
calcaire, sur lequel elle reviendra plusieurs fois ensuite.
Cette
année-là, ils auraient passé leurs vacances avec un couple d’amis artistes,
Jules Pascin et sa compagne Hermine David, dont Isaac et Sigrid peignent les portraits respectifs. Et on
est bien obligé de constater la force du portrait peint par Sigrid !
Cette
touche audacieuse et d’une forte intensité se retrouve dans ses toiles
de l’époque, comme La Blonde sur la terrasse…
… ou Le Chapeau violet.
Je
ne sais pas à quelle occasion les deux peintres ont réalisé le portrait du même
cuisiner. La confrontation me paraît, à nouveau, à l’avantage de
Sigrid…
Pendant
toutes ses années parisiennes, Sigrid peint ce qu’elle découvre, les scènes de
rues, de cafés, en ayant recours à sa palette caractéristique…
…
palette qu’elle renouvelle l’été, en vacances, sans jamais perdre son sens
des contrastes.
Début
1932, la famille Grünewald quitte Paris. C’est durant ce déménagement que
Sigrid tombe malade. Le 31 mars, elle est admise à l’hôpital Konradsberg qui diagnostique
une schizophrénie.
« Ce
portrait représente Sigrid Hjertén dans une pose élégante, dans la palette
froide et classique qui a marqué la peinture d'Isaac Grünewald à la fin des
années 1920. Il a été réalisé peu avant que Grünewald et Hjertén, qui étaient
mariés, ne quittent Paris pour retourner en Suède. Le portrait a été présenté
lors de la grande exposition qu'ils ont montée avec leur fils Iván au Konsthall
de Göteborg en 1935. L'exposition allait asseoir fermement la réputation de
Sigrid Hjertén auprès d'un public plus large. » (Notice du musée)
Après une année d’inactivité, Sigrid sort de l’hôpital et se remet frénétiquement à peindre. Elle s’inspire de thèmes déjà explorés pour créer de nouvelles toiles. Sa peinture, teintée d’expressionnisme, intègre de plus en plus d’éléments abstraits (et un peu de Bonnard, ici ?).
La falaise de Saint-Aubin, un thème de 1921, devient de plus en plus menaçante.
En 1934, le nom de Sigrid paraît, peut-être pour la première fois, dans la presse française. Il est cité par Carl Gunne, conservateur adjoint du musée de Stockholm : « Parmi les autres hommes de 1909, qui formèrent plus tard le groupe de "Falangen", il faut nommer Sigrid Hjertén-Grünwald, Birger Simonsson, Arthur Percy et Einar Jolin. (…) La plupart de ces artistes se sont généralement développés dans la voie choisie à cette époque. Ils sont restés fidèles à l’idéal de leur jeunesse, même s’ils ont dû le modifier quelque peu. Mais un changement radical après leur retour dans la patrie, semblable à celui qu’avait subi la génération d’artistes précédents, n’a pas eu lieu cette fois. » (Carl Gunne, « La Suède », L’Amour de l’art, janvier 1934, p.412)
Le fait que Sigrid soit nommée « parmi les autres hommes » est peut-être lié à une mauvaise traduction.
En 1935, Sigrid paraît s’être rendue en Suisse mais je n’ai pas trouvé trace de ce voyage dans sa biographie. Peut-être s’agit-il de reprise de tableaux anciens, comme elle l’a fait avec la falaise de Saint Aubin. L’espace est envahi de vibrations.
C’est
probablement pendant le même séjour en Suisse qu’elle peint la terrasse de son
hôtel à Grindewald, traversée de grands traits rapides en diagonale, comme s’il
fallait saisir en urgence un paysage qui disparaît.
Pendant
l’hiver 1934-1935, Sigrid séjourne en Sicile avec son amie Britta von Horn. C’est
là qu’elle peint d’un pinceau fébrile cette entrée de monastère.
À l’automne 1936, une rétrospective des œuvres de Sigrid Hjertén est présentée à l’Académie royale des Beaux-Arts de Stockholm.
Juste avant, paraît le premier article dans la presse française, rédigé par une historienne de l’art, à propos d’une biographie de Sigrid publiée par la peintre suédoise Ingrid Rydbeck (1905-2001) dans la revue d’art Konstrevy : « L’œuvre de Sigrid Hjèrtén est celle d’une artiste de grande classe. Elle a été influencée par Matisse, mais elle s’en écarta très vite, lorsque sa propre personnalité se révéla trop forte pour subir la contrainte de quelque enseignement que ce soit. Aujourd’hui, pour ainsi dire absente de la vie, elle n’abandonne pas son art, qui est son unique source de bonheur et son seul mode d’expression. » (Assia Rubinstein, « Revue des revues », Gazette des beaux-arts, 1er juillet 1936, p.68)
L’année suivante, le conservateur du musée de Götheborg décrit une salle de son musée en ces termes : « La grande salle qui suit présente la peinture dite des "Jeunes" ; cette école commença à s’affirmer vers 1909 et ce fut par elle que l’art suédois bénéficia des leçons de Cézanne et de Van Gogh et, peut-être avant tout, de celles du chef d’école Henri Matisse. (…) Contrastant avec Sandels, mort en 1919, viennent ensuite Isaac Grünewald, virtuose de l’école de Matisse, dont le style montre d’une façon générale, des affinités avec la peinture française moderne, et sa femme Sigrid Hjertén, coloriste d’une vive sensibilité. » (Axel L. Romdahl, « Le Musée des Beaux-Arts de Götheborg », Mouseion, revue internationale de muséographie, janvier 1937, p.86-87)
A cette date, Sigrid est à nouveau hospitalisée depuis l’automne précédent. Isaac Grünewald demande le divorce et épouse son élève, Märta Grundell. Tous deux trouveront la mort dans un accident d’avion en 1946.
Sigrid Hjertén a cessé de peindre en 1937. Elle a vécu ensuite en hôpital psychiatrique. Elle est morte à Stockholm, le 24 mars 1948, des suites d’une lobotomie.
Deux ans plus tard, le peintre et poète André Verdet (1903-2004) écrivait : « Sigrid Hjerten tient, elle aussi une grande place. Elle est même une des plus émouvantes figures de la peinture suédoise depuis ses origines. Femme de l’imposant et trop habile Grünenwald, Sigrid Hjerten est morte en 1948, folle elle aussi, étrange destinée commune à tant de créateurs de ce pays. Elle a conduit son œuvre à des sommets à la fois de sensibilité, de rigueur et d’enthousiasme qu’il est rare de trouver chez beaucoup de ses contemporains. Elle demeurera le doux, sombre et mystérieux diamant de l’art suédois. » (André Verdet, « La jeune peinture suédoise », Le Patriote de Nice et du Sud-Est, 7 mai 1950, p.4)
Aujourd’hui,
Sigrid Hjerten est considérée comme l’une des artistes les plus importantes du
modernisme suédois. A l’occasion des 70 ans de sa mort, une exposition
rétrospective a été organisée au Prins Eugens Waldemarsudde de Stockholm en
février – août 2018.
*
Et
voici quelques natures mortes.
Vous
reconnaitrez dans celle-ci la « poupée Isaac » de Marie
Vassilieff :
*
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