dimanche 4 mai 2025

Louise Nevelson (1899-1988)

 

Ugo Mulas, photographe
Louise Nevelson – vers 1965
Archives of American Art, Smithsonian Institution, Washington DC
© Photo : droits réservés 

Leah Berliawsky est née le 23 septembre 1899 dans la petite ville ukrainienne de Pereiaslav, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Kiev, alors intégrée à l’empire russe. En 1901, son père, Isaac Berliawsky, émigre au Etats-Unis pour fuir les persécutions antisémites et s’installe à Rockland, dans le Maine. D’abord colporteur, il monte une scierie et gagne assez d’argent pour faire venir sa femme et ses trois enfants, Nate, sept ans, Leah, quatre ans et Anita, un an, en 1905. A Rockland, Leah devient Louise mais sa mère ne se remet jamais d’avoir quitté son pays. Elle reste isolée de son nouveau milieu social et Louise en est probablement marquée émotionnellement.

Cependant, dès son plus jeune âge, Louise est reconnue par ses professeurs comme une artiste. Elle a déclaré beaucoup plus tard : « Je savais que j'étais douée, car dès le premier jour d'école, mes professeurs le savaient, ils me prenaient pour une artiste. Quelque chose en moi le projetait, même enfant, et je le savais. Certaines personnes naissent d'une certaine manière. Elles le sont vraiment, sans aucun doute. Caruso avait une voix à sa naissance. Enfin, d'autres avaient des voix, mais lui avait la combinaison. Puis il a bâti dessus. On a quelque chose, et on consacre sa vie à le construire. De toute évidence, cela venais d'un endroit, peut-être de la maison, de l'environnement, etc. Cela me donnait l'impression d'être un moteur surpuissant. J'avais de l'énergie. Cela signifie donc que certains d'entre nous naissent avec ces constitutions dès la naissance. Nous naissons d'une certaine manière. Je pense aussi qu'être artiste est un état d'esprit. » (Lynn Gilbert, Particular Passions, CN Potter, New York, 1982, p.73)

 

Photographe inconnu
La famille Berliawsky - vers 1907
Anita, Nate, Isaac, Minna, Louise et la petite Lillian, née au Etats-Unis, sur les genoux d’Isaac
Archives of American Art, Smithsonian Institution, Washington DC
© Photo : droits réservés 


A vingt ans, Louise épouse un riche armateur, Charles Nevelson, et s’installe avec lui à New York. La ville la séduit immédiatement. Elle prend des cours particuliers d’art mais ses premières années dans la ville sont consacrées à son fils, Mike, né en 1922. Dès qu’il est en âge scolaire, Louise s'inscrit à temps plein à l'Art Students League. Au cours des deux années suivantes, de 1929 à 1931, elle étudie la peinture avec Kenneth Hayes Miller.

 

Kenneth Hayes Miller (1876-1952)
Shopper – 1930
Huile sur toile, 76,3 x 63,5 cm
Smithsonian American Art Museum, Washington D.C.
© Photo : droits réservés 


Miller enseignait les fondamentaux de la peinture à l'huile classique tout en encourageant ses élèves à trouver leur propre voie artistique. Louise multiplie les expériences, étudie parallèlement la danse moderne et le théâtre, à l'American Laboratory Theatre de New York, tout en pratiquant assidûment la peinture…

 

Louise Nevelson (1899-1988)
Nu féminin – vers 1929
Huile sur toile, 76,2 x 57 cm
Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 


… et le dessin auprès de Kimon Nicolaides (1891-1938), auteur d’une célèbre méthode d’apprentissage du dessin, The Natural Way to Draw.

 

Louise Nevelson (1899-1988)
Four Figures - 1930
Stylo et encre sur papier, 38,5 x 31 cm
Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 


Malgré l’opposition de son mari, Louise est déterminée à aller étudier à Munich, auprès du célèbre professeur d'avant-garde Hans Hofmann (1881-1966), qu'elle considère comme « la seule personne capable d'expliquer et d'enseigner le cubisme, Picasso et Matisse ». Sa mère accepte de financer son voyage et de garder Mike pendant le séjour européen de sa fille.

Le petit tableau que celle-ci peint à Rockland, juste avant son départ, avec ses étoiles colorées, exprime le bonheur de la voyageuse en partance pour l’Europe.

 

Maine Meadows, Old County Road - vers 1931
Huile sur panneau, 74,9 x 90 cm
Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 


Mais le séjour à Munich est de courte durée : Hofmann est décidé à émigrer aux Etats-Unis et ne pense qu’aux démarches qu’il doit effectuer. C’est finalement à New York, où il s’installe peu de temps après, que Louise suivra son enseignement.

De retour à New York en 1932, Louise se sépare de son mari (dont elle divorcera en 1941), loue un appartement sur York Avenue et se réinscrit à l'Art Students League. Elle s’inspire de son environnement pour peindre un des rares paysages peint que l'on connaisse de sa main.

 

York Avenue, New York City – 1934
Huile sur panneau, 90,8 x 60,6 cm
Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 


C’est en 1933 que Louise commence à étudier la sculpture avec Chaïm Gross, un sculpteur qui pratique essentiellement la taille directe sur bois.

 

Chaïm Gross (1902-1991)
Acrobatic Dancers – 1942
Bois d’ébène, 103,2 x 26,8 x 21,1 cm
Witney Museum of American Art, New York
© Photo : droits réservés 


Louise Nevelson (1899-1988)
Two Women (Deux femmes) – 1933
Fonte d’aluminium patinée sur socle en bois, 36,3 x 61 x 33 cm
Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 


Elle travaille aussi quelque temps pour Diego Rivera (1886-1957), probablement à la fresque qu’il réalise pour le Rockefeller Center, L’Homme à la croisée des chemins, une œuvre qui ne sera pas terminée car il y fait figurer Lénine, sans l’assentiment du commanditaire… A cette occasion, Louise rencontre Frida Kahlo, dont elle restera proche.

De 1935 à 1939, Louise enseigne pour la Works Progress Administration à l'Educational Alliance School of Art, participe à des expositions collectives et bénéficie de sa première exposition personnelle en 1941, à la Nierendorf Gallery de New York. L’exposition est saluée par la critique mais Louise ne vend rien… et les préjugés sont encore bien ancrés : « Nous avons appris que l'artiste est une femme juste à temps pour freiner notre enthousiasme. S'il en avait été autrement, nous aurions peut-être salué ces expressions sculpturales comme d'une grande figure de l'art moderne. » aurait dit un critique (source : Nelson Atkins Museum of Art)

Cependant, Karl Nierendorf est d’un constant soutien, y compris financièrement. Il lui organise six expositions personnelles en cinq ans, ce qui permet à Louise de produire plus régulièrement ses premières sculptures, mélange de post-cubisme et de constructivisme abstrait, tout en continuant à pratiquer la peinture.

 

John D.Schiff, photographe
Clown tight rope walker (Clown funambule) – 1942
Sculpture en bois et métal de Louise Nevelson
Tirage photographique 24 x 19 cm
Archives of American Art, Smithsonian Institution, Washington DC
© Photo : droits réservés 

 

Moving-Static-Moving Figure – vers 1945
Terre cuite peinte, laiton et acier, 59 x 32 x 21 cm
Witney Museum of American Art, New York
© Photo : droits réservés 


Night Form (Forme nocturne) – 1946/1951
Terre cuite peinte, 36,8 x 33 x 27,9 cm
Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 



Woman with a Red Scarf (Femme au foulard rouge) – vers 1947
Huile sur panneau, 121,2 x 59,3 cm
Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 


Mais Karl Nierendorf meurt subitement en 1947 et Louise reste désemparée.

 

Autoportrait – vers 1948
Huile sur panneau, 121,2 x 60,6 cm
Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 


Elle continue cependant à chercher, faisant appel à sa formation pour évoquer la danseuse moderne Martha Graham : « La danse, disait-elle, m'a fait comprendre que l'air est un solide que je traverse, et non un vide dans lequel j'existe. » 

 

Martha Graham – vers 1950
Bronze coulé patiné, 20,3 x 45,4 x 24,7 cm
Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 


Du printemps à l'hiver 1950-1951, Louise et sa sœur Anita se rendent au Mexique et au Guatemala pour visiter les ruines mayas. L’expérience de ce monde « de géométrie et de magie » marque profondément Louise. En rentrant, alors qu’elle ne connaît rien aux techniques de la gravure, elle s’initie, improvise et réalise une série de trente gravures évoquant son expérience de ces sites antiques.

 

The Ancient One (L’Ancien) – vers 1952/1954
Gravure, 52 x 40 cm
Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 



The Ancient Garden (Le Jardin antique) – 1953/1955
Eau-forte en couleur avec gravure, aquatinte
 et vernis mou sur papier vélin, 22,2 x 15,2 cm
National Gallery of Art, Washington DC
© Photo : droits réservés 


The Magic Garden (Le Jardin Magique) – 1953/1955
Eau-forte en couleur avec gravure, aquatinte
 et vernis mou sur papier vélin, 22,5 x 29,3 cm
National Gallery of Art, Washington DC
© Photo : droits réservés 


C’est au retour de ce voyage que Louise fait la connaissance de Colette Roberts, marchande d’art et directrice de la Grand Central Moderns Gallery. Elles deviennent amies et une sélection des estampes de Louise est présentée dans une exposition remarquée, intitulée « Ancient Games in Ancient Places », au Grand Central Moderns en 1956.

Dès cette époque, Louise commence à accumuler des boîtes, des casiers, des morceaux de bois, qu’elle déniche dans la rue. Elle pratiquera cette cueillette toute sa vie.  

 

La « collection de bois récupéré », photographiée par Louise en 1977
Archives d’art américain, Smithsonian Institution, Washington DC
© Photo : droits réservés 


 Elle les assemble, les peint en noir…

 

That Silent Place (Cet endroit silencieux) – 1954/1955
Bois peint, 52 x 146 x 19 cm
Museum of Modern Art, New York
© Photo : droits réservés 


 … et commence à réaliser des assemblages de plus en plus monumentaux. (Cliquer pour agrandir)

 

Sky Cathedral Presence (Présence de la cathédrale céleste) – 1951/1964
Bois peint, 371,8 x 609,6 x 72,7 cm
Walker Art CenterMinneapolis, Minnesota
© Photo : droits réservés 


Au cours des trois années qui suivent, Louise bénéficie d’une exposition personnelle au Grand Central Moderns. Son œuvre, Jardin Tropical II sera acquise par la France en 1968.

 

Tropical Garden II – 1957
Bois peint découpé, 229 x 291 x 31 cm
Musée national d’Art moderne, Paris
© Photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Jacqueline Hyde/Dis. GrandPalaisRmn

Au Grand Central Moderns, c’est l’exposition de 1958 qui lui apporte la célébrité. Elle invente, avec Moon Garden + One, le concept de la sculpture environnement, une installation avant la lettre, dans laquelle le visiteur peut entrer. « Un enclos », comme l’a dit un critique anonyme d'Arts Digest, dramatisé par l’absence de lumière naturelle et l’utilisation de projecteurs bleu foncé et blanc qui créent un jeu d’ombres que de nombreux critiques ont comparé à un paysage nocturne. 

 

Moon Garden + One – 1958
Installation de sculptures brun foncé dans une petite pièce blanche
Source : https://sites.macalester.edu/vrl/items/show/334
© Photo : droits réservés 


Intégrée à cette installation, son œuvre Sky Cathedral, saluée par la critique, est immédiatement acquise par le MoMA. C’est la consécration, longtemps attendue car Louise a déjà presque soixante ans.

 

Sky Cathedral (Cathédrale du Ciel) - 1958
Bois peint, 343,9 x 305,4 x 45,7 cm
Museum of Modern Art, New York
© Photo : droits réservés 

« Sky Cathedral est constituée de boîtes empilées contre un mur, chaque compartiment étant rempli de chutes de bois, dont des moulures, des chevilles, des fuseaux et des éléments de mobilier. Nevelson a ensuite recouvert l’ensemble de peinture noire, unifiant ainsi la composition tout en masquant les objets individuels. Elle a un jour expliqué sa fascination pour la couleur noire : "Quand je suis tombée amoureuse du noir, il contenait toutes les couleurs. Ce n'était pas une négation de la couleur. C'était une acceptation. Parce que le noir englobe toutes les couleurs. Le noir est la couleur la plus aristocratique de toutes… On peut rester silencieux, il contient tout."

Bien qu'essentiellement sculptrice, Nevelson partageait avec les peintres expressionnistes abstraits un intérêt pour la création d'œuvres de grande taille jouant avec la ligne, la planéité et l'échelle. Comme ses contemporains Mark Rothko et Barnett Newman, Nevelson s'intéressait au sublime et à la transcendance spirituelle. Sky Cathedral, comme nombre de ses œuvres murales, évoque un sanctuaire ou un lieu de dévotion. L’artiste a écrit que, dans son art, elle recherchait "les lieux intermédiaires, les aubes et les crépuscules, le monde objectif, les sphères célestes, les lieux entre la terre et la mer" ». (Notice du musée)

 

Dès l’année suivante, Louise remporte le prix de sculpture à l'exposition « Art USA 1959 » au New York Coliseum et partage la médaille Logan de l'Art Institute of Chicago avec le sculpteur new-yorkais Isamu Noguchi.

Elle est aussi invitée à participer au MoMA à l’exposition « Sixteen Americans » où elle est associée à la jeune génération des artistes qui comptent sur la scène internationale : Frank Stella (23 ans), Jasper Johns (29 ans), Robert Rauschenberg (34 ans) et Ellsworth Kelly (36 ans).

A cette occasion, Louise crée Dawn's Wedding Feast, une cérémonie de mariage, composée de quatre sculptures murales pour représenter les chapelles nuptiales, de pièces plus petites pour les objets du trousseau, de structures verticales pour les mariés et de structures suspendues pour les invités. L’installation a ensuite été démantelée. Il ne reste au MoMA que deux invités suspendus…

 

Dawn's Wedding Feast (Festin de Noces de l’Aube) – 1959
Colonnes suspendues en bois peint, 182 x 16,7 x 16,7 
et 182,8 x 25,7 x 25,7 cm
Museum of Modern Art, New York
© Photo : droits réservés 


Tandis qu’un des mariés s'est posé au National Museum of Women in the Arts…

 

Dawn's Wedding Feast (Festin de Noces de l’Aube) – 1959
Colonne blanche en bois peint, 280 x 39 x 31 cm
National Museum of Women in the Arts, Washington DC
© Photo : droits réservés 


… et qu’une des chapelles est conservée au Witney Museum !

 

Dawn's Wedding Chapel II – 1959
Bois peint, 294,3 x 212,1 x 26,7 cm
Witney Museum of American Art, New York
© Photo : droits réservés 

Bien sûr, les critiques se sont beaucoup questionnés sur l’origine de ces installations mais la plupart y ont vu une transposition poétique de la ville de New York. Pour le critique britannique John Russell, le lien était évident : il s’agissait de « la contribution d'une New-Yorkaise à l'art. Elle utilise les matériaux que cette grande ville fournit en abondance, grâce au démantèlement permanent de bâtiments non désirés. » Pour la Tate, les matériaux de Black Wall, une œuvre réalisée en 1959, fait écho au « contexte tumultueux du renouvellement urbain qui a finalement obligé Nevelson à quitter son quartier. »

En effet, Louise a emménagé en 1945 dans une nouvelle maison à l'est de Manhattan, dans le quartier de Kips Bay, entre Murray Hill et l'East River. Elle y a vécu jusqu'à fin 1958. Assez rapidement, la maison, achetée avec son frère grâce à l’héritage de leurs parents, est devenue un lieu de rencontre et de discussions entre artistes, connues sous le nom de Four O'Clock Forums. Mais le quartier était un peu délabré et le Comité new-yorkais pour l'élimination des bidonvilles décide de faire « un peu de ménage ».

Même si Louise, propriétaire, n’a pas été immédiatement concernée, elle a vu son quartier se déliter progressivement alors que, pour elle, il était composé de « communautés vivantes dans lesquelles chaque niche vit et renferme sa propre vie et chaque cellule renforce et soutient ses voisines ». C’est aussi comme cela qu’elle décrit ses « murs », composés de boîtes qu’on peut changer de place et recomposer à l’infini. La structure urbaine, avec ses parcelles imbriquées, lui sert de métaphore. Ainsi, Black Wall, composé de vieux pieds de chaises cassées, de fragments de rampe d'escalier, de battes de baseball, de caisses d'oranges et autres vestiges résultant des fouilles nocturnes de Louise, suggère par sa couleur noire et mate, l’image du bois brûlé qui constitue l’une des motivations de la rénovation urbaine d’immeubles devenus des « pièges à incendie ».

Son Black Wall de 1959 sera acquis en 1962 par la Tate.

 

Black Wall (Mur noir) – 1959
Bois peint, 264,2 x 216,5 x 64,8 cm
Tate Britain, Londres
© Photo : droits réservés 


La vue rapprochée de l’un de ces murs confirme cette impression d’accumulation d’objets disparates, issus du quotidien, témoignages des transformations urbaines opérées au nom du modernisme.

 

Nightscape (Paysage nocturne) détail – 1957/1964
Assemblage de bois peint et formica, 258,5 x 347 x 42 cm
National Galleries of Scotland : Modern, Edimbourg
© Photo : droits réservés 


Louise commence à être connue en Europe mais je n’ai trouvé qu’un seul article français évoquant son œuvre à destination du grand public. En l’espèce, d’une partie relativement aisée du public puisqu’il s’agit d’Air France Revue … Dans un article intitulé « L’art magique », une de ses œuvres blanches est associée à une œuvre de Miro : « Ce "montage" de Miro et cet ensemble sculpté de Louise Nevelson : deux aspects du fantastique dans l'art d'aujourd'hui. On pourrait multiplier les exemples. Car si l'homme moderne a perdu les secrets de la magie, il est sujet au rêve, au cauchemar, à l'hallucination. L'artiste garde le souvenir de ses origines et y puise les images déposées par l'humanité primitive. »

 

Publié in Air France Revue, 1er novembre 1962, p.41
 Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France


La réputation de Louise atteint son apogée en 1962 lorsqu'elle représente les États-Unis à la Biennale de Venise. 

Mais ensuite, l’image de celle qui est devenue « la grande dame de la sculpture contemporaine » se brouille un peu, en raison de ses déclarations curieusement mystiques et de ses tenues théâtrales… Elle ne va pas bien, se met à boire beaucoup et à jouer aux cartes. Après une tentative de contrat avec une nouvelle galerie, sans vrai résultat, elle se retrouve en panne de création jusqu’à sa rencontre avec un nouveau marchand, Arne Glimcher, en 1963. Elle se reprend et recommence à innover. Elle expérimente de nouveaux matériaux comme l'aluminium, le plastique translucide et l'acier Cor-Ten, ainsi que le bronze et la peinture dorée (je suis un peu moins convaincue…) 

 

An American Tribute to the British People – 1964
(Hommage américain au peuple britannique)
Bois peint, 311 x 442,4 x 92 cm
Tate Britain, Londres
© Photo : droits réservés 


Et, en 1964, voilà notre Louise à la Documenta de Cassel mais je n'ai pas trouvé ce qu'elle y a montré… Quoi qu'il en soit, ses œuvres se diversifient.


Atmosphere and Environment – 1966
Acrylique, 192,9 x 96,5 x 42,4 cm
Witney Museum of American Art, New York
© Photo : droits réservés 


Atmosphere and Environment II – 1966
Bronze et bois laqué, 28 x 50 x 19 cm
Collection particulière (vente 2023)




Night Leaf (Feuille de nuit) – 1969
Plexiglas, 32,3 x 32,3 x 5,6 cm
Smithsonian American Art Museum, Washington DC
© Photo : droits réservés 

« Night Leaf présente un agencement de boîtes noires opaques contenant des variations d'une simple forme de feuille. Nevelson souligne le contraste entre nature et technologie en utilisant des techniques industrielles pour illustrer une forme organique. Le plastique rigide transforme la feuille en une forme géométrique et uniforme, soulignée par l'utilisation du noir. » (Notice du musée)

Et la structure de ses œuvres se modifie également. Ainsi, les boîtes de Colonne sans fin sont composées selon un motif rythmique de formes fabriquées à la machine.

 

The Endless Column (Colonne sans fin) – vers 1969
Bois peint, pièce centrale : 325,4 x 150 x 28,4 cm
Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 


A partir des années 1970, elle commence à créer de nombreuses sculptures en acier destinées à l’espace urbain.

 

 

Photo : Impact Photos INC.
Louise Nevelson devant son œuvre installée à Pocanto Hills - 1969
© Photo : droits réservés 


Atmosphere and Environment XII – 1970
Acier Cor-Ten sur base granit, 548 x 304 x 152 cm
Université de Pennsylvanie
© Photo : droits réservés 


Dawn Tree – 1973
Minneapolis Sculpture Garden, Minneapolis, Minnesota
© Photo : droits réservés 

 

En 1977, Louise crée la chapelle du Bon Pasteur, une œuvre commandée pour une nouvelle église, Saint Peter’s Church, sur Lexington Avenue à New York.

 

Chapelle du Bon Pasteur – 1977
Saint Peter’s Church, 601 Lexington Avenue, Midtown Manhattan
© Photo : droits réservés 


… et l’année suivante, Porte du Ciel, qui lui aurait été inspirée par la Skyline de New York, est inaugurée au World Trade Center.


Sky Gate – 1978
Bois peint, 520 x 98 x 30 cm
Œuvre installée au World Trade Center, inaugurée en 1978
et détruite lors des attentats du 11 septembre 2001
© Photo : droits réservés 


Les commandes se multiplient :

 

City on the High Mountain – 1983
Storm King Art Center, New York
© Photo : droits réservés 

 

Louise expérimente aussi la conception scénique pour la production d'Orfeo et Euridice de Gluck au St. Louis Opera Theatre. Elle crée ces deux trônes, particulièrement élégants :

 

Orfeo-Throne I – 1984
Feuille d’or sur bois, 160 x 91,4 x 43 cm
 Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 



Orfeo-Throne II – 1984
Feuille d’or sur bois, 93,3 x 88,9 x 46,9 cm
Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 


Le Palais de Mme N. est la plus grande œuvre de Louise. Les commentaires qu’elle a fait à ce propos montrent que c’est en pensant à sa mère qu’elle l’a construite, comme un havre où sa famille disparue pourrait se retrouver : la réalisation d’un royaume spirituel dont elle rêvait depuis son enfance.

 

Mrs N.’s Palace – 1964 /1977
Bois peint et miroirs, 355,6 × 607,1 × 457,2 cm
Museum of Modern Art, New York
© Photo : droits réservés 


« Son œuvre la plus importante, réalisée pendant treize ans, a été dévoilée le jour de son quatre-vingtième anniversaire. La charismatique Nevelson est la « Mme N » du titre, la souveraine de cette structure massive, à la fois environnement et monument, évoquant autant les monuments commémoratifs et les tombeaux que les espaces intimes et privés. (…) peut-être une métaphore de la vie » (Notice du musée)

 

Mrs N.’s Palace (détail d'une vue intérieure)
© Photo : droits réservés 



Mrs N.’s Palace (détail d'une vue intérieure)
© Photo : droits réservés 


« Je regarde en arrière sur 80 ans et que je sens qu'il y a eu une unité malgré tout. Et quelle était l'unité ? C'était l'art. Tout ce que j'ai touché dans l'art m'a donné confiance en moi. Il n'y a pas eu un jour dans ma vie où j'ai douté d'être une artiste du genre de celle que je suis. Les gens me disent, oh mon Dieu, tu t'améliores, tu as plus d'énergie et tu produis davantage. Ce n'est pas vrai. Au début, je devais tout faire – trouver le bois, transporter le matériel, le fabriquer – et aujourd'hui, j'ai de l'aide. On dirait que j'en fais plus, mais c'est à peu près la même chose. Je pense que ce que j'avais à dire sur terre, en tant que personne, je l'ai dit et bien dit. J'ai eu beaucoup de vies et je me suis approchée le plus possible de ce qu'est la vie d'un être humain. » (V. Goldenberg, « Louise Nevelson », Saturday Review, Août 1982, p.37)


Les toutes dernières œuvres de Louise - elle a quatre vingt six ans - rappellent curieusement ses racines russes et les sculptures des constructivistes des années 20 (et aussi les collages cubistes qui les ont précédés).

 

Volcanic Magic XXIII - 1985
Bois, carton et métal, 109,5 x 88,9 x 16,8 cm
Farnsworth Museum, Rockland, Maine
© Photo : droits réservés 


 

Louise Nevelson est morte à New York, le 17 avril 1988.

Cette artiste, dont chacun s’accorde à reconnaître le rôle central qu’elle a joué dans la l’histoire de la sculpture moderne aux Etats Unis, continue à être célébrée dans son pays d’adoption. Des expositions lui sont régulièrement consacrées (la dernière a eu lieu en janvier-mars 2025 à New York).

 

Vue de l’exposition « Shadow Dance », janvier-mars 2025
Pace Gallery, New York
© Photo : droits réservés 


En 2000, elle a été honorée par l’émission d’une série de timbres reproduisant certaines de ses sculptures les plus illustres.

 

33c. Nevelson Dawn’s Wedding Chapel I
Timbre émis en 2000
National Postal Museum, Washington DC
© Photo : droits réservés 


En France, elle n’est représentée dans les collections nationales qu’au Musée national d’Art Moderne et aux Abattoirs de Toulouse. Elle a été exposée par le Centre national d'art contemporain en 1974 et a fait l’objet d’expositions régulières à la galerie Jeanne Bucher Jaeger, à Paris.

Et ses œuvres sont conservées dans tous les grands musées du monde. 


De A à Z + - 1970
Lithographie en couleur, 65,5 x 50,9 cm
National Gallery of Victoria, Melbourne
© Photo : droits réservés 


 

 

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