dimanche 16 mars 2025

Marie Vorobieff-Stebelska dite Marevna (1892-1984)


Autoportrait – 1965
Huile sur panneau, 73,6 x 54,6 cm
Collection particulière


Marie Vorobieff-Stebelska est née le 14 février 1892 à Tcheboksary, capitale de la Tchouvachie, à environ 600 km à l’est de Moscou.

Elle était la fille naturelle du vicomte Bronislav Stebelski, un aristocrate polonais qui l’a élevée dans ses premières années.  Sa mère, Maria Rosanovitch, était actrice et s’est mariée quelques années plus tard avec Alexandre Vorobieff, ce qui explique le double nom de Marie. A propos de nom, on se perd un peu dans les orthographes diverses… Vorobiev, Vorobieva, Vorobieff, Worobiew, Vorobëv, Vorobyev et j’en passe ; les joies de la translittération.

Marie suit ses premières études à Tbilissi, puis, en 1910, à l’académie des Beaux-Arts Stroganov de Moscou. En 1911, elle quitte la Russie pour se rendre à Capri où elle rencontre Maxime Gorki qui la surnomme « petite princesse de la mer » : Marevna. C’est le nom qu’elle adoptera un peu plus tard en tant qu’artiste.

Elle arrive à Paris en 1912 et s’installe à La Ruche, foyer d’artistes du monde entier mais, plus spécifiquement, de Russes, comme les peintres Chaïm Soutine et Marc Chagall et le sculpteur Ossip Zadkine. Elle s’inscrit à l’académie Colarossi et fréquente l’académie russe fondée par Marie Vassilieff (voir sa notice) ; elle y côtoie notamment Chana Orloff et Jacques Lipchitz et, pour la première fois, a accès à un atelier où elle peut travailler le nu.

Sa première apparition sur la scène artistique daterait de 1912, au Salon des Tuileries. 

Au Salon des Indépendants de 1913, où elle s’inscrit sous le nom de Mlle Stebelsky-Vorobieff, elle déclare habiter 7 rue Méchain (une adresse connue aujourd’hui pour être celle d’un immeuble construit par Mallet-Stevens en 1929) et présente trois dessins dont un pastel.

Au café La Rotonde, elle rencontre les peintres de Montparnasse, Modigliani qui est un ami de Soutine, Moïse Kisling, Léger, etc., sans oublier Matisse et Picasso. Et elle se lie aussi avec Apollinaire et Max Jacob et l’écrivain russe Ilya Ehrenbourg (1891-1967) devient son ami.

 

Marc Chagall et son chat – sans date
Mine de plomb sur papier, 29,2 x 20,5 cm
Galerie et musée Ben Uri, Londres

En 1914, le décès de son père la laisse sans soutien financier.

Elle a déjà commencé à aborder le divisionnisme, de façon assez libre, et commence à intéresser le collectionneur Léon Zamaron, un commissaire de police philanthrope et passionné d’art moderne qui soutient déjà la plupart de ses amis. Rapidement aussi, le marchand de tableaux Léonce Rosenberg commence à vendre ses œuvres.


Petite fille en mauve – 1914
Huile sur panneau, 45,7 x 38 cm
Collection particulière


C’est l’époque où une amie russe, Angelina Beloff, lui présente son mari, Diego Rivera, peintre mexicain qui devient, pendant la Première Guerre mondiale, l'un des membres d'un groupe de cubistes comprenant Albert Gleizes, Juan Gris et Jean Metzinger. C’est aussi un coureur de jupons invétéré qui la séduit alors que sa femme est enceinte ; il fera d’elle ce portrait cubiste….

 

Diego Rivera (1886-1957)
Portrait de Marevna – vers 1915
Huile sur toile, 145,7 x 112,7 cm
Art Institute, Chicago

… et Marevna ce petit dessin qui représente, de gauche à droite, Rivera, Modigliani et Ilya Ehrenbourg :

Dans l’atelier de Rivera – 1916
Support et technique non précisés
Collection particulière


Au contact de Rivera et soutenue par Picasso, qui l’apprécie beaucoup, Marevna se lance dans le cubisme, ce qui fait d’elle, avec María Blanchard (voir sa notice), une des deux premières femmes à avoir adopté cette expression.

 

Caucasiens – copie de l’auteur d’un original peint en 1915
Huile sur panneau, 78,7 x 60,9 cm
Collection particulière

Les premiers exemples qui nous sont parvenus datent de la période de la guerre, dont ce couple formé par un militaire unijambiste et sans mains et une jeune femme en robe d’été et bas résille portant un masque à gaz…

 

La Mort et la Femme – 1917
Huile sur bois, 107 x 134 cm
Musée du Petit Palais, Genève

… et aussi cette toile non datée, où l’on voit une jeune femme en combinaison de dentelle noire, confortablement assise près d’une petite nature morte, posée sur une table. C'est peut-être un autoportrait.

 

Intimité – sans date
Huile sur contreplaqué, 46 x 38 cm
Art Gallery of New South Wales – Sydney



Guitare – années 1910
Huile sur toile, 90,8 x 49,5 cm
Collection particulière (vente 2019)


Ce sont probablement des œuvres cubistes qui sont présentées dans la première exposition où elle est citée par L’Intransigeant, en compagnie d’Othon Friesz, Henry Hayden, André Lhote et Gino Severini à la galerie Lyre et Palette, rue Huygens. (27 janvier 1917, p.3)

 

Etude de fleurs en vert et rouge – 1917
Huile sur toile, 60,9 x 50,8 cm
Collection particulière


Subrepticement, le cubisme s’insinue aussi dans ses natures mortes pointillistes :

 

Nature morte aux citrons – 1918
Aquarelle sur papier, 38 x 28 cm
Collection particulière

Son ami Modigliani la portraiture également. Je précise au passage que, lorsque ce portrait a été exposé à la Galerie Pouchkine, son authenticité a été mise en doute puis, semble-t-il, confirmée ensuite par l’Institut Modigliani de Rome.

 

Amedeo Modigliani (1884-1920)
Portrait of Marevna – 1919
Huile sur toile
Collection particulière

L’année de ce portrait, Marevna met au monde une petite fille, Marika, et participe au Salon d’Automne. Rivera rentre au Mexique deux ans plus tard, la laissant seule pour élever sa fille. Pour vivre, Marevna travaille pour la confection. C’est le premier véritable article que j’ai trouvé sur elle :

 

Publié in L’Art vivant du 1er juillet 1925, p.35
Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France

« Les châles de Mlle Marevna ont quelque chose de sauvage, de primitif et de mode. Sur un fond de cordelettes de laine qui forme trame, elle tisse à l’aiguille un quadrillage de couleurs vives sur lequel vient s’abattre une jonchée de fleurs, le châle ainsi conçu est comme une cage légère dans laquelle s’emprisonne le geste. Les cordelettes de laine évoquent une vie primitive et proche de la nature alors que la machine n’était pas venue suppléer à la main de l’homme et que la fileuse et le tisserand étaient les maîtres du textile. En revenant ainsi à ses sources, l’industrie humaine retrouve de la fraîcheur et de la jeunesse, il y a dans les œuvres de Mlle Marevna quelque chose de printanier, de spontané, de libre et de franc qui enchante et aussi quelque chose de la vigueur d’un peuple jeune et peu discipliné devant qui s’étendent de longs siècles encore d’essais et d’aventureuses expériences. » (Edmée, « Châles et colliers », L’Art vivant, 1er juillet 1925, p.37)

Elle continue cependant à exposer et à vendre des toiles, puisque Le Petit Journal annonce : « On a vendu hier, parmi des toiles de Foujita, de Lenoir, de Marewna [sic], une singulière peinture de Léger, intitulée d’ailleurs "Eléments mécaniques" qui fut adjugée 5.100 francs ! » (7 février 1928, p.2)


Fernand Léger (1881-1955)
Eléments mécaniques – 1924
Huile sur toile, 146 x 97 cm
Musée national d’Art Moderne, Paris
© Photo : Jacques Faujour - Centre Pompidou, MNAM-CCI

Léon Zamaron continue à la soutenir : le catalogue du Salon des Tuileries, auquel elle participe en 1929, indique que les deux toiles qu’elle y montre lui appartiennent. Maevna habite alors 20 rue Decrès (14e) et expose deux portraits. Voici celui d’un certain Gilbert Mair, peint la même année.

 

Portrait de Gilbert Mair – 1929
Huile sur toile, 33 x 25,4 cm
Collection particulière


Le critique Gustave Kahn lui apporte un soutien bienveillant, tout en écorchant un peu son nom au passage : « Mme Marie Marevura pratique le pointillisme, et en ce moment-ci, parmi la jeunesse, cela peut passer pour une originalité, mais il est très bien de choisir, hors la mode, de beaux exemples et Mme Marevura se sert du procédé avec la plus grande habileté. Technique à part, c’est une artiste de sentiment profond et les têtes de jeune fille qu’elle a peintes prouvent, chez leur auteur, la sensibilité la plus délicate. » (« Le Salon des Tuileries », Mercure de France, 15 juin 1929, p.182)


Tête de jeune fille – années 1920
Huile sur carton, 40,5 x 32,5
Collection particulière (vente 2015)


Tête de fillette – 1929
Aquarelle, 33,7 x 25 cm
Collection particulière (vente 2023)

En août 1929, deux journaux américains signalent sa présence dans une exposition de groupe organisée en Dordogne, au château de Neuvic-sur-l’Isle, alors propriété d’un Mr. Chadbourn. (The Chicago tribune et The New York Herald du 3 août 1929)

Ce portrait est présenté par un site de vente comme son autoportrait. C’est un peu difficile à assurer car je n’ai trouvé aucun portrait photographique de Marevna datant de cette période mais on sait qu’elle était blonde et avait un nez assez fort. Ce n’est donc pas exclu.

 

Autoportrait présumé - 1929
Huile sur toile, 27 x 22 cm
Collection particulière

Gustave Kahn est aussi le critique d’art du journal Le Quotidien qui a ouvert une galerie avenue Kleber. C’est probablement lui qui l’invite à participer à des expositions collectives dont la presse rend compte brièvement. Le Quotidien lui-même annonce que l’Etat a acquis une nature morte de « Mme Marewna » [sic] à cette exposition. (22 mars 1930), tandis que La Liberté signale « les figures délicates de Mme Marewna [re-sic] » (26 novembre 1930, p.2). Le Journal officiel nous apprend que l’Etat lui a aussi acheté un dessin la même année.

J’ai cherché ces œuvres dans les collections nationales : la Nature morte n’est plus localisée et le dessin a été déposé au gouvernement de Nouvelle Calédonie. Mais personne n’a pensé à les photographier…

En 1931, signe des difficultés financières auxquelles elle est confrontée, la ville de Paris lui attribue, comme à une quinzaine d’autres artistes peintres, une prime d’encouragement. (BMOVP, 6 juillet 1931, p.3112)

Puis la presse perd sa trace jusqu’en janvier 1936, à l’occasion d’une exposition à la galerie Zborowski, rue de Seine à Paris. Cette fois, la critique a appris à orthographier son nom et s’étonne de sa faible notoriété.

« (…) signalons l’intéressante exposition de Marevna, dont le pointillisme s’apparente à celui de Seurat plutôt qu’à celui du Signac des dernières années. Marevna réussit à produire, à l’aide de tons purs exclusivement, de délicats effets de gris. L’accent de la plupart de ses ouvrages est robuste et monumental. Cette artiste a trop peu exposé pour que l’on cite couramment son nom parmi ceux des meilleurs représentants du néo-impressionnisme — ce que, pourtant, elle mérite. »  (Louis Lambert, « Les expositions », L'Intransigeant, 13 janvier 1936, p.4)

 

Jeunes filles nues – 1932
Huile sur toile, 99 x 81,2 cm
Collection particulière

« L'exposition Marevna (…) montre l'œuvre d'un peintre dont les nus et les portraits rejoignent les classiques à travers la mémoire de Seurat. On trouve dans les portraits surtout une vérité exemplaire où un pointillisme des plus adroits donne à la toile des tons de fresque. On y devine sous un dessin solidement établi et des couleurs des plus tentantes, la ressemblance intelligente du modèle. Voilà de la peinture bien comprise, joliment ordonnée et d'une clarté toute moderne. Sans doute cet art n'innove-t-il rien, mais il dit avec beaucoup de goût et de justesse l'esprit d'une Russe qui a subi chez nous avec un louable profit l'influence du climat. On peut s'étonner que l'œuvre de Mme Marevna, directe, publique, n'ait pas reçu plus souvent des coups de projecteurs. (G. J. Gros,  « Groupes de peintres et salons de tendance », Paris Midi, 10 janvier 1936, p.2)

 

Fille à la frange – 1934
Huile sur panneau, 45,7 x 38 cm
Collection particulière

« Marevna (…), n'est point de ces artistes qui fatiguent les journaux de leurs prouesses. Elle travaille en silence, et son œuvre porte la trace de cette concentration. Il me semble que les portraits, les toiles d'intimité correspondent mieux à sa sensibilité que les grands nus où j'aimerais un accent plus sensuel. Elle use avec beaucoup de sûreté d'un métier difficile : une sorte de pointillé qui vibre mieux dans les petites toiles que dans les grandes. Si je me permets de formuler un désir, c'est qu'elle sorte un peu de sa tour d'ivoire, qu'elle s'extériorise plus qu'elle n'a fait jusqu'ici. (Le baron Thunder-Then-Tronck, Candide, 9 janvier 1936, p.6)

 

Marika aux bas blancs – 1935
Huile sur toile, 33 x 25,4 cm
Collection particulière

« A la galerie Zborowski, on trouve les fines et sensibles toiles de Marevna qui, se servant de la méthode pointilliste, obtient des effets exquis, aussi bien quand elle choisit pour motif de souples corps de femmes que lorsqu’elle rend un morceau de vie quiète ou des fleurs. Marevna mérite l’attention des collectionneurs les plus prudents et le mieux renseignés. » (Vanderpyl, Le Petit Parisien, 9 janvier 1936, p.9)

Bien que le plus souvent sous-jacent, le cubisme est toujours là…

 

Les Fruits du Midi – Cannes 1936
Crayon et aquarelle sur papier marouflé sur toile, 70,1 x 54,3 cm
Collection particulière (vente 2020)


A cette époque, Marevna et sa fille habitent à Montmartre. Marika suit des cours de danse au studio Wacker, rue de Douai, créé par la danseuse russe Olga Preobrajenska.

 

Marika au turban – 1937
Huile sur toile, 73,6 x 60,9 cm
Collection particulière

Marika devient danseuse et épouse en 1938 le peintre Jean-Paul Brusset, à Cannes où il travaille comme directeur artistique du Palm Beach. Marevna les rejoint.

 

Cagnes-sur-Mer – 1938
Huile sur toile, 60,9 x 44,4 cm
Collection particulière

C’est elle qui prendra soin de leur fils, Jean-Diego, né en 1941, lorsque Marika et son mari rejoignent les Forces françaises libres en Afrique du Nord. Marevna s’installe à Saint Paul de Vence, où elle loue un atelier.


Etude de fleurs avec une vue de Saint Paul – 1942
Huile sur toile, 90,1 x 63,5 cm
Collection particulière



Les Grands Arbres – 1942
Huile sur panneau, 56 x 39 cm
Collection particulière (vente 2025)


En 1943, Marevna expose à la galerie Roux, avenue de l’Opéra, mais l’exposition ne paraît pas avoir attiré l’attention de la critique.

 

Jeannot au raisin – 1944
Huile sur toile, 53 x 48 cm
Collection particulière


En fait, elle ne cesse jamais d’être cubiste et ce style se manifeste à intervalles réguliers :


La marchande de poisson – 1940
Huile sur toile, 73,6 x 59,6 cm
Collection particulière


Femme à la poule – 1943
Huile sur toile, 73,6 x 54,6 cm
Collection particulière


Jeannot à table – 1945
Huile sur panneau, 53,3 x 47 cm
Collection particulière


Nature morte aux fruits – 1945
Huile sur panneau, 27,9 x 38 cm
Collection particulière

En 1945, Marevna expose à Alger et à Casablanca, en compagnie de Marie Laurencin, Van Dongen et Suzanne Valadon : « (…) les œuvres de Marevna. Attachantes par la facture parfaite du dessin, la pureté des lignes, par le caractère bien personnel de l’auteur, agréables à l’œil, elles sont susceptibles de plaire. Elles ont la netteté d’un canevas parfaitement exécuté et certaines pourraient orner des vitraux de cathédrales. » (Le Petit Marocain, 31 janvier 1945, p.2)

 

Château Grimaldi – 1946
Huile sur toile, 54,6 x 39,3 cm
Collection particulière



Nature morte aux sardines – 1946
Huile sur toile, 54,6 x 48 cm
Collection particulière


Pleureuses – 1947
Huile sur toile, 91,4 x 73,6 cm
Collection particulière


Paysage vert – 1948
Huile sur panneau, 97,7 x 152,4 cm
Collection particulière


Nature morte au coq mort – 1949
Huile sur papier, 50,8 x 68,5 cm
Collection particulière


Marika divorce à la fin de la guerre et rencontre Rodney Phillips, l'éditeur anglais de Polemic, « magazine de philosophie, de psychologie et d'esthétique ». Ils se marient en 1949 et s’installent dans le manoir de Phillips, Athelhampton House, près de Dorchester, où naît le second fils de Marika, nommé Elie.


Rodney Phillips – 1953
Aquarelle, 76,2 x 57 cm
Collection particulière


Marevna les accompagne. Elle installe son atelier dans une aile de la maison qu’elle trouve « pleine de bons esprits ». Ce sont eux qui apparaissent dans l’allée et sur le toit de cette petite gouache :

 

Athelhampton House – vers 1950
Gouache, aquarelle, encre noire et crayon sur carton, 11 x 16,5 cm
Collection particulière



Elie avec un accordéon-jouet – 1951
Huile sur panneau, 73,6 x 59,6 cm
Collection particulière


En 1951, elle expose à la Lefevre Gallery de Londres et Picasso lui offre un petit portrait d’elle…

 

Publié in : France Illustrations, 1er août 1953, p.104
Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France


… il servira d’illustration de la couverture du premier livre de souvenir de Marevna, « Life in two worlds », qui sera publié en 1963 par Abelard Schuman, à la fois en Angleterre et aux Etats-Unis.

 

Un ami photographe, Angus McBean, s’installe quelques temps à Athelhampton House où il prend cette photo (on voit que Marevna était aussi sculptrice mais ce n’était pas son moyen d’expression essentiel).

 

Angus McBean (1904-1990), photographe
Marevna et Marika à Athelhampton House
Collection particulière


Et Marevna, en retour, le portraiture dans une belle veste chamarrée (hélas la photo n’est pas très bonne).

 

Portrait d’Angus McBean – 1953
Aquarelle, 77,5 x 56 cm
Collection particulière

En 1953, Marevna expose à nouveau à Paris, à la galerie Claude, suscitant de nombreux commentaires dans la presse.

« Marevna n’est pas une débutante. Le catalogue nous apprend que ses contemporains s’appellent Chagall et Juan Gris ; Matisse la félicite, Picasso fait son portrait et elle le reproduit. Voilà des renseignements qui permettent de situer le personnage. Au reste, il semble coupé en deux. D’une part, Marevna peint au petit point, dans un style qui descend tout droit de celui de Seurat, mais alors que le maître, dans ses plus austères compositions, retrouve la grandeur d’un peintre comme Piero délia Francesca, Marevna grossit le système et l’actualise. Sa deuxième manière me semble préférable. Elle se réfère à Picasso, bien sûr, mais très sagement. Ses figures hiératiques ne sont tout de même pas sans vie. La sobriété du style ne les a point tuées. Travail juste et qui classicise (pour ne point dire académise) l’aventure moderne. » (Pierre Descargues, « Les portraits de Marevna », Les Lettres françaises, 2 juillet 1953, p.8)

 


Mère et enfant – 1953
Huile sur panneau, 88,9 x 125,7 cm
Collection particulière

« Deux œuvres chez cette femme peintre : l’une pointilliste dans la plus pure tradition de Seurat ; l’autre, plus intéressante parce que plus personnelle, faite de constructions sur différents plans. Le visage humain est surtout ce qui retient l’attention de Marevna ; elle sait en extraire le contenu expressif, mais il n’empêche qu’elle reste pourtant extérieure à l’intensité intérieure des êtres. » (Castel, « Tour d’expositions », Combat, 29 juin 1953, p.7)

 

Jeannot déguisé – 1953
Huile sur toile, 91,4 x 59,6 cm
Collection particulière

« Marevna, aux premières peintures de qui se sont intéressés Matisse et Picasso, n’avait pas exposé depuis une vingtaine d’années ; elle vit en Angleterre ; son retour, à la Galerie Claudel, révèle une pointilliste dont le style, très nuancé, contraste avec celui qu’elle anime d’une singulière énergie, en des tableaux où le plan et le volume font des angles aigus et où l’air lui-même semble taillé à facettes ; ce système permet quand même à Marevna de manifester un précieux talent de coloriste. » (Le Flâneur des deux rives, « D’une rive à l’autre », Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques, 2 juillet 1953, p.4)

 

Le jardin de topiaires d’Athelhampton –1955
Acrylique sur papier, 54,6 x 64,7 cm
Collection particulière



Le corbeau mort – 1955
Huile sur papier, 50,8 x 55,8 cm
Collection particulière

 

Puis Marevna commence une série de portraits de ses amis de Montparnasse, un travail probablement préparatoire des grandes compositions qui suivront. De petits portraits, tous de même taille. Seul Picasso, le maître, a droit à un format plus important.

 

Pablo Picasso – 1956
Huile sur toile, 95,2 x 80 cm
Collection particulière


Diego Rivera - 1962
Huile sur toile, 66 x 50,8 cm
Collection particulière


Puis viennent les deux inséparables, Soutine et Modigliani :

A gauche : Amedeo Modigliani, à droite : Chaïm Soutine - 1956
Huiles sur toile, 66 x 50,8 cm
Collection particulière                               Musée du Petit Palais, Genève


Les amis russes de La Ruche, Chagall et Zadkine :

A gauche : Marc Chagall, à droite : Ossip Zadkine – 1956
Huiles sur toile, 66 x 50,8 cm
Collection particulière

 

Les aînés, Braque et Léger :

A gauche : Georges Braque, à droite : Fernand Léger – 1956
Huiles sur toile, 66 x 50,8 cm
Collection particulière


Et le bienveillant, Matisse.

Henri Matisse - 1956
Huile sur toile, 66 x 50,8 cm
Collection particulière


L’année suivante, Marika se sépare de son mari. Elle s’établit dans la banlieue proche de Londres, à Ealing, avec Marevna et ses deux fils.

 

Marika au turban et à la blouse rouge – 1959
Huile sur toile, 66 x 50,8 cm
Collection particulière


Et Marevna continue à peintre, souvent des natures mortes.

 

Nature morte à la cruche blanche – 1959
Huile sur panneau, 101,6 x 60,9 cm
Collection particulière


Nature morte à la guitare – 1959
Huile sur panneau, 101,6 x 60,9 cm
Collection particulière


C’est à Londres que Marevna revoit son vieil ami, Ilya Ehrenburg. Son portrait est celui d’un homme âgé.


Ilya Ehrenburg - 1958
Huile sur panneau, 91,4 x 76,2 cm
Collection particulière


Léonard Karstein, photographe
Marevna devant son portrait d’Ilya Ehrenbourg – 1958
Tirage à la gélatine argentique, 22 x 28 cm
Collection particulière (vente 2018)


En 1961 (et non pas 62, comme on le lit partout, alors que le tableau est clairement daté…), Marevna peint son premier grand portrait de groupe cubiste, Hommage aux amis de Montparnasse. On y voit Modigliani tenant son verre, au centre, encadré de Marevna et Marika, à gauche, et de Moïse Kisling et son chat, à droite…

 

Hommage aux amis de Montparnasse – 1961
Huile sur toile, 160 x 304,8 cm
Musée du Petit Palais, Genève

… au second plan, derrière Marevna, Diego Rivera, Ilya Ehrenburg et Chaim Soutine, puis l’épouse de Modigliani, Jeanne Hébuterne, Max Jacob et le marchand d’art, Léopold Zborowski. Entre les deux dernier apparaît un visage de femme qui serait une modèle dont je n’ai pas trouvé le nom. Il existe une deuxième version de cet Hommage, peint en 1966.

Il y aura d’autres portraits de groupe, dont cet Hommage à Diaghilev, l’année suivante, où Picasso se tient à droite devant ses Deux femmes courant sur la plage des années 20. Au centre, Diaghilev la tête posée sur la main, Vaslav Nijinski assis juste derrière lui et probablement la danseuse Anna Pavlova, sur la gauche (je ne reconnais pas les autres). 


Hommage à Diaghilev – 1962
Huile sur toile, 209,5 x 199 cm
Collection du musée du Petit Palais, Genève
Source : Valérie Bougault, Paris-Montparnasse à l’heure de l’art moderne, p.99

 

Et cet autre groupe qui figure dans le catalogue de l'exposition du musée Bourdelle de 1985 mais dont j'ai oublié de noter le titre et la description (!!!)


Portraits de groupe : Rivera, Ehrenburg, Picasso, Chagall et Léger

Lors d’un voyage à Stockholm, Marevna peint plusieurs vues du port :

 

Port, partie I, les grues - 1962
Huile sur panneau, 76,2 x 109,2 cm
Collection particulière


Port, partie II, les remorqueurs - 1962
Huile sur panneau, 76,2 x 109,2 cm
Collection particulière


Port, partie III, les paquebots – 1962
Huile sur panneau, 76,2 x 109,2 cm
Collection particulière


Elle a soixante-dix ans mais sa production reste soutenue et les thèmes plutôt diversifiés.

 

Enfant sur une chaise verte – 1963
Huile sur toile, 91,4 x 63, 5 cm
Collection particulière


Huile sur panneau, 99 x 60,9 cm
Collection particulière



Bataille de chiens – 1965
Huile sur panneau, 99 x 140,9 cm
Collection particulière


Et elle profite de ses voyages pour saisir de nouveaux paysages, comme celui-ci, peint en Hollande. 

 

Paysage dans l’orage – 1966
Huile sur panneau, 68,5 x 121,9 cm
Collection particulière


Pendant toute sa période londonienne, Marevna a écrit ses mémoires. De nombreux souvenirs de sa jeunesse reviennent, comme les échanges avec Soutine qui l’a soutenue avec affection, après le départ de Rivera. Il lui avait raconté sa fascination pour la célébration du sabbat, dans son enfance, quand les hommes dansaient en ronde, les bras enlacés, se balançant d’abord doucement, puis de plus en plus vite, au rythme du chant rituel. Assis sur les genoux de sa mère, le petit Chaïm les regarde.

 

Danse hassidique pendant la célébration de Hanoucca – 1970
Huile sur toile, 127 x 152,5 cm
Collection particulière

En 1971, le Petit Palais de Genève organise une exposition rétrospective de son travail. Son fondateur, Oscar Ghez, a acheté plus d’une centaine de ses œuvres dans les années 1960.

Elle a quatre-vingts ans quand elle peint ce portrait d’un certain John West (qui n’est certainement pas le fameux chanteur américain qui avait alors huit ans…)

 

John West avec ses chiens – 1972
Huile sur panneau, 122 x 183 cm
Collection particulière (vente 2018)

Et celui du costumier et créateur Germinal Rangel, avec lequel elle avait sympathisé. Une synthèse de ses deux styles.

 

Portrait de Germinal Rangel – 1971
Huile sur toile, 181 x 128 cm
Collection particulière (vente 2023)


Cette année-là paraît son second livre de mémoire La vie avec les peintres de La Ruche, dans une édition américaine.

Et dans ses dernières années, Marevna continue à saisir son jardin, de petites aquarelles d’hiver et d’été.

 

Ealing – 1978
Pastel et aquarelle, 43,8 x 56,5 cm
Collection particulière



Ealing – 1980
Aquarelle, gouache et fusain, 26 x 35 cm
Collection particulière (vente 2018)


Marie Vorobieff, Marevna, est morte le 4 mai 1984, à Londres.

L’année suivante, le musée Bourdelle programme l’exposition « Marevna et les Montparnos » (septembre - décembre 1985) puis les expositions se succèdent : une nouvelle rétrospective au Petit Palais de Genève en avril – mai 1991 ; à la galerie Wildenstein de Londres, « Marevna et Montparnasse », en juin-septembre 1992 puis à la Galerie nationale Tretiakov de Moscou en 2004.

Son œuvre la plus connue, La Mort et la Femme, est régulièrement exposée en France, comme à l’exposition « Pionnières » au musée du Luxembourg en 2022 et au Petit Palais de Paris, pour « Le Paris de la modernité » en 2023.

Pour autant, je ne suis pas très sûre qu’un « radiotrottoir » serait très concluant sur sa notoriété. Faute d’œuvres de sa main dans les collections françaises, il reste aux admirateurs de Marevna la possibilité de se plonger dans ses mémoires, republiées en 2007 mais… toujours en anglais.

 




*

 


N.B : Pour voir d’autres notices de ce blog, si elles n’apparaissent pas sur la droite, vous pouvez cliquer sur « Afficher la version Web » en bas de cette page.

Et si vous souhaitez laisser un commentaire, c’est aussi en bas de page !




 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire