dimanche 6 octobre 2024

Margaret Preston (1875-1963)

 

Autoportrait – 1930
Huile sur toile, 61,3 x 51,1 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Margaret Rose Mac Pherson est née le 29 avril 1875 à Adélaïde, en Australie du sud. Elle est la fille aînée d’un ingénieur naval, David Mac Pherson et de Prudence Cleverdon, sans profession. A neuf ans, en plus de ses études, elle suit l’enseignement du peintre de paysage William Lister Lister (1859-1943).

Lorsqu’elle a dix-huit ans, elle est admise à l’école de la National Gallery of Victoria de Melbourne après avoir probablement suivi les cours d’une peintre française, Berthe Mouchette, qui s’était installée à Melbourne en 1881.

A la mort de son père, en 1894, Rose – c’est ainsi qu’on appelle à l’époque - rentre à Adélaïde où vivent sa mère et sa sœur, et commence à enseigner, tout en étudiant la nature morte à la School of Design d’Adélaïde.

 

Still life with celery and apples – 1901
Huile sur toile, 44 x 69 cm
Art Gallery of South Australia, Adélaïde

En 1903, elle ouvre un atelier où plusieurs futures peintres féminines suivent son enseignement. Rose se lie d’amitié avec l’une d’elle, Bessie Davidson (voir sa notice) et c’est en sa compagnie qu’elle part en Europe, le 2 juillet 1904. Elle étudie un an à l'École nationale d'art pour femmes de Munich puis s’installe à Paris en 1905 où elle expose une nature morte intitulée Oignons au Salon de la Société nationale des beaux-arts. Elle y est inscrite sous son premier prénom, Margaret.

 

Oignons – 1905
Huile sur toile, 44,4 x 63,5 cm
Art Gallery of South Australia, Adélaïde


Photographe inconnu
Margaret Mac Pherson à Paris vers 1905
Source : Galerie nationale d’Australie


En 1906, elle est à nouveau présente à la « Nationale » avec deux huiles, Le Chiffonnier et une nature morte de fleurs. C’est donc probablement à Paris qu’elle peint cette huile, dans son atelier.

 

The Studio Window – 1906
Huile sur toile, 81,5 x 60 cm
National Gallery of Australia, Canberra


L’année suivante, Margaret rentre en Australie où elle reprend l’enseignement. Elle produit à l’époque des natures mortes élégantes mais un peu académiques, comme celle-ci :

 

The Fish Bowl – 1910
Huile sur toile marouflée sur carton, 48 x 39,4 cm
National Gallery of Victoria, Melbourne


Et d’autres d’une expression personnelle plus affirmée :


The Tea Urn – vers 1909
Huile sur toile, 61 x 50,5
Art Gallery of South Australia, Adélaïde


Partageant son atelier avec Bessie Davidson, elles organisent ensemble une exposition de leurs œuvres au cours de laquelle Onions de 1905 est acquis par la Galerie d’Art d’Australie du Sud où le tableau se trouve encore aujourd’hui. Elle se lie d’amitié avec une autre de ses élèves, Gladys Reynell.

En 1911, elle reçoit une commande d’un comité de citoyens pour la réalisation d’un portrait posthume de Catherine Helen Spence (1825-1910), une prédicatrice de l’église chrétienne unitarienne, très engagée pour le vote des femmes qui était devenue vice-présidente de la Women’ Suffrage League of South Australia en 1894.

 

 

Portrait posthume de Catherine Spence – 1911
Huile sur toile, 104,7 x 77 cm
Art Gallery of South Australia, Adélaïde


Second voyage en Europe en 1912, avec Gladys Reynell, cette fois. Elles se rendent à Londres où elles assistent à l’exposition postimpressionniste organisée par Roger Fry (voir les notices de Vanessa Bell et Dora Carrington). Elles s’installent d’abord à Paris, voyagent en Bretagne – où Margaret découvre Gauguin - et retournent à Londres au début de la Première Guerre mondiale. Là, Margaret travaille la gravure sur bois à la Society of Women Artist, apprend la poterie à la Camberwell School of Arts & Crafts et s’intéresse aux productions du groupe de Bloomsbury.

Margaret expose trois fois à la Royal Academy : Still Life : sunshine indoors en 1914, Poeticus en 1915 et Anemones en 1916, année où elle participe aussi à l’exposition d’hiver du New English Art Club avec sa nature morte d’inspiration postimpressionniste, Summer :

 

Still Life Group (Summer) – 1915
Huile sur toile, 49,5 x 49,5 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Margaret a aussi voyagé plusieurs fois en Irlande.


Vue de la côte irlandaise – 1914
Huile sur toile, 35,5 x 42,7 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


En 1915, elle emmène un groupe d’étudiants à Bonmahon, dans le sud de l’Irlande et revient l’année suivante, pendant huit mois. L’eau-forte ci-dessous est signée « Preston » mais on peut penser que Margaret l’a signée plus tard, après son mariage…

 

Bonmahon – vers 1916
Eau-forte sur papier vergé crème, 10 x 15 cm



Nature morte – 1917
Huile sur carton, 64,3 x 53,7 cm
Collection particulière (vente 2019)


Au cours de l’été 1918, Margaret et Gladys enseignent la céramique et la vannerie aux soldats blessés de l’hôpital Seale Hayne (Devon) puis, en 1919, Margaret est invitée à exposer au Carnegie Institute de Pittsburg. C’est en revenant qu’elle rencontre William George Preston (1881-1978), qui venait d’être démobilisé après avoir servi au sein de l’Australian Imperial Force. Margaret l’épouse le 31 décembre 1919, après leur retour à Adélaïde.

Le couple s’installe à Mosman, sur la rive nord de la baie de Sidney. Will Preston travaille pour la chaine de grands magasins Anthony Hordern & Sons et gagne bien sa vie. Déchargée de toute contrainte financière par un mari qui souhaite qu’elle s’épanouisse en tant qu’artiste, Margaret expose à la Royal Art Society of New South Wales et pratique assidûment la gravure. Son style évolue, se synthétise…

 

Still Life and Flowers – 1916/1919
Gravure sur bois, imprimée en couleurs en plusieurs blocs,
 "à la japonaise", 35,6 x 35,6 cm
National Gallery of Australia, Canberra


… tandis qu’elle s’attache à représenter les vues de la baie de Sidney :

 

Mosman Bay – 26 mars 1920
Gravure sur bois, imprimée à l’encre noire et coloriée à l’aquarelle, 21,8 x 28 cm
National Gallery of Australia, Canberra


Shell Cove, Sydney – 1920
Gravure sur bois, imprimée à l’encre noire et coloriée à l’aquarelle, 21,6 x 27,1 cm


Frenchman’s Beach– vers 1920
Gravure sur bois, imprimée à l’encre noire et coloriée à l’aquarelle, 21 x 26,5 cm
Art Gallery of South Australia, Adélaïde



The Boat, Sydney Harbour – vers 1920
Gravure sur bois, imprimée à l’encre noire et coloriée à l’aquarelle, 21,8 x 28,2 cm
National Gallery of Australia, Canberra


Et surtout, elle commence à se laisser séduire par la flore locale et ce qu’on appelait alors l’art aborigène, sans qu’on sache très bien dans quelle mesure cet art avait déjà été transformé par le contact avec les Européens.

Dès lors, les huiles et les estampes de Margaret explorent la faune et la flore d’Australie, dans l’objectif de renouveler, moderniser, la nature morte et l’étude de paysage.

 

 

Kookaburras – vers 1923
Gravure sur bois coloriée à la main, 17,1 x 13,6 cm
National Gallery of Victoria, Melbourne


Black Swans, Wallis Lake, N.S.W. – 1923
Gravure sur bois imprimée à l’encre noire, 19,2 x 27,2 cm
National Gallery of Australia, Canberra

 

En 1923, la Société des artistes de Sydney est accueillie à la Royal Academy pour une exposition d’art australien. Margaret y participe avec une huile, Phlox and Xmas Bells et une gravure intitulée Cockatoos, que j’évoque avec celle-ci, réalisée deux ans plus tard.

 

Black cockatoos – 1925
Gravure sur bois coloriée à la gouache, 24,8 x 25,2 cm
National Gallery of Australia, Canberra



Sidney foreshore – 1925
Gravure sur bois, imprimée à l’encre noire et
coloriée à la gouache sur papier vergé crème, 24,7 x 18,7 cm


Son travail du portrait est également surprenant, d’autant qu’il se limite à trois tentatives (dont son autoportrait, placé en exergue de cette notice, qui répondait à une commande du musée qui le conserve aujourd’hui). Ici, il s’agit de Myra Worrell, sa gouvernante, et le titre, Flapper, désigne dans les années 1920 les jeunes femmes aux cheveux coupés et qui portent des robes courtes.  Le tableau est très moyennement apprécié lors de sa première exposition en 1928 : selon le musée qui conserve l’œuvre, celle-ci aurait été qualifiée de « dure et laide » par le critique du Sydney Morning Herald. Pourtant, ce portrait deviendra rapidement une sorte d’icône non officielle de la « nouvelle femme » australienne !

 

Flapper – 1925
Huile sur toile, 77,3 x 58,5 cm
National Gallery of Australia, Canberra


Margaret commence à exposer avec la Society of Artists et bénéficie du mécénat de l’éditeur du magazine Art in Australia, pour lequel elle écrit de nombreux articles et qui édite son autobiographie, From Eggs to Electrolux en décembre 1927. Dans les années 20, elle est régulièrement exposée dans des galeries.

Et, dès 1926, elle expose aussi avec le Contemporary Group des peintures d’inspiration moderniste…

 

Still Life – 1926
Huile sur toile, 50,8 x 56 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


… voire franchement « art déco », comme cette huile très graphique : pot et vaisselle, alignés en deux diagonales parfaites, dessinent des ombres portées très allongées où seul le petit citron vient rehausser la dominante en noir et blanc (admirons le travail sur les reflets !)

 

Implement Blue – 1927
Huile sur toile sur isorel, 42,5 x 43 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Ses fleurs aussi deviennent plus graphiques.

 

Western Australian gum blossom – 1928
Huile sur toile, 55 x 44,7 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Et on détecte même parfois une inspiration cubiste, comme avec ces Fleurs aborigènes où la tension produite par les deux cercles convexe et concave est tenue par les verticales noires et grises…

 

Aboriginal flowers – 1928
Huile sur toile, 53,6 x 45,8 cm
Art Gallery of South Australia, Adelaïde


… ce qui ne l’empêche pas de s’attaquer à la composition complexe de ses modèles : ici, une fleur typique de la côte sud de l'Australie occidentale, dite : « Corymbia ficifolia ».

 

Australian Gum Blossom – 1929
Huile sur toile, 46,5 x 46 cm
Collection particulière (vente 2022)


Et voici les fameuses Banksia, qui symbolisent l’engagement de Margaret dans la promotion des fleurs indigènes d’Australie et sa recherche de création d’un art australien original.

 

NSW and West Austrian Banksia – 1929
Huile sur toile, 65,6 x 53,5 cm
Queensland Art Gallery – Gallery of Modern Art, Brisbane


Cette inspiration vient aussi des nombreux voyages que Margaret effectue au cours des années 20. Après la Nouvelle Calédonie et les Nouvelles-Hébrides en 1923, elle visite les pays d’Asie du Sud-Est de 1924 à 1926, puis le Queensland – l’Etat qui se trouve au nord de la Nouvelle Galles du Sud où elle vit - en 1927. Elle rapporte de ses voyages de nombreuses photographies et cartes postales, conservées aujourd’hui à la National Gallery of Australia de Canberra.


Dorothy Wagner (1890-1969), photographe
Margaret Preston – vers 1925
Tirage albuminé colorié à la main, 14,5 x 8,5 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Margaret approfondit encore sa connaissance de la nature qui l’entoure lorsqu’elle déménage avec son mari, en 1932, pour Berowra, alors un village à une trentaine de kms de Sidney, près de la rivière Hawkesbury. Là, elle découvre vraiment la brousse australienne et commence à s’intéresser progressivement à l’art rupestre autochtone.


Australian rock Lily – vers 1933
Gravure sur bois coloriée à la main, 48,5 x 47,2 cm
Queensland Art Gallery – Gallery of Modern Art, Brisbane




Native Honeysuckle (Chèvrefeuille indigène) – 1933
Huile sur toile, 56,5 x 46 cm
Collection particulière (vente 2013)



The Monstera deliciosa – 1934
Huile sur toile, 42,7 x 43,2 cm
Collection particulière


Banksia on a Window Ledge – 1934
Huile sur toile, 52 x 43 cm
Collection particulière (vente 2017)

 

Inspiration qu’elle traduit sur plusieurs supports.

 

Eucalyptus – vers 1934
Tapis, fibres de laine sur toile de jute, 90 x 132 cm
National Gallery of Australia, Canberra


 

Banksia and Fungus – 1936
Gravure sur bois, imprimée à l’encre noire et coloriée à la main, 19 x 25,4 cm
National Gallery of Australia, Canberra


J’ai lu plusieurs fois que Margaret aurait remporté une médaille d’argent à l’Exposition internationale de Paris en 1937. Hélas, en dépit d’une recherche approfondie dans le catalogue, je n’ai pas trouvé son nom…

 

Banksia – 1938
Huile sur toile, 53,2 x 42,6 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Dans les années 1940, Margaret commence à collectionner des sculptures d’artistes aborigènes comme Kalboori Youngi, Nora Nathan et Linda Craigie, trois artistes encore plus oubliées que les oubliées puisqu'on ne connaît presque rien d'elles… raison de plus pour les montrer ici !

Les deux dernières sculptures ont appartenu à Margaret, elle en a fait don à l’Art Gallery of New South Wales en 1948.

 

Kalboori Youngi (vers 1903 - ?)
Five women – sans date
Pierre, 14,5 x 20,5 x 18 cm
National Gallery of Australia, Canberra


Nora Nathan (1906- 1958)
Young girl waiting for her lover – années 1940
Sculpture sur grès, 13 x 6 x 11,2 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney



Linda Craigie (dates inconnues)
Two ladies waiting – années 1940
Sculpture sur grès, 13,5 x 13,3 x 5 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney

 

C’est le moment où Margaret modifie sa palette, la réduisant aux couleurs de terre, et adopte des formes simplifiées, cerclées de noir.

 

Aboriginal still life – 1940
Huile sur toile, 43,6 x 48 cm
Queensland Art Gallery – Gallery of Modern Art, Brisbane


The Brown Pot – 1940
Huile sur toile, 51 x 45,8 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney

 

Puis, elle revient aux paysages et aux scènes évoquant l’art aborigène.

 

Aboriginal design – The Hunt – 1940
Gravure sur bois, coloriée à la gouache, 35 x 35,2 cm
National Gallery of Victoria, Melbourne


I lived at Berowra – 1940
Huile sur toile, 46,4 x 39,7 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Flying over the Shoalhaven River – 1942
Huile sur toile, 50,6 x 50,6 cm
National Gallery of Australia, Canberra


Grey day in the ranges – 1942
Huile sur panneau, 51 x 50,7 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


A mile out of Alice Springs – 1949
Pochoir de couleurs à la gouache, 23,5 x 29,7 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Mais elle s’autorise aussi quelques retours à la couleur !

 

Adina – 1947
Modèle pour un tissu Modernage, Sydney
Rayonne sérigraphiée, 99 x 86 cm
National Gallery of Victoria, Melbourne



The Snail – 1949
Pochoirs de couleurs sur papier noir, 30 x 21,2 cm
National Gallery of Victoria, Melbourne


Native Flowers – 1949
Impression au pochoir, imprimée à la gouache, 32,8 x 24,6 cm
National Gallery of Australia, Canberra


Puis dans les années 1950, elle produit plusieurs séries gravées, sur des épisodes bibliques…

 

L’arche de Noé – 1950
Pochoir de couleur et gouache sur carte noire, 46 x 54 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Adam et Eve au jardin d’Eden – 1950
Pochoir de couleur et gouache sur carte noire, 49,7 x 49,7 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney

 

… et des légendes australiennes :

 

Légende australienne n°1 : Les pieds superposés – vers 1957
Gravure sur bois en couleur sur papier vergé, 29,7 x 29,6 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Légende australienne n° 5 : fin de l’histoire d’amour – vers 1957
Gravure sur bois en couleur sur papier vergé, 29,6 x 29,1 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Au cours des années 1950, elle paraît abandonner ses propres références occidentales pour explorer de plus en plus profondément son interprétation d’un art « national australien » qu’elle voulait promouvoir. Puis sa production se ralentit à la fin des années 1950.

 

 

Rocks in Roper River – 1953
Pochoir et encres de couleur, 46,5 x 58 cm
National Gallery of Australia, Canberra


Fruits and bowl - 1953
Pochoir de couleur et gouache sur carte noire, 35 x 30,7 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Pochoir de couleur et gouache sur carte noire, 34,3 x 28,5 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney



Banksia with trees – 1953
Pochoir de couleur et gouache sur carte noire, 41 x 57 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


Aboriginal fishing basket and fish – 1956
Crayons de couleur sur papier, 39 x 38,5 cm
Art Gallery of New South Wales, Sydney


 

Margaret Preston est morte à Mosman, près de Sidney, le 28 mai 1963. Elle n’a jamais été oubliée en Australie où elle a été régulièrement exposée, notamment dans les années 1990 et récemment dans une grande exposition à Canberra, consacrée aux femmes artistes australiennes : « Know My Name : Austrialian Women Artists 1900 to now », en 2021.

 

Toutefois, comme Bessie Davidson, elle n’a jamais fait l’objet d’exposition en Europe, au cours des cinquante dernières années.

 

 


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