Julie
Marie Anne Zoegger est née le 7 décembre 1881 à Paris. Elle est la fille d’un
sculpteur et décorateur alsacien, Antoine Zoegger (1829-1885) qui a travaillé
avec Viollet-le-Duc.
Sa
tante maternelle, la miniaturiste Marie Bordeaux, assure sa première formation
de dessin.
A la mort d’Antoine Zoegger, Marie-Anne n’a que quatre ans et c’est l’un des condisciples des beaux-arts de son père, d’origine alsacienne comme lui, le peintre Jean-Jacques Henner qui soutient la jeune fille dans son choix de devenir artiste. Dans les collections du Morgan Library & Museum, il existe un portrait à propos duquel est émise l’hypothèse qu’il pourrait s’agir de Marie-Anne à vingt ans. Il a toute sa place ici, à titre d’évocation.
En cette année 1901, Marie-Anne entre dans l’atelier que Ferdinand Humbert (1842-1934) vient d’ouvrir à l’Ecole des beaux-arts de Paris à destination des femmes. Cela ne fait que trois ans qu’elles ont finalement été admises à y étudier, grâce à la ténacité d’Hélène Bertaux (voir sa notice) et l’appui du groupement qu’elle a créé en 1881, l'Union des Femmes Peintres et Sculpteurs (UFPS).
Le premier salon de Marie-Anne paraît être celui de la Société nationale des Beaux-Arts de 1909. Elle y présente Le porche de Saint Germain l’Auxerrois et une Etude en 1910.
Le 23 juin 1910, Marie-Anne épouse Alfred Marie Camax, né en 1874. Leur acte de mariage indique sobrement que le marié est « propriétaire ». Il s’agit d’un hôtel qui assure à sa famille de confortables revenus. Entre le mai 1911 et mai 1917, le couple aura cinq enfants, ce qui ne semble pas avoir empêché Marie-Anne de s’adonner à son art.
Après une éclipse en 1911 (et pour cause, le salon a lieu d’avril à juin et sa première fille est née en mai), Marie-Anne revient, dès 1912, au Salon de la « Nationale » où elle expose Vieux arbres et canards et participe également au Salon des peintres du Paris moderne, avec une toile un peu austère qui est acquise par l’Etat :
Après
une nouvelle pause en 1913, elle inaugure au salon de 1914, avec Dans
l’allée en automne, un des thèmes qui feront son succès : la nature et
les arbres.
La même année, elle commence à participer au salon annuel de l'Union des Femmes Peintres et Sculpteurs. En 1914, elle y expose un portrait et une étude et se déclare l’élève de Henner dans le catalogue.
On
la trouve aussi en 1918 dans le catalogue de l’exposition organisée au profit
des œuvres de guerre de la Société des artistes français et de la Société
nationale des beaux-arts, au Petit Palais. Elle y donne un Bébé aux pommes,
scène d’enfance qui constitue son deuxième thème privilégié.
Elle est élue sociétaire de la Nationale en 1922 et participe au Salon des Indépendants en 1923. L’une de ses deux huiles, Enfants au lit, est acquise par la ville de Paris.
Huile sur carton, 50 x 62 cm
(Œuvre reproduite dans Le
Monde illustré, 24 novembre 1934, p.991)
Marie-Anne s’inscrit aussi au syndicat des Artistes Femmes Peintres et Sculpteurs,
structure destinée non seulement à les faire connaître mais à défendre leurs
droits. Elle en deviendra la présidente en 1929.
Au salon des Indépendants de 1924, elle expose Myriam, nom de sa fille aînée alors âgée de 13 ans.
En 1925, elle bénéficie de sa première exposition personnelle à « La Palette française », boulevard Malesherbes. L’exposition est annoncée par plusieurs journaux au cours du mois de février et elle est repérée par la critique :
« Mme Camax-Zoegger réalise une exposition d'ensemble de ses œuvres, femmes et enfants y sont évoqués avec une poésie de couleurs particulière par un pinceau coquet, gracieux et élégant. La gent enfantine est représentée avec toute sa désinvolture native, sous un coloris des plus harmonieux qui charme l'œil. Quelques natures mortes en plein air, tables abandonnées après le repas, délicieusement interprétées, complètent l'exposition de ce délicat pinceau d'un coloriste qui sait séduire le visiteur, par la grande douceur et l'accord parfait des tons qu'il disperse avec bonheur sur tous ses sujets. » (Hoffmann-Eugène, « La Palette française », La Revue des beaux-arts, 1er mars 1925, p.9)
Marie-Anne
a rarement daté ses œuvres, surtout de jeunesse. Mais la critique décrit une
« table abandonnée » qui peut être évoquée par cette nature morte.
Quant
aux évocations enfantines, l’huile ci-dessous, acquise par l’Etat en 1923, en
constitue une parfaite illustration. Geneviève est la troisième fille de
Marie-Anne, née en novembre 1915. Compte tenu de son âge apparent, on peut
situer le tableau au début des années 20… (un article de 1936 précise même que
ce tableau a été présenté à la Biennale de Venise en 1925)
…
tout comme celui-ci que j’ai trouvé daté de 1923 dans une publication
américaine.
En
1927, Marie-Anne participe aux deux salons, celui des Indépendants avec Fantaisie
et Effets de neige. Ce dernier tableau est peut-être celui qui a été
acquis par l’Etat pour le musée du Luxembourg et dont il n’existe qu’une photo
en noir & blanc sur le site du musée national d’art moderne…
Au salon de la « Nationale » figure un panneau décoratif…
…intitulé
aujourd’hui Symphonie pastorale, il a été présenté dans une exposition
récente à Etampes. Je n’en connais pas les mesures exactes mais c’est un assez grand format, de plus de 150 cm de large.
Année faste pour Marie-Anne qui expose aussi à la galerie Georges Petit et fait l’objet d’un long article dans la Revue du vrai et du beau du 10 août 1927, qui souligne que « Grâce, délicatesse de touche, heureuses harmonies, science de la lumière et de l'éclairage, sont les principales caractéristiques de ses toiles » ; indique que « la Bretagne l'a beaucoup inspirée » avec « les Rochers et les Marines du Pouldu » - des lieux qu’elle connaît depuis l’enfance et qu’elle peindra tout au long de sa carrière - et évoque « une Fantaisie, grande peinture décorative, chaude et lumineuse où une fillette vêtue d'une tunique légère cueille à un arbre les fruits lourds de l'automne » et « le charme d'une adorable Maternité, toute en délicatesse » (et dont la reproduction est hélas presque illisible) :
« Dans
les prés, où picorent des poules et des coqs, le printemps l'a tentée avec ses Cerisiers
et ses Pommiers en fleurs. », ajoute le critique. Peut-être quelque
chose comme cela, qui est assez proche de sa palette de l'époque ?
Et l’auteur, Raymond Sélig, de conclure : « Cette probe et laborieuse artiste se classe décidément parmi nos peintres les meilleurs. »
J’ai heureusement trouvé la deuxième reproduction de l'article dans un format plus lisible :
Marie-Anne participe aussi à l’exposition « Les artistes de Paris »,
à la mairie du Xe arrondissement du 13 au 30 mai, comme le signale Le
Gaulois du 9 mai 1927 (p.2) et reviendra chez Georges Petit en mai 1929 (Les
Potins de Paris, 7 avril 1929, p.12).
L’année suivante, le syndicat des Artistes Femmes Peintres et Sculpteurs organise une exposition remarquée. A la galerie d’art Pleyel, sont notamment présentés un ensemble de la peintre Clémentine-Hélène Dufau et une rétrospective des œuvres de Berthe Morisot. Marie-Anne est visiblement déterminée à privilégier la qualité et la modernité des futures expositions qu’elle souhaite plus sélectives, ce qui déplaît à une partie des adhérentes.
Les
tensions qui en résultent vont la conduire à créer un nouveau groupe, les
Femmes Artistes Modernes (FAM), dont elle prend la
présidence, confiant la vice-présidence à Bessie Davidson et le secrétariat à
Emilie Charmy. Elle sollicite aussi Clémentine-Hélène Dufau pour l’aider à
choisir une cinquante de femmes représentatives du modernisme pour sa première
exposition.
Enfin, redoutable habileté, elle associe à son entreprise un comité d’une quarantaine de « membres d’honneur », tous masculins, personnalités qui comptent dans le monde de la culture, parmi lesquels Arsène Alexandre (inspecteur général des beaux-arts), René Chavance (écrivain et critique d’art), Raymond Escholier (critique d’art et conservateur du Petit Palais), Andry Farcy (conservateur du musée de Grenoble), Olivier Huismans (directeur des beaux-arts), Paul Jamot (conservateur au Louvre) et des écrivains et critiques souvent cités sur ce blog : Yvanoë Rambosson, René-Jean, Paul Sentenac, Paul Valery et, bien sûr, l’incontournable Louis Vauxcelles !
Et ça marche. La première exposition des FAM, qui a lieu au théâtre Pigalle début 1931, ravit la critique :
« Nous
avons retrouvé à cette exposition des Femmes artistes modernes les éléments de
modernisme qui avaient constitué l'an dernier un noyau important à la
manifestation du Syndicat des femmes peintres, à la salle Pleyel. Le nouveau groupement
qui s'est formé, en se détachant de ce syndicat, offre ainsi plus d'homogénéité,
plus d'harmonie. Autour de la présidente, Mme Camax-Zoegger, se sont
réunies presque toutes les femmes peintres qui comptent dans la peinture moderne.
Mme Camax-Zoegger a exposé un paysage de grandes dimensions, un coin de parc dans lequel les arbres apportent leur rythme décoratif, et qui est
d'un coloris à la fois chaud et délicat. Une jeune fille peignant au milieu de la nature, deux marines ont témoigné
aussi des sûres qualités de coloriste de cette artiste, très sensible à
l'attrait de la nature. (…) dans l’élégante salle de la Galerie Pigalle »
(P.S., « Les femmes artistes modernes », La Renaissance, 1er
mars 1931, p.115)
Marie-Anne
prend aussi en charge l’animation sociale du groupe, comme l’indique Paris
Midi du 24 février 1931 qui relate « un charmant dîner chez Mme
Camax-Zoegger » : « les critiques d'art, gardent entre eux une
souriante entente. On les vit réunis, l'autre soir, autour d'une table pour
exalter les arts gastronomiques dans l'atelier de Mme Camax-Zoegger, leur
charmante hôtesse et célébrer à l'envi le succès du Salon des Femmes Artistes
Modernes, que la galerie Pigalle abrita jusqu'à samedi dernier dans son sein. On
sait que ce Salon, qui compte les artistes les plus marquantes, les plus
indépendantes aussi, de nos contemporaines dans l'art de peindre et de
sculpter, est présidé par Mme Camax-Zoegger, qui est en même temps que la
fondatrice, l'animatrice de ce beau groupement. Il n'y eut pas de toast,
pas de discours, mais d'aimables propos dans une atmosphère qu'éclairait la
peinture même de la maîtresse de céans, dont les tableaux évoquent, dans la
lumière, les enfants, les jardins, la
mer, les fleurs et les visages… »
« C'est
un groupement nouveau. II se distingue heureusement des associations d'artistes
féminines que l'on connaît. A ce double titre, sa première exposition à la
Galerie Pigalle mérite d'être signalée. Mme Camax-Zoegger, sa présidente, est
parvenue à réunir la plupart des femmes de talent qui, jusqu'ici, se
dispersaient dans les Salons mixtes. Résultat appréciable : l'ensemble est
impressionnant et suffirait à prouver, s'il en était besoin, par le nombre et
par la qualité, que l'art peut à la rigueur se passer du sexe fort.
On aurait tort, du reste, de prêter à cette manifestation le moindre caractère
tendancieux. Elle n'en eut que plus d'agrément. L'éclectisme y régnait. Mais un
éclectisme avisé qui sélectionne. Autour de Mme Camax-Zoegger, dont
l'inspiration toute primesautière s'exprime avec une aimable diversité, Mlle
Angèle Delasalle, Mme Bessie Davidson, Mme Galtier-Boissière voisinaient avec Mme Chériane, Mlle Marie
Laurencin, Mlle Irène Lagut, Mme Hermine David. On pouvait voir un sensible,
grave et souple dessin de Mlle Louise Hervieu et une grande composition pleine
de fantaisie de Mlle Hélène Perdriat.
La sculpture avait en Mme Chana Orloff, Mlle Jane Poupelet, Mlle Anna Bass des représentantes non moins notoires et les beaux métiers eux-mêmes étaient fort dignement évoqués par Mme Eve Lebourgeois et ses ivoires, par Mlle Louise Germain, ses sacs et ses sobres reliures. Les « Femmes artistes modernes » comptent, en tout, soixante-dix exposantes. Encore quelques recrues peut-être - pas trop - et elles donneront une image fidèle et fort édifiante de l'art féminin de chez nous et de ce temps. » (L.M. « Les femmes artistes modernes », Art et décoration, janvier - juin 1931, p. III)
Et Marie-Anne participe aussi au Salon des Tuileries. L’Action française, très moyennement convaincue, remarque qu’elle est au « nombre de femmes peintres éminentes ou remarquables [qui] ne contribuent pas peu à relever la moyenne de ce Salon. » (30 juin 1931, p.3). Elle est aussi aux Indépendants avec une Marine que j’illustre avec l’une des nombreuses qu’elle a peintes.
La
même année, le conseil municipal de Paris lui attribue une commande :
« Mme Camax-Zoegger, artiste Peintre, demeurant à Paris, 18- rue Erlanger,
est chargée de la décoration picturale du préau de l’école de garçons de la rue
Gustave Zédé, décoration comprenant deux panneaux, moyennant le prix de 10.000
francs. » (Bulletin municipal officiel de la ville de Paris, 22
mars 1930, p.1409)
La presse évoque plusieurs fois cette réalisation : « L'année dernière, deux vastes fresques de Mme Camax-Zoegger, sept mètres de longueur sur trois mètres de hauteur, ont été placées dans le préau de l'école communale de la rue des Bauches, à Passy. Elles parlent à l'âme de l'enfant, inspirées de ces contes de Perrault et de ces fables de La Fontaine dont les thèmes lui sont familiers. Nous y retrouvons la naïve Perrette et l'imprudent Chaperon Rouge. » (Gaston Derys, « Madame Camax-Zoegger, animatrice du Salon des Femmes Artistes Modernes », La femme de France, 3 juin 1934, p.28)
L’année
suivante, même succès pour le Salon des FAM. Marie-Anne y présente trois
huiles, une « brillante Ophélie », selon The New York Herald
(14 février 1932, p.5), un Paysage et La vieille maison d’Etréchy,
une maison de campagne près d’Etampes où Marie-Anne séjourne régulièrement.
La
maison se situe au bord d’une rivière, la Juine, que Marie-Anne représente à de
multiples occasions. On en retrouve même une vue dans le fonds Marc Vaux !
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La
participation de Marie-Anne au Salon des Tuileries est saluée dans la
presse :
« Mme
Camax-Zoegger traite en composition décorative, avec fraîcheur et grâce, la
charmante figure d'une Perrette allant à la fontaine, transposition de la
canéphore antique. (Guillaume Janneau, « Les Salons de
printemps », La Revue de l’art ancien et moderne, 1er
juin 1932, p.72)
Et, en fin d’année, Marie-Anne est élevée au grade de chevalier de la Légion d’Honneur, reconnaissance de son talent et de son implication au service du rayonnement de la peinture féminine.
L’exposition des FAM de 1933, qui se tient à la Maison de France, avenue des Champs-Elysées, fait la part belle aux talentueuses prédécesseurs (dont la plupart sont déjà sur ce blog) : « Les Femmes Artistes Modernes montrent en belle place un ensemble d’œuvres d’artistes disparues dans ces derniers mois : Jane Poupelet, qui fut un de nos meilleurs sculpteurs, sobre et précise, avec une grande pudeur dans l’émotion, Jacqueline Marval, poète de la fleur et de la jeunesse ; Maria Blanchard, si personnelle ; Lucie Cousturier, lumineuse disciple de Signac ; Béatrice How, dont les maternités avaient un charme à la fois délicat et plantureux. » (Gaston Derys, « Les Femmes artistes modernes », Minerva : le grand illustré féminin que toute femme intelligente doit lire, 11 juin 1933, p.15)
« C'est
une délicate, une touchante pensée que Anne Camax-Zoegger a eue en organisant
des rétrospectives de femmes artistes disparues depuis peu, notamment de Jane
Poupelet, Jacqueline Marval, Béatrice Flow,
Maria Blanchard. Et les roses, dont ses mains pieuses ont entouré l'admirable
buste de Jane Poupelet, par Schnegg, sont le plus charmant hommage que l'on
puisse rendre à l'incomparable artiste et à la femme au grand cœur dont la
disparition a laissé tant et si vifs regrets dans le monde des arts. Disons enfin que c'est à Jane Poupelet que Mme
Camax-Zoegger a donné la place d'honneur dans cette exposition. Et c'est
justice. Ses dessins et ses sculptures ont, en effet, cette éloquence persuasive
à la fois puissante et douce, qui n'appartient qu'aux chefs-d’œuvre. »
(Charles Kunstler, Ric et Rac, 20 mai 1933, p.5)
Même Louis Vauxcelles rend les armes. Après avoir salué les artistes disparues, il ajoute : « Parmi les vivantes, voici, près de la présidente Camax-Zœgger, Louise Hervieu et ses fusains inoubliables. Cette très haute artiste fera sous quinzaine une exposition particulière qui nous donnera l'occasion et la joie de commenter son œuvre ; voici Marie Laurencin, qui, d’un maniérisme d'ailleurs tout gracieux, s’élève à un réalisme plus simple, et d’une plus robuste santé. On admirera l’énergie de Suzanne Valadon, la fougue d’Emilie Charmy, la grâce cadencée d’Odette des Garets, le beau style de Marguerite Crissay. Et nous trouvons encore Mmes de Bosznanska, Delasalle, Dufau, Caradet, Magdeleine Dayot, Bessie Davidson, Hermine David, Dominique Picard, Gourgaud du Taillis, Zina Gauthier, Andrée Joubert, Geneviève Gallibert, Paule Gobillard, Bertina Klein, Jeanne Baraduc, Mariette Lydis, Adrienne Jouclard, Vera Rockline, Pauline Peugniez et ses ravissants intérieurs ; Mela Muter, Claire Valière, aux tons d'une chatoyante fraîcheur ; Jeanne Simon, Suzanne Fegdal, Madeleine Vaury. A ces noms aimés des amateurs, joignons ceux des ‘’décoratrices’’ Louise Germain, Marie Desjardins. Suzanne Bertillon ; de sculpteurs comme Mmes Yvonne Serruys, Anna Bass, de Baysser-Gratry, Berthe Bartinie,.’’ animalière de grande classe’’ ; et terminons cette liste glorieuse sur le nom de Mme Renée Vautier, dont la Brebis couchée et le Fox à poil rude, pierres taillées directement, rallieront les suffrages des plus difficiles. » (Louis Vauxcelles, « Les Femmes artistes modernes », Excelsior, 13 mai 1933, p.2)
Il
ne vous aura pas échappé que même Suzanne Valadon, pourtant résolument
réfractaire à toute proximité avec la « peinture de dame », a fini
par se laisser convaincre ! Dans sa notice sur ce blog, figure le Portrait de Geneviève Camax-Zoegger, l’avant-dernière
fille de Marie-Anne, qu’elle a peint trois ans plus tard, alors qu’une amitié s’est
liée entre les deux artistes que leur détermination ne pouvait que rapprocher.
Toujours grâce à la presse d’époque, on apprend que « Mme Camax-Zœgger, présidente du groupement, justifie sa présidence, non seulement par l’organisation habile de ce salon féminin dont la tenue pourrait être enviée par bien d’autres, mais aussi par son envoi personnel : trois toiles peintes d’une manière large, d’une pâte forte, aux tons justes, parmi lesquelles le paysage de Jeurre me paraît d’excellente qualité. » (R. Civry, Les Hommes du jour, 18 mai 1933, p.9)
Pour
sa part, Minerva, le grand illustré féminin que toute femme
intelligente doit lire [!], met l’accent sur un autre tableau, L’Enfant
peignant :
Le Salon des FAM de 1934 propose deux « rétrospectives importantes [qui] en augmenteront l'attrait : celle des plus belles sculptures de Camille Claudel et celle des très précieuses toiles de Marie Bracquemond » et le vernissage a lieu « sous les auspices de M. Berthod, ministre de l'Education Nationale, de M. Huisman, directeur général des Beaux-Arts, et de M. Pierre Darras, directeur des Beaux-Arts de la Ville de Paris. » (Arts-sciences-lettres, revue illustrée, 1er juin 1934, n.p.)
« On
trouvera à cette exposition un très important Portrait de famille de Mme
Suzanne Valadon, d’un art appuyé, sobre et pénétrant, il retiendra l’attention
des visiteurs. C’est le portrait de la mère de l’artiste. Il nous reporte au
temps où Suzanne Valadon venait de découvrir sa voie. Plus tendre, et exceptionnellement très
peint, dans la même gamme rose et blanche qui lui est chère, est le tableau de
Mme Marie Laurencin intitulé Le Pékinois. C’est un double portrait
rempli de charme et d’une grande finesse d’exécution. Œuvres importantes aussi
et harmonieuses sont les Intérieurs de Mme Bessie-Davidson, solidement écrits
et observés précieusement. Deux petites Marines lumineuses donnent une autre
vision du talent de cette artiste distinguée. L’éclat du dessin somptueux de
Mme Louise Hervieu, sa plasticité, son ordonnance en font une sorte de
chef-d’œuvre. Ce panneau rustique, composé avec goût, rassemble faisan, garenne
et corbeilles de pommes en un magnifique éboulement. Il faut aussi faire la
part qui lui revient à Mme Camax-Zœgger dont les Paysages verdoyants et boisés, peints fougueusement, attestent un tempérament
de somptueux paysagiste. (…) cette importante manifestation d’Art moderne
féminin fait le plus grand honneur à cette phalange d’artistes réunies de façon
si éclectique par Mme Camax-Zœgger. » (Georges Turpin, « Exposition
des femmes artistes modernes à la Maison de France », La Griffe, 8
juillet 1934, p.15)
La
même année, Marie-Anne expose à nouveau chez Georges Petit :« Et,
voici deux autres noms qui, cette semaine, doivent être mis à l'honneur : ceux
de Marie-Anne Camax-Zœgger et de Janneje Prins. (…) La transition nous est
aisée pour parler de Marianne Camax-Zœgger, puisque aussi bien est-ce elle qui
a su constituer le meilleur groupement d'art féminin, que nous possédions en
France ; elle le préside avec une magistrale autorité. Mme Camax-Zœgger a
fondé, en effet, ce qu'on appelle les F. A. M. (Femmes Artistes Modernes)
Marie-Anne Camax brosse de vigoureux paysages, enlevés au couteau avec une
étourdissante maestria ; ses sous-bois ombreux sont le silence et la fraicheur
mêmes ; la modulation de verts y est exquise. Mme Camax est également une
portraitiste douée ; elle a surtout, à l’instar d’un Eugène Carrière, pris
pour modèles ses propres fillettes, dont elle nous a montré les plus
expressives et véridiques images. » (Louis Vauxcelles, « Expositions
de la semaine », Le Monde illustré, 24 novembre 1934, p.991)
Le
8 novembre 1934, le journal Comœdia publie un discours d’un certain M.
John Albaret, conseiller administratif de la ville de Genève, discours dans
lequel il déclarait « attendre avec patience les artistes de génie que nous donneront
les femmes ».
Le sang de Marie-Anne ne fait visiblement qu’un tour et - avec la photographe Anita Conti qui écrit un second texte - elle répond par le même canal à l’intéressé : « M. John Albaret ne connaît pas, j'en suis persuadée, nos grandes artistes : Valadon, Louise Hervieu, Davidson, Charmy, Jouclard, Mela Muter, Hermine David, Marie Laurencin, Boznanska, Camille Claudel, Serruys Bardey, Anna Bass et les cinquante admirables artistes que je n'ai pas la place de nommer, mais qui chacune, ont une véritable personnalité. Je regrette de ne pouvoir lui parler de nos illustres amies : Berthe Morisot, Mary Cassatt, Marie Bracquemond, Lucie Cousturier, et tout près de nous - puisqu'elles fondèrent avec moi les Femmes Artistes Modernes - Maria Blanchard et Jane Poupelet. Jane Poupelet qui créa d'inoubliables chefs-d’œuvre. Je voudrais qu'il entendît ce que Bourdelle en disait ; et avec quel accent il affirmait : "C'est un grand sculpteur, c'est un de nos plus grands sculpteurs !" (…)
M. John Albaret dit encore : "Le rôle le plus éminent de la femme sera
toujours celui d'épouse et de mère". Je répondrai à cela : "La maternité et l'art sont deux choses
différentes qui ne se nuisent nullement". Il y a de très grandes artistes qui ne
se sont pas mariées, il y en a d'autres qui se sont mariées et qui ont été des
mères admirables. Je crois que plus une femme est cultivée plus elle est digne
d'élever ses enfants. La maternité ne diminue pas son art, l'Art n'amoindrit pas
la fibre maternelle. On peut aimer ou non la peinture de Mme Vigier Lebrun, il
est incontestable que ses œuvres ont exalté dans l'univers la tendresse maternelle.
Berthe Morisot qui fit d'immortels chefs-œuvre a eu plusieurs enfants [?], et il
suffit de voir sa fille, Mme Rouart, pour comprendre ce que fut son admirable
mère. Suzanne Valadon n'a eu qu'un fils mais quel artiste elle a donné à la France !
Je sais par expérience que les enfants ne nuisent pas à l'art ; ils en renouvellent
la sève ; ils sont pour une femme la source immortelle où elle peut sans cesse
puiser la tendresse et la vie. » (Marie-Anne Camax-Zoegger, « Deux femmes
artistes répondent au Conseiller de Genève qui plaça l'art féminin au-dessous
de l'art masculin », Comœdia, 24 novembre 1934, p.3)
En
1935, l’exposition des FAM a lieu à la galerie Bernheim Jeunes. « Sa
présidente, Mme Camax-Zoegger, dont on connaît le beau talent de peintre, a
groupé les femmes les plus éminentes. Nous verrons, notamment, des toiles de
Suzanne Valadon, Louise Hervieu, Camax-Zoegger, Charmy, Davidson et de toutes
les artistes vraiment notoires ainsi que des œuvres rétrospectives de Mary
Cassatt. Le vernissage aura lieu sous le haut patronage du président de la
République, le 28 mai, à 15 heures. » (« Notes d'Art », La Liberté,
24 mai 1935, p.4)
Marie-Anne y a exposé deux tableaux, des Arbres et une étude. L’arbre isolé est aussi un thème récurrent de son travail. Il en existe un dans le fonds Marc Vaux.
A
l’occasion des FAM de l’année suivante, Marie-Anne fait l’objet d’un très long
article dans L’Art et les artistes où plusieurs de ses œuvres sont
reproduites. On y trouve notamment Neige et La vieille maison
d’Etréchy, cités plus haut, Un grand Arbre, très éloquent…
…
et une Marine, peinte dans un site également récurrent, Le Pouldu.
Dans
son article, Paul Sentenac rappelle que, de l’opinion générale, la fondatrice
des FAM « a su regrouper tout ce qui compte dans l’art féminin
d’aujourd’hui » mais qu’elle n’a nullement pour objectif de « se
mettre en vedette » puisque sa situation artistique était déjà
« sûrement acquise » et qu’elle s’est attachée à « concentrer
tout son sentiment de la nature ». Et de décrire « Des enfants, des
fillettes, qui deviendront bientôt des adolescentes et des jeunes filles, voilà
les premiers modèles, animés d'une séduisante aménité, que M.-A. Camax-Zoegger,
après, son mariage, va s'appliquer à situer dans le plein air avec son double amour
de mère et d'artiste. Ses quatre filles, dont elle est justement fière et dont les
noms s'enchaînent ainsi que les mots d'un poème harmonieux, Myriam, Jeanne, Geneviève,
Odile, elle les figure dans leurs gestes quotidiens, avec le poétique jardin comme
fond. Dans une toile, une enfant emprunte la forme d'une petite faunesse accroupie
au bord d'un lac ; dans une autre, une adolescente se profile, une palette à la
main. Ailleurs, une jeune fille se dresse, douce vision dans la floraison d'un
massif, avec une brassée de fleurs, et sa chevelure s'étale comme un autre
bouquet de blondeurs autour de sa face juvénile. » (…) La conclusion
s’impose d’elle-même : « Marie-Anne Camax-Zoegger a donc, à tous les
points de vue, une carrière bien remplie. Comme elle en a fait l'aveu
elle-même, le travail lui "est un fardeau léger, parce qu'il répond à l'appel
du cœur" ». (Paul Sentenac, « Marie-Anne Camax-Zoegger », L’Art
et les artistes, Tome XXXII, mars-juillet 1936, p.345 à 349)
Aux
Indépendants de 1936, Marie-Anne expose un Paysage et un Sous-bois.
En 1937, les FAM sont accueillies au musée de Prague. Huit toiles sont acquises par le musée, dont une de Marie-Anne, que je ne l’ai pas trouvée sur le site du musée. En février, elles contribuent à l’organisation de l’exposition des « Femmes artistes d’Europe », au Jeu de Paume.
« En descendant les marches de la terrasse du Jeu de Paume, aux Tuileries, conduisant vers la rue de Rivoli, il me semblait descendre de la Tour de Babel… C'est que notre Musée des Ecoles étrangères, dont l'activité de M. André Dézarrois, son conservateur, modifie sans relâche le contenu, venait de nous offrir, sous ce titre : "Les Femmes artistes d'Europe", une exposition abondante, multiforme, papillotante aussi… Les peintresses connues de la plupart des nations d'Europe, les statuaires, les décoratrices - en beaucoup moins grand nombre pour ces deux dernières catégories - s'expriment là en des toiles ou des œuvres diverses, et c'est, comme pour les descendants de Noé qui, avec lenteur, voulurent escalader le ciel, la confusion des langues qui me gêne – ou des modes d'expression artistique, plus exactement. Chacune de ces artistes possède une sensibilité propre : mais beaucoup subissent des influences et, pour s'y reconnaître à peu près, il est bon de comprendre d'avance l'espéranto de l'art qu'a créé l'Ecole de Paris. Dans cette exposition exclusivement féminine paraît dominer un modernisme plutôt aigu, assez confus aussi. Ce n'est pas reposant, mais c'est fort intéressant. Les "femmes artistes d'Europe" font la nique à l'art académique. Tant mieux ! (…) Mais ce qui caractérise cette exposition des Femmes artistes d'Europe, ce qui indique une évolution, c'est qu'elle n'apparaît pas spécialement féminine. Peut-être parce que les chefs de file de ces dames, leurs inspirateurs, furent surtout des hommes. » (Louis Paillard, « Les femmes artistes d'Europe exposent au Jeu-de-Paume », Le Petit journal, 12 février 1937, p.1 et 2)
Toujours le même leitmotiv… !
Le
Salon des FAM est organisé au Pavillon des expositions des
Invalides et commence au mois d’août - afin de toucher les artistes étrangères
en vacances dans la capitale – et se termine en octobre pour laisser aux Parisiennes
le temps de rentrer, comme l’explique Marie-Anne dans une interview qu’elle
donne à L’Epoque du 22 août 1937 (p.2).
« L'exposition de cette année rappelle par diverses toiles le souvenir d'Hélène Dufau et de Zina Gautier, hélas récemment disparues. Elle apporte un beau nu de Mme Suzanne Valadon, une tête au regard mélancolique peinte par Mme M. Laurencin et quelques-uns de ces dessins où Mlle Louise Hervieu fait naître le mystère des humbles choses qui nous entourent. Le portrait tendrait-il à devenir un art féminin ? On le pourrait croire car, rare dans la plupart des salons, il se présente ici assez nombreux. Le Portrait de femme par Mme 0. des Garets, celui de jeune fille par Mme S. René-Jean, La mulâtresse de Mme G. Gallibert, le Portrait de l'architecte Perret par Mme Muter seront regardés. (…) Mme Camax-Zœgger exprime avec fougue la beauté des jeunes filles, la profondeur des feuillages et la transparence des eaux. » (« Les femmes artistes modernes », Le Temps, 21 août 1937, p.5)
En 1938, Marie-Anne
participe aux deux salons des Indépendants et des Tuileries.
Aux Tuileries, elle expose un Bord de rivière qui est acquis par la ville de Paris :
Et aux Indépendants, un Paysage et un autre Bord de rivière, peut-être celui qui est ci-dessous. Le même titre, ce qui n’est pas très habile d’un point de vue strictement commercial, d’autant que les ambiances chromatiques sont fort différentes.
Le
Salon des FAM de cette année-là est un grand succès, de nombreux journaux en parlent.
« L'exposition des F. A.M., ce beau groupement qui ne réunit que des œuvres vraiment représentatives de notre art contemporain, a récemment tenu ses assises à la galerie Charpentier. Son succès fut considérable, les œuvres étaient très en valeur : je devrais les analyser toutes, le pourrai-je ?
Je commence par les quatre points cardinaux de l’exposition qui étaient tenus
par Suzanne Valadon, Louise Hervieu, Marie-Anne Camax-Zoegger, Marie Laurencin.
Vous connaissez ces quatre grandes artistes qui, chacune dans leur langage
absolument personnel, représentent les plus hauts sommets de la peinture
féminine moderne. Il faut avoir été à l’exposition des F. A. M. pour garder le souvenir véritable
d’œuvres si belles, qu’elles échappent à la description… je vous cite
cependant : le Portrait de femme, par Suzanne Valadon, le Nu de
Louise Hervieu, le grand Sous-Bois de Camax-Zoegger, les Petites
Filles de Marie Laurencin. » (Marcelle Mansuis, « L’exposition
des femmes artistes modernes », Revue officielle de l’automobile-club
féminin de Paris, 1er juin 1938, p.29)
« Le Salon des Femmes Artistes Modernes, ouvert cette année à la Galerie Charpentier, offre, comme toujours, un ensemble sélectionné de la contribution féminine à la peinture française contemporaine. M. A. Camax-Zoegger préside cette pléiade de choix avec sa distinction et bonne grâce habituelles. Notons en premier lieu les envois de Louise Hervieu, dessins d’un faste naturel, aux modulations de gammes dans le blanc et le noir, atteignant une haute perfection. Paysages et portraits d'enfants de Camax-Zoegger, d'un vigoureux effet ; ce n'est pas de la peinture féminine, au sens commun. » (J. Bielenky, « A travers les expositions », Paris municipal : défense des droits de Paris, 10 avril 1938, p.2)
Et
Vauxcelles ne peut évidemment pas s’empêcher de livrer son habituel compliment
en demi-teinte…
« La
société artistique connue à Paris, sous le nom de F. A. M. - Les Femmes
Artistes Modernes - groupe sans contredit le dessus du panier des palettes
féminines. Et il faut, avant de nommer les principales exposantes réunies à
l'hôtel Charpentier, par les soins de l'éminente et inlassable présidente des
F. A. M., Marianne Camax-Zœgger, féliciter cette dernière de n'avoir oublié
personne, j'entends personne des femmes de talent. (…)
Ce qui est certain, c'est que, des cent vingt-cinq envois, il en est bien peu qui soient médiocres et la sélection a été soigneusement filtrée. Il va sans dire que l'on ne trouve point ici de peinture qui soit de la classe de feue Berthe Morisot, dont l'art fut toute grâce, tendresse et légèreté nacrée ; mais rencontre-t-on plus d'une Morisot en un siècle ? L'essentiel ici, c'est que les femmes peintres contemporaines ont enfin compris que leur mission n'est pas de refléter la technique, le sentiment et le faire du professeur avec lequel elles ont travaillé, mais d'être enfin elles-mêmes, sans postiche ni assimilation. Pendant bien longtemps en effet, avant que n'eut lieu, au cours des transformations sociales, l'émancipation de la femme, les peintresses et les "sculptrices", même les plus brillantes, appelaient invinciblement la comparaison avec le peintre masculin qui avait guidé leurs débuts : une Judith Leyster est aussi près de Hals son maître, que Marguerite Gérard le sera de Fragonard, Constance Mayer de Prud’hon, Eva Gonzalès de Manet, et Marie Bracquemond de Renoir. On peut dire ce qu'on voudra de l'afféterie d'Elisabeth Vigée-Lebrun, de son agaçant désir de plaire, mais il est indéniable qu'avec ses défauts, elle est elle-même, et ne semble tributaire de personne. Même la grande Camille Claudel, de qui Mme Camax-Zœgger a eu la pieuse pensée de montrer une œuvre chez Charpentier, n'est pas sans avoir subi la formidable emprise de Rodin. » (Louis Vauxcelles, « Les Femmes Artistes Modernes », Le Monde illustré, 2 avril 1938)
Ce salon sera le dernier. Les FAM ne souhaitent pas exposer sous la botte nazie. Après-guerre, elles ne se reformeront pas, sans doute qu’avec la reconstruction, il y avait trop à faire dans d’autres domaines.
Marie-Anne ne cesse pas de travailler et participe en 1939 aux Indépendants avec une Composition, « un tableau fort brillant. » (Dimanche illustré, 26 mars 1939, p.4)
En 1940, une seule manifestation regroupe le salon d'automne, le salon des Tuileries et le salon des artistes décorateurs réunis, qui ouvre ses portes aux Palais de Chaillot en avril. Marie-Anne y est présente et citée avec d’autres artistes reconnus comme Foujita, Van Dongen, Utrillo et Charles Edelman. (Le Matin, 3 avril 1940, p.2)
Je l’ai trouvée chaque année dans les catalogues des Indépendants de 1943 à 1948. Elle y montre presque à chaque fois des Fleurs…
…
et l’un de ses bouquets est acquis par l’Etat.
On
trouve aussi des vues probablement peintes lors des vacances en Bretagne,
manifestement sa villégiature favorite.
… et elle offre au musée de Grenoble plusieurs de ses tableaux dont l’un de ses arbres, toujours très expressifs, et un Paysage d'Ile-de-France.
Et elle peint aussi la Juine, chaque fois saisie sous une lumière différente.
En novembre 1948, derniers feux de la renommée à la galerie Bernheim Jeunes qui accueille Marie-Anne pour une exposition personnelle dont je n’ai pas trouvé la liste d'œuvres mais la presse en profite pour évoquer sa personnalité sympathique et volontaire :
« Marie-Anne
Camax-Zœgger, dont l’exposition chez Bernheim Jeune obtient le succès brillant
que l’on sait, n’est pas seulement un peintre auquel la nature semble avoir
révélé tous les secrets de ses magies, c’est aussi une des plus charmantes
amphitryonnes de Paris, et être reçu chez elle est un privilège entre tous
agréable. Dans son vaste atelier de la rue Poussin, orné avec un goût parfait et dont ses
toiles chatoyantes, se reflétant au fil des miroirs, sont la plus fastueuse
décoration, Mme Camax-Zœgger accueille avec une grâce souriante et délicate des
amis de choix qui comptent parmi l’élite des lettres, des arts, voire de la
politique. (…) Les amis de Mme Camax-Zœgger aiment et admirent également en
elle la mondaine racée et l’incomparable peintre des paysages de
l’Ile-de-France. Ils se plaisent à citer ses traits de conscience professionnelle.
Celui-ci, entre autres : Un jour d’hiver, dans le parc de sa jolie propriété
d’Etampes, Mme Camax-Zœgger, séduite par un groupe de sapins enneigés, voulut
absolument les peindre séance tenante. Elle installa son chevalet et son pliant
dans la neige et, malgré le froid rigoureux, elle resta huit heures en plein air,
obstinée à finir sa toile, car, le lendemain, l’étincelant manteau des branches
vert sombre aurait pu être fondu ou dispersé par le vent. Le tableau achevé et admirablement réussi
dans son "rendu" clair-obscur…, l’artiste gelée, ankylosée, ne pouvait plus
se lever de, son siège ! On dut venir la chercher pour la ramener au logis où
elle s’alita avec une bronchite. Mais le prestigieux bouquet de sapins emmitouflés
de neige fut acquis par le Luxembourg… » (Juvenal, 17 décembre
1948, p.11)
Et
enfin, en 1952, dernière exposition : « Marie-Anne Camax-Zoegger, à
la Galerie Roméo et Juliette, prolonge avec éclat Théodore Rousseau, pour le
sentiment de la nature, et Claude Monet, pour celui des couleurs. » (Le
Flâneurs des deux rives, « D’une rive à l’autre », Les Nouvelles
littéraires, artistiques et scientifiques, 20 mars 1952, p.6)
*
Marie-Anne Camax-Zoegger est morte à Paris, le 31 octobre 1952. Son acte de décès précise qu’elle était « sans profession » …
Depuis, elle a été exposée en 1961, au musée Galliera, pour une « Rétrospective Valadon, Hervieu et Camax-Zoegger » et, plus récemment à Etampes, dans le cadre du salon de la société artistique de la ville, en compagnie de sa fille également peintre, Geneviève Barrez-Camax (1915-2008).
Pourtant, son héritage, étroitement associé à celui des FAM, constitue un exemple particulièrement éloquent de ce que peuvent réaliser des femmes, associées et déterminées, pour gagner en visibilité et faire évoluer les mentalités. Il est donc d’autant plus triste et incompréhensible que les musées qui conservent ses œuvres ne les montrent pas, au moins dans un cadre documentaire, pour contribuer à écrire l’histoire des combats artistiques féminins.
La
présente notice est la cent-cinquantième de ce blog et je suis heureuse de la
dédier à une femme de caractère et de convictions !
*
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