Anna
Sofia Palm est née le jour de Noël 1859 à Stockholm. Son père, Gustaf
Wilhelm Palm, était peintre de cour et paysagiste. Sa mère, Eva, était la
fille du peintre d’histoire et de portrait, Johan Gustaf Sandberg (1782-1854).
La
famille vivait au Barnhusträdgårdsgatan 19, à Stockholm (aujourd'hui Olof Palmas
Gata) et la maison de la famille Palm était un lieu de rencontre du milieu
artistique de l’époque.
Dès
son adolescence, Anna suit des cours de dessin dispensés par son père qui
occupait alors un poste d’enseignant à l’école préparatoire à l’Académie des
beaux-arts de Stockholm. Il avait notamment comme élèves Anders Zorn et Carl
Larsson, alors âgé de 13 ans.
C’est sans doute aussi auprès de son père qu’Anna apprend à travailler l’aquarelle sur le motif…
…
car avant même de suivre les cours d’autres professeurs, elle a déjà acquis une
bonne technicité. (n'hésitez pas à cliquer sur les images)
Dans les années 1880, Anna devient l’élève du peintre d’histoire Edvard Perséus (1841-1890) puis du peintre de genre et de paysage Per Daniel Holm.
Ensuite, Anna part à Anvers, auprès du peintre de marines Romain Steppe.
Anna
voyage, aussi : en Suède d’abord, comme en témoigne cette vue saisie à
plus de 500 km de Stockholm, où on reconnaît l’inspiration de Steppe :
Ou bien celle-ci, peinte dans l’ile de Gotland. Anna y est peut-être allée avec son propre voilier car elle était connue pour être une navigatrice intrépide.
Elle
se rend aussi au Danemark en 1884/85, notamment à Skagen où elle séjourne
quelques temps dans la colonie de peintres (voir la notice d’Anna Ancher). Elle
en rapporte un de ses tableaux les plus connus, qui pourrait bien se trouver au
musée de Skagen (mais sans certitude, ce musée communicant peu d'information sur sa collection).
Le jeu de l’Hombre est dérivé de la Roufa, un jeu italien du début du XVIe
siècle, et ressemble au jeu de Tarot.
On
voit ici probablement le peintre Peder Severin Krøyer à gauche et de face Degn
Brøndum, le frère d’Anna Ancher. Je n’identifie par les femmes mais je doute
qu’il puisse s’agir des filles de la famille Brøndum, dont l’austérité
religieuse cadre mal avec la scène. Marie Krøyer n’est sans doute pas présente
non plus puisqu’elle n’est arrivée à Skagen qu’en 1887.
La même année, Anna expose pour la première fois à l’Académie des beaux-arts de Stockholm, non sans avoir préalablement rejoint un mouvement des quatre-vingt quatre artistes qui réclamaient une modernisation de son enseignement.
Elle
se spécialise rapidement dans les vues de Stockholm, notamment celles qui
mettent en scène sa dimension maritime, comme le chenal qui relie la Baltique
au vaste lac intérieur Mälaren, ou l’entrée du port de Stockholm, de dimension
impressionnante pour une aquarelle.
De 1889 à 1891, Anna
enseigne la peinture à l’aquarelle à l’Académie des beaux-arts. Elle est
également impliquée dans la nouvelle association « Artistes
suédoises », avec Eva Bonnier, Hanna Pauli et Mina Bredberg (qui seront accueillies un jour ou l’autre sur ce blog !).
Elle peint également des vues des principaux monuments de la ville :
Au début des années
1890, elle fait face à une très forte demande de la part d’une clientèle
friande de vetude, notamment celles qui représentent des motifs marins
avec des bateaux à vapeur, des voiliers et des panoramiques du château de
Stockholm.
Elle se rend à l’Exposition
universelle de Chicago de 1893 (dite souvent « exposition colombienne »
car elle était dédiée à Christophe Colomb : on avait fêté l’année
précédente les 400 ans de sa découverte de l’Amérique). Elle est répertoriée dans la liste des femmes y ayant participé mais sans emplacement précis et son nom ne figure pas dans le catalogue du Palais des Beaux-Arts.
Anna ne craint jamais de saisir des scènes à main levée. Elle exécute ainsi, à l'entrée de l’exposition, cette petite pochade qu’elle offre à ses hôtes de Boston où elle se rend en septembre 1893.
« Cette grande aquarelle ornait le célèbre atelier de mode d’Augusta Lundin à Brunkebergstorg. L’hiver représente le « Bal des Oscars » qui avait lieu chaque année au palais le jour de la fête du roi, le 1er décembre ; le printemps est évoqué par une promenade à Djurgården ; l’été met en scène un voilier barré par une « femme marin », peut-être Anna elle-même ; l’automne représente le parc de Kungsträdgården. » (Notice du musée)
Je me suis demandé
à quoi correspondait cette disposition inhabituelle (et qui rappelle certains
travaux de Louise Abbéma), jusqu’à ce que je découvre l’existence d’un certain Axel Henrik Eliasson (1868-1932) qui, après
avoir fait des études de commerce, avait fondé en 1890 une société d’édition
d’art et produit les premières cartes postales suédoises, en 1891. Cette
composition était-elle destinée à une carte postale ? Je n’ai rien
trouvé qui le confirmait mais ce n’est pas impossible et vous allez comprendre
pourquoi, un peu plus tard.
En 1895, les parents d’Anna sont morts et son unique frère est parti s’installer dans le Småland. Plus rien ne la retient à Stockholm. Elle emmène avec elle la servante de la famille Palm, Karin Nilsdotter et s’embarque pour Le Havre. Puis, en bateau à vapeur, elles gagnent Paris.
A Paris, Anna peint
de nombreuses scènes de genre et des autres vues dont les plus
intéressantes, surtout au plan documentaire, ne sont pas forcément situées dans
les quartiers les plus huppés.
Elle a peint aussi le bord de mer en Bretagne…
Et remplit les pages d'un carnet de dessins sur les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon…
En 1897, se tient
l’Exposition universelle de Stockholm où il est avéré qu’Anna n’a pas mis les
pieds. C’est alors que nous retrouvons Axel
Henrik Eliasson, lequel lui commande 11 petites aquarelles de très petit format
qu’elle exécute probablement d’après des croquis qu’il lui transmet, voire d’après des clichés du célèbre photographe de Stockholm, Frans G. Klemming.
Les
aquarelles d’Anna deviendront les cartes postales officielles de l’Exposition.
La plus recherchée est la vue du « Hall de l’industrie », avec son
dôme et ses quatre minarets, dont deux avec ascenseur. Avec ses 27.000 m2,
c’était alors le plus grand bâtiment en bois qui ait jamais été construit.
Et, bien sûr, la carte postale de ce hall a été la plus vendue de l’Exposition. Elle a même fait l’objet d’un tirage spécial annonçant la 100.000e carte mise en vente !
Les cartes postales
d’Anna ont tant de succès qu’on en fait même un tirage spécial, sur feuilles de
cartons en forme… de palette !
Ce qui n’empêche pas
Anna de réaliser d’autres vues de l’exposition :
Il n'empêche que certaines de ces vues, manifestement peintes d'après document, ont perdu la spontanéité de ses premières œuvres. Celle-ci, par exemple, présente des personnages qu'on dirait dessinés vite-fait par un architecte…
Ensuite,
le pli est pris et les cartes de toutes sortes se succèdent :
Cartes
postales de pays divers, Finlande, Allemagne et même Palestine, pas toujours du meilleur goût, ce qui n'est jamais bon pour l'image d'un artiste
Le filon sera aussi exploité à la gloire de l’armée française, en 1905, avec une série de 50 cartes postales :
N.B : La source de tous les éléments relatifs
aux cartes postales d’Anna est une étude réalisée par M. Göran Heijtz,
rédacteur en chef de Facit Postal, responsable des collections de cartes
postales au sein de l’Association des collectionneurs Saint-Erik et président
de l’Association suédoise des marchands de timbres.
Il est assez probable que ces « activités postales », qui nous paraissent bien désuètes aujourd’hui, aient assuré à Anna une partie de ses revenus pendant sa période parisienne.
Après quelques années en France, Anna et sa compagne visitent l’Italie. C’est à Capri qu’Anna rencontre son futur mari, le lieutenant d'infanterie Alfredo de Rosa.
Ils
se marient à Vaucresson, le 9 septembre 1901 (à partir de cette date, Anna signe Palm de Rosa) puis retournent en Italie vers
1905, habitent quelque temps à Capri avant de s'installer dans le petit village
de Madonna dell'Arco près de Naples, en 1908.
Anna
n’abandonne pas la petite industrie suédoise qui fait vivre sa famille, surtout
pendant la Première Guerre mondiale où son mari est appelé. Mais à présent, elle exerce aussi son talent en Italie
Et bien sûr, elle peint diverses vues du golfe de Naples, notamment à Baïes :
En
1957, le magazine suédois Idun a réalisé un reportage sur Anna. Le journaliste a
retrouvé sa maison, perdue dans la campagne, et son fils, le chirurgien
Francesco de Rosa, alors très âgé mais dont la haute et massive stature rappelait
celle de son grand-père, Gustav. Il parlait un suédois hésitant, autrefois
enseigné par sa mère à ses deux fils. Il a montré, dans un coin de l’immense
propriété qui ressemblait « à un zoo paisible rempli d’animaux », une
vieille maison en bois délabrée, construite sur un modèle
suédois : l’atelier d’Anna. Selon son fils, la plupart des œuvres italiennes d’Anna avaient disparu pendant la Seconde Guerre mondiale.
Anna est morte le 2 mai 1924, à 64 ans. Aujourd’hui, à Madonna dell'Arco, il ne reste sans doute plus trace de son passage.
Elle
a fait l’objet d’une seule exposition à Stockholm, en 2005.
Anna était une aquarelliste de talent ; sans révolutionner l’histoire de la peinture elle a été « une des artistes les plus productives de l’ère oscarienne » (c’est-à-dire pendant le règne d’Oscar II, entre 1837 et 1901) et, dans les années 1890, une des artistes les plus recherchées de Suède.
Elle a surtout vécu sa vie d’artiste et de femme comme elle l’entendait et à ce titre, aussi, il m’a semblé que son histoire méritait d’être racontée.
*
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