Helene Schjerfbeck (1862-1946)
Deux profils (détail : Portrait de Marianne Preindlsberger) – 1881
Huile sur bois, 22 x 34 cm
Ateneum Art Museum, Finnish National Gallery, Helsinki
Maria
Anna Léopoldine, dite Marianne Preindlsberger est
née le 19 Janvier 1855 à Graz, en Autriche. Ses parents, Franz et Agnes,
étaient commerçants dans la confection. Marianne reçoit son premier
enseignement artistique à la Grazer Zeichenakademie, l’académie de dessin de sa
ville natale.
Elle
y obtient un prix qui lui permet d’envisager de continuer les études que ses
parents n’auraient pas pu financer. C’est ainsi que vers 1874, elle part
s’installer à Munich, comme Jeanna Bauck et Bertha Wegmann quelques années plus
tôt (voir leur notice). En tant que femme, l’Académie des beaux-arts ne
lui est pas accessible mais elle savait pouvoir y trouver d’assez nombreux
peintres acceptant d’enseigner à des élèves féminines, bien qu’à des tarifs
plus élevés que ceux consentis aux peintres masculins.
Et puis Munich offrait aux femmes une relative liberté : elles pouvaient louer
seules un logement-atelier et payer des modèles sans susciter de scandale. Il
semble que Marianne ait d’abord été hébergée par une tante puis qu’elle ait pu
vendre assez régulièrement des toiles pour subvenir à ses propres besoins.
Marianne suit notamment
l’enseignement de Wilhelm von
Lindenschmidt le Jeune (1829-1895), un peintre d’histoire, professeur à
l’Académie de Munich, dont voici une œuvre de jeunesse :
Wilhelm von Lindenschmidt le Jeune (1829-1895)
La femme de l’artiste – 1857
Huile sur toile, 84 x 68 cm
Neue Pinakothek, Munich
Le
premier tableau connu de l’époque munichoise de Marianne est cette enfant
endormie, dans un style académique et décoratif qui permet d’apprécier sa
maîtrise du dessin. Bien que la scène soit censée se passer « sur un banc
de jardin », le sujet très éclairé sur un fond très sombre évoque assez
peu la peinture de plein air…
Enfant endormie avec un bouquet de fleurs sur un banc de jardin – 1875
Huile sur toile, 100 x 82 cm
Collection particulière (vente 2002)
On
retrouve la même palette de couleurs précieuses dans une autre de ses huiles
contemporaines, En prière, qui témoigne également de la qualité
technique qu’elle avait atteinte à vingt ans.
En prière – 1875
Huile sur toile, 67 x 55,5 cm
Collection particulière (vente 2021)
En
cette même année 1875, son compatriote Johann Strauss (fils) dédie à « la
jeune artiste Mademoiselle Marianne Preindlsberger » une mazurka,
intitulée Licht und Schatten (Lumière et Ombre).
Selon
un article d’Helene L. Postlethwaite qui paraît en 1895 dans le Magazine of
Arts (Some Noted Women Painters, p.17 à 22, consultable en ligne),
Marianne aurait remporté un prix avec une œuvre intitulée Mutterglück
(Bonheur maternel) dont il ne reste pas de trace.
Marianne
est représentée dans un tableau d’Helene Schjerfbeck (ci-dessus, en exergue, ou voir la notice d'Helene pour l'œuvre en entier),
lors d’une séance de travail en 1881. On pense donc que c’est au début des
années 80 qu’elles se sont rencontrées à Paris. On sait qu’elles ont fréquenté
toutes deux l’atelier de Madame Trélat de Vigny puis l’Académie Colarossi. Comme
dans la plupart des cours privés (voir la notice de Marie Bashkirtseff), des
concours internes étaient régulièrement organisés pour stimuler l’émulation
entre élèves. A l’Académie Colarossi, Marianne remportera dès 1882 un concours
de « tête d’expression ».
Marianne et Helene ont passé l'été 1881 à Concarneau, ce qui explique
que les thèmes bretons vont prendre une certaine place dans sa production,
comme dans celle d’Helene à la même époque. La ville accueille une importante
communauté de peintres. Peder S. Krøyer
les y avait précédées : il avait présenté au Salon de l’année précédente Dans
une sardinière à Concarneau. Marianne l’a probablement rencontré à cette
occasion, à moins que ce soit au Salon suivant, où Krøyer présentait Le
chapelier du village (italien), un tableau très bien reçu à Paris
mais qui, selon le musée de la collection Hirschsprung où le tableau est
conservé, provoqua un scandale au Danemark, tant le public fut choqué par la saleté
du chapelier et la maigreur de ses enfants…
Peder Severin Krøyer (1851-1909)
Dans une sardinière à Concarneau – 1880
Huile sur toile
Statens Museum for Kunst, Copenhague
Marianne
est représentée dans un tableau de Michael Ancher, Un Baptême, censé se
passer à Skagen en 1882. Mais il semble admis qu’elle n’y était pas. C’est
probablement plus tard que Ancher l’a ajoutée.
Si
Helene n’est admise au Salon qu’en 1884, c’est dès 1883 que Marianne est
autorisée à y exposer une première œuvre, Réflexion, qui aurait été
peinte en Bretagne et lui vaut une mention honorable. Le tableau n’est plus
localisé aujourd’hui mais on sait qu’il représentait une petite Bretonne allongée
dans l’herbe à côté de la cruche qu’elle vient de remplir à la rivière. Il
s’agit donc peut-être de celui-ci dont je n’ai trouvé qu’une représentation
bien peu satisfaisante, sur un site de vente d’œuvres…
Petite bretonne endormie près d’un ruisseau - 1882
Huile sur panneau, 33 x 41 cm
Collection particulière (vente 1989)
Marianne
habite alors rue de Seine et selon le registre du Salon, ses deux professeurs
sont Gustave Courtois (1853-1923) et Raphaël Collin (1850-1916), tous deux enseignants
à Colarossi.
Le
style de Marianne va beaucoup évoluer au cours de sa carrière. Pendant ses
années parisiennes, tout comme son amie Helene, Marianne est influencée par le
style naturaliste de Jules Bastien-Lepage, dont Raphaël Collin est un ami
d’enfance et que Marianne a pu rencontrer par son intermédiaire.
Le pot de lait – avant 1884
Huile sur toile, 30 x 22 cm
Collection particulière (vente 2012)
L’été
1883 se passe à Pont-Aven, où réside une autre colonie d'artistes, avec Helene et son amie Maria Wiik. C’est là que
Marianne aurait rencontré le peintre britannique Adrian Scott Stokes qui y vivait
depuis 1876.
Theodore Blake Wirgman (1848-1925)
Portrait d’Adrian Stokes – 1888
Huile sur toile, 34,2 x 29 cm
Aberdeen Archives, Gallery & Museum
Adrian
était proche du peintre Dagnan-Bouveret avec lequel, selon certaines sources,
il aurait étudié à Paris. Dans le répertoire des femmes artistes (1904) de Clara
Erskine Clément, (Les Femmes dans les Beaux-Arts du VIIIe siècle avant Jésus
Christ au XXe siècle après J.-C., consultable en ligne), dont les notices
des artistes vivantes ont été établies sur la base des déclarations des
intéressées, Marianne avait indiqué comme ses professeurs, Courtois et
Dagnan-Bouveret. Il serait donc également possible que ce soit par son intermédiaire
qu’elle ait rencontré son futur mari.
Quoi
qu’il en soit, voici une œuvre de Dagnan-Bouveret qui illustre le style
naturaliste très en vogue au début des années 1880.
Pascal Dagnan-Bouveret (1852-1929)
Un accident – 1879
Huile sur toile, 90,7 x 130,8 cm
The Walters Art Museum, Baltimore, Maryland
Adrian, lui, est paysagiste. Le seul tableau de 1881 que
j’ai trouvé de lui n’est pas renversant mais permet de se
faire une idée de son style de l’époque, qui va évoluer aussi. En Bretagne,
tous ces peintres pratiquent la peinture de plein air. Marianne a visiblement expérimenté cette nouvelle pratique, comme le suggère sa petite Bretonne de 1882.
Adrian Scott Stokes (1854- 1935)
Marée basse en Bretagne – 1881
Huile sur toile, 70 x 121,5 cm
Collection particulière (vente 2006)
C’est
encore sous son nom de jeune fille que Marianne expose au Salon de 1884 ce
petit garçon qui tient tendrement dans ses bras la tête de son veau, Condamné
à mort. On imagine la peine du petit mais, comme souvent dans les œuvres de
Marianne, le sentiment n’est que suggéré.
Condamné à mort (The Parting) – 1884
Huile sur toile, 88,3 x 133,3 cm
Walker Art Gallery, Liverpool
Adrian
et Marianne se marient à Graz en août 1884 et partent à Capri un peu plus tard,
jusqu’en février suivant.
En
1885, les Stokes s’installent à Londres et c’est désormais à la Royal Academy et
dans les galeries anglaises que les tableaux de Marianne seront exposés. « Marianne
Preindlsberger » apparaît dans le catalogue de la Royal Academy en 1884 avec
Scared (Fatiguée, n°536) dont le titre laisse penser qu’il s’agit de la
petite Bretonne endormie.
En
1885, « Marianne Stokes » fait son entrée dans le catalogue avec The Parting (La Séparation, n°17), nouvelle appellation du Condamné à mort du Salon parisien
de 84. Toujours selon Helene L. Postlethwaite, le tableau a été exposé ensuite à Liverpool où il a été acheté (et s’y trouve encore).
Marianne
expose également une seconde œuvre, Sorcière de Capri (n°954), une
petite fille parée d’un volumineux collier de médailles d’argent, probablement rencontrée
lors de son premier voyage italien.
Capri Witch – 1884/85
Localisation inconnue
Exposé à la Royal Academy en 1885 (catalogue p.35)
On peut aussi reconstituer une partie de la vie de Marianne et la
succession de ses œuvres grâce à la presse de l’époque.
En 1886, The Art Journal
publie (p.165-169) un article d’Adrian Stokes intitulé Capri. On peut y voir plusieurs illustrations d’après
des dessins de Marianne, des personnages dont la jeune fille ci-dessous,
accompagnée du commentaire « Elle porte sur son visage
souriant une aube de printemps », nouvelle référence au travail des petites
filles portant de l’eau, comme la petite Bretonne… Les autres dessins
représentent des paysages ou des natures mortes, dessinés par Adrian. Une
première collaboration artistique entre les deux époux.
Wears on her smiling face a dawn of Spring
Gravé par R.S. Lueders d’après un dessin de Marianne Stokes
The Art Journal - 1886, p. 167
En
1889, c’est dans The English Illustrated Magazine (p.471 à 476) qu’Adrian
publie un article intitulé Lismore où il rend compte d’un voyage de
quatre mois dans le sud de l’Irlande, où se trouve le château de Lismore dont
les abords et les couleurs sont longuement décrits. Il comporte, en plus de
paysages vraisemblablement peints par Adrian, plusieurs illustrations de
Marianne, dont cette jeune femme occupée à fabriquer de la dentelle. Adrian
explique que vient de s’ouvrir à Cappoquin, à quelques kilomètres de Lismore,
une école de formation qui permet à de nombreuses jeunes filles de soutenir
leur famille « grâce à ce travail raffiné et admirable. »
Lace Making : Cappoquin
Reproduit dans Lismore, un article d’Adrian Stokes « avec des illustrations de Marianne Stokes et du rédacteur »
The English Illustraded Magazine, 1889/90, p.475
Dans
le même article, est également reproduit le tableau ci-dessous, intitulé
Evicted (Expulsés) et daté de 1885, année probable de ce séjour en Irlande. La représentation
empathique de ces figures paysannes est un peu contredite par le commentaire un
brin condescendant d’Adrian : « l’un de nos dessins représente deux enfants qui
ont été poussés par la misère à déserter leurs parents et à s’aventurer seuls
sur le monde. Espérons
qu’ils n’iront pas, sur une route touristique, s’ajouter aux essaims déjà
nombreux de ceux qui suivent chaque voiture en pleurant. » Le
tableau, de style naturaliste, a été vendu depuis sous le titre Sans Foyer.
Sans foyer (Evicted) – 1885
Huile sur bois, 55 x 38 cm
Collection particulière (vente 1999)
Selon
les biographies partielles de Marianne (qui sont principalement consacrées à son mari et sont loin de s’accorder sur les dates), c’est
vers 1886 que les Stokes vont s’installer à St Ives, en Cornouaille, où Helene Schjerfbeck vient les retrouver. Il semble qu’ils y aient habité jusqu’à la fin
des années 90. Adrian devient rapidement l’un des peintres les plus influents de la colonie d'artistes et c’est là qu’il produit certaines de ses œuvres les plus
célèbres :
Adrian Scott Stokes (1854- 1935)
Uplands and Sky - 1886/1888
Huile sur toile, 149,2 x 208,9 cm
Tate Britain, Londres
Adrian Scott Stokes (1854- 1935)
The Harbour Bar – avant 1890
Huile sur toile, 139,7 x 183 cm
Leeds Art Gallery, Leeds
Mais les Stokes se rendent aussi à Skagen, puisque c’est cette année-là que P.S. Krøyer
les portraiture pour la salle à manger de l’auberge Brøndum. Dans ses notes, Krøyer
indique que Marianne a très peu peint à Skagen. C’est peut-être parce qu’elle
posait pour Michael Ancher qui l’a représentée dans Baptême, un tableau
auquel il aurait travaillé plusieurs années (voir la notice d’Anna Ancher).
Peder Severin Krøyer (1851-1909)
Portrait de Marianne et Adrian Stokes – 1886
Huiles sur toile
Skagens Kunstmuseer, Skagen
Adrian, lui,
peint plusieurs paysages et ce portrait de la petite fille des Ancher, Helga.
La dédicace montre que c’est probablement en français que les peintres, de
nationalités différentes, conversaient entre eux…
Adrian Scott Stokes (1854 – 1935)
Helga Ancher assise sur l’herbe – 1886
Huile sur carton, 28 x 22,7 cm
Skagens Kunstmuseer, Skagen
A
l’Académie royale, les tableaux de Marianne se succèdent, dont les enfants
restent le thème favori, peut-être pour ne pas bousculer la sensibilité du
public et de la critique… Arrive donc ensuite Merveille d'enfance, exposé
en 1886, toujours de style naturaliste et dans une palette à dominante
brune.
Childhood Wonder – 1886
Huile sur toile, 68,6 x 127 cm
Nottingham City Museums & Galleries, Nottingham
Exposé à la Royal Academy en 1886 (catalogue p.6)
L’année
suivante, Marianne montre La Flûte magique, un ballet de petits navets
auxquels un petit musicien donne vie : c’est la Flûte enchantée version
Marianne ! Je n’en ai trouvé qu’une gravure. Le
naturalisme de Bastien-Lepage est toujours là mais avec la touche de merveilleux de Marianne.
The Magic Flute – sans date
Gravure
Collection particulière
Original exposé à la Royal Academy en 1887 (catalogue p.22)
La
même année, Marianne peint cette petite fille en train de polir des cuivres,
une scène de genre qui permet d’admirer le travail de Marianne sur la lumière en évoquant, une nouvelle fois, le travail
des enfants. La petite fille sérieuse et appliquée, au visage fatigué, est presque
écrasée par le volume de la bouilloire du premier plan, littéralement
« plus grosse qu’elle » …
Polishing Pans– vers 1887
Huile sur toile, 59 x 79,3 cm
Walker Art Gallery, Liverpool
Et,
en 1888, la Royal Academy expose ce petit garçon essuyant des
verres, encore un enfant au travail. Mais, au-delà de l’exercice de style (tous
ces reflets dans tous ces verres…), c’est un vrai travail d’exploration des
couleurs, transformées par le sujet principal du tableau : la Lumière de la
lanterne qui illumine de rouge le visage et les mains de l’enfant et teint de mauve sa blouse trop serrée.
Lantern Light – 1888
Huile sur toile, 82,5 x 102 cm
Penlee House Gallery & Museum, Penzance, Cornwall
Puis, en 1889, la
Royal Academy montre une scène de genre à dimension tragique, Va jouer seul,
mon garçon, ta sœur est au ciel, dont l’original m’a également
échappé :
Go, thou must play alone, my boy, Thy sister is in Heaven - 1889
Gravure – sans date
Collection particulière
Original exposé à la Royal Academy en 1889 (catalogue p.15)
L’année
1890 constitue, dans l'œuvre de Marianne, une sorte de palier, elle abandonne le style naturaliste et change radicalement de format.
Fervente catholique, elle se tourne vers une peinture religieuse marquée par le
symbolisme. L’œuvre qu’elle expose à la Royal Academy, cette année-là,
s’intitule Ave Maria. Sans certitude, il se pourrait que ce soit
celle-là :
Hail Mary ou L’Annonciation – vers 1890
Huile sur toile, 190,5 x 91, 5 cm
Collection particulière (vente 2000)
Elle
produit aussi ce petit saint Jean, visiblement destiné à la dévotion privée,
sans son cadre autoportant :
Saint Jean enfant – vers 1890
Tempera et craie, sur panneau de bois, 28 x 17,8 cm
Collection particulière (vente 2013)
La
période est aussi un tournant technique. Après un séjour en Italie, Marianne change
de médium au profit de la tempera, une technique très ancienne consistant en
une émulsion de pigments dans du jaune d’œuf, initialement
utilisée sur panneau de bois enduit d’une préparation à base de plâtre et de
colle mais qu’on peut aussi travailler sur toile. Il va en résulter une
modification évidente de sa palette, qui s’éclaircit, tandis que la couche
picturale gagne en transparence.
Elle
a peint cette année-là une toile qui aurait été beaucoup exposée, Light
of light, dont le sujet est l’enfant Jésus endormi et veillé par Marie mais
je n’en ai pas retrouvé la trace. Pour l’évoquer, voici une œuvre un peu plus
tardive, Anges distrayant l’enfant Jésus. Cette fois, c'est Marie qui est endormie…
Angels entertaining the Holy Child - 1893
Huile sur toile, 144,2 x 174,6 cm
Collection particulière (vente 2014)
Exposé à la Royal Academy en 1893 (catalogue p.22)
Cette
année-là, comme beaucoup de femmes artistes de sa génération, Elisabeth Butler,
Rosa Bonheur, Anna Ancher, Cécilia Beaux, Mary Cassatt, Hélène Bertaux, Marie
Bracquemond, Louise Abbéma, Marie Bashkirtseff (pour le plaisir de citer celles
qui sont sur ce blog !) Marianne participe à l’Exposition universelle de
Chicago – mais elle expose au Palais des Arts et pas au Woman’s Building. Elle
présente Hail Mary et Va jouer seul mon garçon… et gagne une
médaille d’or.
En
1994, Marianne commence à illustrer des contes de Grimm, comme ce Prince
grenouille qui fut exposé à Munich la même année :
The Frog Prince – 1894
Huile sur toile, 51 x 51 cm
Collection particulière (vente 1994)
A
partir de 1895, Marianne se rapproche clairement des préraphaélites et, comme
eux, signe ses toiles d’un monogramme (en bas à droite dans un cartouche) : Sainte Elisabeth de Hongrie filant
pour les pauvres constitue le premier exemple de cette évolution, même si
les thèmes médiévaux sont aussi la marque de beaucoup de peintres de l’école de
la « Newlyn School », nom un peu générique qu’on donnait alors aux
peintres de St Ives et des environs.
St Elizabeth of Hungary spinning for the poor -1895
Huile sur toile, 96,5 x 61 cm
Localisation inconnue
Ainsi
que cette Mélisande, probablement inspirée de la pièce de Maurice
Maeterlinck, Pélléas et Mélisande, dont la première représentation a eu
lieu en 1893, à Paris et qui fut sans doute présentée à Londres ensuite.
Mélisande – 1895
Tempera sur toile, 87 x 523 cm
Wallraf-Richartz Museum, Cologne
L’année
suivante, l’imprimerie Franz Hanfstaengl de Munich publie La Reine et le Page qui illustre le
poème de Heinrich Heine, Es war
ein alter König, l’histoire d’un vieux roi qui prit une trop belle épouse
laquelle tomba amoureuse d’un page, ce qui les conduisit tous deux à la mort.
La reine et le page – 1896
Huile sur toile, 101 x 96,5 cm
Collection particulière (vente 2015)
Puis,
dans la même veine, vient Aucassin et Nicolette, thème tiré d’une fable
chantée du XIIe siècle, mais cette fois, l’idylle se termine bien…
Aucassin et Nicolette – 1898
Huile sur toile, 124,5 x 81,3 cm
Collection particulière (vente 1994)
Ces années-là, les Stokes voyagent beaucoup, notamment en Hollande.
En 1900, la Fine Art Society de Londres montre 32 œuvres de Marianne dans une
exposition intitulée « Dutch Life and Landscape ». Je n’ai pas pu trouver
le catalogue de cette exposition mais la Tate conserve une des œuvres
présentées, Jour de Chandeleur, qui fut aussi exposée à la Royal Académie l’année
suivante. Le style décoratif des préraphaélites se synthétise et se dépouille…
Candelmas Day – 1900
Tempera sur bois, 41,6 x 34 cm
Tate Britain, Londres
Exposé à la Royal Academy en 1901 (catalogue p.24)
En
1902, Marianne expose à la Royal Academy un portrait qu’on croirait tout droit
sorti de la Chambre des Epoux des ducs de Mantoue…
John Westlake – 1902
Tempera sur panneau, 19,1 x 13,3 cm
National Portrait Gallery, Londres
Après
la Hollande, les Stokes visitent le Tyrol en 1904.
Adrian Scott Stokes (1854- 1935)
Early Spring in Austrian Tyrol
Huile sur toile, 70 x 85 cm
Victoria Gallery & Museum, Liverpool
Adrian Scott Stokes (1854- 1935)
Wild Cherries in the South Tyrol, Austria – vers 1909
Huile sur toile, 64 x 75 cm
Guildhall Art Gallery, Londres
Puis
ils entreprennent un très long périple en Hongrie dont ils publient le récit en
douze chapitres, en 1909. En dépit de la carte qui figure à la fin de
l’ouvrage, il est assez difficile de suivre leur progression mais on comprend
qu’ils ont à peu près fait le tour du pays. Toutes les 5 ou 6 pages, des illustrations, tantôt un paysage d’Adrian, tantôt une figure de Marianne, qui
sont vraisemblablement aussi des tableaux puisque certains d’entre eux ont été
exposés plus tard, notamment à la Royal Academy. L’ensemble est un ravissement dont
je vous montre quelques images mais le lien est en fin de notice, allez voir
vous-même et vous repèrerez sans doute le paysage exécuté par Marianne !
Bébé hongrois
Illustration de Hongrie par Adrian et Marianne Stokes (A. et C. Black, Londres 1909, 315 p.), p.42
Exposé à la Royal Academy en 1921 (catalogue p.12)
Une couronne de confirmation
Illustration de Hongrie par Adrian et Marianne Stokes (A. et C. Black, Londres 1909, 315 p.), p.136
La marchande d’ail
Illustration de Hongrie par Adrian et Marianne Stokes (A. et C. Black, Londres 1909, 315 p.), p.205
Les
illustrations d’Adrian sont moins séduisantes mais cela tient aussi au fait que
le format se prête moins au paysage. J’ai tenté de les agrandir, il faut
cliquer pour le voir…
The Lake of Csorba in June
Illustration de Hongrie par Adrian et Marianne Stokes (A. et C. Black, Londres 1909, 315 p.), p.28
Le Parlement et le pont Margit à Budapest
Illustration de Hongrie par Adrian et Marianne Stokes (A. et C. Black, Londres 1909, 315 p.), p.260
Marianne est à présent reconnue par ses pairs, elle est élue membre de la Society of Painters in Tempera en
1905 et membre associée de la Royal Society of Painters in Water Colours en
1923.
Vierge et enfant – vers 1909
Tempera sur panneau, 80,1 x 61 cm
Wolverhampton Art Gallery, Wolverhampton
© Wolverhampton Art and Heritage
Tandis
qu’Adrian, lui, est élu en 1919 à la Royal Academy, qui attendra encore dix ans avant d'accepter l'élection d'une femme…
Adrian Scott Stokes (1854- 1935)
Lac Majeur – vers 1920
Huile sur toile, 60,5 x 92 cm
Royal Academy of Arts, Londres
Marianne
continuera à être exposée à la Royal Academy jusqu’en 1926 et, pour
l’anniversaire des cinquante ans de sa mort, en 1977, Candelmas Day y sera à nouveau
exposée en souvenir d’elle.
Il
existe une œuvre de Marianne dans les collections françaises, au musée d’Orsay :
La jeune fille et la mort – 1908
Huile sur toile, 95 x 135 cm
Musée d’Orsay, Paris
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Et
deux œuvres de Marianne ont été reproduites dans le Women painters of the
World de 1905 :
April – sans date
Huile sur toile, 71 x 40 cm
Collection particulière (vente 2019)
Œuvre reproduite dans Women painters of the World de Walter Shaw Sparrow
(The Art and Life Library, Hodder & Stoughton, Londres, 1905, p.79)
Portrait of Lady Northbourne Tempera, feuille d’or et perles sur bois, diamètre 44,2 cm
Collection particulière (vente 2022)
Œuvre reproduite dans Women painters of the World de Walter Shaw Sparrow
(The Art and Life Library, Hodder & Stoughton, Londres, 1905, p.129)
Que
retenir de cette artiste, en plus de l'exemple de collaboration artistique au sein de son couple qui paraît ne pas avoir entravé son propre épanouissement ?
En
1912, Marianne a conçu le carton d’une tapisserie intitulée Ehret die Frauen, inspirée d’un poème
de Friedrich Schiller (1759-1805), Würde
der Frauen, (Dignité des femmes - 1796) dont les deux premiers vers sont ceux
qui sont reproduits en caractères gothiques en haut de l’œuvre :
« Ehret die Frauen ! Sie flechten und
weben Himmlische Rosen ins irdische Leben »
« Honorez les femmes ! Elles
tressent et tissent les roses célestes dans la vie terrestre. »
Les
figures de gauche à droite représentent le Courage, la Foi, l’Amour, la Sagesse
et la Fidélité.
Ehret die Frauen - 1912
Tapisserie, 177 x 274 cm
Tissé par Gordon Berry et John Martin pour Morris & Co, d’après Marianne Stokes
Whitworth Art Gallery, Manchester
Comme de la plupart de ses œuvres, il émane de celle-ci une grande douceur associée à une spiritualité tranquille qui me
semble être la marque de l’esprit créatif que cette peintre a exprimé à travers tous les
styles de son époque, avec prestance et une égale dignité.
*
Enfin,
pour ne pas perdre les bonnes habitudes, voici la seule nature morte de
Marianne que j’ai pu trouver…
Coings – sans date
Craies de couleur sur papier chamois, 30,5 x 37,5 cm
Collection particulière (vente 2021)
Le
lien vers Hungary est ici :
https://archive.org/details/hungary00stok/mode/2up
*
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