lundi 6 décembre 2021

Louise Catherine Breslau (1856-1927)

 

Autoportrait – 1890
Fusain et pastel, 60 x 49 cm
Collection particulière

Née à Munich, le 6 décembre 1856, Maria Luise Katharina Breslau a grandi à Zurich, où sa famille a déménagé quand elle avait deux ans. Son père, le docteur Bernhard Breslau, gynécologue renommé, avait accepté un poste de professeur à l’Université de Zurich. Après sa mort brutale, en 1866, son épouse décide de rester en Suisse, pays que Maria Luise considère comme sa patrie.

Aînée de quatre filles, Maria Luise est de santé fragile et souffre d’un asthme sévère. Devant rester de longues heures alitée, elle dessine pour passer le temps. Envoyée ensuite dans un couvent près du lac de Constance pour y soigner ses bronches, elle y reçoit des cours de dessin. Puis, de retour à Zurich, elle fréquente l’école de dessin réputée du portraitiste et peintre de genre suisse Eduard Pfyffer (1836-1899).

Persuadée que Paris pouvait lui offrir les meilleures chances d’étude et de carrière, Maria Luise décide de s’y installer. Elle arrive à Paris au printemps 1876, après s’être engagée à ne jamais peindre de nu masculin pour rassurer sa mère…

N’ayant pas, en tant que femme, accès à l’Ecole des Beaux-Arts, elle s’inscrit à l’Académie Julian qui vient d’ouvrir son atelier féminin et étudie sous la tutelle de Rodolphe Julian (1830-1907) et Tony Robert-Fleury (1837-1911). Grâce au Journal de Marie Bashkirtseff (Tome 2, Charpentier, Paris, 1890, consultable en ligne sur Gallica), qui la considère comme sa seule vraie rivale, on sait qu’elle y devient rapidement l’une des élèves les plus prometteuses de l’école.

Elle va y développer son talent de portraitiste, à l’huile et au pastel, qui lui permettra de lancer sa carrière et de gagner son indépendance financière. Elle y rencontre également d’autres femmes avec lesquelles elle noue de solides amitiés, notamment la peintre irlandaise Sarah Purser (1848-1943) qui restera sa confidente.

L’année qui suit son arrivée, elle emménage avec l’artiste suisse Sophie Schaeppi et avec Maria Feller, une chanteuse italienne, dans un petit appartement du 40 avenue des Ternes où elle restera jusqu’en 1906. La communauté de femmes qui s’y retrouve sera un grand soutien pour Maria Luise tout au long de sa carrière et lui servira très souvent de modèle pour ses portraits.

Dès 1879, elle est la seule élève féminine de l’Académie à être admise au Salon, sous le prénom de Louise Catherine qu’elle adopte désormais. Elle y montre une huile intitulée Tout passe dont je n’ai pas trouvé trace. Mais on peut supposer qu’il s’agit d’un portrait de Maria Feller car Marie Bashkirtseff en donne une description précise dans son journal : « La peinture de Breslau est une grande belle toile occupée par un grand beau fauteuil en cuir doré, dans lequel est assise son amie Maria, en robe vert foncé éteint, quelque chose de bleu gris au cou ; une main tient un portrait et une fleur, l'autre un paquet de lettres qu’elle vient de nouer d’une faveur rouge. Arrangement simple, sujet connu. Dessin admirable et grande harmonie de tons d'un effet presque charmant. » (Lundi 12 mai 1879, op.cit., p. 132)

On connaît de cette période son portrait du flegmatique poète britannique Henry Davison, portrait qui plût à Edgar Degas et qu’Emile Hovelaque, inspecteur général de l’Instruction publique, décrivit en ces termes : « Le curieux portrait de H. Davison, au bleu regard fanatique, au long corps indifférent flottant dans d’impersonnels et vagues vêtements d’où sort une longue main abstraite, qui se détache sur un fond significatif peint avec une si candide ferveur juvénile à la Manet. » (Hovelaque, Emile, « Artistes Contemporains. Mademoiselle Louise Breslau », in Gazette des Beaux-Arts, 2/34, Paris, 1905, p.199, consultable en ligne).

 

Portrait de Henry Davison – 1880
Huile sur toile, 97 x 46 cm
Musée d’Orsay, Paris
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Pendant l’été 1880, Louise part en Bretagne, destination estivale prisée des peintres. Elle y rencontre notamment Jules Breton (1827-1906) et Jean-Louis Forain (1852-1931).

Après une seconde tentative au Salon de 1880, elle est gratifiée en 1881 d’une mention honorable – ce qui n’est pas rien, pour une artiste inconnue - pour Le Portrait des Amis. L’œuvre est jugé très avant-gardiste et suscite quelques commentaires ironiques dans la presse populaire, où, à cause de la présence du chien sur la table, paraît une caricature dont tous les personnages ont des têtes de chien.

Quant à Marie Bashkirtseff, sous son pseudonyme de Pauline Orell, elle le décrit par ces lignes peu flatteuses : « Le tableau de Mlle Breslau, placé entre ces deux toiles [de Bastien Lepage], bénéficie de ce concours de monde. Ce sont trois têtes de femmes, ni jolies ni distinguées et d’une facture qui flotte entre M. Bastien Lepage et M. Manet […] Il faut espérer que Mlle Breslau quittera bientôt les imitations qui, bien qu’heureuses, ne peuvent jamais satisfaire les gens de goût. » (« Le Salon de 1881 », La Citoyenne du 22 mai 1881)

 

Portrait des amis – 1881
Huile sur toile, 84.30 x 160.5 cm
MAH Musée d'Art et d'Histoire, Genève
©MAH, photo : B. Jacot-Descombes

« Breslau se représente en compagnie de ses colocataires et de son chien. Sophie Schaeppi occupe le centre du tableau, un porte-mine et un carnet de croquis dans les mains. Breslau, de dos, est installée à son chevalet. Elle tient une tasse à café dans la main gauche et elle observe ses amies. Les regards des protagonistes ne se croisent pas, ce qui crée un effet de distance entre elles. L’année de son exécution, l’œuvre est acceptée au Salon à Paris, où elle rencontre beaucoup de succès, puis montrée à celui de Bruxelles. L’année suivante, elle figure à l’exposition d’été de la Royal Academy of Arts de Londres et, en 1883, elle est présentée à l’Exposition nationale suisse qui a lieu à Zurich. C’est à cette occasion que le Musée d’art et d’histoire en fait l’acquisition. Cette toile de Breslau est la première à être achetée par une institution. » (Notice du musée)

Ce qu’on peut en dire, en outre, c’est que cet atelier féminin, où Louise ne montre rien de son visage, tandis que ses compagnes paraissent curieusement absentes, s’inscrit dans une thématique que de nombreux peintres de l’époque ont utilisée pour se présenter eux-mêmes. On se souvient d’Un Atelier des Batignolles (voir Eva Gonzales) ou de l’Atelier de Bazille où l’on retrouve certains des mêmes protagonistes.

Frédéric Bazille (1841-1870)
L'Atelier de Bazille - 1870
Huile sur toile, 98 x 128 cm
Musée d’Orsay, Paris
© Musée d’Orsay, RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

De gauche à droite, Renoir assis, parlant avec Monet ou Astruc, penché sur la rampe de l’escalier ; Zola, en pantalon gris souligné d’un galon noir sur la couture ; Manet, avec son chapeau et sa canne, semblant commenter la toile posée sur le chevalet ; Bazille, plus grand que les autres, et à l’extrême droite, Edmond Maître au piano. Tous les artistes ne travaillent pas dans les mêmes conditions de confort et rares sont les femmes qui disposent de leur propre atelier.

La mention au Salon suscite l’intérêt du galeriste et marchand d’art Louis Martinet, qui contribue à introduire Louise dans un cercle plus mondain, ce qui lui permet d’élargir sa clientèle.

Le deuxième tableau que Louise a présenté au Salon de 1881, Annaïc, est remarqué par La Vie Moderne. Compte tenu du sujet, il est probable qu’elle l’ait exécuté en Bretagne, l’année précédente.

 

Salon de 1881 – ANNAÏC
Dessin de Mlle Breslau d’après son tableau
La Vie Moderne, 18 juin1881, p. 389
Source : RetroNews / Bibliothèque nationale de France

Et c’est encore grâce à La Vie Moderne qu’il reste une trace de la Pêcheuse attendant la marée, qu’elle présente au Salon de l’année suivante :

Salon de 1882 - Pêcheuse attendant la marée
Dessin de Mlle Breslau d’après son tableau
La Vie Moderne, 20 mai 1882, p.315
Source : RetroNews / Bibliothèque nationale de France

L’intérêt de cette revue est probablement lié au fait que Louise y collabore dès 1881 et plusieurs de ses dessins y sont publiés en 1882 et 1883.

Musique de Chambre, dessin d’après nature
La Vie Moderne, 15 avril 1882, p. 232
Source : RetroNews / Bibliothèque nationale de France

DUO, dessin d’après nature
La Vie Moderne, 14 avril 1883, p. 241
Source : RetroNews / Bibliothèque nationale de France

Le talent de Louise se révèle aussi dans un autoportrait qu’elle exécute cette année-là. Son regard scrute intensément son sujet pour en rendre la vérité première, celle de la passion déterminée qu’elle voue à son art.

Portrait de l’artiste jeune – 1882
Dessin, 45 x 38 cm

Ce beau dessin ferait partie d’un legs de Madeleine Zillhardt (1930) au musée des Beaux-Arts de Dijon qui possède, selon ses propres publications, 66 œuvres de Louise mais n’en montre aucune dans ses collections en ligne…  

C’est, de loin, le portrait de Louise que je trouve le plus intéressant et expressif. Mais comme il n’a jamais été montré de son vivant, j’en déduis qu’elle n’aurait pas souhaité qu’il figure en « portrait de postérité », même sur ma modeste page…

Cette année-là, Louise expose aussi rue Vivienne, au Cercle des arts libéraux, créé par Union des femmes peintres et sculpteurs (UFPS) fondée en 1880 par la sculptrice Hélène Bertaux pour favoriser la visibilité des artistes féminines.

En 1883, Louise voyage aux Pays-Bas et se passionne pour l’art primitif flamand. Cela ne l’empêche pas de participer au Salon, avec un pastel et deux huiles : Le Thé à cinq heures et le Portrait d'Isabelle de Rodays.

Le thé à cinq heures – 1883
Huile sur toile, 150,5 x 151,5 cm
Kunstmuseum, Berne

Au-delà de la représentation traditionnelle du Five O’clock tea, traitée par de nombreux artistes de l’époque, mon impression personnelle est que la scène dégage une atmosphère un peu inquiétante, chaque personnage paraissant attendre quelque chose qui dépasse la simple dégustation d’un thé…

Portrait de Mlle Isabelle de Rodays -1882
Huile sur toile, 173,5 x 11, 5 cm
Musée des Arts Décoratifs, Paris

Cette jeune fille était la fille du directeur du Figaro dont la notoriété était susceptible d’attirer à Louise une clientèle diversifiée. Pour les peintres sans fortune personnelle, le portrait était un moyen de subsistance non négligeable. Comme le disait le chroniqueur Auguste Jal dès 1833 « le portrait est le pot-au-feu du peintre ; c’est avec des portraits qu’il bat monnaie. »

A la même époque, Louise traverse une période de crise artistique. Ses premières condisciples étrangères de Julian sont, pour la plupart, rentrées dans leurs pays respectifs et Maria s’est mariée.  Louise retourne travailler quelques temps à l’Académie pour reprendre confiance. C’est lors de ce bref intermède qu’elle rencontre Madeleine Zillhardt (1863-1950) qui deviendra la compagne de sa vie.

Cette année-là, une nouvelle adresse apparaît sur le registre du Salon, le 27 bis rue Bayen. C’est celle de l’atelier de Louise. En dépit de ses doutes, elle continue à travailler et exposer. En 1886, elle présente notamment Chez soi, où sa mère et sa sœur Bernardine servent de modèles et qui sera acquis par l’Etat en 1921. Là encore, l’atmosphère intimiste est contredite par l’absence d’interaction entre les deux femmes qui semblent perdues dans leurs pensées.

Chez soi (Intimité) – 1885
Huile sur toile, 127 x 154 cm
Musée des Beaux-Arts de Rouen (dépôt du musée d’Orsay)

A l’ouverture du Salon de 1886, Jules Breton présente à Louise le sculpteur Jean Carriès (1855-1894), avec lequel elle va nouer une relation sentimentale passionnée. Tous deux étaient extrêmement engagés dans leur art et partageaient beaucoup de centres d’intérêt artistiques même si les sentiments de Louise étaient ambivalents : « Parfois, nous faisons de longues promenades à Paris. Ou nous allons au Louvre. Là, nous sommes bien, parce que nos âmes se comprennent. Puis, dans la rue quand nous croisons une vitrine de magasin et que nous y voyons nos reflets côte à côte, nous nous étonnons de l’étrangeté de notre apparence. Cela l’amuse. Moi, cela me met mal à l’aise. » (Lettre à son amie Sarah Purser, National Library of Ireland)

Jean Carriès lui demande de réaliser son portrait. Elle le saisit dans son atelier, au milieu d'un bric-à-brac d’accessoires, à côté buste de Frans Hals sur lequel il travaille, un outil à la main.

 

Portrait de Jean Carries dans son atelier – 1886/87
Huile sur toile, 176 x 165 cm
Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris

Le portrait ne plaît pas à Carriès qui le trouve « gris et triste ». Louise le présente tout de même au Salon de 1887 et rompt sa relation amoureuse avec le sculpteur, avec lequel elle restera amie. Cette brève histoire l’aide à accepter son homosexualité.

L’année précédente, Louise avait présenté au Salon un second tableau, le Portrait de Julie Feurgard, une représentation grandeur nature qui remporte un grand succès.

 

Portrait de Mlle Julie Feurgard (Sous les pommiers) - 1886
Huile sur toile, 171,5 x 186,5 cm
© Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

« Louise Breslau est déjà depuis plus de deux ans dans une crise existentielle et artistique lorsqu'elle peint ce portrait en 1886. Influencée par Edgar Degas et après 1880 par le naturalisme de Jules Breton, elle avait déjà réalisé plusieurs portraits remarquables, dont Chez soi, mais fut entraînée par le doute : « Si je ne peux pas donner un preuve nouvelle et certaine de ma valeur, je suis perdue », écrit-elle en janvier 1885.

Breslau a ensuite voyagé à la campagne, dans le but manifeste de relever le défi de produire sa première œuvre monumentale en plein air. A Sannois, dans le jardin d'un camarade d'atelier, elle réalise des études pour le tableau qu'elle exposera au Salon de Paris en 1886. La presse la classe aussitôt parmi les disciples de l'impressionnisme : « Voulez-vous des travaux en plein air ? Le voici de Mlle Breslau : le portrait d'une de ses compagnes artistes assise dans un jardin, qui, comme vous pouvez l'imaginer, va la colorer en vert et, par conséquent, la rendre horrible, picturale parlant. En réalité, cette œuvre d'une vigueur exceptionnelle enregistre les effets changeants de la lumière et la peintre n'hésite pas à ternir le visage de son modèle à l'ombre de son chapeau. » (Extrait de la notice du musée)

Louise présente ce tableau à l'Exposition Universelle de 1889 à Paris, où elle représente la Suisse. Le jury lui décerne une médaille d'or et le tableau est acquis la même année par le musée des Beaux-Arts de Lausanne. 

Elle expose aussi Contrejour où elle se représente de face, en compagnie de Madeleine Zillhardt, peu de temps après que les deux artistes ont emménagé ensemble, avenue des Ternes. L’œuvre captive à plus d’un titre : d’abord à cause du dispositif choisi par Louise, qui laisse la quasi-totalité de son visage dans l’ombre, tandis que se détache précisément le profil de Madeleine dont le regard est fixé sur sa compagne. Entre les deux femmes, un rosier épanoui dont il est difficile de ne pas comprendre la portée symbolique. 

Contrejour, dessin préparatoire
Crayon sur carton, 29 x 43,3 cm
Collection particulière (vente 2010)

Contrejour – 1888
Huile sur toile, 113 x 181,5 cm
Kunstmuseum, Berne

Grâce à la médaille d'or de l'Exposition, la réputation de Louise est à présent établie et les commandes affluent.

Berligot Ibsen (née Bjornsen) – 1889
Huile sur toile, 131 x 90 cm
National Gallery of Ireland, Dublin

En 1890, Louise commence à exposer au Salon du Champ-de-Mars, organisé par la Société Nationale des Beaux-Arts (SNBA) dont elle est sociétaire. C’est cette année-là qu’elle y expose l’autoportrait au pastel que j’ai choisi de montrer « pour la postérité ». Il ressemble beaucoup à celui de 1882. Il est désigné aujourd’hui comme Portrait de femme à la robe bleue mais l’identité du modèle ne me paraît faire aucun doute et il correspond au Portrait de l’auteur au pastel qui figure sur le livret du salon.

Ce salon, qui commence une quinzaine de jours après celui de la Société des artistes français, est aussi accompagné d’un catalogue illustré. Hélas, celui de 1890 n’a pas été numérisé. On trouve cependant un charmant petit pastel de 1890 dans La Revue Illustrée

La Revue illustrée, 15 juin 1890, non paginé, après p.112
Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France


En revanche, on peut consulter sur Gallica celui de 1891 où figurent quatre œuvres de Louise : deux pastels, Portrait de ma sœur et Portrait de Mlle Louise-Marie et deux huiles, Portrait de M.G. et Jeunes filles, que l'Etat acquiert au Salon.


Jeunes filles (Intérieur) – Salon de 1891
Huile sur toile, 170 x 113 cm
Centre national d’arts plastiques - FNAC 1767
En dépôt au Ministère de l'intérieur, Paris



Catalogue du Salon du Champ-de-Mars, 1891, p.224
Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France


De la même année, j’ai aussi trouvé ce tableau qui figure dans les collections en ligne de l’Office fédéral de la culture suisse et que je trouve très évocateur du plaisir de la lecture :


La Liseuse – 1891
Huile sur toile 37,1 x 26,7 cm
© Federal Art Collection, Swiss Federal Office of Culture, Berne

A partir de cette année-là, Louise expose chaque année entre cinq à sept dessins ou pastels et plusieurs huiles. En 1892, elle montre notamment cette Petite fille au chien blanc où il apparaît que le pastel devient, à juste titre, sa technique de prédilection.


Portrait de Mlle Adeline Poznanska (La petite fille au chien blanc) -1891
Pastel sur papier, 130,5 x 76,5 cm
Musée d’Orsay, Paris
Photographié dans l’exposition « Pastel de Millet à Redon » Musée d’Orsay, mai 2023


Deux enfants assis – 1892
Pastel sur papier, 105 x 110 cm
Collection particulière (vente 2009)

Fin 1892, Louise loue un jardin à Neuilly pour pouvoir y travailler en plein air. C’est là qu’elle peint les Gamines qu’elle présente avec neuf autres œuvres au Salon de l’année suivante et qui sera acheté par l’Etat.

 

Gamines – 1893
Huile sur toile, 110 x 235 cm
Bibliothèque-musée Inguimbertine, Carpentras

« Elles sont étranges dans leur languide attitude, ces deux filles couchées parmi les mousses dans le silence recueilli du bois verdoyant. Certes, c’est un sujet qui n’a pas causé grand effort d’imagination à l’auteur que ce repos de gamines, lassées d’avoir trop joué au volant et étendues à terre avec leurs raquettes à leurs côtés ; mais ce banal motif, grâce au charme du dessin et de la couleur, grâce au don d’arrangement très heureux qui est le propre de l’artiste, Mlle Breslau a haussé sa composition à des joliesses d’idylle, et a changé en une poésie savoureuse ce qui, traité par d’autres, resterait d’un prosaïsme sans attrait. »  (Le Monde Illustré, 25 novembre 1893, p.342)

En 1895 et surtout 96, on voit apparaître dans la liste des œuvres que Louise présente au Salon, des titres évoquant des natures mortes. Elles sont aujourd’hui encore plus difficiles à trouver que ses portraits, comme ce Chapeau aux roses, exposé en 1896.

Chapeau aux roses – 1896
Pastel
Collection particulière

L’année suivante, Louise expose au Salon de la SNBA un Groupe de petites filles qui est, à nouveau, acheté par l’Etat. Il y a là un petit mystère : on le trouve sans photo dans la base Collections du Louvre qui précise qu’il a été versé à Orsay. Dans la base d’Orsay, pas de Groupe de petites filles mais ces Deux jeunes filles assises sur une banquette, dont les dimensions correspondent et qui est censé avoir été présenté au Salon de la SNBA en 1897, alors qu’aucun pastel ne s’appelle « Deux jeunes filles » dans le livret.

Je pars donc du principe que le pastel en question a changé de nom…

Deux jeunes filles assises sur une banquette (Groupe de petites filles ?) – 1896
Pastel sur papier, 78 x 91,5 cm
Musée d’Orsay, Paris
©  RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) /Hervé Lewandowski


Le Figaro Salon, lui, est séduit par La robe de la poupée :

Figaro-Salon 1896, p.85


L’année suivante, Louise participe à la deuxième exposition de la Société des peintres-lithographes, dans le salon du Figaro. Il reste de son travail de l’époque cette lithographie d’une troublante modernité :

Fillette à l’orange – 1897/1899
Lithographie, 40,64 x 30,48 cm
Dallas Museum of Art, Dallas, Texas

Au Salon de la SNBA de 1899, Louise ne présente pas moins de 14 huiles dont cette Chanson enfantine. Le travail de la lumière sur le visage de la pianiste est assez caractéristique de son style.

Chanson enfantine – 1898
Huile sur toile, 114 x 132,5 cm
Musée des Beaux-Arts Jules Chéret, Nice

« Continuons la série des « peintres de la vie » que nous avions commencée tout à l'heure. Mademoiselle Louise Breslau apporte dans cet art une nature vraiment loyale et candide, un savoir accompli, un courage qui ne se lasse jamais. Ses jeunes filles au piano, sa jeune fille à la toilette, les enfants si bien surpris dans leurs occupations ou leurs jeux, les fleurs harmonieusement vives, tout cela constitue une exposition remarquable et s'ajoute à une œuvre déjà des plus importantes. » (Albert Wolff, « Salon des artistes français », Figaro-Salon 1899, p.97)

Elle y montre aussi 6 pastels, dont La toilette, probablement un portrait de Madeleine. 


La toilette – 1898
Huile sur toile, 62,8 x 65,4 cm
Collection particulière (vente 2012)

Lors de l’Exposition universelle de 1900, Louise représente à nouveau la Confédération Suisse avec le peintre Ernest Biéler, lui aussi ancien élève de l’Académie Julian. Elle y montre huit œuvres et obtiendra à nouveau la médaille d’or et Biéler celle d’argent.

L’année suivante, Louise est élevée au grade de Chevalier de la Légion d’honneur, devenant la première artiste étrangère récipiendaire de cette distinction.

Au Salon du Champs-de-Mars de 1901, elle expose cinq pastels et cinq huiles, dont l’Etude de la géographie et douze œuvres l’année suivante, dont l’Enfant songeur, acheté par l’Etat.


L’Etude de la géographie - 1900
Huile sur toile, 65 x 74.3 cm
Aargauer Kunsthaus, Argovie, Suisse

La même année, chassées de l’avenue des Ternes par la rénovation urbaine, Louise et Madeleine s’installent dans une maison, au 15, boulevard Inkermann à Neuilly, où elles aménagent un atelier. Louise peut y recevoir ses amis, Edgar Degas, Auguste Rodin, le comte de Montesquiou et son compagnon, le violoniste Gabriel Yturri qu’elle portraiture quelques années plus tard.

 

Portrait de Gabriel Yturri – 1904
Pastel
Musée Lambinet, Versailles

Ecrivain et mondain, Montesquiou a laissé un sonnet consacré Louise, qui fut publié en 1904 :

Art et Décoration, janvier 1904, p.142
Source : Gallica / Bibliothèque nationale de France


En avril de cette année-là, le galeriste Georges Petit organise la première exposition rétrospective du travail de Louise, qui inspire à l’inspecteur général précité un article dithyrambique :  « […] et ce chef d’œuvre qui est le point culminant de cette nouvelle facture, si dense, si complexe, si périlleusement raffinée et volontaire, d’un maîtrise si savoureuse et si accomplie, où le pastel atteint une force, une plénitude, une autorité dans sa délicatesse conservée, uniques en notre temps, le portrait de Mlle A. O*** » (Emile Hovelaque, op.cit. p.203).

 

L’image dans la glace (Annette Österlind) - 1904
Pastel sur papier brun marouflé sur toile, 139,8 x 85 cm
Kunstmuseum, Bâle

Le portrait est exposé au printemps 1905 au Salon de la SNBA et acquis par la ville de Bâle. La même année, Louise exécute son autoportrait au pastel qui ne paraît pas avoir été exposé sur le moment puisque Louise n’a pas participé au Salon de 1904 et qu’il ne figure pas dans le livret de 1905.

Autoportrait – 1904
Pastel sur carton
Musée des Beaux-Arts Jules Chéret, Nice - N° Mba 6184
©Ville de Nice

L’année suivante, Louise exécute le portrait d’une amie de Montesquiou, la duchesse de Clermont-Tonnerre, femme de lettre mondaine dont la liaison avec Nathalie Clifford Barney faisaient alors scandale.

Portrait de la duchesse de Clermont-Tonnerre à l’ombrelle – 1906
Pastel, 115 x 55 cm
Collection particulière (vente 2011)

Elle peint aussi un des rares portraits masculins à l’huile dont j’ai trouvé trace, avec ceux de Davison et Carriès. Il fut présenté au Salon de 1906.

L’amateur de tympanum (portrait de M. E.N. Fernando) - 1906
Huile sur toile, 107 x 99 cm
Musée des Beaux-Arts, Rouen


Mais dans le catalogue du Salon de la « Nationale » de 1906 (p.119), ne figure que ce charmant enfant :





Dans cette Vie pensive, à nouveau, Louise ne montre que son profil. Comme dans Contrejour, elle apparaît comme celle qui lit, tandis que sa compagne caresse un animal.


La Vie pensive – 1908
Huile sur toile, 175,7 x 160 cm
© Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

« Formulation très proustienne d’une tradition du portrait impressionniste ancrée dans la leçon d’Edgar Degas et d’Henri Fantin-Latour, ce tableau frappe par sa monumentalité. La scène se déroule dans le salon de la maison acquise à Neuilly par Breslau. Il en émane le sentiment d’un ennui profond et d’une tension sourde. Comme souvent, l’artiste se représente ici de dos, ne dévoilant d’elle que son célèbre profil aquilin ; une lettre à la main, et un front haut et dégagé la posent en intellectuelle. Au premier plan, Madeleine Zillhardt, sa compagne, étale les charmes de sa beauté rousse tout en caressant un barzoï ; ses yeux bleu turquoise sont perdus dans quelque rêverie favorisée par l’usage du laudanum. La vie pensive, titre de l’œuvre, se donne ainsi à comprendre au double sens de vita activa et vita contemplativa.

D’une grande luminosité et très nourrie de couleurs, sensible et nerveuse, la toile est travaillée à coups de pinceau longs et rapides, dans une manière qui évoque l’écriture du pastel, sa fluidité et sa matité. Au centre, une table nappée de blanc supporte les éléments d’une nature morte alternant les matières opaques et transparentes : bouquet de fleurs, corbeille de fruits, verre et carafe, assiette de porcelaine. Un couteau dirigé vers une pêche semble la métaphore de la passion charnelle unissant les deux femmes. » (Extrait de la notice en ligne du musée)

Au moment où la guerre éclate, Louise prend le parti de la France et se mobilise avec Madeleine. Elle réalise des portraits d’infirmières et de soldats, tandis que Madeleine, décoratrice talentueuse, apporte son soutien à Clemenceau, avec l’assiette « Bravo Tigre », pour la Manufacture de Choisy-le-Roi et, en souvenir des bombardements de Paris, crée l’assiette « Fluctuat nec mergitur », éditée par la manufacture de Sarreguemines.


Portrait du peintre décorateur Karbowski pendant la guerre – 1915
Dessin, 64 x 48,5 cm
Musée Carnavalet, Histoire de Paris


Portrait du pilote de chasse Gorges Guynemer – 1916
Lithographie en couleur, 33 x 26 cm
The British Museum, Londres


Madeleine Zillhardt (1863-1950)
Assiette « Bravo tigre ! » - 1918
Manufacture de Charly-le-Roi



Madeleine Zillhardt (1863-1950)
Assiette « Fluctuat nec mergitur » - 1918
Musée de l’air et de l’espace, Aéroport de Paris-Le Bourget


Après la guerre, la santé de Louise devient plus précaire et, à l’exception de quelques portraits de commande, comme celui de ce magnat du sucre californien, ou ceux de quelques amis, comme l’écrivain Anatole France, elle recentre son travail sur la nature morte et les fleurs de son jardin.

 

Adolphe B. Spreckels – 1924
Aquarelle sur ivoire, 11,6 x 9, 1 cm
Fine Arts Museums, San Francisco, Californie


Portrait d’Anatole France – 1921
Pastel sur carton, 60 x 49,6 cm
Musée national des Châteaux de Versailles et du Trianon


Louise peint son dernier autoportrait, en compagnie de son dernier modèle, la petite fille de son amie Maria Feller qui s’était installée chez elle et que Louise a représentée de nombreuses fois dans ses derniers dessins. Il sera présenté au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts et reproduit  dans Le Monde Illustré du 29 avril 1922 (p.310).


L’artiste et son modèle – 1921
Huile sur toile, 105 x 113,5 cm
Legs Madeleine Zillhardt, 1952
Musée d’Art et d’Histoire, Genève
©MAH, photo : B. Jacot-Descombes

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Un an après le décès de Louise (le 12 mai 1927), Madeleine propose de réhabiliter à ses frais une péniche en béton de 70 m de long et 8 m de large, construite en 1919 et qui avait été désaffectée après avoir servi à ravitailler Paris en charbon. L’objectif est d’en faire un lieu d’accueil pour les « malheureux », comme on disait alors. Elle y met une condition : que figure à la poupe du bâtiment le nom de Louise-Catherine. C’est Le Corbusier qui sera chargé de la réhabilitation et la péniche survécut jusqu’en 2018, où elle fut submergée par une crue de la Seine…

Madeleine a aussi légué une soixantaine d'œuvres de Louise au musée des Beaux-Arts de Dijon et écrit un livre de souvenir, « Louise Breslau et ses amis » (Zillhardt, Madeleine. Louise-Catherine Breslau et ses amis, Paris, Édition des Portiques, 1932).

Deux expositions commémoratives ont eu lieu, en 1928 à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris et en 1929, au musée des Beaux-Arts de Genève. Et puis… l’œuvre de Louise est tombé dans l’oubli.

 

L'artiste a cependant été remise à l’honneur à deux occasions récentes. En 2002 : Louise Breslau : De l’impressionnisme aux années folles, au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne et en 2005/2006 à Dijon, avec une exposition intitulée Louise Breslau dans l’intimité du portrait.

Peut-être un renouveau pour cette peintre proche des impressionnistes par sa maîtrise de la lumière et sa palette de couleurs virtuose mais aussi très personnelle dans son approche du portrait.

Et voici, pour terminer, les deux seules natures mortes que j’ai trouvées…

 

Nature morte avec des fleurs et un éventail – sans date
Huile sur toile, 33 x 44.5 cm
Collection particulière


La table du goûter (Titre attribué : Fruits du midi) – 1924
Huile sur toile, 54 x 79,5 cm
Musée de Grenoble





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