dimanche 10 octobre 2021

Marie-Guillemine Benoist (1768-1826)

 

Autoportrait copiant le Bélisaire et l'enfant à mi-corps de David – 1786
Huile sur toile, 92 x 75 cm
Staatliche Kunsthalle, Karlruhe
(Photographié dans l’exposition Peintres femmes, naissance d’un combat (1780-1830) 
au musée du Luxembourg, à Paris, en juillet 2021)


Issue d’une famille de la noblesse de robe, Marie-Guillemine, née le 18 décembre 1768, était la fille de René Laville-Leroulx (dit aussi : Roux de la Ville), directeur des Salines du Roi dans les années 1760, puis adjoint à l’administration des Fermes générales dans les années 1780.

Alors que Marie-Guillemine, surnommée Émilie, atteint l’âge de treize ans, son père confie sa formation artistique à Elisabeth Vigée-Le Brun qui l’évoque ainsi dans ses Souvenirs : « Parmi mes élèves se trouvait mademoiselle Émilie Roux de La Ville, qui depuis a épousé M. Benoist, directeur des droits réunis, […]. Elle peignait au pastel des têtes où s’annonçait déjà le talent qui lui a donné une juste célébrité. Mademoiselle Émilie était la plus jeune de mes élèves. » (Souvenirs de Madame Vigée Le Brun, Edition Charpentier et Cie, 1869, Tome premier, Lettres à la princesse Kourakin, lettre IV, p.36)

Trois ans après le début de sa formation, en 1784, Marie-Guillemine participe pour la première fois à l’Exposition de la Jeunesse. Il semblerait qu’à l’époque, elle ait peint un Portrait du dauphin, dans des circonstances que je serais bien en mal d’élucider. Le portrait, récemment réapparu sur le marché, est signé « Melle Leroulx Laville »

Portrait du dauphin Louis-Joseph Xavier François – vers 1784
Collection particulière

Mais Elisabeth Vigée, que l’enseignement « ennuie fortement » renonce « bien vite à tenir atelier ». Marie-Guillemine entre alors dans celui de Jacques-Louis David (1748-1825), un peintre encore plus prestigieux qu’Elisabeth, et ceci en dépit du décret royal interdisant aux femmes artistes d’être formées au Louvre. Or, c'est là que se trouve l'atelier de David. Sans doute les jeunes femmes travaillent-elles dans un atelier extérieur…

Cette même année 1786, elle est « l’Émilie » à laquelle le poète Charles-Albert Demoustier (1760-1801) dédie ses Lettres sur la mythologie, ouvrage qui rencontre un grand succès. Cela contribue probablement à attirer sur elle l’attention de la critique, d’autant qu’elle montre à l’Exposition de la Jeunesse de 1786 son Autoportrait copiant le Bélisaire et l'enfant à mi-corps de David (voir ci-dessus, en exergue) où elle apparaît en tenue à l’antique, cheveux défaits et épaule découverte.

Femme et s’affirmant ainsi en élève de David, l’année même où les élèves du sexe sont exclues des ateliers du Louvre ! J’ai peine à croire qu’Émilie ait choisi son sujet sans avoir une petite idée derrière la tête. Quoi qu’il en soit, le tableau ne passe pas inaperçu et c’était, sans nul doute, le premier objectif de son auteur.

 

Jacques-Louis David (1748-1825)
Bélisaire demandant l’aumône – 1780
Huile sur toile, 288 x 312 cm
Palais des Beaux-Arts, Lille
Morceau de réception de David à l'Académie royale, présenté le 24 août 1781 

De toute évidence, la version copiée par Marie-Guillemine n’est pas celle-ci, puisqu’on y voit l’enfant de trois-quarts et non de profil, comme ici. Peut-être s’agissait-il d’une esquisse ou d’un version d’étude qui n’a pas été retenue… ?

Le Louvre indique que le roi n’acheta pas ce tableau de David, ce qui n’a rien de bien étonnant puisque cette scène est une critique à peine voilée du pouvoir, capable d’abandonner ses serviteurs loyaux lorsqu’ils sont dans le besoin ou devenus aveugles, comme le général Bélisaire… 

Marie-Guillemine participe à l’Exposition de la Jeunesse jusqu’en 1788, en présentant des portraits et des scènes de genre.

Probablement grâce à l’appui de David, elle obtient un logement au Louvre pendant la Révolution et expose, sous le nom de Mademoiselle Laville, au Salon de 1791, le premier auquel les peintres non académiciens peuvent participer. Elle y montre une peinture d’histoire, Psyché faisant ses adieux à sa famille et une scène tirée de Clarisse Harlove (un roman épistolaire de Samuel Richardson publié en 1748), L’innocence entre le Vice et la Vertu.

 

Psyché faisant ses adieux à sa famille - 1791
Huile sur toile, 111 x 145 cm
Fine Arts Museums, San Francisco, Californie


L’innocence entre le Vice et la Vertu - 1791
Huile sur toile, 87 x 115 cm
Collection particulière (vente 2000)


En 1793, Marie-Guillemine épouse le banquier Pierre-Vincent Benoist (1758-1834), probablement contre l’avis de la famille mais elle est à présent majeure, puisqu’elle a vingt-cinq ans. Son mari, royaliste notoire, est recherché par le Comité de sûreté générale et doit entrer en clandestinité. Marie-Guillemine pourvoit donc aux frais du ménage pendant toute la période révolutionnaire alors même qu’elle met au monde deux fils, en 1794 et 1796, puis une fille en 1801.

Sous le nom de « citoyenne Laville, femme Benoit [sic] », elle expose à nouveau au Salon en 1795, un Portrait d’homme, une tête de femme et un Tableau représentant Sapho.  Ce tableau a été présenté dans une exposition américaine sur le Portrait français  au Smith College Museum of Art de Northampton  (Mass) en 2005. 

Portrait de Madame de Reiset d'Arques en Sapho - 1795
Huile sur toile, 120 x 154 cm
Collection particulière (vente 2021)

Au Salon de 1796, Marie-Guillemine est devenue la « citoyenne Benoist née Laville » qui expose deux Portraits de femmes et Deux Têtes d’étude ovales, dont je n’ai pas trouvé trace.

En revanche, le Louvre conserve dans ses collections Cinq bustes d’hommes, que je montre ici pour illustrer la qualité du coup de crayon de la jeune dame…

Cinq bustes d’hommes
Aquarelle et encre brune, dimensions non communiquées
Musée du Louvre, Paris

Elle expose à nouveau en 1799 (cette fois sous le nom de Laville-Benoist !), quatre œuvres dont un Portrait de femme. Il pourrait s’agir de ce tableau, attribué à Marie-Guillemine par le musée d’art de San Diego où il est conservé.

Attribué à Marie-Guillemine Benoist
Portrait de femme - vers 1799
Huile sur toile, 100 x 81,8 cm
The San Diego Museum of Art, San Diego, Californie

Dans sa passionnante étude Trois peintures récemment identifiées de Marie Guillemine Benoist, Margaret Oppenheimer concluait en 1996 qu’on ne disposait pas d’assez d’information pour attribuer ce portrait de façon certaine.

Voici ce qu’elle écrivait :

« C’est encore l’influence de Vigée-Lebrun que l’on semble déceler dans un autre tableau de l’époque du Consulat, qui peut aussi être attribuable à Benoist. […]

Attribué à l’origine à Jacques-Louis David, […], il reste maintenant sans attribution au-delà du « Cercle de David ». Cependant, l’apparence du tableau de San Diego est compatible avec une description d’un Portrait de femme de Benoist exposé au Salon de Paris de 1799. Le critique de La Décade Philosophique, Littéraire et Politique, qui a vu le tableau, a indiqué que : ‘’cette femme enveloppée d’un châle et qui regarde, elle est peinte à éclipser toute la société que vous lui avez composée. Le pinceau n’a point hésité, ces touches sont aussi justes que vigoureuses et vraies.’’

Malheureusement, les dimensions du tableau n’ont pas été enregistrées dans le registre du Salon, et aucun autre critique du Salon n’a décrit l’œuvre, ce qui rend problématique une attribution sûre. On peut noter, dans tous les cas, que les yeux larges et liquides et le visage et les mains fermement modélisés sont cohérents avec ceux trouvés dans les images de femmes de Benoist illustrées ici. L’harmonie des couleurs, qui rivalise avec celle de la Femme noire, est digne d’un élève de Vigée-Lebrun. En revanche, la robe d’inspiration classique, librement ceinturée, tout en se rapportant aux costumes simples privilégiés par cette dernière (par exemple, le Portrait de l’artiste avec sa fille de Vigée-Lebrun de 1789, Louvre), est plus proche de celle employée par le second professeur de Benoist, David, dans la figure d’Hersilie dans ses Sabines de 1799 (Louvre). La pose du haut du corps rappelle la composition de l’autoportrait de Benoist de 1786 ; en outre, les cheveux sont traités avec la même douceur et la liberté dans les deux peintures. Les détails de la facture du portrait de San Diego peuvent fournir d’autres indices sur l’identité de son auteur, qui doivent encore être considérés comme non concluants. » (Margaret A. Oppenheimer, Three Newly Identified Paintings by Marie-Guillemine Benoist, Metropolitan Museum Journal, 31, 1996, p.143-50 - consultable en ligne.)

Mais cet article a vingt-cinq ans. On a peut-être trouvé depuis une preuve concluante, grâce à la redécouverte de Sapho.

Au Salon de 1800, elle affirme son incontestable talent avec un portrait aujourd’hui désigné comme Portrait d’une femme noire ou Portrait de Madeleine (grâce aux recherches effectuées à l’occasion de l’exposition « Le Modèle noir » du musée d’Orsay en 2019).

 

Portrait de Madeleine (Portrait d’une femme noire) – 1800
Huile sur toile, 81 x 65 cm
Musée du Louvre, Paris

L'artiste n’a pas choisi la facilité : peindre une carnation noire était un exercice peu enseigné et, en France, seul Girodet s’y était essayé trois ans plus tôt, avec le portrait du député de Saint Domingue, Jean-Baptiste Belley.

 

Anne-Louis Girodet (1767-1824)
Jean-Baptiste Belley (1746 -1805) avec le buste de Raynal - 1797
Musée de l’Histoire de France, Versailles

En outre, la tenue drapée à l’antique accompagnée d’un beau châle bleu nuit posé sur le dossier et l’accoudoir du fauteuil, comme la pose un peu alanguie du modèle sont celles qu’elle aurait pu donner à une femme blanche de classe supérieure. Tout en choquant une partie du public, le tableau est justement perçu comme un tour de force technique et suscite l’admiration. On a vu aussi dans ce portrait un plaidoyer en faveur de l’abolition de l’esclavage dont l'application, votée en 1794, n'avait jamais été effective dans les colonies. En tout cas, il ne paraît pas douteux que ce portrait soit empreint d’empathie.

Selon la notice du Louvre, la Maison du Roi – instance qui dirige aussi les musées royaux - achète l’œuvre avec trois autres de l’artiste. La notice ne précise pas lesquelles, c’est bien dommage !

En 1802, elle exécute le Portrait Madame Philippe Panon Desbassayns de Richemont et son fils, Eugène, qui fut longtemps et sur la foi de la « tradition familiale » des descendants du modèle, attribué à Jacques-Louis David qui aurait peint cette dame « peu de temps avant la mort de la petite fille du tableau ». La famille aurait ensuite vendu la toile parce que cette image évoquait des souvenirs trop douloureux pour sa mère.

Madame Philippe Panon Desbassayns de Richemont et son fils, Eugène - 1802
Huile sur toile, 116,8 x 89,5 cm
Metropolitan Museum of Art, New York

Ecoutons à nouveau Margaret Oppenheimer : « Cette histoire touchante est malheureusement problématique, notamment pour son attribution du tableau à David. Il est instructif de comparer la toile à la seule image mère-enfant de David de l’époque, le portrait de 1795 d’Emilie Seriziat, née Pecoul et de son fils Emile [voir ci-dessous].

La figure féminine de l’image de New York est disposée dans une pose de profil simple, qui contraste avec la vue frontale techniquement exigeante que David a employée pour peindre sa belle-sœur. Dans le portrait du Metropolitan, les tons de peau ne sont pas si dorés, la chair est peinte plus doucement et les textures des tissus sont rendues avec moins de détails. De plus, il n’y a aucune trace de la peinture dans l’œuvre bien documentée du maître. L’œuvre reflète ses prédilections stylistiques principalement dans l’utilisation d’un fond sombre qui concentre l’attention du spectateur sur les personnages.

 

Jacques-Louis David (1748-1825)
Emilie Seriziat et de son fils – 1795
Huile sur toile, 131 x 96 cm
Musée du Louvre, Paris

[…] L’identification coutumière de l’enfant comme étant l’éphémère Camille Desbassayns de Richemont est également difficile à soutenir. Nonobstant la tradition familiale, les pantalons jaunes, la petite veste et la chemise ouverte sont les vêtements d’un garçon plutôt que d’une fille. Les boucles abondantes de l’enfant, à la mode pour les garçons tout au long de la période en question, peuvent avoir été la source de la confusion du genre. Mais il n’y a aucune raison de douter que la femme assise est Mme Desbassayns de Richemont. Deux autres versions du portrait du Musée sont, ou étaient, en possession de différentes branches de ses descendants et, dans les deux cas, la tradition familiale s’accorde sur le nom de la femme représentée.

Née Jeanne-Catherine Eglé-Fulcrande de Mourgue, elle est l’épouse de Philippe Panon Desbassayns de Richemont, diplomate et administrateur du gouvernement. Il sert sous Napoléon Ier, Louis XVIII et Charles X, occupant des postes en France et sur son île natale de la Réunion. Le couple, marié en 1798, eut trois enfants. Camille, leur fille unique, née en 1801, a été précédée d’un fils, Eugène, en 1800, et suivie d’un deuxième fils, Paul, en 1809. Le petit garçon qui apparaît dans le portrait du MET est sûrement Eugène, puisque le costume de sa mère est celui du défunt Consulat et du début de l’Empire, excluant la possibilité que l’enfant puisse être le plus jeune, Paul. Le tableau plait clairement aux Richemont, car ils en font faire au moins deux copies.  […] Il est intéressant de noter que l’une de ces copies a été attribuée par ses propriétaires à Marie-Guillemine Benoist, qui l’aurait peinte en 1804 d’après un original de David. 

En réalité, il semble certain que l’original - la toile du MET - a été peint non pas par David mais par Benoist elle-même. Il correspond étroitement à la description d’une œuvre qu’elle expose au Salon de Paris de 1802, sous le titre de Portrait d’une jeune femme avec un enfant. Avec une autre de ses soumissions (un portrait d’une jeune femme tenant un jet de lilas), l’œuvre a été saluée comme l’une des meilleures peintures de Benoist. Le critique de La Décennie Philosophique, Littéraire et Politique a écrit :

‘’Le portrait d'une jeune personne et celui d'une jeune femme avec un enfant, par Mme Benoist (Nos. 16 et 17), sont excellentes productions d'une artiste déjà connue par des succès. Mais, ici, c'est tout un autre talent que celui qu'elle avait montré dans ses autres ouvrages. On ne dessine pas mieux ; on n'a pas une touche plus franche. Les plus habiles peintres de notre école se feraient gloire d'avoir exécuté le tableau de la jeune personne qui tient une branche de lilas, d'avoir composé le groupe de la mère et de l'enfant. S'il n'y avait eu au salon que le premier de ces deux portraits, on pourrait croire que la teinte un peu plombée qui règne dans les chairs appartient au modèle; mais comme on trouve le même défaut dans le portrait très-ressemblant de Mme D * *, dont la beauté est connue, et dont la carnation est aussi délicate que les formes; mais comme un bel enfant blond est aussi également peint sans transparence, nous nous voyons dans le cas d'avertir Mme Benoist, qui s'est si fort approchée de la perfection, qu'elle doit consulter Van Dyck et surtout Le Titien.’’ »

Le Portrait d’une jeune personne, également cité dans La Décennie, a été identifié lui aussi par Margaret Oppenheimer grâce à d’autres critiques qui l’ont décrite plus précisément. L’un d’eux a indiqué que le modèle, « debout et adossée à une balustrade … tient de la main gauche son voile et de l'autre une branche de lilas. » Un second précise que le voile a été jeté sur sa tête et sa poitrine.

« Leur description du tableau correspond exactement à l’apparence d’un tableau publié en 1941 par Raymond Escholier comme une œuvre de Jacques-Louis David. La toile, qui ne semble pas apparaître ailleurs dans la littérature de David, a été reproduite sous le titre Portrait de la Comtesse du Cayla, sans indication de propriété ni de dimensions.

Aucune image de ce type par David n’est documentée, et l’artiste n’est pas connu pour avoir peint des portraits de femmes dans des décors paysagers ; cependant, son élève Benoist en a peint plusieurs. Le Portrait d’une jeune personne est particulièrement proche de son Portrait de Madame Lacroix-Saint-Pierre de 1806 environ (localisation actuelle inconnue). » Les deux œuvres montrent trois figures d’un quart de longueur près du plan de l’image, soutenues par une étendue de paysage ; chaque modèle porte un voile et un châle drapé sur une épaule. » (Margaret A. Oppenheimer, op.cit., p.143-50)

Il s’agit donc de ce tableau, dont la localisation actuelle est inconnue :

Portrait d’une jeune personne
Présenté au Salon de 1802

« Debout et adossée à une balustrade, une jeune femme tient de la main gauche son voile et de l'autre une branche de lilas. Cet ouvrage a beaucoup de mérite, et il assigne à Mme Benoist un rang distingué parmi les Peintres de Portraits. Il atteste que dans l'espace d'une année elle a fait des progrès vraiment extraordinaires, et qui ne seraient pas présumables si ce Portrait n'en démontrait l'évidence » (Anonyme, Journal des Arts, des Sciences, et de littérature, no 228, 30 Fructidor an 10 [1801], p.426).

C’est à cette époque qu’elle aurait aussi exécuté cette miniature :

 

Jeune femme portant une écharpe tricolore – vers 1803
Gouache sur ivoire, diamètre 6,7 cm
Musée des Beaux-Arts, Angers


Au Salon de 1804, elle expose une scène de genre Une jeune fille chantant pour distraire son vieux père aveugle et cinq portraits. Le seul portrait masculin, celui de M. L… représentait Jean-Dominique Larrey le beau-frère de Marie-Guillemine, qui fut peintre brièvement mais dont on n’a pas conservé les œuvres.

En dépit de cette proximité familiale, le tableau, qui paraît ne pas avoir attiré l’attention de la critique de l’époque, est resté longtemps sans attribution, bien qu’il ait été donné au musée de Toulouse par le fils du modèle…!

 

Portrait du baron Larrey 1804
Huile sur bois, 115 x 88 cm
Musée des Augustins, Toulouse

Jean-Dominique Larrey, plus tard baron Larrey, était un chirurgien qui a rejoint l’expédition d’Egypte de Napoléon Ier puis a été inspecteur général des services de santé pour l’armée française. Il est représenté tenant un rouleau sur lequel est inscrit « Relation chirurgicale de l'armée d'Egypte [sic]. »

En 1804, Marie-Guillemine reçoit une médaille d’or du Salon pour l’ensemble de son œuvre puis obtient une pension annuelle du gouvernement. Elle ouvre à cette époque un atelier pour enseigner la peinture.

En 1803 ou 1804, elle obtient sa première commande officielle mais les informations que j’ai trouvées sont floues : certains évoquent d’un Portrait de Napoléon pour le Palais de Justice de Gand, d’autres une copie d’un Portrait en pied du Premier consul. Ce portrait aurait fait partie de l’exposition « Des royalistes aux romantiques » présentée en 2012 par le National Museum of Women in the Arts (Washington, DC) mais je n’en ai pas trouvé de photo convaincante.

Par la suite, elle reçoit d’autres commandes de portraits de la famille l’Empereur, comme celui de Napoleone-Elisa Bacciochi ou de sa mère, Elisa Bonaparte, alors Grande-Duchesse de Toscane ou de Pauline Bonaparte, devenue princesse Borghese.

 

Napoleone-Elisa Bacciochi – 1810
Exposé au Salon de 1810
Musée national du Château de Fontainebleau

Elisa Bonaparte, princesse de Lucques et Piombino, grande duchesse de Toscane - 1810
Museo Nazionale di Villa Guinigi, Lucques

Pauline Bonaparte, princesse Borghese – 1808
Exposé au Salon de 1810
Musée national du Château de Fontainebleau

En 1806, elle expose quatre œuvres, dont Deux jeunes enfans, accompagné de ce commentaire : « Ils viennent de se baigner, et regardent un nid d'oiseaux que l'un d'eux a trouvé. » Il semblerait que ce soit ce tableau, actuellement non localisé.

Deux jeunes enfans – 1806
Il s'agirait des deux fils de Marie-Guillemine, Prosper Désiré, né en 1794 et Denys, né en 1796.

A partir de 1810, Marie-Guillemine abandonne les références mythologiques au profit de scènes de genre intimistes, alors très à la mode : elle expose ainsi La lecture de la Bible ou La Diseuse de bonne aventure, qui lui vaut d’obtenir une nouvelle médaille d’or au Salon de 1812.

 

La Diseuse de bonne aventure - 1812
Huile sur toile, 195 x 144 cm
Musée de l’Échevinage, Saintes

La Diseuse de bonne aventure  (détail)

Alors même qu’elle a atteint une reconnaissance artistique manifeste, ce sera sa dernière exposition publique. A la demande de son mari, nommé conseiller d’État en juillet 1814, elle doit renoncer à sa carrière.

Elle lui écrit alors : « La pensée que je serais un obstacle à votre avancement dans votre carrière serait pour moi un coup bien acéré. […] Mais tant d’études, de soins, une vie de dur travail, et après ce long temps d’épreuves, les succès, et les voir presque un objet d’humiliation, je n’ai pu supporter cette idée. Enfin, n’en parlons plus, je suis raisonnable… »

Il semble toutefois qu’elle n’ait pas interrompu son activité artistique. Elle a continué à enseigner et exécuté plusieurs portraits de famille ainsi qu’un Vierge pour la cathédrale d’Angers dont je n’ai pas trouvé la trace…

Marie-Guillemine Benoist est morte à Paris, le 8 octobre 1826.

 

*

J’avoue n’avoir vraiment mémorisé le nom de Marie-Guillemine Benoist que récemment, en regardant son Portrait de Madeleine, lors de l'exposition d’Orsay (2019). Devant l'évidente qualité de cette œuvre, je me suis demandé comment j'avais pu oublier le nom de cette peintre. Était-ce, comme souvent, « la faute à David » ?

Je laisse à Margaret Oppenheimer le mot de la fin sur cette artiste :

« Si aucun de ces tableaux ne supplante le Portrait d’une femme noire comme sa plus belle œuvre, au moins deux – le Portrait d’une jeune personne et le Portrait d’une jeune femme avec un enfant du Metropolitan – sont remarquablement proches de la qualité du tableau du Louvre. Benoist y combine la fluidité gracieuse et l’harmonie coloriste qu’elle a apprises de Vigée-Lebrun avec la modélisation tridimensionnelle et les contours fermes qu’elle maîtrisait sous David. Les toiles reflètent les capacités de leur créatrice à l’apogée de sa carrière ; le fait qu’elles aient été attribuées à tort à David est une reconnaissance détournée de son habileté. Pourtant, il est plus que temps de souligner la valeur des réalisations de Benoist. »

Depuis l'exposition d'Orsay, l'autoportrait de Marie-Guillemine a été montré dans « Peintres femmes, naissance d’un combat (1780-1830) » au musée du Luxembourg, à Paris, en juillet 2021. 

Mais chacun sait qu'il n'est pas suffisant d'exposer une artiste en tant que femme pour assurer sa notoriété…


*

 

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