dimanche 28 septembre 2025

Thérèse Schwartze (1851-1918)

 

Autoportrait à 37 ans – 1888
Huile sur toile
Galerie des Offices, Florence
© Photo : Droits réservés


Thérèse Schwartze est née le 20 décembre 1851 à Amsterdam.

Du côté paternel, la famille Schwartze est originaire de Vlotho (Westphalie). Selon l’article de H. Leonards*, d’où sont tirées la plupart des références biographiques de la présente notice, « le grand-père de Thérèse, Johann Engelbert Schwartze, fils d'un notable de Vlotho, paraît avoir été impliqué dans une conspiration contre le gouvernement du roi Jérôme. (…) averti par des amis, il eut le temps de prendre une nuit la fuite avec ses frères. Il se rendit en Hollande où il ne tarda pas à trouver une position. » Puis, après avoir épousé, à Amsterdam, Clara Eleonore Schildbach, il émigra aux Etats-Unis quelques années après son mariage. (*Les peintres néerlandais du XIXe siècle, Tome 2, édité sous la direction de Max Rooses, traduction de Georges Eekhoud, 1899-1901, p.179-203, consultable sur Gallica)

Ce qui explique que le père de Thérèse, Johann Georg Schwartze, né le 20 Octobre 1814 à Amsterdam, « n'avait que deux à trois ans quand il accompagna ses parents à Philadelphie ». Bien qu’initialement destiné à prendre la suite de son père à la tête « d'une fabrique de produits chimiques en pleine prospérité », il obtient l’autorisation de se consacrer à sa passion du dessin puis de rentrer en Europe pour suivre les cours de l'académie de Düsseldorf.

Il décide d’exposer un portrait de sa (ravissante) fiancée, Elise Hermann, à la société d’artistes Arti et Amicitiae d’Amsterdam et le tableau rencontre un tel succès que sa carrière est lancée. Les commandes affluent et, pour y faire face, Georg Schwartze décide de s’installer dans la ville pour y fonder sa famille.

Elle se compose de quatre filles et d’un garçon, Thérèse est la troisième et elle est très proche de sa sœur cadette, Georgine, qui deviendra sculptrice.

D’une personnalité décrite comme « charmante », Georg Schwartze se lie d’amitié avec les meilleurs artistes, écrivains et savants, notamment les peintres Jozef Israëls (1824-1911), Gerard Bilders (1838-1865) et Simon Opzoomer (1807-1878).

« Comme son père, Thérèse montra de précoces dispositions ; dès l'âge de huit ans la fillette ne s'amusait à rien autant qu'à dessiner (..). Bientôt son père se chargea de lui enseigner le dessin, puis la peinture, et le principal souci de la jeune fille fut de toujours satisfaire ce maître aimé et de se montrer digne de ses leçons. » (H. Leonards, op.cit. p.186)

A seize ans, Thérèse commence son apprentissage dans l’atelier de son père et lui aurait écrit pour son anniversaire : « Je m'appliquerai davantage à tout, afin, avec la bénédiction de Dieu, de pouvoir gagner ma vie en peignant. »

 

Johan Georg Schwartze (1814-1874)
Portrait de Thérèse à 16 ans – 1868
Huile sur toile, 66,2 x 52,5 cm
Rijksmuseum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés


« En 1874, lorsque John George Schwartze fut enlevé à l'affection des siens, Thérèse avait déjà fait beaucoup et de bonne peinture. "Elle peint aussi bien que moi !" disait encore son père quelques jours avant la suprême séparation. » (H. Leonards, op.cit. p.186)

 

Jeune fille en train de prier – 1874
Huile sur toile, 69 x 52,5 cm
Collection particulière (vente 2022)


Thérèse se retrouve seule, à vingt-trois ans, pour assurer l’entretien de sa famille. Elle décide néanmoins, pour terminer sa formation, de se rendre à Munich où elle bénéficie des conseils du portraitiste Franz von Lenbach (1836-1904).

Revenant au bout d’un an, la jeune fille est entourée par « le bon et grand Israëls » et s’installe dans le spacieux atelier de son père, doté d'une magnifique verrière, au troisième étage de la maison familiale du 1091 Prinsengracht, au bord d’un des canaux d’Amsterdam. Assez rapidement, elle est soutenue par Gijsbert Van Tienhovens, membre du conseil municipal et amateur d’art. Il deviendra bourgmestre d’Amsterdam en 1880 et l’introduira dans son cercle amical.

S’il ne reste plus beaucoup de traces de ses œuvres de l’époque, on sait qu'elle est déjà régulièrement exposée en Hollande et citée dans un article français dès 1878 : « Fait remarquable, les meilleures études de grandeur naturelle, confinant le portrait et l'histoire, sont également l'œuvre d'une jeune fille, Mlle Thérèse Schwartze. Son Afra, vierge chrétienne sur le bûcher, ainsi que la tête de garçon qu'elle intitule Studie, sont de très intéressants morceaux de peinture. » (Victor Champier, « L’Art à l’étranger, Hollande », L'Année artistique : beaux-arts en France et à l'étranger, 1878, p.445)

Cette description succincte de son Afra pourrait-elle correspondre à ce Portrait de dame, passé sur le marché de l’art ?

 

Portrait de dame – 1877
Huile sur toile, 133 x 89 cm
Collection particulière (vente 2017)


En cette même année 1878, Thérèse se rend à Paris pour l’Exposition universelle qui l’impressionne profondément. A son retour, elle est décidée à aller y étudier quelque temps, aussitôt que possible.

Et, dès l’année suivante, elle y retourne pour présenter deux toiles au Salon des artistes français, un Portrait et une étude, Costume flamand du XVIIe siècle. 

« Avant de connaître le nom de l'auteur du Costume Flamand du XVIIe siècle, je songeais, en y admirant la vigueur de touche, l’ampleur du dessin et la réserve du coloris, je songeais aux beaux portraits de Van Dyck et de Rubens. Non pas que je veuille comparer cette œuvre à celles des grands maîtres ; mais je retrouvais là le grand sentiment, la grande école. Après avoir consulté le livret, car le tableau est placé un peu haut pour en lire la signature, j’apprends que l’auteur, Mlle Thérèse Schwartze est d’Amsterdam. Elle a, on ne peut mieux, profité du voisinage des chefs-d’œuvre et s’en est inspirée, il faut l’avouer, avec un rare bonheur. » (Arthur Bloch, « Le Salon de 1879 », Le Nain Jaune, 22 juin 1879, p.2) 

Thérèse, en revanche, est beaucoup moins convaincue par ce qu’elle a vu : « L'an dernier tant de choses m'attiraient et excitaient mon admiration ; et à présent il y a tant de choses auxquelles je ne comprends rien ; dont la couleur et la technique me déconcertent, tellement qu'avec la meilleure volonté je ne parviens à les admirer. (…) On est littéralement accablé par ces excentricités. Mais peut-être jugerai-je autrement plus tard ! Il m'étonne que le jury ne se montre pas plus sévère, car il y a quantité de toiles médiocres ou insignifiantes et d'autres franchement mauvaises, quoique je convienne que dans le nombre beaucoup gagneraient à être présentées sous un jour plus favorable. » (H. Leonards, op.cit. p.192)

Mais elle s’obstine néanmoins et, en dépit des multiples difficultés qu’elle doit surmonter (trouver un logement et un atelier), elle s’accroche à l’idée de rencontrer celui dont elle espère les conseils, Jean Jacques Henner (1829-1905).

La barrière linguistique complique leur entretien. Henner « lui dit grand bien des œuvres qu'elle avait à l'Exposition » mais Thérèse ne saisit pas l’admiration qu’il a pour elle. Elle repart frustrée tandis qu’Henner, séduit, parle d’elle à tous ses amis. Quelques années plus tard, il aurait formulé une seule critique sur ses portraits : « Vous leur prêtez presque trop d'expression. » (H. Leonards, op.cit. p.191)

La suite est un peu floue : selon H. Leonards, elle aurait fait de fréquents séjours à Paris entre 1879 et 1880, d’autres sources indiquent qu’elle s’y installe pendant cette période. Ce qui est sûr, c’est qu’elle trouve finalement un atelier et surtout un modèle, une femme italienne dénommée Fortunati, dont elle aurait fait plusieurs portraits. L’un d’entre eux, Dernier regard, a été exposé à la société d’artistes Arti et Amicitiae d’Amsterdam vers 1880. Voici Fortunati :

 

Fortunati, modèle italien – sans date
Fusain sur papier brun, 42,9 x 35,6 cm
Rijksmuseum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés


De cette période, j’ai aussi retrouvé cette étude, sans précisions.

 

Etude pour les orphelines – 1880
Probablement fusain sur papier
Source : Bibliothèque nationale de France

Thérèse ne participe pas au Salon parisien en 1880 et 1881. Elle travaille chez elle et commence à être reconnue comme portraitiste. En 1880, elle est invitée au à séjourner quelque temps au Paleis Soestdijk (palais royal) de Baarn afin de donner des cours de peinture à la princesse Marie, nièce de la reine Emma (1858-1934).

Thérèse raconte : « La présentation et la première leçon sont passées et passée aussi ma première anxiété. Une amusante petite demoiselle d'honneur me conduisit auprès de la princesse ; je n'avais pas même eu le temps de réparer un peu le désordre de ma coiffure. Je me suis oubliée quantité de fois, mais la princesse est vraiment charmante et très affable. Elle était si pressée de se mettre à la peinture, qu'il me fallut convertir séance tenante une des chambres en atelier. Mais où était le Nord ? Personne ne le savait et moi encore moins que les autres. J'explorai le palais de haut en bas et dans tous les sens, accompagnée d'un laquais, et je finis par découvrir une chambre très convenable située au Nord et à côté de la mienne, d'où nous étions venus. » (H. Leonards, op.cit. p.199)

A la suite de ce premier contact et alors que Thérèse est honorée de la plus haute distinction de l’Arti et Amicitiae - la Grande Médaille d'or du roi Guillaume III - elle reçoit sa première commande royale, un portrait de la reine Emma …

 

Portrait de la reine Emma- vers 1881
Huile sur toile, 130 x 115 cm
Académie militaire royale, Breda
© Photo : Droits réservés


… puis un second, avec la petite princesse Wilhelmine dans ses bras, destiné à l'anniversaire du roi Guillaume III, le 19 février 1881. Il est conservé dans les Collections royales des Pays-Bas :

 

Double portrait d’Emma et Wilhelmine - 1881
Huile sur toile, 141 x 98 cm
Koninklijke Verzamelingen, La Haye
© Photo : Droits réservés


La presse est très enthousiaste et un journal de l’époque publie la critique suivante : « Ces portraits grandeur nature sont sans aucun doute parmi les meilleurs que l'art ait produits dans ce domaine ces dernières années. » (Notice du musée)

Sa carrière est lancée, dans une période propice à l’émergence d’une artiste de son profil. Les Pays-Bas entrent dans une période de prospérité économique, liée à l’expansion rapide du commerce, de la banque et de l'industrie. La nouvelle bourgeoisie veut manifester son prestige en commandant des portraits dont les caractéristiques s’apparentent à ceux de l’ancienne aristocratie du XVIIIe siècle.

Deux exemples de ces portraits : Catharina Josephina Biben, la fiancée de D. Cornelis Jacob den Tex, fils du maire d’Amsterdam…


Portrait de Catharina Josephina Biben (1858-1889) - 1882
Huile sur toile, 142 x 89 cm
Musée d’Amsterdam
© Photo : Droits réservés


… et celui du théologien et poète Nicolaas Beets :

 

Portrait du Dr. Nicolaas Beets (1814-1903) – 1881
Huile sur toile, 129 x 105,5 cm
Centraal Museum, Utrecht
© Photo : Droits réservés


C’est le portrait d’une autre célébrité hollandaise, l’ancien ministre Nicolas van Taack Tra Kranen (1819-1890) qu’elle expose au Salon de Paris en 1882…

 

Huile sur toile, 137 x 100 cm
Localisation inconnue
Source : Agence culturelle des Pays-Bas

 

… avec une seconde œuvre intitulée Costume frison que j’illustre grâce à cette Paysanne hollandaise de l’année suivante.

 

Aller à l’église, paysanne hollandaise – 1883
Huile sur toile, 145 x 74 cm
Russell-Cotes Art Gallery & Museum, Bournemouth
© Photo : Droits réservés


Ces toiles passent relativement inaperçues à Paris. Au Salon suivant, Thérèse expose un Portrait de M. Loudon (probablement James Loudon, un homme politique néerlandais) qui suscite ce commentaire : « Le portrait de M. Loudon, par Thérèse Schwartze, est un des meilleurs du Salon ; il est simple et franc de style et le visage, d'une touche fine, diaphane, exquise, remue, tant il est modelé. » (Jean Alesson, « Salon de 1883 », La Gazette des Femmes, 25 mai 1883, p.78)

Mais, juste après le Salon, c’est une nouvelle beaucoup plus inhabituelle qui agite la presse française de 1883.

« Il vient de se passer en Hollande un petit fait qui n'est pas sans importance au moment où la question des aptitudes de la femme est à l'ordre du jour. Au nombre des membres choisis par le gouvernement hollandais pour faire partie du jury de peinture à l'Exposition internationale, figure Mlle Thérèse Schwartze. Cette jeune et vaillante artiste n'est point une inconnue pour les Parisiens : elle expose tous les ans au Salon, et cette année elle avait deux grands tableaux, dont l'un, portrait d'homme, a été fort remarqué. (…) Pour l'honneur de notre pays, c'est la France qui aurait dû donner cet exemple car Mlle Schwartze est, croyons-nous, la première femme qui, en Europe, ait encore fait partie d'un jury artistique. Faute de mieux, on se console en pensant que Mlle Schwartze ne laisse jamais échapper une occasion de témoigner sa sympathie pour la France et l'art français. » (« Exposition d’Amsterdam, Beaux-Arts », Le XIXe siècle : journal républicain conservateur, 12 juillet 1883, p.1)

On en trouve l’écho jusque dans le Journal officiel : « Les choses, sous ce rapport, me semblent mieux entendues à l'étranger. Aussi les femmes artistes y occupent-elles une situation proportionnée à leur mérite. Nous en avons eu un exemple il y a peu de jours, à l'occasion de l'exposition internationale d'Amsterdam. Le gouvernement Néerlandais n'avait pas hésité à nommer membre du jury de peinture une jeune artiste de beaucoup de talent, Mlle Thérèse Schwartze. Je ne veux pas dire que cette personne distinguée n'ait pas été un peu émue en se trouvant au milieu des maîtres illustres qu'elle avait pour collègues. Mais bientôt elle s'est rassurée et on a pu connaître toute la solidité et toute la délicatesse de son jugement. Je le dis à regret, nous n'en sommes pas encore à ce point ; et cependant combien l'école française ne compte-t-elle pas de femmes dont le grand talent honore les arts et qui figureraient avec autorité dans nos jurys. Mesdemoiselles, vous avez de graves devoirs à remplir. Au moment où l'Etat s'intéresse si activement à l'éducation des femmes, il faut, de votre côté, faire acte d'initiative. » (Discours d’Eugène Guillaume, inspecteur général de l'enseignement du dessin, à l’occasion de la distribution des prix aux élèves de l’Ecole nationale de dessin pour les jeunes filles de l’Ecole nationale des Beaux-Arts, Journal officiel de la République française, 10 août 1883, p.4165)

Autrement dit : « faites preuve d’un peu plus d’initiative, mesdemoiselles, si vous voulez qu’il vous arrive le même type d’honneur ». (L’administration des Beaux-Arts dans toute sa splendeur…)

« Ce fut là que les peintres de la Haye apprirent à bien la connaître, et ceux qui n'étaient pas encore ses amis ne tardèrent pas à le devenir. Crâne et pourtant très femme, elle donnait son avis sans aucune réserve et s'entendait parfaitement à le défendre. » (H. Leonards, op.cit. p.199)

 

En 1884, Thérèse trouve enfin le temps de s’installer vraiment à Paris et d’y louer un atelier pour y travailler plusieurs mois. Elle retrouve sa chère Fortunati dont elle peint ce portrait, d’abord sans le chien qui ne sera ajouté que l’année suivante, avant son exposition à Amsterdam.

 

Jeune femme italienne avec Puck le chien – 1884/1885
Huile sur toile, 144 x 103 cm
Rijksmuseum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés


Et Fortunati est peut-être aussi le modèle de cette charmante Femme aux tournesols.

 

Femme aux tournesols – 1885
Huile sur toile, 80 x 67 cm
Drents Museum, Assen
© Photo : Droits réservés


Elle aura recours à d’autres modèles italiens, paysans pauvres du sud de l’Italie, qui posaient pour gagner un peu d'argent, comme ces deux petites filles…

 

Petite fille italienne – 1884
Huile sur toile, 63 x 50 cm
Collection particulière


Un regard – vers 1884
Huile sur toile, 46 x 38 cm
Collection particulière


… et elle exécute aussi les portraits de ses amis présents à Paris, comme la peintre Wally Moes (1856–1918).


Portrait de Walburgia Wilhelmina (Wally) Moes – 1884
Huile sur toile, 76 x 59 cm
Singer Museum, Laren
© Photo : Droits réservés


Au Salon de l’année, elle expose le portrait du peintre paysagiste Henri Harpignies (1819-1916) qui lui vaut sa première distinction française, une mention honorable. L’œuvre est à présent conservée au musée de Valenciennes - d’où le peintre était originaire – qui a bien voulu m’en transmettre une photographie, ce dont je le remercie.

 

Portrait de M. Henri Harpignies – 1884
Huile sur toile, 148 x 103 cm
Musée des Beaux-Arts de Valenciennes
© Musée des Beaux-Arts de Valenciennes


Thérèse participe aussi à l’Exposition des femmes peintres et sculpteurs : « Nous avons à plusieurs reprises remarqué les portraits exposés aux Salons annuels par Mlle Thérèse Schwartze : la robuste Frisonne qu'elle a envoyée ici mérite tous nos éloges. A côté, une jolie petite tête d'enfant, sous le nom d'étude. » (« L’exposition des femmes peintres et sculpteurs », Le Parnasse : organe des concours littéraires de Paris, 15 mars 1884, p.6)

Puis, en 1885, nouvel envoi au Salon, deux huiles qui sont peut-être passées récemment sur le marché de l’art (mais attention : c’est moi qui suppose que ce cardinal pourrait correspondre au titre du Salon : Cardinal orateur)

 

Portrait de ma mère et de ses petits-enfants – 1885
Huile sur toile, 210 x 150 cm
Collection particulière (vente 2021)



Portrait d’un cardinal – 1884
Huile sur toile, 142,9 x 120,7 cm
Collection particulière (vente 2024)

La même année, elle peint ces trois jeunes filles qu’elle ne semble pas avoir montrées en France. Elles constituent le premier jalon d’un thème récurrent, les Orphelines d’Amsterdam. (cliquer sur l'image pour l'agrandir)

 

Trois pensionnaires à l’orphelinat d’Amsterdam – 1885
Huile sur toile, 81,5 x 96 cm
Rijksmuseum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés


En 1885, Thérèse expose un probable portrait intitulé Musa à la Royal Academy de Londres. Cette information n’est pas sans intérêt pour la suite de notre étude…

C’est l’époque où Thérèse commence à travailler le pastel, qui va rapidement devenir son media préféré, probablement à cause de sa souplesse d’utilisation et l’absence de temps de séchage. Elle utilise cette technique pour répondre à la commande d’une amie, Mia Cuypers, fille d’un architecte très en vue (il a conçu les bâtiments du Rijksmuseum et de la gare centrale d’Amsterdam), à l’occasion de son mariage avec le marchand sino-britannique Frederick-Err-Toung, ce qui explique la présence de caractères chinois en haut à gauche. Ils signifient « longévité » et « rapprochement ».

 

Maria Catharina Ursula (Mia) Cuypers – 1886
Pastel sur papier, 71 x 55,8 cm
Collection particulière


Cet autre portrait de Mia illustre la maîtrise de Thérèse au fusain dont elle regrettait que sa clientèle ne soit pas plus friande…

 

Portrait de Maria Catharina Ursula (Mia) Cuypers – vers 1886
Fusain sur papier, 50 x 40 cm
Collection particulière


C’est probablement dans ces années que Thérèse exécute son autoportrait au pastel :

 

Autoportrait – avant 1888
Pastel sur papier, 60 x 45 cm
Rijksmuseum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés


Au Salon parisien de 1886, elle expose deux pastels et une huile, dont le catalogue donne le complément de titre suivant : « J'élève mes yeux à toi, qui demeures aux cieux. - Aie pitié de nous, Eternel. Notre âme est foulée de la moquerie de ceux qui sont à leur aise et du mépris des orgueilleux. » (Psaume CXXIII, 1, 3, 4).

C’est cet envoi qui retient l’attention de la presse.

 

A l’église – 1886
Huile sur toile, 195,6 x 139,7 cm
Musée des Beaux-Arts de Montréal
© Photo : Droits réservés

Le Vicomte de Saint Leu, dans Le Magasin des demoiselles, le trouve « émouvant dans sa simplicité sévère », mais d’autres sont un peu moins conquis : « Mlle Thérèse Schwartze, une jeune artiste hollandaise de talent, a envoyé : A l'église. C’est vigoureusement traité, quoique mystique. Nous espérons que Mlle Schwartze a l’humeur moins lugubre que le sujet qu’elle traite et que son "âme n’est pas foulée de la moquerie de ceux qui sont à leur aise et du mépris des orgueilleux", car l’artiste a un talent véritable, et la critique entière ne lui a jamais marchandé ses éloges. Mais, pour Dieu, mademoiselle, quittez les psaumes ! Tout le monde n’est pas protestant, et qu’on laisse une bonne fois ces lectures ennuyeuses aux Anglais, à qui elles communiquent le spleen. Nous préférons Béranger à tous les psaumes de tous les testaments. » (A.M. de Bélina, « Le Salon de 1886 », Le Mémorial diplomatique, 2 janvier 1886, p.363)

 

Il n’y a sans doute pas que la dimension « protestante » dans l’intérêt que Thérèse porte aux personnes désargentées. Leurs portraits constituent une sorte de contrepoint à ceux des nombreuses célébrités qui font bouillir la marmite de la famille Schwartze…

 

Orphelins – 1887
Localisation inconnue
Publié en noir & blanc  in :
Femmes peintres du monde, de Caterina Vigri à Rosa Bonheur et aujourd'hui
The Art & Life Library, Londres, Walter Shaw Sparrow, 1905 (en ligne)

Dans son étude, H. Leonards reproduit ce tableau avec le titre Sans père.

L’autre reproduction qui figure dans Femmes peintres du monde de Walter Shaw Sparrow est un pastel intitulé Portrait des enfants de Mr A. May. C’est le tableau qui figure au fond de l’atelier de Thérèse, ci-dessous, et représente deux petites filles en robe blanche.

 

Photographie attribuée à Sigmund Löw (1845-1910)
Thérèse Schwartze dans son atelier – vers 1903
Source : collection Rijksmuseum, Amsterdam


Si Thérèse n’est pas au Salon de 1887, c’est probablement qu’elle n’a pas manqué d’occupations cette année-là. Sa production de portraits de la haute société est intense. Ici, celui de Johanna Eugenia Theodora Schouwenburg (1866-1950), à l’occasion de son mariage avec Pieter Theodorus van Hoorn (1860-1922), dont la famille appartient à la classe des régents d’Amsterdam.

 

Pastel sur papier, 63 x 47,5 cm
Musée d’Amsterdam
© Photo : Droits réservés

Et un portrait réussi donne lieu à des commandes suivantes. Ici, le fils et la fille des Van Hoorn, réalisé une dizaine d’années plus tard.

 

Portrait de Catharina Elisabeth et Lucien Gerard van Hoorn - vers 1895
Pastel sur papier, 64 x 56,5 cm
Musée d’Amsterdam
© Photo : Droits réservés


C’est aussi le moment où elle réalise le portrait de la princesse Wilhelmine, très remarqué au Pays-Bas et qui engendre une demande décuplée de portraits au pastel, notamment d’enfants (et une explosion du niveau de prix demandés par l’artiste !)

 

Portrait de Wilhelmine enfant – 1888
Pastel sur papier, 59,5 x 49 cm
Koninklijke Verzamelingen, La Haye
© Photo : Droits réservés


L’examen de ces différents portraits donne une indication de la technique de Thérèse : elle apporte une précision et un soin méticuleux au visage des modèles, tandis que fond et vêtements sont traités à grands traits, laissant souvent apparaître la couleur du papier support de l’œuvre.

Retour de Thérèse au Salon de 1888. Elle y montre le portrait d’une petite fille qu’elle intitule Pensive (la photo du musée n'est pas très illisible) …

 

Pensive – 1887
Huile sur toile, 158 x 124 cm
Kunstmuseum, La Haye
© Photo : Droits réservés


… et surtout son autoportrait (celui que j’ai placé en exergue) « destiné à la Galerie des Offices », ainsi que le précise le catalogue du Salon. Il sera déposé aux Offices en 1895, après de multiples expositions.


Portrait de Mlle Schwartze par elle-même
Publié in : Revue de l'Exposition universelle de 1889, 1er août 1889, p.180
 Ludovic Baschet, Paris, 1889
Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France


Pour dire les choses franchement, c’est cet autoportrait qui m’a donné l’idée d’aller voir si Thérèse avait eu l’occasion de se rendre en Angleterre car – et personne ne paraît l’avoir remarqué à l’époque – il me semble difficilement imaginable qu’elle n’ait pas été inspirée, ne serait-ce qu’un petit peu, par le célébrissime autoportrait de Joshua Reynolds qui se trouve à la National Portrait Gallery depuis 1858. D’autant que, pour une portraitiste, la visite de ce musée devait évidemment constituer un « must » !

 

Sir Joshua Reynolds (1723-1792) par lui-même – vers 1747
Huile sur toile, 63,5 x 74,3 cm
National Portrait Gallery, Londres
© Photo : Droits réservés


La presse française trouve l’autoportrait « excellent » et « vigoureux », ainsi que particulièrement « original » …

« "C'est une vraie trouvaille !" proclamèrent les peintres français, quand ce portrait fut exposé au Salon de 1888 ; et il s'en fallut de deux voix que cette belle œuvre n'obtînt la médaille d'or. » écrit Leonards. (op.cit. p.200)

C’est cependant l’année suivante que Thérèse rencontre le succès à Paris, avec L’orphelinat bourgeois d’Amsterdam. J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait de ce tableau, également très remarqué à l'exposition triennale de Rotterdam, la même année, où il est immédiatement acquis par le musée de la ville, créé en 1849 grâce à la collection d’un amateur d’art, Frans Jacob Otto Boijmans (1767-1847).

 

Cinq orphelines du Maagdenhuis d’Amsterdam – 1888
Huile sur toile,167,5 x 179 cm
Musée Boijmans Van Beuningen, Rotterdam
© Photo : Droits réservés


J’en ai trouvé une description très précise dans le catalogue des collections édité en 1892 par P. Haverkorn Van Rijsewijk, p.331) :

« Cinq orphelines de l'orphelinat, dit le "Maagdenhuis" (Maison des Vierges), d'Amsterdam. Dans une chambre, autour d'une table, les orphelines assises, vêtues du costume de l'Orphelinat : bonnet, mouchoir et fichu blanc, jaquette à pattes et jupe noire ; le bord du bonnet est attaché en face au moyen de deux épingles d'or. Deux filles sont assises vis-à-vis, l'une vue de dos, l'autre de face, travaillant à un tapis turc, à fond rouge et dessins bleus et jaunes. A gauche deux orphelines sont assises, une avec un tablier blanc, lisant un livre qu'elle tient à la main, l'autre regardant le livre et s'appuyant contre sa voisine. Vis-à-vis de ces deux, la cinquième est assise, les avant-bras étendus sur la table et les mains jointes, écoutant attentivement la lecture. Au fond le mur gris ; à droite, un rideau bleu foncé ; au milieu, en haut, un crucifix ; à gauche, un tableau à cadre noir. »

Or cette description ne « colle » pas avec celle de la presse française :

« Dans un intérieur, sept jeunes filles, toutes vêtues de l'uniforme de l'orphelinat, robes mi-partie noire et rouge, bonnets de linge blanc. La première, à gauche, se tient debout, de profil, tournant les pages de la musique posée sur un piano devant lequel est assise la seconde, vue de profil en sens inverse, les mains sur le clavier. La troisième, en allant vers la droite, debout, chante, un livre à la main, auprès d'une autre, plus petite, qui croise les mains. Les trois dernières, un peu en arrière, tiennent les yeux baissés sur leurs bibles. Au fond, un mur gris et le bas d'un cadre dans lequel on lit : Psalm. H 6. 9. » (Le Livre d'or du Salon de peinture et de sculpture : catalogue descriptif des œuvres récompensées et des principales œuvres hors concours / rédigé par Georges Lafenestre, Librairie des bibliophiles, 1889)

Cinq orphelines vêtues de noir dans l’un, sept vêtues de rouge et noir, plus un piano, dans l’autre… J’ai fini par trouver :

 

La chorale des orphelines (Psaume 146 : 9) - 1889
Huile sur toile,170 x 200 cm
Collection particulière (vente 2023)

« Salle 11 : C’est M. Roll qui règne en maître dans cette salle, avec Mlle Thérèse Schwartze toutefois, car l’Orphelinat bourgeois à Amsterdam est une de ces toiles qui consacrent la réputation d’un artiste. (…) Mlle Thérèse Schwartze aura un très grand succès aussi avec son Orphelinat bourgeois à Amsterdam. Toutes les têtes des jeunes filles sont jolies et attachantes, les allures distinguées ; il règne dans l’ensemble de la toile un excellent sentiment. La facture est large, facile, colorée et d’une harmonie caressante. » (Félix Jahyer, « Le Salon de 1889 », L'Entr'acte : revue-programme : théâtre, littérature, arts, 3 mai 1889, p.2)

« C’est ensuite L’Orphelinat bourgeois à Amsterdam, de Mlle Thérèse Schwartze, qui attire les regards, mais pour les retenir longtemps. C’est là une œuvre vraiment remarquable, et qui fera parler de son auteur, déjà avantageusement connu. » (« Le Tour du Salon », La République française, 29 avril 1889, p.1)

C’est probablement ce tableau-là - avec un Portrait de ma mère et son autoportrait - qui a été exposé à la « World's Columbian Exposition » de Chicago en 1893, car plusieurs publications le désignent sous le titre Psaume 146 : 9.

 

Comme je l’indiquais plus haut, le thème des orphelines est récurrent. On pourrait penser que leur situation faisait écho à l’expérience personnelle de l’artiste, orpheline de père à 23 ans. Mais ce n’est pas l’opinion de W. Vogelsang, auteur d’un article sur « Les orphelines d’Amsterdam ». (Les maîtres contemporains : l'art et la couleur, édit. H. Laurens, Paris, 1904, p.25-26.)

Pour lui, « les œuvres de Thérèse Schwartze sont conçues avant tout au point de vue de la couleur. De là sa prédilection pour les figures d'orphelines, avec leur uniforme si vivement contrasté : la robe mi-partie rouge vif et noir intense, le col et le bonnet blancs servant de transition entre la coloration du costume et celle du visage. »

Thérèse a largement exploré le thème dont H. Leonards donne un autre exemple dans son étude :

 

Publié in : H. Leonards, Les peintres néerlandais du XIXe siècle, Tome 2, p.194
Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France


Premier jour à l’orphelinat – après 1906
Huile sur toile, diamètre : 50 cm
Collection particulière (vente 2020)



Chœur d’orphelines d'Amsterdam – vers 1889
Huile sur toile, 190 x 140 cm
Collection particulière (vente 2022)


L’autre grand rendez-vous de l’année 1889 était évidemment l’Exposition universelle de Paris. Selon le catalogue, Thérèse expose son Portrait de l’artiste, le Portrait de M.G. van Tienhoven, bourgmestre d’Amsterdam et Pensive, ainsi qu’un Portrait de dame au pastel.

 

Portrait de Gijsbert Van Tienhovens – 1889
A l’époque où il était bourgmestre d’Amsterdam
Publié in : H. Leonards, Les peintres néerlandais du XIXe siècle, Tome 2, p.201
Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France


Selon le catalogue officiel des récompenses, Thérèse a reçu une médaille d’argent, attribuée pour son autoportrait selon H. Leonards qui ajoute qu’elle aurait reçu « la grande médaille d’or, la distinction extraordinaire offerte aux peintres étrangers ». Or cette distinction n’existait pas. Il existait des « Grand Prix » et il en fut attribué un à Jozef Israëls, seul peintre des Pays-Bas à être distingué à ce titre…

L’année suivante : « C’est une coutume, une tradition que nous raconte, en termes émus, Mlle Thérèse Schwartze, qui revient du Zuiderzee, de ce curieux pays de Hollande. » (« Le Salon de 1890 », La Revue des beaux-arts, 5 juillet 1890, p.90) Le tableau en question s’intitulait Le Père était pêcheur et représentait un costume de deuil de l’île de Marken, situé au nord de la Hollande.

Pour changer un peu de sujet, intéressons-nous à un homme dont elle a exécuté ce portrait en 1890 et qui paraît avoir pris une place importante, bien que discrète, dans la vie de Thérèse : Anton van Duyl (1829-1918). Elle l’aurait rencontré à la fin des années 1870 alors qu’il était lui-même marié. Fervent amateur de la peinture française, il serait un de ceux qui l’engagèrent à se rendre régulièrement à Paris.

 

Portrait d'Anton Gilles Cornelis van Duyl - vers 1890
 Huile sur toile, 79 x 69 cm
Collection particulière

Après une jeunesse un peu triste au cours de laquelle il étudia la théologie sans grande conviction, Anton s’était vu enrôler un peu par hasard par le journal Nut, comme conférencier itinérant. S’étant acquitté de cette tâche - qui lui permit de voir du pays - avec le brio attendu, il devient ensuite directeur d’une publication sur le déclin, le Rotterdamsche Courant, qui fit faillite l’année suivante. Après quelques autres péripéties, il avait rejoint en 1865, la rédaction de l’Algemeen Handelsblad (qui deviendra plus tard l’un des principaux quotidien d’Amsterdam) pour lequel il rédigeait des synthèses d’actualité étrangère et quelques éditoriaux.

En 1866, devenu officiellement membre de la rédaction du journal, il est élu directeur de publication. Il écrit de nombreux articles de politique étrangère, s’intéresse de près à la situation de l’Afrique du Sud et fonde en 1883 le Cercle des journalistes d'Amsterdam. Mais il était aussi fort intéressé par l’art et les artistes. Il a écrit quelques articles sur des peintres graveurs et lithographes comme August Allebé (1838-1927), Nicolaas Van der Waay (1855-1936) et Johannes H. L. de Haas (1832-1908).

Selon P.J. Bloc (Revue mensuelle du Cercle des journalistes néerlandais, 6 et 20 février 1918, p.77) : « Van Duyl et Thérèse Schwartze travaillèrent ensemble pendant de nombreuses années dans une amitié intime et chaleureuse », avant de se marier, bien plus tard, après le décès de l'épouse de van Duyl.

 

Portrait d’Anton van Duyl – 1893
Huile sur toile, 49 x 73 cm
Collection particulière (vente 2004)

Au deux salons suivants, Thérèse expose principalement des portraits d’enfants que la presse évoque à de multiples reprises. La petite Presse a été séduit par « un Portait de deux enfants avec un chien, de Mlle Thérèse Schwartze » que j’illustre avec cette autre reproduction de l’article de H. Leonards. 

 

Publié in : H. Leonards, Les peintres néerlandais du XIXe siècle, Tome 2, p.185
Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France

Elle expose aussi le portrait d’un homme qu’elle a probablement rencontré grâce à Anton van Duyl, Piet J. Joubert, Commandant-Général de la République Sud-Africaine, sans grand écho dans la presse française.


Portrait de Piet J. Joubert – 1890
Huile sur toile, 125 x 89 cm
Rijksmuseum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés


En revanche, à Gand, elle reçoit le diplôme d’honneur de la ville, quand elle expose ce groupe d’enfants, qu’hélas je n’ai retrouvé dans aucun musée…

 

Publié in : H. Leonards, Les peintres néerlandais du XIXe siècle, Tome 2, p.189
Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France


… et en 1894, à Anvers, elle reçoit la Grande médaille pour les Néophytes Luthériennes, aussitôt acquis pour le tout nouveau musée Stedelijk d’Amsterdam. Il sera exposé au Salon de 1896 sous le titre Communiantes luthériennes.

 

Les néophytes luthériennes – 1894
Huile sur toile, 208 x 295 cm
Stedelijk Museum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés

C’est probablement de cette œuvre dont on parle à l’occasion de l’ouverture du musée l’année suivante : « On vient d'inaugurer, à Amsterdam, le nouveau Musée municipal dû à la munificence de la douairière Lopez Suasso et des héritiers van Leeghen qui, non contents de céder à la ville leurs collections de maîtres modernes, ont voulu aussi donner l'édifice destiné à les recevoir. Dans la salle d'Honneur et à la place d'honneur se trouve le Noël d'Emile Breton ; puis deux toiles de Neuhuys, un tableau d'Israëls, un de Mesdag, un de Mlle Thérèse Schwartze. » (« Le nouveau Musée municipal d'Amsterdam », L'Art pour tous, 1er octobre 1895, n.p.)

A la place d’honneur en compagnie d'Israëls, voilà qui a dû faire plaisir à Thérèse ! Je ne sais pas s'il s'agissait de Jozef, le père, qu'elle admire, ou de son fils, Isaac, avec lequel Thérèse entretient une amitié complice. (J'imagine que c'était plutôt le père…)

Lorsqu’Isaac peint ce portrait de Thérèse, il le lui envoie avec ce petit message, retrouvé au dos du tableau : « Chère Thérèse, Que Mme Votre mère se rassure, et ne vous inquiétez pas non plus. Je ne l'ai pas montré comme un portrait de vous, pas même comme un portrait de Mlle Th. S. mais juste comme un "portrait" qui peut prouver qu'il s'agit d'un portrait de vous ?! D'ailleurs, quelqu'un que vous ne connaissez pas ne pensera pas du tout à vous, et quelqu'un que vous connaissez sait déjà que vous fumez parfois une cigarette ! Mais vos connaissances aristocratiques, direz-vous ? Eh bien, ils ne viennent pas du tout à une exposition d'études et de croquis, bien sûr, ils ne viennent qu'à des expositions soignées ! Si, néanmoins, une mention perverse dans le journal ou ailleurs attaquait votre féminité… Eh bien, alors je suis prêt à jurer ou à me battre en duel contre n'importe qui avec l'arme que vous choisirez pour prouver le contraire. Mais je suis convaincue que votre féminité ne sera en aucun cas mise en cause et j'aimerais faire un portrait de vous sans fumée, pour votre mère. Qu'en dites-vous ? Ton Isaac. 16 février 1895. »

 

Isaac Israels (1865-1934)
Portrait de Thérèse Schwartze – vers 1895
Huile sur panneau, 23 x 14,5 cm
Collection particulière (vente 2012)

Car, bien sûr, Mme Schwartze mère avait toujours marqué la plus grande réprobation pour le « débraillé moral et physique des femmes soi-disant émancipées » et, cela va sans dire, les fumeuses… On comprend mieux pourquoi Thérèse, soucieuse de ne pas choquer les « connaissances aristocratiques » qui constituaient sa clientèle, privilégiait les thèmes édifiants et consensuels, comme cette jeune fille que Leonards reproduit dans son article avec le titre Fiancée dans la vieille Bavière.

 

Portrait d’une jeune fille en costume – 1895
Huile sur toile, 110 x 74 cm
Collection particulière (vente 2012)


Il est temps à présent d’évoquer aussi les « colocataires » de Thérèse, ce qui lui reste de famille après le décès de ses parents : sa sœur Georgine Elisabeth Schwartze qui est devenue sculptrice, Clara Ansingh-Schwartze, son autre sœur qui exerçait le métier de pharmacienne et les deux filles de celle-ci, toutes deux peintres, Theresia Ansingh et surtout Maria Elisabeth Georgina (« Lizzy ») Ansingh, dont Thérèse est particulièrement proche, à laquelle elle a donné ses premiers cours de dessin et qui a partagé son atelier.

 

Portrait de Lizzy Ansingh – 1895
Huile sur toile, 58 x 49 cm
Stedelijk Museum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés

Après avoir étudié à la Rijksacademie – dans une classe réservée aux jeunes femmes - Lizzy Ansingh s’est alliée à d’autres jeunes femmes de l’académie pour former un groupe de femmes artistes, les Amsterdamse Joffers, qui se réunissaient chaque semaine pour échanger leurs expériences et se soutenir mutuellement. Ces réunions se tenaient chez Thérèse qui était leur mentor. Plusieurs de ces jeunes femmes sont ensuite devenues des peintres reconnues. Thérèse, bien qu’assez peu sensible aux revendications féministes, n’a cependant pas manqué à la solidarité qui leur a permis d’émerger.

En 1897, la reine Emma demande à Thérèse de réaliser un portrait d’investiture de sa fille Wilhelmine, âgée de dix-huit ans, d’après les photos prises par le photographe Hans Richard Ferdinand Kameke (1847-1898) avant la cérémonie.

 

Portrait de Wilhelmine en tenue d’investiture – 1898
Huile sur toile, 202 x 136 cm
Koninklijke Verzamelingen, La Haye
© Photo : Droits réservés


Le tableau a été exposé en 1898 à l'Exposition nationale du travail des femmes, qui s'est tenue dans le pavillon des arts visuels de La Haye. Le portrait de la jeune reine, fort apprécié du public, fait l’objet de nombreuses reproductions en couleurs.

Pour l’Exposition universelle de 1900, j’ai dû m’en remettre à la presse car le catalogue de plusieurs volumes n’a pas été entièrement numérisé. Selon Le Journal du 9 juillet 1900 (p.3), elle a présenté le Portrait du général Joubert et Orphelines d’Amsterdam.

« Mlle Thérèse Schwartze expose le portrait d'un héros, le brave général Joubert mort récemment dans la lutte acharnée du Transvaal contre l'Angleterre. Il y a des défauts dans ce portrait, des faiblesses et des naïvetés, mais néanmoins la ressemblance est exacte, et c'est l'important. » (Henri Dac, L’Univers, 1er janvier 1900, p.1)

« Mlle Schwartze expose en même temps sous le titre de A l’Orphelinat d’Amsterdam le portrait grandeur nature de deux pensionnaires de cet établissement, l’une encore petite, l’autre déjà jeune fille, dont les physionomies douces et les yeux clairs sont remarquablement rendus. Très seyante du reste est la jupe rouge qui donne à l’uniforme des pauvres enfants un aspect plutôt joyeux. » (Romain, « Les Beaux-Arts à l’Exposition », Le Progrès artistique, 11 octobre 1900, p.54)

Cette description évoque la reproduction du tableau ci-dessous intitulé God is een Vader der Weezen (Dieu est le père des orphelins).

 

Publié in Les Maîtres contemporains, l’art et la couleur, p.25
H. Laurens, Paris - 1904
Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France

Pour Thérèse, la décennie qui commence est une période d’intense activité que le Portrait de Wilhelmine a relancée et qu’elle entretient en veillant à ce que ses œuvres – et notamment ses autoportraits qui lui servaient de « réclame » - soient exposées chaque année, dans une grande ville d’Europe.

Elle travaille vite, exécute ses portraits au pastel en moins d’une journée, tout en devisant agréablement, ce qui séduit sa clientèle fortunée, comme ici, la femme d’un chirurgien orthopédiste…

 

Pastel sur toile, 73,5 x 59 cm
Rijksmuseum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés

 

… ou ce jeune garçon, fils de banquier :

Portrait d'Henri Louis van Eeghen - vers 1899
Pastel sur papier, environ 90 x 60 cm
Collection particulière


Mais Thérèse ne se limite pas aux portraits de commande. Elle s’intéresse aussi à ses amis et familiers, qu’elle représente dans une grande variété de poses et avec une liberté de style qui lui était plus difficile de s’autoriser avec des clients. Ils sont rarement présentés de face et elle a recours à une touche plus lâche qui les rapproche un peu de l’impressionnisme tardif, comme on le voit sur ce portrait d’un ami de son père, le peintre paysagiste Paul Gabriël…

 

Paul Joseph Constatin Gabriël (1828-1903) - 1899
Pastel sur papier, 56 x 46 cm
Rijksmuseum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés


… ou celui de son propre médecin fumant une cigarette (!)

 

Portrait du Dr. Salomon Benjamin Druif – 1912
Pastel sur papier, 55 x 80 cm
Collection particulière


Sa sœur Georgine et sa nièce Theresia…

Portrait de la sœur de l’artiste – 1900
Pastel sur papier, 58 x 47,5 cm
Collection particulière (vente 2023)


Portrait de Theresia Ansingh – après 1906
Pastel sur papier, 71 x 57 cm
Rijksmuseum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés


… ou une amie, épouse du peintre George Hendrik Breitner (1857-1923), un proche d’Isaac Israels.

 

Portrait de Maria Catharina Josephine Jordan (1866-1948) – 1902
Pastel sur papier, 106 x 78 cm
Rijksmuseum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés


Et elle ne dédaigne pas non plus les étrangers de passage, comme Charles Wesley Payne (1856-1921), l’un des chanteurs des Fisk Jubilee Singers, un groupe afro-américain en tournée en Europe pour collecter des fonds pour la Fisk University, premier établissement supérieur afro-américain de Nashville. Thérèse a invité le groupe à venir se produire chez elle et leur a proposé de réaliser leur portrait. C’est elle qui a fourni le costume du chanteur, comme elle le faisait souvent avec les modèles qu’elle sollicitait.

 

Portrait de Charles Wesley Payne – 1900
Huile sur toile, 133 x 112 cm
Collection particulière

« Lizzy Ansingh, raconte comment, lorsque les dépenses n'étaient pas un problème [ce qui était assurément le cas en 1900 car Thérèse était devenue très fortunée], elle amenait parfois ses modèles chez Hirsch pour qu'ils soient "habillés" selon son goût. Un gentleman portant un manteau rigide était une abomination pour elle ; elle préférait une cape, une toge, une cravate flottante et une attitude décontractée. » (P.J. Bloc Revue mensuelle du Cercle des journalistes néerlandais, 6 et 20 février 1918, p.82)


Après l'Exposition universelle de 1900, où elle reçoit à nouveau une médaille d'argent, Thérèse revient au Salon de Paris en 1902, avec un portrait – que j’illustre avec celui de sa nièce, peint la même année…

 

Portrait de Lizzy Ansingh, nièce de l’artiste (1875-1959) – 1902
Huile sur toile, 78 x 62 cm
Rijksmuseum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés


… et une autre œuvre intitulée In angello cum libello (dans un coin avec un livre). J’avoue avoir dû chercher : l'expression vient de l'épitaphe de Thomas a Kempis, l'auteur de L'Imitation de Jésus-Christ. Il mourut à Zwolle en 1471, et sa tombe porte l'inscription suivante : « J'ai cherché le repos partout, mais je ne l'ai trouvé nulle part, sauf dans un coin avec un livre. »

La même année, elle expose à la Société des peintres de portraits de Londres. « On y admire beaucoup deux portraits, l'un du président Kruger, l'autre de M. Wolmarans, dus tous les deux au pinceau de Mme Thérèse Schwartze. » (Le Courrier de Metz, 20 novembre 1902, p.2) J’ai trouvé le portrait de Kruger, un autre de ses portraits à fond sombre qui nous séduisent assez peu aujourd’hui.

Je vais plutôt montrer celui, très expressif, de Mozes (Max) de Vries van Buuren, directeur de la maison de textile De Vries van Buuren & Co., à Amsterdam. L'entreprise était réputée pour la qualité de la gestion son personnel : elle avait créé une caisse de retraite et de santé avant même que cela ne soit légalement obligatoire.  Vries van Buuren devint conseiller municipal d’Amsterdam.


Portrait de Mozes de Vries van Buuren – 1903
Huile sur toile, 108,5 x 81 cm
Musée historique juif, Amsterdam
© Photo : Droits réservés


Et j’ai bien envie de montrer aussi, de la même année, le portrait d’une petite baronne nommée Maggie….

 

Portrait de Gérardine Henriette Marguerite « Maggie »,
baronne van Hardenbroek van Lockhorst -1903
Pastel sur papier, 63 x 50 cm 
Collection particulière


… ainsi que cette jeune femme qui montre que Thérèse pouvait également faire preuve de légèreté dans ses portraits à l’huile, même si la référence à la religiosité n’est jamais très loin.

 

Une femme du Brabant – sans date
Huile sur toile 72,4 x 51,9 cm
Collection particulière

Thérèse ne paraitra pas au Salon parisien pendant quelques années. Mais elle continue à peindre, toujours et de plus en plus, des portraits de groupe dont elle adopte le style à l’attente de sa clientèle. Ainsi cette famille, traitée d’une touche rapide assez moderne, après un travail très précis sur les visages des modèles.

 

Portrait d'Aleida Gijsberta Maria van Ogtrop-Hanlo avec ses cinq enfants -1906
Huile sur toile, 176 x 197 cm
Centraal Museum, Utrecht
© Photo : Adriaan van Dam

1906 : année du mariage de Thérèse et d’Anton qui s’installe avec elle, en famille.  « Ils vécurent ainsi ensemble leurs dernières années : elle, travaillant assidûment chaque jour, se consacrant à son art, lui l'observant avec une admiration sincère, son conseiller pour les questions pratiques, la réconfortant dans les déceptions, les erreurs de jugement et les frustrations qui l'affligeaient également, et surtout, se réjouissant de sa réussite. Leur vie intime et chaleureuse durant ces années rappelait Philémon et Baucis. » (P.J. Bloc Revue mensuelle du Cercle des journalistes néerlandais, 6 et 20 février 1918, p.85)

 

Portrait d’Anton van Duyl – sans date
Fusain sur papier, 62,2 x 47,4 cm
Rijksmuseum, Amsterdam
© Photo : Droits réservés

« Quiconque assistait régulièrement à nos réunions annuelles il y a quelques années aurait pu apercevoir un couple remarquable assis près de la table du conseil d'administration. Lui était apparemment de loin l'aîné, cheveux blancs et moustache, avec l'apparence d'un soldat à la retraite, vêtu à la française avec élégance, l'expression vive et la conversation animée ; elle, vêtue avec élégance et délicatesse, l'air intelligent, lançant un regard ironique autour d'elle, toujours pleine de tendresse pour son mari âgé et quelque peu infirme. Ils étaient faits l'un pour l'autre ; ils étaient inséparables. » (P.J. Bloc Revue mensuelle du Cercle des journalistes néerlandais, 6 et 20 février 1918, p.77)

 

En 1907 a lieu à Amsterdam une exposition de l’ensemble de son œuvre. « J'ai déjà dit que le nombre des œuvres de Thérèse Schwartze est considérable [on l'évalue à plus de mille toiles]. L'Exposition qui a lieu actuellement contient une collection choisie, donne un aperçu complet de sa carrière d'artiste. On y remarque, à côté d'hommes d'État, de femmes du monde, et de groupes d'enfants, des portraits historiques. (…). Car tout ce qui a un nom ou des qualités picturales a posé pour elle, depuis notre reine, jusqu'à des femmes arabes de passage à Amsterdam, depuis le président Kruger, jusqu'aux jolies orphelines des institutions de sa ville natale qui portent encore le distingué et original costume du XVIIe siècle, blanc, et mi-partie rouge et noir. » (Zilcken, « L’exposition Thérèse Schwartze à Amsterdam », L'Art et les artistes, avril 1907, p.42-43)

 

En 1909, Thérèse est de retour au Salon, avec « un morceau ravissant de sentiment, de discrétion, de souple modelé, une Guitariste » (Arsène Alexandre, « Salon de la Société des Artistes français », Le Figaro, 1er mai 1909, p.5). Faute de guitariste…

 

La violoncelliste – sans date
Huile sur toile, 62,5 x 47,5 cm
Collection particulière (vente 2008)

 

La naissance de la princesse Juliana relance le cycle des portraits royaux. Juliana en bébé …

 

 

Portrait de Juliana enfant – 1910
Pastel sur papier, diamètre 47 cm

« La petite princesse d'après un portrait du photographe Guy de Coral. Le portrait était un cadeau au prince Hendrik pour son anniversaire. De nombreuses commandes que Schwartze a reçues ont été livrées en plusieurs versions et copies. Les études de pastel ont également souvent été conservées. C'est sans doute aussi le cas de cet attachant portrait de la princesse aux cheveux courts roux qui tient entre ses mains une orange à portée symbolique. » (Notice du musée)

… Juliana « en majesté » …


Portrait de la princesse Juliana – 1910
Huile sur toile, diamètre 87,5 cm
Koninklijke Verzamelingen, La Haye
© Photo : Droits réservés


… et Wilhelmine, royale.

 

Portrait de la reine Wilhelmine – 1910
Pastel sur papier, 70 x 50 cm
Koninklijke Verzamelingen, La Haye
© Photo : Droits réservés


En 1911, Thérèse expose au Cercle d’Art de La Haye puis elle est invitée à Vienne : 

« La saison d’hiver a repris avec l’exposition d’un groupe nouveau, la Société des femmes artistes plastiques d'Autriche. Cette exposition, qui a eu lieu à la galerie de la Sécession, a été à la fois intéressante et instructive, car elle représentait l’œuvre de femmes artistes de divers pays, et contenait quelques-uns des meilleurs travaux d’autrefois et d’aujourd’hui.
Parmi les noms des artistes qui y figuraient, beaucoup nous sont familiers : Angelica Kauffmann, Vigée-Le Brun, Rosa Bonheur, Marguerite Gerard, Catherine Sanders, Elisabeth Sirani, Rachel Ruijsch, Rosalba Carriera, Sofonisba Anguisciola [sic], Geertruda van Veen, Anna Dorothea Liszewska (peintre attitré de Frederic le Grand), Mary Beale, Diana Beauclerc, Kate Greenaway, Eva Gonzales et Thérèse Schwartze. Une artiste importante à cet égard est Mme Thérèse Schwartze, qui est peut-être la plus recherchée parmi les portraitistes hollandais de ces dernières années et la plus connue. (…) Grâce à cette qualité dont parlait Henner en disant : "Il y a presque trop d’expression", elle était tout à fait apte à représenter l’élégance séduisante des femmes du monde et des enfants de familles riches ou nobles, avec tous les signes de leur position sociale, et aussi, quoique plus rarement, à rendre les caractéristiques plus sévères de quelques personnages en vue. En un mot, elle possédait toutes les qualités qui pouvaient faire d’elle le peintre de "la société", et finalement - de fait, il n’y a guère longtemps – de la reine Wilhelmine elle-même. Si l’observation d’Israels au sujet de l'œuvre de Thérèse Schwartze - il trouvait qu’elle avait perdu à séjourner à Munich - est juste, il est également vrai que le monde à l'éclat superficiel, où elle a été poussée, a arrêté le sort de ses facultés de création. Malgré tout cela, cependant, elle n’a jamais cessé d’être une artiste dont le talent et le fin sentiment, qui sont bien au-dessus de la moyenne, ont porté le portrait sur commande au niveau élevé où il se trouve maintenant en Hollande. » (M.E., « La peinture hollandaise moderne de portraits », The Studio. An illustrated magazine of fine and applied art, Édition spéciale avec traduction française, 15 janvier 1911, p.34 et 52)

La suite, ce sont bien sûr d’autres portraits royaux…

 

Portrait de Juliana enfant - 1915
Pastel sur papier, 73,5 x 64,5 cm
Koninklijke Verzamelingen, La Haye
© Photo : Droits réservés

 

 … d’autres grands portraits de groupe, de sa famille, ses « colocataires » comme elle disait ;

 

Portrait de la famille Ansingh/Schwartze – vers 1915
Huile sur toile, 190 x 230 cm
Museum de Lakenhal, Leiden
© Photo : Droits réservés

De gauche à droite, sa sœur Georgine assise, son autre sœur Clara Ansingh-Schwartze, debout à côté d’Anton assis devant un livre, et ses deux nièces peintres, Theresia et, appuyée contre sa sœur, Lizzy Ansingh.

 

Et enfin, ce portrait des filles de Charles Boissevain, un fabricant d’ammoniaque, et de Maria Boissevain-Pijnappel qui présidait la Ligue pour le suffrage des femmes et fut élue, lorsque les femmes obtinrent le droit de vote en 1919, au Conseil provincial de Hollande-Septentrionale. La bourgeoisie libérale et éclairée qui ne dédaignait pas une expression artistique un peu… classique.

 

Les six filles Boissevain – 1916
Huile sur toile, 130,5 x 146 cm
Musée d’Amsterdam
© Photo : Droits réservés


Et pour finir, ce portrait de la famille royale en costume du XVIIe siècle, inspiré par Van Dyck, il fallait oser…

 

La famille royale avec la reine Wilhelmine en tenue historique – 1915
Huile sur toile, 239 x 262 cm
Koninklijke Verzamelingen, La Haye
© Photo : Droits réservés


La mort d’Anton, le 22 juillet 1918, porte un coup définitif au bonheur de peindre de Thérèse. Elle continua bravement, par habitude, mais la foi n’y était plus.


Autoportrait au chapeau et au voile de deuil – 1918
Fusain sur papier
Source : Archives de la ville d'Amsterdam


Thérèse Schwartze est morte le 23 décembre 1918, à Amsterdam.

Les premiers reportages sur sa mort parurent dans les journaux le jour même. Deux ans plus tard, Georgine Schwartze commence à travailler à la réalisation d'un monument dédié à sa sœur. Achevé en 1922, le monument fut exposé dans le hall du Stedelijk Museum puis transféré à la Fondation Thérèse Schwartze, créée en 1921. Aujourd’hui installé dans un cimetière, il a été protégé au titre des Monuments nationaux en 2002.

 


Ensuite, l’œuvre de Thérèse n’a plus été étudié pendant des années. Ses portraits de salon, destinés à faire impression dans une pièce richement décorée, étaient passés de mode. Mais l’intérêt renaît puisque son travail a été exposé au Museu de Arte de São Paulo (São Paulo) et au musée Van Gogh d’Amsterdam en 2019.

Puis, en 2022, une exposition rétrospective « Thérèse Schwartze, haar klant was koning » (le client est roi), a été organisée au Musée Paul Tetar van Elven de Delft.

Enfin, une rue d’Amsterdam porte son nom et aussi son prénom, à la demande de Lizzy Ansingh, qui tenait à ce que tout le monde sache bien que « Schwartze était une femme » !

 


 

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