Self Portrait at a Dressing Table – vers 1928
Gravure, 17,8 x 12,1 cm
Collection particulière (vente 2012)
Née le 14 février 1881 à Londres, Laura Sylvia Gosse était la benjamine des trois
enfants du poète, critique littéraire et bibliothécaire de la Chambre des
lords, Edmund Gosse. Sa mère, Ellen Epps, était peintre avant son mariage et l’une
de ses tantes avait épousé le peintre Lawrence Alma-Tadema (1836–1912). La
famille baignait dans une atmosphère culturelle à laquelle participaient de
nombreux artistes et écrivains. Une famille aisée qui permettra à Sylvia de
conserver toute sa vie une autonomie financière.
Dès
l’enfance, Sylvia a décidé d’être artiste. Elle accomplit une partie de ses
études secondaires en France, puis étudie à la St John's Wood School of Art et,
à partir de 1906, effectue trois ans d’étude à la Royal Academy of Art, période
pendant laquelle elle exécute le portrait du poète Henry Dobson, un ami de
son père.
Henry Austin Dobson – 1908
Huile sur toile, 29,2 x 22,2 cm
National Portrait Gallery, Londres
Walter Richard Sickert, qui fréquentait la maison de
ses parents, remarque son travail et lui conseille d’étudier la gravure.
Elle
s’inscrit donc au cours de gravure de Sickert, d’abord à la Westminster School
of Art puis, en 1909, dans la nouvelle école de gravure, dessin et peinture qu’il
ouvre au 209 Hamsptead Road. Lorsque l’école déménage au 140 de la même rue, Sickert
la baptise Rowlandson House en hommage à l’illustrateur et caricaturiste
anglais Thomas Rowlandson (1756-1827).
Walter Richard Sickert (1860-1942)
Rowlandson House – Sunset – vers 1910/1911
Huile sur toile, 61 x 50,2 cm
Tate Britain, Londres
Sylvia Gosse (1881-1968)
Walter Sickert Studio, Rowlandson House – sans date
Craies de couleur sur papier, 16,5 x 22,5 cm
Collection particulière (vente 2019)
A
cette date, Sylvia est déjà passée du statut d’élève à celui d’enseignante et
prend en charge les étudiants que Sickert ne trouve pas dignes de son
enseignement ! Dans la nouvelle école, dénommée Sickert and Gosse
School of Painting and Etching, elle assure, en plus de ses cours, la
direction administrative et, selon certaines sources, apporte un soutien financier.
C’est
l’époque où l’un des élèves de Sickert, le peintre Harold Gilman, réalise deux portraits d’elle (cliquer pour agrandir). Harold Gilman est l’un des membres fondateurs du Fitzroy
Street Group et du Camden Town Group, qui réunissaient de jeunes
peintres sur lesquels Sickert exerçait
une forte influence. Mais Sylvia ne risquait pas d’en faire partie, car, bien que délibérément « progressiste », le Camden
Town Group était interdit aux femmes. Elle ne fut autorisée à le rejoindre
qu’au moment de sa transformation en London Group.
Harold Gilman (1876-1919)
Sylvia Gosse – 1913
A gauche :
Huile sur toile, 61 x 51 cm
The Cleveland Museum of Art, Ohio
A droite :
Huile sur toile, 69 x 51 cm
Southampton Art Gallery
Fitzroy Street Group, Camden Town Group,
London Group
Avant la Première Guerre mondiale, l’art
britannique était relativement isolé des développements radicaux de
l’abstraction cubiste qui avaient eu lieu à Paris. Peu d’œuvres d’art
continentales étaient visibles à Londres avant l’exposition « Manet
et les postimpressionnistes » organisée par Roger Fry en 1910-1911.
A partir de l'automne 1907, un groupe de jeunes
artistes assistaient à des réceptions informelles où ils pouvaient rencontrer
At home des critiques et des acheteurs potentiels, dans un studio loué
à Bloomsbury au premier étage du 15 Fitzroy Street, près de l’atelier de
Walter Sickert, leur référence à tous. Le Fitzroy Street Group est né
de ces rencontres.
Le Camden (Town)Group (du nom de la ville, au nord de Londres, où Sickert a installé son atelier) est fondé en 1911, par
quelques-uns de ces artistes qui partageaient un intérêt pour les sujets
urbains, les rues et les habitants de Londres et de sa banlieue, les scènes
du quotidien, les divertissements populaires, thèmes qui constituent
l’essentiel de la production de Sickert à l’époque. Ces peintres partagent
aussi un style : une peinture sèche, épaisse, appliquée en touches
brisées, soit dans les tons sombres et riches des maîtres anciens (comme
Sickert), soit dans des combinaisons de couleurs vibrantes, rose, mauve,
vert (comme Spencer Gore, Charles Ginner, Harold Gilman et Robert Bevan).
Le Camden Group n’exposera que trois
fois, dans l’espace du sous-sol de la Carfax Gallery, en juin et décembre
1911 et décembre 1912.
Le London Group lui succède, dans
l’objectif de faire mieux connaître au public « l’art visuel
contemporain », grâce à des expositions annuelles. Il s’agissait aussi
de s’opposer au conservatisme de la Royal Academy comme au New English Art Club, devenu conservateur après avoir été avant-gardiste. La première
exposition du London Group a eu lieu à la Goupil Gallery de Londres.
Le London Group a perdu progressivement sa prééminence à partir des
années 1930 mais il existe toujours aujourd’hui.
|
Sylvia a déjà
exposé deux fois, un Intérieur au New English Art Club en 1911 et à la
Royal Academy en 1912. Selon le catalogue, il s’agissait d’une gravure
représentant son père. Je ne sais pas s’il s’agissait de la scène ci-dessous
mais ce n’est pas exclu car le titre indiqué est « Edmund Gosse … »,
ce qui laisse entendre que « quelque chose » devait suivre.
Sir Edmund Gosse in his Studies – sans date
Gravure, 18 x 15 cm
Collection particulière (vente 2024)
Dès
1913, Sylvia participe à la création du London Group et bénéfice de sa
première exposition personnelle à la Carfax Gallery. On reconnaît dans cette Couturière la peinture sèche, la palette tonale et la « touche brisée »
des peintres du Camden Group :
The Seamstress – vers 1914
Huile sur toile, 51,1 x 40,7 cm
National Museum, Cardiff
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Et
une deuxième version, probablement contemporaine, dans un style plus personnel.
Seamstresses – sans date
Huile sur toile, 53,5 x 40,6 cm
Rye Art Gallery, Rye
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
On
aborde ici un thème récurrent dans l'œuvre de Sylvia. Comme Sickert, elle est
intéressée par les scènes familières mais ce sont souvent des femmes au travail, toujours représentées selon des angles inattendus (un reflet dans une glace pour l'Infirmière), une caractéristique qu'elle partage avec plusieurs peintres du Camden Group.
The Printer – vers 1915
Huile sur toile, 100 x 94,8 cm
Museum & Art, Swindon
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
The Nurse – sans date
Huile sur toile, 156,2 x 74,6 cm
The Box, Plymouth
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
La Repasseuse – sans date
Huile sur toile, 50,8 x 39,4 cm
Collection particulière (vente 2019)
Sylvia
et Sickert travaillent souvent ensemble. Ainsi, la même année, Sickert peint
une série de toiles sur un vieux violoniste nommé Heffel, que Sylvia prend
également pour modèle :
Walter Richard Sickert (1860-1942)
Old Heffel of Rowton House – vers 1916
Huile sur toile, 55,8 x 40,7 cm
York Art Gallery
Sylvia Gosse (1881-1968)
The Old Violinist – vers 1918
Eau-forte sur papier, 12,1 x 8,4 cm
Archives de la Tate Britain
Il
résulte de ce travail en commun une certaine influence de Sickert sur le
travail de Sylvia.
La
toile ci-dessous, par exemple, présente le même thème que le Mantelpiece
de Sickert, un intérieur qui se reflète dans un miroir dont le manteau est
encombré d’objets dont le reflet anime la scène.
Sylvia Gosse (1881-1968)
The Lustre – vers 1914/1915
Huile sur toile, 38 x 30,5 cm
Collection particulière (vente 2006)
Walter Richard Sickert (1860-1942)
The Mantelpiece - vers 1906
Huile sur toile, 76,2 x 50,8 cm
Southampton City Art Gallery
Mais
si l’influence est certaine, cela n’empêche pas Sylvia d’exister par elle-même.
Comme l’a souligné un critique du Times, « Il serait facile de qualifier
Miss Gosse d'élève de Walter Sickert. Mais ses travaux montrent qu'elle
est bien plus que cela ; on peut voir l'influence de l'origine mais M.
Sickert ne l'a pas submergée ; il ne lui a communiqué que quelques-unes de
ses propres vertus. » et l’on verra que c’était aussi l’avis d’un ami de
Sickert, le peintre Jacques-Emile Blanche (1861-1942).
Par
ailleurs, Sylvia n’est pas une personnalité charismatique. Elle ne s’est jamais
mise en avant, cherchant plutôt à se fondre dans le
paysage : « [elle] pouvait apparaître au numéro 15 [Fitzroy
Street] les jours At Home, mais rarement ; très timide, elle choisissait
toujours le coin le plus discret qu'elle pouvait trouver ; ayant l'air
harcelée et traquée, elle parlait à peine » se souvenait Marjorie Lilly, une
autre élève de Sickert. (Source : Nicola Moorby, « Sylvia Gosse
1881–1968 », avril 2003, in The
Camden Town Group in Context, Tate Research Publication, mai 2012)
Et
cette « invisibilité » continue aujourd’hui : j’ai compté, sur
la page de Sylvia, une centaine de notices de ses dessins et gravures dans les
collections en ligne du British Museum. Aucune n’est illustrée, sauf quatre…
qui sont en fait des gravures de Sickert, insérées au milieu du lot !
En
1917, Sylvia est présente à « l’Exposition d’arts graphiques d’hiver »
de la Royal Academy avec deux gravures intitulées Napoleonic Eagle et Scandal-Mongers
et ce sera fini pour dix ans avec cette institution.
Mais
elle expose dans de nombreuses galeries, ses dessins et gravures, le plus
souvent.
The High French Bed – 1912
Gravure (dimensions non communiquées)
Museum of Modern Art, New York
Stall Street, Bath – 1919
Lithographie sur papier, 30 x 23,1 cm
Archives de la Tate Britain
Kitty - sans date
Gravure, 29,3 x 21,8 cm
Ashmolean Museum, Oxford
Fillette se peignant les cheveux – sans date
Crayon graphite, craie noire et rouge, 27,4 x 20,3 cm
The Cleveland Museum of Art, Ohio
The Mirror (A Patient Model) - 1920
Gravure, 30 x 22,5 cm
Ashmolean Museum, Oxford
S’agissant
de ses peintures - qui ne sont pas datées non plus – on ne peut se fonder que
sur les tenues de protagonistes (et l'évolution de sa palette) pour les situer dans le temps.
Lady passing a Shop Window – années 1920
Huile sur toile, 50,8 x 40,6 cm
Collection particulière (vente 2000)
Sylvia
peignait aussi en France, visiblement régulièrement, probablement parce qu’elle
accompagnait Sickert dans ses déplacements. Et il séjournait fréquemment en
Normandie depuis les années 1880. Il y avait rencontré Jacques-Emile Blanche en
1882 et c’est dans la maison du peintre à Dieppe qu’il a fait la connaissance de ses futurs
galeristes parisiens, Durand-Ruel et Bernheim-Jeune, et aussi d'artistes, Renoir,
Monet, Pissarro.
Walter Richard Sickert (1860-1942)
Jacques-Emile Blanche – vers 1910
Huile sur toile, 61 x 50,8 cm
Tate Britain, Londres
Mais
c’est à Paris que Sickert a rencontré d’Edgard Degas, dont il se sent
proche au plan artistique et avec lequel il partage l’idée de l’importance du
dessin dans la composition, « vertu » qu’il a transmise à Sylvia.
Quoi
qu’il en soit, cette toile de Sylvia, qui date probablement de la fin des
années 1910, porte un titre en français.
Les Rentiers – fin des années 1910
Huile sur toile, 44,5 x 34,3 cm
Sheffield Museums
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Ces Rentiers
n’ont pas l’air particulièrement aisés mais ils bénéficient d’une place au
soleil tandis qu’une jeune femme les regarde, immobile et dans l’ombre. Il n’en
faut pas davantage pour élaborer une théorie que j’ai lue, selon laquelle ce
tableau exprime la relation complexe entre l’art, les femmes et la vie moderne.
Pourquoi pas…
Mais
cette autre toile, peinte plus tardivement en Angleterre, fonctionne un peu selon
le même principe. Si c’est elle-même qu’elle représente de dos, observant le
marché, quelle est la signification de ce positionnement ? Sylvia est surtout celle qui regarde, sans se montrer. La petite gravure que j'ai placée en exergue est le seul autoportrait que j'ai trouvé.
Market Day at Branstone – sans date
Huile sur toile, 52 x 35 cm
Collection particulière (vente 2019)
Au
cours des années 20, elle réalise de nombreuses scènes françaises, souvent à
Dieppe ou dans ses environs.
Dieppe, France – vers 1919
Huile sur toile, 56 x 45,5 cm
Hastings Museum & Art Gallery
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Mais
si on se fie à sa « touche brisée », il semblerait bien qu’elle soit
allée aussi au sud de la France dans les années 10 :
Rochefort du Gard, France – sans date
Huile sur toile, 59 x 43 cm
Hastings Museum & Art Gallery, Hastings
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Dans
les années 20, elle paraît revenir à une palette plus proche de celle de
Sickert.
Dieppe, Moule-frites – sans date
Huile sur toile, 60 x 47 cm
Bristol Museum & Art Gallery, Bristol
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
La place Saint-Jacques – vers 1920
Huile sur toile, 46 x 51 cm
Victoria Art Gallery, Bath
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Château de Dieppe – vers 1925
Huile sur toile, 89,5 x 69 cm
The Box, Plymouth
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
On
commence à parler de Sylvia dans la presse française… à l’occasion d’un long article
sur Sickert : « Miss Sylvia Gosse,
la fille d'Edmond Gosse, et la géniale Miss Lesort, deux disciples fameuses de
Sickert, mais aussi personnelles que si elles ne l'admiraient pas. »
(Jacques-Emile Blanche, « La semaine artistique », Comœdia, 15
décembre 1920, p.2)
Indice
de son succès, le gouvernement britannique lui achète plusieurs toiles :
Regent's Park - The Endeavour & the Enterprise – vers 1925
Huile sur toile, 51 x 76,5 cm
British Goverment Art Collection, Londres
Regent’s Park : The Jolly Roger in the Home Water – vers 1925
Huile sur toile, 51 x 76,5 cm
British Goverment Art Collection, Londres
A
Paris, Sylvia participe à une « Excellente exposition, présentée avec le
goût habituel du Musée des Arts décoratifs. (…) Copley, Laura Knight et Sylvia Gosse ne manquent certes pas de
talent. Mais les deux maîtres sont Augustus John et Sickert, dont le Théâtre
et l’Ennui sont de vrais chefs-d’œuvre. Nous retrouvons, parmi les
lithographies, à peu près les même noms : de nouveau Sickert, Copley, Sylvia
Gosse. » (François Fosca, « Chronique des expositions – Gravure
anglaise moderne », L’Amour de l’art, Janvier 1928, p.34)
Envermeu - 1927
Taille-douce, 29,8 x 16,8 cm
Ashmolean Museum, Oxford
Sylvia
commence à pratiquer, comme Sickert, la peinture d’après photographie.
C’est
ainsi que le portrait de son mentor a été réalisé d’après un cliché
pris en 1923, dans le studio d’un photographe professionnel.
Walter Richard Sickert -1923/1925
Huile sur toile, 50,8 x 30,5 cm
Tate Britain, Londres
Pour
se représenter lui-même dans la rue, Sickert utilisera dix ans plus tard une
photographie publiée avec un article de The Star, relatant sa démission
de la Royal Academy en 1935.
Walter Richard Sickert (1860-1942)
Self-Portrait in Grisaille – 1935
Huile sur toile, 68,6 x 25,4 cm
National Portrait Gallery, Londres
Pour son tableau célèbre, Foule de Madrid, Sylvia travaille en atelier d’après une photographie prise pendant une manifestation. Une
peinture-instantané, floue, comme rapidement saisie depuis le centre de la
foule, vraiment moderne.
Madrid Crowd – 1931
Huile sur toile, 61 x 51 cm
University of Hull Collection
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Et
on dirait bien que cette sortie des arènes de Madrid a bénéficié de la même technique…
Outside the Bullring, Madrid – sans date
Huile sur toile, 61,5 x 45,7 cm
Collection particulière (vente 2013)
…
et peut-être aussi cette Bretonne…
Breton Woman – sans date
Huile sur toile, 61 x 48,5 cm
Wolverhampton Art Gallery, Wolverhampton
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
… et certainement cette Accolade (titre donné en français) au milieu d’un groupe.
L’Accolade – vers 1936
Huile sur toile, 43,7 x 46,5 cm
Calderdale Metropolitan Borough Council, Calderdale
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Comme,
enfin, ces chasseurs à courre, devant la porte du manoir d’Hibouville (1635) à
Envermeu, qu’elle avait déjà peinte quelques années plus tôt.
Huntsmen before the Gates of Hibouville – années 1930
Huile sur toile, 53,5 x 66 cm
Rugby Art Gallery & Museum, Rugby
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Gate at Hibouville – 1922
Huile sur toile, 31,5 x 38,5 cm
Collection particulière (vente 2018)
En
1926, Sylvia est élue membre de la « Royal Society of Painter-Etchers and
Engravers » et recommence à exposer à la Royal Academy en 1929, avec une
huile intitulée Yellow Orchids.
Elle
y reviendra presque chaque année, ce qui permet de dater certaines de ses
toiles, comme ce Vendeur de trompettes d’Envermeu, qu’elle expose en
1932…
The Trempet-vendor of Envermeu – vers 1932
Huile sur toile, 60,2 x 29,7 cm
Leamington Spa Art Gallery & Museum, Leamington Spa
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
…
et qu’on dirait peint le même jour que cette échoppe de paniers, balais et
filets de pêche…
Dieppe, place Nationale – années 30
Huile sur toile, 71,4 x 30,5 cm
Laign Art Gallery, Newcastle Upon Tyne
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
…
et cette harpiste :
The Harpist – sans date
Huile sur toile, 106,8 x 45 cm
Worthing Museum & Art Gallery, Worthing
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Toujours ses cadrages inattendus, un peu décalés, peut-être
photographiés ou rapidement croqués pour être travaillés ensuite en atelier. Elle-même appelle ses croquis des « instantanés ».
Grande pâtisserie, place Nationale, Dieppe – 1930
Huile sur toile, 42 x 57,5 cm
The Towner, Eastbourne
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
En 1933, Sylvia
expose à la Royal Academy un Danseur noir qu’elle a saisi comme
si elle se trouvait au milieu du public.
Dancing Negro – 1933
Huile sur toile, 110,9 x 62,2 cm
Sheffield Museums
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
En 1934, elle montre une Rue Pequet, Dieppe, que je n’ai pas retrouvée, vous
aurez donc La rue Cousine en lot de consolation…
La rue Cousine, Dieppe, France – vers 1930
Huile sur toile, 59 x 49 cm
Brighton & Hove Museums
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
… et cette scène de rue où l'on voit encore une femme active, vêtue d'une blouse.
Street Scene, Dieppe – sans date
Huile sur toile,55,6 x 46 cm
Southampton City Art Gallery
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Au milieu des années 30, alors que Sylvia a
été élue membre de la Royal Society of British Artists, on voit
apparaître, dans le catalogue 1936 de la Royal Academy, le portrait du secrétaire
d’Etat du Vatican, le cardinal
Pacelli, futur Pie XII. A l’époque, il revenait d’un long périple privé aux
Etats-Unis, je me demande comment Sylvia a bien pu le rencontrer. Encore
une photographie ? Impossible à savoir, je n'ai pas retrouvé le cardinal.
Ceci
m’amène aux portraits exécutés par Sylvia. Je ne sais pas s’ils sont nombreux,
je n’en ai trouvé que quatre mais ils soulignent sa
capacité à saisir la psychologie de ses modèles. Le petit air bravache de cette
jeune femme se peignant…
Portrait de femme – sans date
Huile sur toile, 50,5 x 40,5 cm
Collection particulière (vente 2013)
…
l’air inquiet et vaguement revêche de cette dame engoncée dans son écharpe
bleue…
The Blue Muffler – sans date
Huile sur toile, 51 x 40,5 cm
Collection particulière (vente 2018)
…
et peut-être la même dame, dérangée dans sa lecture et dont l’activité cérébrale paraît si intense qu'elle illumine le miroir placé derrière son chapeau…
Mrs. Alexandra Russel – sans date
Huile sur toile, 60 x 50 cm
Collection particulière (vente 2021)
… l’œil complice et presque affectueux du leader travailliste et militant pour le vote des femmes, Georges
Lansbury (1859-1940), au soir de sa vie…
Georges Lansbury - 1939
Huile sur toile, 52,1 x 34,3 cm
National Portrait Gallery, Londres
Et enfin ce pêcheur concentré, qui n'est pas tout à fait un portrait, est interprété en deux versions, peinte et gravée.
A gauche : The Angler – vers 1933
Gravure, 30,3 x 12,6 cm
Ashmolean Museum, Oxford
A droite : The Fisherman – sans date
Huile sur toile, 76,2 x 44,4 cm
Leeds Museums & Galleries, Leeds
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Par
bribes, on apprend que Sylvia, dans les années 1930, continue à veiller sur
Sickert (je ne sais pas d’où sort cette « Tak Gallery »… peut-être la Tate telle
que l’entend un Français ?) : « Les milieux artistiques de Londres
sont en émoi : Le directeur de la Tak Gallery a refusé dernièrement un tableau
du roi George peint par Richard Sickert, membre de l'Académie royale. "Ce
tableau, dit le directeur, est certainement le meilleur et le plus vivant des
portraits des personnes royales, mais il ne peut figurer dans la Tak
Gallery". Le portrait fut alors acheté par miss Sylvia Gosse qui l'offrit à la ville de
Glasgow mais le don ne fut pas accepté… Que signifie cette étrange mise à
l'index ? Le fait est que le roi est représenté sur cette toile en costume
négligé et dans une attitude familière, en train de bavarder avec son
palefrenier. Ce n'est plus du tout le souverain qu'on propose à l'admiration du
peuple sur les timbres-poste et sur les monnaies : un personnage impassible,
majestueux et serein. C'est un brave homme qui a oublié un instant qu'il est
roi et qui rit de toutes ses dents. Mais précisément le peuple doit ignorer que
son souverain n'est qu'un homme. L'habit ne fait pas le moine, dit le proverbe.
Peut-être, mais… l’habit fait le roi ! » (Anonyme, « Un
portrait indésirable du roi d'Angleterre », L’Œuvre, 20 janvier 1933,
p.3)
Hélas,
je n’ai pas retrouvé le portrait scandaleux… mais je sais que dans ces mêmes
années, Sylvia a participé à la création du fonds Sickert, destiné à le soutenir
dans ses vieux jours. Et elle l’accompagne lorsqu’il s’installe à Bath Hampton en 1938, pour veiller sur lui.
En 1941, Sylvia expose un Château de Dieppe à la Royal Academy. Ce n’est pas l'un des deux ci-dessous, acquis par des musées dans les années 1930. Elle l'a peint si souvent, ce château de Dieppe…
The Castel, Dieppe, France – avant 1930
Huile sur toile, 76,4 x 64 cm
Atkinson Art Gallery Collection
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Dieppe – avant 1933
Huile sur toile, 59,5 x 49,5 cm
Gallery Oldham
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
La dernière apparition de Sylvia à la Royal Academy aura lieu en 1948, avec la basilique San Simeone.
San Simeone, Venise – sans date
Huile sur toile, 71,6 x 56,5 cm
Collection particulière (vente 2013)
Sylvia
continue à s’occuper fidèlement de Sickert jusqu’à la mort de celui-ci, en
1942. Ensuite, elle s’installe dans une petite maison près de Hastings, avec
son amie, Kathleen Fisher. Elles voyagent un peu et Sylvia peint, en solitaire.
From the Garden, Morning, Dieppe – sans date
Huile sur toile, 55,8 x 45,8 cm
Southampton City Art Gallery, Southampton
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Fountain, Saule – 1951
Huile sur toile, 65,4 x 51,3 cm
Southampton City Art Gallery, Southampton
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Sa
carrière se termine au début des années 1960, quand elle est atteinte de semi cécité.
Sylvia
Gosse est morte le 6 juin 1968.
*
Comme
on s’en doute, elle est rapidement tombée dans l’oubli et il semble bien qu’elle s’y
trouve encore largement, même en Angleterre.
En
1975, son amie Kathleen Fisher a publié un livre de souvenir intitulé « Conversations
with Sylvia », impossible à trouver aujourd'hui sauf dans les bibliothèques anglaises.
En mai-juillet 1978, le Hastings Museum and Art Gallery a présenté « Sylvia
Gosse Painter and Etcher 1881-1968 ».
Et puis plus rien jusqu'à ce que la Tate Britain installe son Infirmière et son Imprimeuse dans une exposition intitulée « Now You See Us, Women Artists in Britain », où
elle partage l’affiche avec Artemisia Gentileschi, Angelica Kauffmann, Mary Beale, Elisabeth Butler et
Laura Knight, excusez du peu ! (L'exposition se termine en octobre 2024)
Il était quand même plus que temps, s'agissant d'une artiste dont les collections publiques britanniques conservent plus d’une
cinquantaine d’œuvres, sans compter ses très nombreuses gravures.
Mais l'attitude du British Museum souligne le problème : aujourd'hui encore, Sylvia reste dans l’ombre de Sickert. Elle
n’était pas la seule : il s’était constitué un groupe de disciples
fidèles, en particulier des jeunes femmes, qui non seulement suivaient son enseignement mais participaient également au réseau de soutien à cet artiste talentueux mais bizarre, dominateur, souvent exigeant, mais néanmoins
charmant. Charmant mais pour le moins désinvolte : il n’a même pas pris la peine de peindre un portrait
de son amie !
Et
voici pour respecter la règle, trois petites natures mortes. Non, ce ne sont pas ses meilleures toiles…
Lilies and Fruit – 1925/1935
Huile sur toile, 61,4 x 51 cm
Walker Art Gallery, Liverpool
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
Kitchen Still Life – sans date
Huile sur toile, 45,8 x 30,6 cm
Collection particulière (vente 2013)
Lilies and Fruits – 1933
Huile sur toile, 61,2 x 51 cm
Manchester Art Gallery, Manchester
© Photo : The artist’s astate / Bridgeman images
*
N.B : Pour voir
d’autres notices de ce blog, si elles n’apparaissent pas sur la droite, vous
pouvez cliquer sur « Afficher la version Web » en bas de cette page.
Et si vous souhaitez laisser
un commentaire, c’est aussi en bas de page !